Ô LANGUE, Ô DESESPOIR …

 Ce n’est pas pour me vanter mais j’ai mal à la langue. Help, docteur ! Y a-t-il un sensitivity reader dans les parages ? Figurez-vous que certains éditeurs payent cette nouvelle race de correcteurs qui pèsent chaque mot des manuscrits qu’ils envisagent d’éditer sur une balance de pharmacien. C’est dire que la maladie s’étend et qu’il faut éviter de faire monter la fièvre. 

 Un exemple parmi mille autres, a été considérée comme « shocking » la publication sous le titre de « Noire » d’une BD dessinée par une auteure blanche (pourtant adaptée du roman du même nom de l’auteure noire canadienne Tania de Montaigne). Certains vont même jusqu’à brûler des livres dans leur croisade pour imposer la pensée pure (la leur), comme cet autodafé au Canada d’albums de Tintin, Astérix ou Lucky Luke (jugé injurieux pour les Indiens…) au cours d’une cérémonie dite de purification.

  On se racrapote sur son petit monde pour en exclure les autres. On se prétend racisé pour fermer la porte à qui ne fait pas partie de sa communauté.  

   Partout, la langue est sous le coup de polémiques de plus en plus vives. Ainsi, le Sénat français vient de voter l’interdiction de l’écriture inclusive, procédé dénoncé par une sénatrice comme une idéologie. Application du dicton « l’enfer est pavé de bonnes intentions », la conséquence de l’écriture inclusive, c’est l’exclusion (du lecteur autant que de la lectrice).   

   Autre monde où la langue est malmenée, les réseaux sociaux. A chaque utilisateur il faudrait rappeler de tourner sept fois son petit doigt sur la touche avant de s’exprimer. Voilà bien un univers dans lequel les sensitivity readers auraient du pain sur la planche. 

 Par exemple en lisant ce qui s’écrit à propos du conflit au Proche-Orient (une expression, vous l’aurez remarqué, qui me permet d’éviter à la fois de faire référence aux horreurs commises par les terroristes du Hamas et les bombardements de civils à Gaza sans compter l’occupation israélienne de la Cisjordanie). 

Or ces précautions sémantiques ont volé en éclats. Depuis le 7 octobre, on ne sait quelle mouche a piqué tant de beaux esprits à vouloir à tout prix s’exprimer sur le sujet sans avoir rien à en dire sinon des vœux pieux ou des stupidités. Dans le genre, les Oscars (très disputés) sont attribués à l’ancien président de la Chambre André Flahaut (comparant Gaza au ghetto de Varsovie, comme en écho au président Poutine qui comparait Gaza à Stalingrad). Ex-aequo avec le boss des Mutualités socialistes Jean-Pascal Labille re-tweetant une caricature abjecte mêlant croix gammée et étoile de David. Pierre Dac le disait déjà : « Il vaut mieux se taire que de ne rien dire ». François Mauriac ajoutant : « Moins les gens ont d’idées à exprimer, plus ils parlent fort ».

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LES MEILLEURS MANQUENT DE TOUTE CONVICTION

  Dans la série de crises barbares que nous traversons, Ukraine-Russie, Israël-Palestine, on constate une inadéquation consternante du discours politique avec la réalité tragique des événements.

  Que Poutine raconte des craques, que les Iraniens mentent comme des arracheurs de dents (pardon à ma délicieuse dentiste !), le monde entier le sait. Mais que les représentants de nos démocraties racontent d’importe quoi face aux ténèbres, voilà qui est affligeant. 

  Yeats écrivait déjà au début du vingtième siècle : « Les meilleurs manquent de toute conviction. Les pires, eux, sont animés d’une intense passion ». (Le grand poète était aussi nationaliste irlandais.)

   Façon aimable de regretter la passivité de nos politiques qui ont fermé les yeux quand Poutine a tranquillement annexé la Crimée, découpé la Géorgie, fait occuper le Donbass, et même laissé abattre un avion de ligne avec 298 personnes à bord. Tout au long de ces années, les Européens faisaient semblant de croire qu’il suffisait d’acheter pétrole et gaz russes et faire des risettes pour que l’ours se tienne coi.  

   Chez nous aussi, on s’est beaucoup tortillé avant de soutenir l’Ukraine autrement qu’avec de bonnes paroles. Au début de la guerre, aux Ukrainiens qui demandaient des armes, notre charmante ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, promettait l’envoi de casques… Quand ils réclamaient des avions, la même refusait de se séparer de nos précieux F16 sous prétexte qu’ils étaient trop vieux. Un an plus tard, elle consent à en envoyer deux, peut-être quatre, dans deux ans. Le temps d’une cure de jouvence ? 

