AMAÏ PLEKSZY-GLADZ !

     Il y a près de cinquante ans, Lou Deprijck faisait enregistrer « ça plane pour moi » avec la collaboration d’un chanteur punk alors inconnu qui allait devenir en quelques semaines une star sous le nom de Plastic Bertrand. Qui oserait aujourd’hui se présenter dans les médias sous le nom de Plastic ? Comme pour célébrer ce polymère maudit qui infecte peu à peu toute la planète, jusqu’à se glisser dans nos cerveaux. Un traité mondial contre la pollution plastique se négocie à Busan, en Corée, en présence des représentants de près de cent quatre-vingts pays, qui se prétendent bien décidés à l’éliminer de la planète. 

  S’il commençait sa carrière en 2024, ce pauvre P. Bertrand devrait se présenter comme Carton Bertrand, Verre Bertrand ou Algue Bertrand, ce qui est nettement moins prometteur pour qui espère cartonner dans les hit-parades. 

   Dommage que cette matière maudite ait été baptisée d’un nom aussi sexy !  

  Malgré ses ambitions, le nouveau cycle de négociations du traité contre la pollution plastique est mal parti. Les précédentes négociations avaient accouché d’un traité plus épais que la Constitutions belge révisée, aussi incompréhensible et inextricable, qui reflète la profonde division des pays participants. Un traité aussi long et illisible qu’un combat perdu d’avance. Car les défenseurs du plastique sont drôlement puissants, tout en faisant semblant de dénoncer une matière dont ils tirent tant de profit. A leur tête, les producteurs de pétrole dont les pays arabes et la Russie tandis qu’Américains et Chinois regardent ailleurs en vidant les yeux fermés leurs petites bouteilles d’eau minérale. Or, le plastique représente plus de 400 millions de tonnes par an dont la consommation est supérieure à celle des métaux. Un incroyable succès en quelques dizaines d’années et qui gonfle au rythme d’une cavalcade de chevaux…

  Dire qu’un Belge est un des pères de ce bazar ! Léon Baekeland, inventeur il y a plus de cent ans du Bakélite (qui servait notamment à fabriquer les téléphones, les poignées de casseroles et les prises de courant). Depuis, le plexiglas (Amaï Plekszy-Gladz !), le Formica, les silicones, le PET et des milliers d’autres découvertes forment l’univers sans fin du plastique, aux applications tellement multiples et essentielles qu’on a l’impression qu’il est impossible de s’en passer dans tous les domaines, de la santé à l’aéronautique et évidemment la consommation. Or, moins de 10 % des plastiques sont recyclés, le reste sombre dans les déchèteries et surtout les océans où ils ravagent des espèces entières qui ont la mauvaise idée de les bouffer avant que nous les bouffions à notre tour. 

Une bouteille met quatre cent cinquante ans à se dégrader. Quels sacrés souvenirs chacun de nous laisse à la postérité juste pour quelques gorgées d’eau !    

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SOMMEIL MONDIAL SUR LE CLIMAT

  Les politiciens du monde entier se sont retrouvés cette semaine à Bakou, sur les bords de la mer Caspienne, à discourir fièrement dans les salles du gigantesque Palais des Congrès. Un temple en béton dans lequel s’est tenu de manière absurde le concours Eurovision de la chanson il y a une dizaine d’années. L’Azerbaïdjan en Europe ? Ce sont les Ukrainiens qui doivent se gratter le crâne en se demandant pourquoi les Russes trouvent normal que les Azeris soient Européens le temps d’une chanson alors qu’ils leur interdisent de faire partie du continent dans lequel ils sont géographiquement implantés.  

  C’est vrai que le président azéri ressemble à Poutine comme deux gouttes de nitroglycérine, y compris pour son goût prononcé d’envahir le territoire convoité de ses voisins. 

   La Cop 29 attend pour conclure et décider combien de milliards de dollars seront dépensés à lutter contre le dérèglement climatique que le G 20 qui se tient au même moment de l’autre côté du globe, à Rio, débloque l’argent nécessaire ou décide d’attendre la fin du mandat de Trump avant de songer à sauver notre pauvre planète bleue. 

  On se demande en passant pourquoi les dernières COP se tiennent dans des pays dont l’activité principale est l’extraction pétrolière (l’an dernier à Dubaï), une des sources incontestées de la dégradation climatique. Il est vrai que cette fois, à Bakou, les participants ont pu se consoler en avalant du caviar à chaque repas, une des richesses de la Caspienne, par ailleurs la mer la plus polluée du monde. Ce qui explique peut-être pourquoi le caviar a la couleur du pétrole. Mais son goût est un peu plus salé.

