MARTIENS, GO HOME!

   Le téléphone sortit le président Macron de son sommeil à cinq heures douze. 

Après s’être confondu en excuses, le ministre de l’Intérieur balbutia qu’un nouveau problème avait surgi une demi-heure auparavant.

  « Non, Gérald, je ne peux le croire ! C’est qui maintenant que vos sbires ont démoli ? Un Arabe, un Noir, un Jaune, un Rouge peut-être ?

– Non, non. Juste un vert.   

– Quoi ? Ils se sont lâchés sur un écolo ? Un militant, un député ? 

– Non, non. Rassurez-vous. A cette heure, les écolos dorment dans leur yourte.

– Ou à l’Assemblée nationale, c’est vrai. Continuez

– Un engin s’est posé devant l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière vers quatre heures du matin. Les forces de l’ordre l’ont pris naturellement pour un drone.

– Et alors ? 

– En sont sortis trois petits hommes verts qui se sont dirigés vers l’entrée des urgences. 

– Quel est le problème, Gérald ? 

– Ils étaient sans masques, monsieur le Président ! Mes hommes ont tenté évidemment de s’interposer…

– Saperlipopette ! Ces crétins ne se sont pas aperçus que ces hommes portaient tout simplement un masque vert… Des chirurgiens, peut-être ? gémit Macron désespéré. Tout de même, vos flics n’en sont pas à confondre un masque vert avec un gilet jaune, si ?

– Ils ont commencé par leur demander respectueusement…

– Répétez-moi ça ? 

– Je vous le jure ! J’ai l’enregistrement ! 

– Et voilà, il y a toujours quelqu’un pour filmer ça…  

– Ils se prétendaient chargés d’apporter un remède infaillible aux malades de la Covid. Ils tenaient d’ailleurs des espèces de récipients transparents et mous entre leurs longues pattes. 

– Chargés par qui ? Par le professeur Raoult, je suppose ? soupira le président. 

– Non. Par le Ministre de la Santé du Grand Conseil Galactique. Ses services ont repéré la terrible pandémie qui frappe notre planète et il a envoyé une délégation d’extra-terrestres pour fournir le médicament qui avait été expérimenté avec succès contre ce virus sur l’une des exo-planète Trappist. 

   Macron se tordit les mains.

– Ne prendriez-vous pas quelques jours de vacances, Gérald ? Sur Mars par exemple, au bord d’un des canaux. Il paraît que c’est très reposant…   

– Les gardiens de la paix ont dû utiliser leurs teasers. Sans aucun effet. Ils ont donc dû passer à la bonne vieille matraque…

– Bref, ces pauvres plaisantins sont été réduits en charpie. A partir de quelle heure, serons-nous traînés dans la boue sur les réseaux sociaux? 

– Les récipients ont été brisés mais pas les trois hommes qui sont repartis en emportant avec eux le premier ministre afin de lui prouver l’efficacité de leurs traitements. 

– Castex sur Trappist ? Bon, la matinée ne commence pas trop mal tout compte fait…

Ps : le titre est un clin d’œil au plus hilarant auteur de science-fiction, Fredric Brown.

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DES VERTES ET DES PAS MÛRES

Il était sans doute naïf le ministre Alain Maron, l’autre soir qui croyait frapper un beau coup  en annonçant que la Région bruxelloise allait acheter des terres agricoles sur le territoire des deux autres régions voisines, pour y installer de braves agriculteurs bio qui apporteraient tous les dimanches leurs beaux produits sur le marché de Boitsfort. 

Mais cette proposition, qui lui a valu beaucoup de quolibets,  est peut-être moins incongrue qu’il n’y paraît. 

D’abord, le Ministre sera à coup sûr plus efficace dans la culture du quinoa que dans le sauvetage des maisons de repos. Pourquoi pas d’ailleurs faire d’une pierre deux coups et envoyer les survivants de ces mouroirs dans les nouveaux kolkhozes de Maron ? Bon air, nourriture saine, que du bonheur. 

Autre avantage de l’opération : elle permet d’augmenter sournoisement le territoire de la Région. En poussant la logique jusqu’au bout, si Bruxelles rachète peu à peu toutes les terres de Wallonie et de Flandre, c’en sera fini de cette régionalisation dont on a mesuré les pesanteurs et les ratés pendant la pandémie. L’on reconstituera ainsi un seul pays, Super- Bruxelles, faux nez de la Belgique unie. 