   La crise israélo-palestinienne a aussi entraîné un florilège de bonnes paroles sans aucune initiative concrète, notamment pour dénoncer la montée de la violence du Hamas et sa soif insatiable d’armes. Sans comprendre que cette culture de la haine engendrerait un déchaînement de sauvagerie. 

   Plus consternant encore d’entendre certaines de nos éminences fermer les yeux même après le déroulement des terrifiants actes terroristes commis par ce mouvement. Le PTB trouve la source de cette violence il y a 75 ans autrement dit, il approuve la revendication du Hamas de supprimer purement et simplement l’Etat d’Israël. Tout aussi consternant, les messages de la gauche socialiste, d’abord silencieuse devant les massacres. Puis, s’exprimant à travers une déclaration de la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux, qui a tenté un choquant « équilibre » de condamnations, un coup contre le Hamas, un coup contre Israël. Comme l’a fait la présidente d’Ecolo. Cherche la gauche belge désespérement…

Pendant ce temps, le Comité Nobel, sauvant l’honneur des Européens, a attribué le prix Nobel de la Paix à Narges Mohammadi, qui s’est dressée contre les ayatollahs rassis d’Iran, les commanditaires des abominations du Hamas. 

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AN INNOCENT MAN

   L’autre jour, je suis retombé sur cette chanson de Billy Joël, An Innocent Man, qui doit dater des années quatre-vingt. 

Certaines personnes restent éloignées d’une porte/
s’ils ont une possibilité de l’ouvrir/
Ils entendent une voix dans l’entrée, au dehors/
Et espèrent qu’elle finira par s’éteindre.

  La nostalgie n’est pas recommandée par la faculté – ni par les politiciens. Mais une petite bouffée de temps en temps ne fait pas de mal. Surtout que l’innocence paraît s’être enlisée quelque part sur le chemin qui menait d’hier à aujourd’hui.

   Si on remonte à l’époque où cette chanson faisait fureur dans les juke-boxes (ah ! les juke-boxes !!), l’Union soviétique coulait comme un iceberg en pleine canicule. On pensait que l’effondrement du communisme allait créer un véritable appel d’air, que la nouvelle Russie rejoindrait l’Europe et que les Russes seraient désormais nos copains et plus nos camarades. An Innocent Man était tout prêt d’y croire. 

Surtout que peu de temps après, la Russie signait avec l’Ukraine un Traité d’amitié, de coopération et de partenariat qui reconnaissait l’inviolabilité des frontières et le respect de l’intégrité territoriale des deux pays. Lesquels s’interdisaient de s’envahir l’un l’autre et de se déclarer la guerre (le Traité a été dénoncé par l’Ukraine en 2019 suite aux annexions armées de 2014).

Autre illusion d’An Innocent Man. Un an et demi après la fin de la guerre froide, sont signés les accords d’Oslo. L’image a jauni de la poignée de main des dirigeants israélien et palestinien, I. Rabin et Y. Arafat, en présence du président Clinton. An Innocent Man était persuadé que la raison avait enfin triomphé au Moyen Orient. La paix, deux états. Toutes ces choses absurdes alors que trente ans plus tard, les dirigeants palestiniens ne représentent plus qu’eux-mêmes et qu’on refuse de croire que les nouveaux gouvernants israéliens représentent l’opinion des citoyens de l’état juif. Comment réagir devant pareil gâchis, sinon se mettre la tête dans le sable sur les bords de la mer morte ?

Vous voulez encore une bouffée du temps de Billy Joël ? Tiens, le Congo. Libéré enfin de la dictature de Mobutu, les Congolais allaient enfin jouir de l’indépendance et devenir des citoyens libres, dans un pays riche…  

   Depuis le début balbutiant de ce nouveau siècle, l’Innocent Man a la tête qui tourne. A la fin de sa chanson, Billy Joël dit quelque chose comme : 

 Certaines personnes espèrent en un remède miracle/
D’autres acceptent le monde tel qu’il est./
Mais je n’ai pas l’intention de me laisser abattre/
Parce que je suis un homme innocent./

Une conclusion suivie par quelques notes sobres de guitare alors que les autres instruments se sont tus. 