   Les grands (et moins grands) de ce monde se sont bousculés pour se montrer sur la photo de groupe à Bakou. Rien que pour notre petit pays, 140 personnes avaient reçu ticket d’avion, chambre d’hôtel et badge. Parmi eux cinq ministres dont quatre en affaires courantes. Quatre ministres qui auront quitté leurs fonctions dans quelques semaines au plus tard pour décider de l’avenir de la planète, tout un symbole…

   Pendant que les représentants les plus huppés de la race humaine se déplaçaient en masse par avion entre le centre de l’Asie et l’Amérique du Sud pour sauver, parait-il, notre espèce de la destruction, les scientifiques annonçaient la disparition définitive d’une nouvelle race d’animal, le courlis à bec grêle. Un oiseau raffiné et élégant qui a même fréquenté nos régions – mais il y a plus d’un siècle. Le lien avec Bakou ? Le courlis se reproduisait en été dans les plaines d’Asie centrale. Or, depuis que celles-ci ont été transformées en terres agricoles et en terrains pétrolifères, l’oiseau a perdu son territoire naturel. Ce n’est pas la multiplication des politiciens belges dans la région qui va sauver leur reproduction… 

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 QUELLE EPOQUE FORMIDABLE !

    Une fois de plus, nous assistons, moroses, à l’installation d’une interminable crise pour la formation d’un gouvernement dont tous les participants souligneront, dès qu’elle sera dénouée, combien ils sont insatisfaits d’accéder au pouvoir, prétendant qu’ils n’ont accepté de jouer le jeu que pour le bien public, d’être devenus ministres pour sauver le pays et autres fariboles. 

 A force de tirer sur la ficelle des discussions sans fin sur le programme, la décomposition du pays et la liste des excellences, viendra le jour où le gouvernement ne sera pas encore formé lorsqu’arrivera l’échéance des prochaines élections législatives. Obligeant ainsi le gouvernement en affaires perpétuellement courantes de rester en place cinq ans, dix ans, quinze ans ou plus. Le très vieux Alexandre De Croo recevra l’arrière-petit-fils de Trump élu 54 ème président des Etats-Unis puis les participants de la COP 99 organisée à Schaerbeek devenu port de mer depuis que la Flandre a disparu sous les flots. 

 Et puis les ministres mourront de vieillesse les uns après les autres jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Ce jour-là, le survivant, n’étant plus en conflit avec personne, pourra prêter serment devant le roi et constituer à lui seul un gouvernement qui ne suscitera plus aucune contestation. 

 Certains critiquent déjà cette solution en prétendant que les citoyens risquent d’être lassés d’attendre tant d’années ou de décennies avant la formation d’un gouvernement de plein exercice. C’est pourquoi on avance déjà que, puisqu’aucun être humain n’est capable en Belgique de sortir de ce nid de vipères, il faudrait faire appel à l’IA.

  L’IA qui offrira l’état de grâce à l’état défaillant.  

  Le robot ne connait pas d’état d’âme. Il n’est pas sensible aux animosités personnelles, aux querelles d’ego, aux subtilités byzantines des programmes. Bart De Wever, Georges-Louis Bouchez, Elke Van den Brandt ou Raoul Hedebouw ne sont que des données qu’il mélange en n’obéissant qu’à une seule instruction, former un gouvernement, peu importe les affinités. La super note de BDW ne promet pas assez d’argent public à distribuer ? Celle d’IA ajoute un ou deux zéros et le tour est joué. 

Mais l’IA comprendra assez vite que suppléer aux hommes et aux femmes politiques ne suffit pas. Il renverra donc les professionnels de la politique pour se substituer à eux. Plus d’êtres humains aux commandes et ça roule, ma poule ! IA super ministre, plus besoin de super note super raturée.   

Ne croyez pas que la Belgique servira de laboratoire comme souvent aux autres pays européens. Déjà, certains murmurent qu’Elon Musk a fabriqué un robot à l’effigie de Trump et que c’est lui qui va diriger le monde à partir du 20 janvier. Les premières décisions du président élu laissent penser que ce scénario n’est pas de la science-fiction…   

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ADAM & EVE – LE RETOUR

  Semaine noire pour les femmes. Pas seulement pour Kamala Harris. Je pense à une autre femme en détresse cette semaine, Ahou Daryaei, étudiante en littérature française à l’Université Azad de Téhéran.

