AN INNOCENT MAN

   L’autre jour, je suis retombé sur cette chanson de Billy Joël, An Innocent Man, qui doit dater des années quatre-vingt. 

Certaines personnes restent éloignées d’une porte/
s’ils ont une possibilité de l’ouvrir/
Ils entendent une voix dans l’entrée, au dehors/
Et espèrent qu’elle finira par s’éteindre.

  La nostalgie n’est pas recommandée par la faculté – ni par les politiciens. Mais une petite bouffée de temps en temps ne fait pas de mal. Surtout que l’innocence paraît s’être enlisée quelque part sur le chemin qui menait d’hier à aujourd’hui.

   Si on remonte à l’époque où cette chanson faisait fureur dans les juke-boxes (ah ! les juke-boxes !!), l’Union soviétique coulait comme un iceberg en pleine canicule. On pensait que l’effondrement du communisme allait créer un véritable appel d’air, que la nouvelle Russie rejoindrait l’Europe et que les Russes seraient désormais nos copains et plus nos camarades. An Innocent Man était tout prêt d’y croire. 

Surtout que peu de temps après, la Russie signait avec l’Ukraine un Traité d’amitié, de coopération et de partenariat qui reconnaissait l’inviolabilité des frontières et le respect de l’intégrité territoriale des deux pays. Lesquels s’interdisaient de s’envahir l’un l’autre et de se déclarer la guerre (le Traité a été dénoncé par l’Ukraine en 2019 suite aux annexions armées de 2014).

Autre illusion d’An Innocent Man. Un an et demi après la fin de la guerre froide, sont signés les accords d’Oslo. L’image a jauni de la poignée de main des dirigeants israélien et palestinien, I. Rabin et Y. Arafat, en présence du président Clinton. An Innocent Man était persuadé que la raison avait enfin triomphé au Moyen Orient. La paix, deux états. Toutes ces choses absurdes alors que trente ans plus tard, les dirigeants palestiniens ne représentent plus qu’eux-mêmes et qu’on refuse de croire que les nouveaux gouvernants israéliens représentent l’opinion des citoyens de l’état juif. Comment réagir devant pareil gâchis, sinon se mettre la tête dans le sable sur les bords de la mer morte ?

Vous voulez encore une bouffée du temps de Billy Joël ? Tiens, le Congo. Libéré enfin de la dictature de Mobutu, les Congolais allaient enfin jouir de l’indépendance et devenir des citoyens libres, dans un pays riche…  

   Depuis le début balbutiant de ce nouveau siècle, l’Innocent Man a la tête qui tourne. A la fin de sa chanson, Billy Joël dit quelque chose comme : 

 Certaines personnes espèrent en un remède miracle/
D’autres acceptent le monde tel qu’il est./
Mais je n’ai pas l’intention de me laisser abattre/
Parce que je suis un homme innocent./

Une conclusion suivie par quelques notes sobres de guitare alors que les autres instruments se sont tus. 

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