En revanche, si l’idée de ce brave Maron est vraiment de remettre les Bruxellois à la culture, la seule, la vraie, pourquoi ne pas transformer la plus grande partie de la capitale en terre agricole ? Réalisant ainsi le vieux projet d’Alphonse Allais qui voulait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur.

Son collègue, Pascal Smet, qui se pavanait jadis en bicyclette pendant que les tunnels de la capitale s’écroulaient derrière lui, est devenu maintenant le chantre des immeubles-tours. Il aurait convaincu Rudi Vervoort, le ministre-président, de se laisser tenter par ce retour à une politique qu’on croyait morte et enterrée avec Paul Vanden Boeynants. 

Ainsi, ce projet d’écraser le Sablon avec un nouvel immeuble tour (celui qui a remplacé la Maison du Peuple et défiguré ce coin de Bruxelles ne suffisait donc pas ?) à l’endroit même où on avait rêvé un moment de la création d’un musée Cobra. 

Renonçons à ce projet indigeste et mettons un kolkhoze bio à la place ! Ainsi que sur ces terres abandonnées que sont les terre-pleins de l’avenue Roosevelt. Du bio, du bio ! 

Le projet Maron pourrait servir aussi à changer radicalement l’image de certaines communes de la Région. En rasant la moitié de Molenbeek, on pourrait partager la commune en deux, Molenbeek-les-Bains, le long du canal, et Molenbeek-les-champs au-delà. La commune deviendrait ainsi un exemple dans le monde de réhabilitation ecolo-urbaine. 

Comme le disait La Fontaine dans « Le laboureur et ses enfants », Travaillez, Prenez de la peine :/ C’est le fonds qui manque le moins…  

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DESSINE-MOI UN VACCIN

  Avant l’arrivée du joyeux monde de demain, qui viendra, promis, juré, comme jadis on nous promettait le grand soir, ça grouille et ça touille dans le monde d’aujourd’hui. 

Faut croire qu’on s’emmerde vraiment dans les chaumières pour passer son temps à regarder des fake news ou des documentaires bidon qui racontent sans rire les fourberies et les machinations de quelques super-puissants de ce monde. Des milliardaires obsédés par l’argent et le pouvoir, dont Bill Gates et les Rockefeller, version actuelle de la clique des « ploutocrates », le fantasme utilisé jadis par les nazis pour justifier quelques-uns de leurs crimes. Savez-vous que ces monstres froids formeraient le projet secret de soumettre ou d’éliminer les pauvres bougres que nous sommes en se servant du futur vaccin? 

Et qu’ils vont mélanger des substances terrifiantes aux vaccins contre le corona, des puces électroniques et toute sorte d’autres gadgets ? Façon de prendre possession de nos cerveaux, de nous transformer en robots ou de nous effacer. 

Bonne chance pour les campagnes de vaccination ! Ce sera vraiment facile de convaincre les gens de se faire immuniser s’ils sont envoutés par ce genre de balivernes…

Mais ce discours complotiste peut aussi donner des idées pour attirer les plus crédules et les convaincre de se faire immuniser. Si l’on oublie les énigmatiques nanoparticules sensibles à la 5 G et autres piments dans le bouillon, dénoncés par les complotistes, ce n’est peut-être pas une si mauvaise idée de mêler aux vaccins qui vont nous être inoculés quelques éléments séduisants, excitants, en tout cas de nature à donner envie de se précipiter dans les centres de vaccination. 

Ce qui rappelle cette chanson de Charles Trenet « Une noix ». Dans laquelle il révélait le monde extraordinaire qui se cache à l’intérieur d’une bête noix pour peu qu’on se penche dessus.    

Qu’y a-t-il à l’intérieur d’une noix? / Qu’est-ce qu’on y voit? / Quand elle est fermée / On y voit mille soleils/ Tous à tes yeux bleus pareils/ On y voit briller la mer/ Et dans l’espace d’un éclair/ Un voilier noir/ Qui chavire …

Chacun pourra glisser dans le vaccin ce qu’il attend de l’avenir, à choisir à la carte comme les pizzas. Je devine qui parmi mes amis commandera une pincée de quelque substance hallucinogène pour faire passer le virus. Ou du viagra pour associer santé et amour. De la poudre de perlimpinpin pour satisfaire tous les rêves secrets. 