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LA PLUIE FAIT DES CLAQUETTES

  Jadis, les vieux grognons disaient des jeunes troublions « il leur faudrait une bonne guerre ! » 

  Maintenant, alors que le feu brûle un peu partout sur la planète, on a envie de crier aux excités de tous poils et de toutes religions : « Il leur faudrait une bonne drache ! »

   Au lieu de gémir d’un mois de mai pourri, de terrasses ouvertes aux quatre vents, où il est interdit de se protéger même derrière du plexi, consolez-vous en regardant ce qui se passe dans les régions où le soleil tape dur sur le crâne et où la météo est uniformément bleue, Palestine et Israël, Arabie saoudite et Yémen, Birmanie, Afghanistan, j’en passe et des meilleures destinations exotiques… 

   Et saluez la drache et le vent en songeant qu’il est difficile d’envoyer des missiles sur son voisin quand on est obligé de s’accrocher des deux mains à son parapluie ou courir pour se mettre à l’abri…

   De là à conclure que le réchauffement climatique a aussi un effet néfaste sur les relations entre des états jusqu’ici en paix, il n’y a qu’un pas. Songez aux conséquences politique périlleuses qu’il y aurait pour des nations froides et pluvieuses, donc paisibles, de se transformer en fournaises. Vive la drache ! Voilà un argument supplémentaire qui justifie que l’on se batte pour le climat. Certains écologistes devraient y songer, revenir à leurs fondamentaux et lutter pour la préservation de la planète plutôt que se lancer dans des surenchères électorales et se battre pour que les femmes restent voilées dans les administrations publiques (racontez ça aux femmes iraniennes ou arabes, vous verrez comme ça leur fera plaisir) ou pour faire l’apologie d’organisations terroristes au Proche Orient.

   A ce propos, revenons au ciel… On a l’impression quand il est couvert que les dieux se préoccupent moins de ce qui se passe chez nous quand des voiles épais de nuages leur obscurcissent la vue. Et on s’en réjouit ! 

« Un petit coin de parapluie contre un coin de paradis » chantait jadis Georges Brassens. Aïe ! Cette proposition indécente, me souffle-t-on, n’est plus politiquement correcte… 

Vaux mieux ne pas parler du Proche Orient, ni des relations hommes-femmes. La vie devient difficile pour les chroniqueurs même s’ils ont cru choisir un sujet neutre et de saison, la pluie !  

PS : la pluie est le moment idéal pour plonger dans les livres oubliés de votre bibliothèque rêvée. Question pluie, Graham Greene en connaissait un rayon, lui qui nous entraînait dans des pays tropicaux où la drache est chaude et moite (lire notamment « La Saison des Pluies »). Ajoutez-y « L’inondation » de Zamiatine. Et pour vous sécher, rien ne vaut « L’amour en saison sèche » de Shelby Foote, récemment réédité. 

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SI PAR UNE NUIT D’HIVER UN VOYAGEUR…

 La Belgique vient de se doter d’un satellite espion qui porte le poétique nom de CSO-2. Vous vous demandez à quoi bon dépenser cent millions d’euros pour ce gadget ? Les autorités s’en tiennent obstinément au secret défense. Mais pas moi. La vérité, la voilà, CSO-2 a pour mission de suivre l’itinérance de Donald Trump, une fois qu’il aura quitté la Maison blanche. 

Le gouvernement tient en effet à éviter à tout prix que l’ex atterrisse en Belgique et demande l’asile politique.  

Dans le cas où notre satellitje repère son avion se diriger vers Zaventem, alerte générale. Il sera prié d’aller ailleurs. Riche ou pauvre, peu importe, pas question d’accueillir un immigré sans emploi. 

  D’autres lieux sur la planète se montreront sans doute moins regardants. Corée du Nord, Syrie, Russie. Mais, à quoi bon ? Dans ces lieux de rêve, une nouvelle carrière politique est impossible pour lui. La popularité des dirigeants locaux y est trop grande pour qu’il puisse les remplacer.  

Israël alors ? A l’idée de voir Trump débarquer chez lui, Netanyahou a fait la fine bouche. Connaissant son grand ami, il sait qu’il n’hésitera pas à se présenter comme premier ministre aux prochaines élections. Et qu’il a des grandes chances d’être élu. 

  A la vérité, Trump a du mal à se voir obligé de s’installer hors des Etats-Unis. Son gendre a tenté de lui remonter le moral en lui offrant une pile de livres racontant l’exil de quelques-uns des plus grandes figures de l’Histoire : Adam et Eve n’ont-ils pas été heureux d’être obligés de quitter le Tigre et l’Euphrate, papounet ? 