Si le contre-poison est découvert entretemps, on pourrait aussi ajouter une dose de remède contre le trumpisme, le racisme et le machisme. Et un solide calmant pour éliminer les terroristes en herbe. 

Imaginez ce qui vous plaît. Mais faites vite. On a tant envie de se revoir, de s’embrasser et de s’aimer !   

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DANS LES BAGAGES DE KAMALA

     Elles sont enfin là, les femmes noires américaines, sous les spots et au premier rang. L’arrivée de Kamala Harris à la Maison Blanche met en lumière toutes ces femmes qui ont, parfois de façon souterraine, façonné la culture des Etats-Unis. Fabriqué l’âme de ce pays énervant et fascinant, excitant et décourageant, parfois raciste et toujours cosmopolite. Une culture qui a imprégné le reste de la planète. Nous d’abord. Car notre imaginaire serait complètement différent sans la littérature, le cinéma, la musique américaines. 

   La musique, c’est-à-dire le jazz, évidemment. Une musique créée et développée par les minorités, pas seulement les Noirs. Mais ce sont eux qui ont régné, développé, magnifié le genre. Eux ? Et elles ! C’est la musique qui a fait sortir de l’ombre les femmes noires. Car femme et noire, c’était (cela reste) la double peine –aux Etats-Unis autant que chez nous.

Le jazz a permis à quelques étoiles brillantes de sortir de leurs quartiers, d’arpenter les plus grandes scènes, même si en coulisses, elles ont dû batailler toute leur vie, alors qu’elles étaient au sommet de la gloire, avec les discriminations, hôtels, restaus, quartier, bus, interdits d’entrée aux Noirs (si bien racontées dans le film Green Book de Peter Farrely).

Pianistes de génie (Marie Lou Williams), trompettistes à vous secouer l’âme (Valaida Snow), elles sont aussi les plus grandes chanteuses du vingtième siècle (Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billie Holiday, Nina Simone, Aretha Franklin et celles qui ont suivi, stars de la soul, de la pop).

   Être femme noire et s’imposer aussi en littérature, il fallait être une solide battante, une vraie championne de catch. Toni Morrison, prix Pulitzer puis Nobel de Littérature au nez et à la barbe de quelques vieux Blancs. Fille d’une femme de ménage et d’un soudeur, petite-fille de métayers, qui avaient fui l’Alabama (un état qui a voté Trump à 62 %) pour se réfugier en Ohio (qui a voté Trump à 53 %). 

Symbole de la mondialisation, Chimamanda Ngozi Adichie partage sa vie et sa carrière entre Lagos et Washington. Son roman « Americanah » est un portrait ravageur, caustique et enlevé, de la condition noire actuelle aux Etats-Unis. « En débarquant de l’avion à Lagos », écrit son héroïne de retour d’Amérique, « j’avais l’impression d’avoir cessé d’être noire ». 

   Vous voulez encore des citations ? De Toni Morrison : « C’est ça, l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je te parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde. »

Et de Kamala Harris : «  Je pense juste qu’il est important de ne pas se prendre trop au sérieux. »

   Une vraie profession de foi pour une femme de couleur qui accède au sommet de la première puissance du monde. Quelques mecs devraient en prendre de la graine…

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REMEDE A L’INCERTITUDE

 Regardez les exploits de l’industrie spatiale. Des sondes vers Jupiter qui tournent autour de ses satellites pour chercher des traces de vie, une autre jusqu’à Pluton, aux confins du système solaire. Des robots posés en douceur sur des astéroïdes. Les scientifiques ont aussi découvert que la matière noire et l’énergie sombre occupent 95 % de l’univers. Ce qui me fait penser à profiter du soleil avant qu’une nuit définitive ne nous tombe dessus…

En quelques années, la technologie a donné accès à plus de connaissances que pendant les deux cent mille premières années de l’homo sapiens. 

Mais, paradoxalement, plus les appareils sont sophistiqués et les découvertes scientifiques bouleversantes, plus l’homme se trouve plongé en plein désarroi. C’était si simple de comprendre les lois de la physique à l’époque de Newton : il suffisait de s’asseoir sous un arbre en attendant de recevoir une pomme sur la tête. De lire la Bible ou le Coran pour avoir une explication rassurante de notre présence dans l’univers. 

Maintenant, plus on accède à des découvertes, moins on les comprend. Et on a peur. La multiplication des ouragans et des inondations est-elle une conséquence du dérèglement climatique ? La pandémie du coronavirus le résultat d’une manipulation malheureuse de virus en laboratoire ? Et comment reste-t-on aussi désarmé face à un bête virus alors qu’on peut envoyer des engins au fond de l’univers, qu’on est capable de décoder les premières minutes qui ont suivi le Big Bang ?  

Dans ce monde de plus en plus instable et incompréhensible, beaucoup ont besoin désespérément d’entendre des raisonnements élémentaires. Des fake news tellement plus crédibles que les vraies. Des théories complotistes qui rendent les événements troublants si faciles à analyser. L’homme n’a jamais réussi à débarquer sur la lune, c’est Hollywood qui a fabriqué les images. Le World Trade Center ne s’est pas effondré. L’événement a eu lieu dans une autre dimension. Les terroristes n’existent pas. C’est une invention des communistes. Hitler est toujours vivant. Il attend son heure. 

  La ferveur de tant d’électeurs pour garder Trump à la Maison Blanche s’explique aussi par l’angoisse devant l’incertitude. 

  Bien sûr, sa gestion de la pandémie est à l’image de ses discours, grotesques, brouillons, mensongers. C’est justement là d’où il tire sa force. Quel avenir avec Biden ? Des années de grisaille, de crise et une gestion ennuyeuse des affaires. 

Les électeurs de Trump savent que le virus ne sera pas vaincu. Mais ils s’en fichent. Avec sa baguette magique, Mister America First offre l’illusion, pas la réalité. Et c’est ce que veulent ses partisans, des lendemains aussi brillants qu’un cabriolet Mustang 1968 tout neuf aux jantes chromées fonçant sur la US Route 66 en direction de Santa Monica. 

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COMBIEN DE GOUVERNEMENTS Y A-T-IL DANS L’AVION ?

  On s’en était douté, Alexandre De Croo n’a pas fait long feu quand il a tenté de faire gérer la crise de la Covid par son gouvernement fédéral. Les caméras à peine éteintes après sa conférence de presse, le président de la région wallonne s’est empressé de tirer la couverture à lui sur le modèle Macronien « fiers Wallons, nous sommes en guerre !» 

Puis le président bruxellois (rappelez-moi le nom de ce type avec un bout de moustache dont on ne sait pas très bien à quoi il sert ?) qui a offert un numéro rappelant les meilleures heures du cabaret bruxellois, l’époque bénie de Bossemans et Coppenolle, se trompant dans les dates, mélangeant mesures obligatoires et recommandées, avant de se bagarrer avec des micros mal branchés. Hilarant ! Ca faisait du bien en cette période déprimante. Rudi, remettez-nous ça ! Côté spectacle, il n’y a plus que vous depuis que vous avez fermé théâtres et cinémas (qu’on croyait naïvement de la compétence de la Communauté française, comme les écoles, pourtant fermées dans certaines villes par les maïeurs). 

Vint enfin le gouvernement flamand. Obligé d’avaler son chapeau, lui qui affirmait que la Covid chinoise, réfugiée en Belgique, ne parlait que le français. Après avoir cru Jambon, les Flamands ont dû constater qu’il était cuit… 

  Dépouillé de ses compétences en matière de virus, d’écoles, d’ouverture des commerces, de couvre-feu, que reste-t-il encore au nouveau gouvernement, l’armée étant sur le flanc et la justice bientôt mise en sommeil ? 

  Reste les affaires étrangères. Or, voilà que la ministre en charge est à l’hôpital. On lui souhaite un rapide rétablissement. Mais on comprend qu’elle hésite à revenir. 

Pourtant, il n’y a plus qu’elle qui soit capable de faire respirer ce pauvre attelage fédéral. Et, il y a du pain sur la planche. Faisant semblant de maudire les Français, le Grand Mamamouchi clame que la Vache qui Rit n’entrera plus sur son territoire. Le gouvernement belge va-t-il aider nos amis français ? Encore raté : l’agriculture est une compétence régionale.   