– Et alors ? Nous aussi, on a été content de foutre le camp d’Iraq…

– Pense aussi à Moïse qui s’est exilé d’Egypte pour s’installer en Israël. 

– Tu oublies qu’il est mort avant d’y mettre le pied.  

– Et que dis-tu de Constanza ? Un lieu de rêve sur la mer Noire, où avait été relégué le plus grand poète latin, Ovide. Aujourd’hui un port roumain. Mais qui a été âprement disputé par tous ses voisins, Russes, Turcs, Bulgares. 

   Trump lève un sourcil. Un vrai baril de dynamite, ce Constanza ? Je pourrais prendre la direction de la ville ? Justement, la place est vacante. Le maire sortant, Razu Madare a été condamné pour corruption et association de malfaiteurs. 

Et puis rependre la région en mains ? Ca m’amuserait de provoquer quelques courts-circuits entre Russes et Turcs. Le lieu me paraît parfait pour ce petit jeu. 

Et, ajoute son gendre, depuis la malheureuse disparition du dernier dirigeant communiste,  Ceausescu, ses titres sont vacants : Génie des Carpates, Danube de la Pensée, Conducator. 

   Ah ! s’écrie Trump, alors je prends ! 

PS : le titre est emprunté à un des plus fantaisistes écrivains italiens, Italo Calvino. 

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AND THE WINNER IS…

  Nous sommes en mesure de vous révéler quelques-uns des prix qui ne seront pas attribués ce samedi soir à la cérémonie des Magritte. 

   Le prix de la plus belle séparation est attribué à Boris Johnson pour son film « Nous ne vieillirons pas ensemble ». Sans doute s’en réjouira-t-il mais qu’il fasse gaffe ! Le cinéma anglais a fait écho à la tentation des Britanniques pour l’éclatement du Royaume-Uni. Dans « Passeport pour Pimlico », ce quartier de Londres déclare son indépendance et son rattachement au duché de Bourgogne. Dans « La Souris qui rugissait », un mini duché au bord de la faillite déclare la guerre aux Etats-Unis (en pariant sur l’habitude des vainqueurs de renflouer les caisses vides du vaincu). 

Le divorce du Royaume de Sa Gracieuse Majesté avec l’Europe continentale pourrait être la première pièce qui s’envole d’un château de cartes. L’annonce d’une implosion du vénérable empire en une multitude de royaumes, comtés ou duchés indépendants. Celui du Sussex est justement disponible à qui veut. A signaler à Bart De Wever qui trouve notre royaume trop grand pour lui. Encore faut-il pour que l’orgueilleux Anversois succède au prince Harry que les autorités du Sussex estiment que Bartje remplit les qualités nécessaires pour être admis à y séjourner. 

 Donald Trump se voit récompensé pour son rôle de décomposition dans « Certains l’aiment chaud ». Son « fantastique » plan de paix entre Israéliens et Palestiniens s’appelait initialement « Noces en Galilée ». Le titre prometteur est rapidement passé à la trappe. Trump a  réussi une fois de plus à jeter des pétards dans des terres déjà ravagées par les incendies. Après l’Ukraine, la Turquie, la Corée, on ne compte plus les conflits où il a emmené la planète au bord du gouffre. Une fois l’apocalypse venue, il restera à envoyer la star diriger « La Guerre des Etoiles ». Reprenant le rôle de Dark Vador, c’est l’univers tout entier qui sera assuré de basculer du côté obscur de la Force. 

  Avec les informateurs royaux, je suis désolé de le reconnaître, on tombe dans une catégorie de films infiniment plus modestes.   

   Le fait que les deux comiques belges soient toujours à l’affiche ne répond pas à la demande des spectateurs. Pour preuve, leur numéro a changé plusieurs fois de titre, ce qui est inquiétant. Appelé d’abord « La Promesse », puis « On purge bébé », il est devenu « La Grande Illusion » même si de prolongation en prolongation, il se soit aussi rebaptisé « Huit et demi » (un film dont le réalisateur avait perdu le scénario) avant de couler. E la nave va…

  Avant d’acter bêtement qu’aucun gouvernement fédéral n’est possible dans notre pays, rappelons-nous que le plus beau film en compétition s’appelle « Nous nous sommes tant aimés »…      

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