La ministre des Affaires étrangères doit aussi trouver le moyen de se faire entendre dans le concert de louanges qui accueillera le nouveau président américain. On pourra toujours lui envoyer nos ministres-présidents pour l’aider à combattre la pandémie alors que l’administration Trump a peu à peu laissé éteindre les cinquante étoiles.

On peut également compter sur notre expertise pour conseiller Arméniens et Azéris à organiser le Haut-Karabagh sur le modèle de la Commission communautaire de Bruxelles-Capitale. Le temps que leurs dirigeants comprennent comment ça fonctionne, la population locale sera en paix pendant quelques années… 

  Non, amis fédéraux, ne perdez pas votre temps avec ce bête virus qui ne vous a rien fait. Alors qu’on vous attend sur le théâtre du monde…  

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FIAT LUX !

   Cette semaine, la lumière qui éblouit nous vient de Wallonie. Il suffit de deux hommes modestes, résolus et talentueux pour changer la donne. Cette région vouée aux gémonies resplendit grâce aux frères Dardenne, fêtés le week-end dernier à Lyon. 

Faire des films, une occupation futile ? Peut-être. Mais « Rosetta », cette jeune chômeuse sans futur a porté la Belgique au sommet, dans le monde entier. 

  Dans notre petit pays il s’en est trouvé pour faire la fine bouche devant leurs Palmes d’Or et autres récompenses prestigieuses. Comme le relevait Philippe Geluck : « Il y a un proverbe bruxellois qui dit que le clou qui dépasse appelle le marteau ». Chez nous, on se méfie du sommet des vagues alors qu’ailleurs, le clou qui dépasse, c’est un diamant. 

   Dans la plupart des pays du monde, tout repose sur un homme, une femme, une idée, une image. En Belgique, Modeste n’existe pas sans Pompon. Les choses essentielles ne fonctionnent que par deux.

  Tintin et Milou, Dupond et Dupont, Bossemans et Coppenolle, Spirou et Fantasio, René et Georgette Magritte, les frères van Eyck, Delhaize Le Lion et Adolphe Delhaize, la Stella et la Maes. Le Standard et Anderlecht. Même quand on est seul, il faut faire croire qu’on est deux, ce qui explique la réussite d’Albert Frère. 

   En politique, l’équilibre du pays repose aussi sur le modèle duo, flamands-francophones, parité des ministres, doublement des familles politiques. Même les nationalistes flamands sont obligés d’aller par deux, le V.B. et la N-VA. Et, pour les vacances, on va à la mer ou dans les Ardennes. 

Quoi d’étonnant alors que notre plus fameux réalisateur de cinéma soit double ?  Luc et Jean-Pierre Dardenne, deux fois Palme d’Or, viennent d’être récompensés par le Prix Lumière pour l’ensemble de leur œuvre. 

Curieux paradoxe. Les « héros » ou « héroïnes » des deux frères sont des solitaires. Des jeunes femmes ou garçons luttant seuls, désespérément, contre le destin (Igor dans « La Promesse », Rosetta, Lorna, le jeune Ahmed ou Jenny, la femme médecin, rongé par le remords dans « La Fille Inconnue », mon préféré). 

L’homme seul apparaît comme une constante dès leur entrée dans la fiction. Falsch (dans le film qui porte ce nom et leur unique adaptation littéraire) est le seul survivant d’une famille décimée par la seconde guerre mondiale.

L’explication est-elle dans cette citation d’Ernest Bloch (dans leur documentaire « Pour que la guerre s’achève ») : « Ce sont des isolés qui commencèrent à protester » ? 

   Ce prix remet les pendules à l’heure, l’heure aux claquettes. Il rappelle dans cette période sombre que le cinéma, c’est la lumière, le rêve, la promesse d’un futur enchanté. Et un avertissement aux politiques : en cette période de perdition, rien de plus important que la culture.     

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SUPERMAN 19

  Au milieu du tohu-bohu dans lequel nous entraîne à nouveau la vilaine bêbête 19, une lueur d’espoir permet de ne pas verser dans le stress et la désespérance comme tant de gens autour de nous. Ce halo d’optimisme s’appelle Donald Trump. 

  Les détestables experts qui gèrent nos vies depuis quelques mois ne parlent que des effets négatifs de la Covid, de la mort. Jamais de ses effets positifs. Or, le passage de la bêbête sur Trump montre que ces experts nous cachent le meilleur. 

  Madame Covid, dix-neuvième du nom, est capable de transformer un vieillard épuisé, qui a des difficultés respiratoires – et plus toute sa tête- en Superman. 

  Depuis son passage par l’hôpital, on ne reconnaît plus le candidat républicain à l’élection présidentielle. Mister America pète les flammes, vole au-dessus de la foule dans sa grande cape bleue, fait plus de cabrioles verbales que jamais et promet d’embrasser tous les « guys and beautiful women ». Il a rajeuni de vingt ans. 

Dommage que Trump n’a pas couru le Tour de France. Lui n’aurait pas laissé d’improbables Syldaves prendre la Grande Boucle en otage au nez et à la barbe de nos vaillants p’tits gars. 

  Ce qui fait dire à quelques mauvaises langues que si le peloton des favoris s’est montré si amorphe, c’est que Trump avait fait dérober par ses services secrets toutes les réserves de pot belge, comme il promet de le faire des vaccins contre le coronavirus. 

  La seule différence entre Trump et les autres super-héros, c’est qu’il est le seul à laisser tomber le masque. C’est même ainsi qu’on le reconnaît. Car pour le reste, il affiche les mêmes super-pouvoirs que Batman et les autres et il compte bien donner à Joe Biden le baiser mortel de la Femme-Araignée. 

  Pendant ce temps, les cimetières américains ont accueilli plus de deux cent mille morts du coronavirus. So what ? La guerre de Sécession en a laissé plus de sept cent cinquante mille sur le carreau. Elle n’a pas empêché l’économie américaine de repartir aussitôt et de plus belle. On n’est donc pas étonné d’avoir entenduTrump, dès le mois d’avril, promettre à Wall Street le retour du business as usual. A Pâques. Puis pour l’Independance Day, puis pour le Labor Day. Maintenant, ce sera pour Noël. Mais, à condition, qu’il soit élu. Car avec le président Biden, c’est sûr, ce sera moins drôle. Fini les promesses, les projets délirants, la lune et les étoiles.  

  Certes. Mais une fois la page Trump tournée, on dira, comme Louise Glück (la nouvelle prix Nobel de Littérature) dans un de ses poèmes : « Rien n’a été perdu : tout a été détruit. »

  Et on enfoncera le clou avec Emily Dickinson : « Nulle trace – nulle fiction- de ce qui hier éblouissait » (dans « Car l’adieu c’est la nuit »).

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LES ONZE

   Dans une précédente chronique, j’avais rappelé cette règle hitchcockienne : le film n’est réussi que si le méchant est réussi. C’est pourquoi la présence de G.L. Bouchez annonçait une issue optimiste à la négociation pour la formation du gouvernement. 

  Or, le tournage à peine terminé et le nouveau gouvernement sur tous les écrans, voilà que les dirigeants du MR se piquent de couper les ailes de leur super-star. Que s’imaginent-ils ? Que l’histoire est finie ? La vie d’un gouvernement, c’est une télénovela, un épisode chaque jour, rehaussé chaque fois d’une nouvelle crise de nerfs. N’ont-ils pas compris qu’on a besoin du méchant pour que la série se poursuive avec succès ? 

  Au lieu de quoi, cette bande de frileux a décidé de l’étouffer sous onze coussins. Onze à décider ensemble, ça va être facile ! Avant d’encombrer ainsi la cabine de pilotage, ont-ils pris la précaution de fixer les règles de vote du « groupe commandement » ? L’unanimité ? La majorité qualifiée (mais qui sera plus qualifié que son collègue ?)

Et pourquoi cette fascination pour le chiffre onze ? 

La référence à une équipe de foot ? Mais ils ont oublié de désigner l’arbitre. En cas de bagarre, qui sortira la carte rouge ? 

A moins que les dirigeants du MR aient voulu s’aligner sur le Nouveau Testament ? Les apôtres étaient douze moins le traître, Judas. Mieux valait donc éviter ce chiffre fatal. Même si on n’empêchera pas certaines mauvaises langues de murmurer que, même sans Judas, il risque d’y avoir onze traîtres autour de la table du MR. De plus, il est difficile de comparer G.L. Bouchez à Jésus. Lui qui affiche plutôt le physique de Méphistophélès dans « La Grande Vadrouille ». Le bougre a eu raison de choisir l’image du diable. Car, sur le Chemin de Croix, la onzième station est celle où Jésus est cloué sur la croix…

  En constituant ce G-11, peut-être ont-ils également pensé au Carnaval rhénan, dont 11 est le chiffre magique. Le Carnaval commence le 11/11 à 11 h 11. Un cortège monstre, où l’on se moque de tous les événements politiques du moment et qui met, pendant un jour, les femmes à l’honneur. Elles invitent les hommes à vider une Kölsch (la bière rousse de Cologne), embrassent ceux qui leur plaisent et coupent les cravates de leurs collègues. Allez, Sophie Wilmès ! Allez, Marie-Christine Marghem ! De Cologne à la rue de Naples, il n’y a qu’un pas. 

Après le Jour des Femmes, vient la Semaine des Fous, ce qui promet encore bien du plaisir au pauvre président Bouchez…

 Combien de temps ce G-11 pourra-t-il tenir ? Le gouvernement vient de réduire la bulle à quatre. Le rafistolage du parti commence bien ! Il y en a déjà sept qui sont condamnés à avaler le redoutable « bouillon de onze heures » …

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L’ETAT PERD LA BOULE

     Un peu moins de deux ans après avoir enterré son dernier gouvernement de plein exercice, la Belgique a un nouvel exécutif. Hosanna ! Accouché dans la douleur, le nouveau-né est, d’après les médecins, vivant et viable (mais peut-on leur faire confiance ? Avec la pandémie, n’ont-ils pas la tête ailleurs ?) Restons prudents. Sans le père présumé, caché dans le placard avec son lion favori, gare aux maladies orphelines. Méfions-nous aussi de l’autisme et autres troubles de la communication entre sept parents qui depuis tant de mois refusaient de se parler.  

  L’avortement ? Chut ! Le petit vient de naître. N’allez pas le perturber avec ce genre de choses.

  Que trouve-t-on dans le couffin ? Rien que des beaux jouets : centrales nucléaires (pim, poum, paf !), réforme de ceci et de cela et plein de chèques pour s’acheter les plus beaux emplacements du Monopoly, un hôpital, une belle case prison, un palais de justice flambant neuf. Et le cadeau préféré de nos excellences, une nouvelle réforme de l’état. Waw ! Qu’est-ce qu’on va s’amuser pendant que tombe la pluie sur le plat pays ! 

   Remarquez, la réforme 5G ne va plus être votée en catimini comme par le passé, dans le secret des commissions parlementaires. Elle sera discutée par les académiques, experts, citoyens et qui veut. C’est dire comme ça va être facile de déformer une nouvelle fois cette pauvre Constitution déjà toute couturée. 

  Puisque chaque citoyen peut désormais jouer au législateur, la boîte aux suggestions est ouverte. Je vous en glisse deux. 

 La plus simple, supprimer la Constitution. 

A quoi bon, passer son temps depuis un demi-siècle à raturer, effacer, corriger, saigner, déchirer chaque article tous les cinq ans ? Les Anglais n’ont jamais eu de constitution. Leurs droits sont-ils moins respectés que les nôtres ? Ils ont même régionalisé le royaume sans faire exploser leur loi fondamentale. Une constitution fantôme, ce n’est pas un beau projet ?

Non. Je sens que ça ne vous plaît pas. Les Belges aiment chipoter, triturer, mégotter. D’accord. Alors, pourquoi ne pas limiter le nombre de ministres ? Moins ils seront, plus ils auront de travail et moins ils auront le temps de se manger le nez. Aujourd’hui, personne ne connait le nom de la plupart d’entre eux. Ils sont aussi gris et dispersés que leurs ministères. Pour redonner du lustre à la fonction, je propose de les loger tous ensemble, dans un seul lieu, l’Atomium. Neuf boules, neuf ministres, pas un de plus. 

En cas de crise, on bloque l’ascenseur jusqu’à ce qu’elle soit apaisée. Sans eau et sans nourriture, ça ne traînera pas. Ou alors, ils se mangeront entre eux. Ce qui permettra de sérieuses économies, après tout ce qu’on a dépensé pour que le nourrisson accepte d’apparaître.  

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