    Estimant qu’elle portait des vêtements inappropriés (voile noir, vêtements amples, le code vestimentaire des étudiantes est terriblement et atrocement codé en Iran), les agents de sécurité les ont déchirés. Réaction d’Ahou Daryaei. Elle s’est complètement déshabillée puis a tranquillement arpenté les escaliers de l’université en sous-vêtements, soutien-gorge et petite culotte. Ce spectacle insolite a été immortalisé par une vidéo amateur, de même que son arrestation musclée quelques minutes plus tard. 

Elle aurait été rouée de coups et gravement blessée. Ce qui rappelle la mort d’une autre étudiante en septembre 2022, Mahsa Amini, emmenée et tuée dans les locaux de la police sous prétexte d’un voile mal ajusté. 

  Etrangement, en visionnant la courte vidéo, on a l’impression que personne ne parait remarquer la déambulation de cette femme presque nue. Des étudiants et étudiantes continuent à discuter entre eux, d’autres passent sans se retourner. Personne ne va au-devant d’elle, ne l’entoure, ne l’interroge. La peur, la peur, voilà comment survit ce régime.     

   On s’étonne que tant de beaux esprits qui chez nous s’offusquent, au nom de la liberté et des droits humains, que le port du voile soit limité dans certaines fonctions publiques n’ont jamais émis la moindre critique à propos du sort des femmes en Iran, Afghanistan (et d’autres pays musulmans comme l’Arabie saoudite) ni ne se solidarisent avec celles qui ont l’audace de se révolter contre l’obligation de se déguiser sous des chasubles noires. Au risque de leur vie.

   Quelles femmes, pourtant ! Parmi elles, Nasrine Sotoudeh, avocate arrêtée à plusieurs reprises depuis une dizaine d’années sous l’accusation grotesque notamment de complicités avec les services secrets étrangers ou d’atteinte à la sûreté de l’état iranien, prix Sakharov. Elle qui avait défendu devant les tribunaux plusieurs femmes qui refusaient de porter le voile. 

Ou Narges Mohammadi, prix Nobel de la paix l’an dernier, qui purge une peine de seize ans de prison à la terrible prison d’Evin. Pour avoir lutté contre l’abolition de la peine de mort. Celle-ci vient justement de saluer Ahou Daryaei, qui a, écrit-elle, « utilisé son corps comme symbole de rébellion contre la misogynie » du régime iranien. « Je demande sa libération et la fin de l’oppression et du harcèlement des femmes » a-t-elle ajouté. 

   Adam et Eve ont quitté bras dessus bras dessous le jardin d’Eden, payant le prix de la malbouffe. Des siècles plus tard, Adam se venge sur Eve de tous ses propres péchés. 

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FARCES ET ATTRAPES

    L’histoire se répète toujours au moins deux fois, écrivait Karl Marx. La première comme une tragédie. La seconde comme une farce. 

   Une illustration dans l’histoire politique belge avec le social-chrétien Wilfried Martens, revenu neuf fois comme premier ministre en treize ans (entre 1979 et 1992), ses gouvernements tombant les uns après les autres comme un château de cartes, donnant l’impression d’assister à la répétition sans fin d’un spectacle de Guignol.

   S’il réussit mardi prochain son come-back, Donald Trump va-t-il faire mentir Karl Marx ? Lui dont le rêve est de réincarner Ronald Reagan, le président qui garde dans l’imaginaire américain l’image d’avoir fait s’écrouler l’Union soviétique. Si Trump est réélu, on peut s’attendre à ce que des manifestants défilent à Washington en criant « Brejnev revient ! Trump est devenu fou ! » 

   On comprend que, dans cette époque troublée, malmenée, de moins en moins compréhensible, où l’on a perdu la plupart des repères, les gens ont soif de découvrir du neuf, à repartir d’une page blanche. Puisque ceux qui nous ont gouvernés jusqu’ici n’ont pu empêcher le chaos, tentons autre chose – sans être arrêtés par l’idée que cette équipe soi-disant neuve peut se révéler pire.

   C’est une des explications par exemple du renversement des alliances en Afrique ex-française, où l’ancien colonisateur, désormais honni, est chassé pour accueillir à bras ouverts la soi-disant efficacité des troupes venues de Russie. 

   Cette Russie qui, elle, remplace sur le front ukrainien ses soldats épuisés, blessés, démoralisés par des bataillons tout frais venus de Corée du Nord. Allez comprendre ce jeu de chaises musicales.  

   Plus près de nous, cette réaction aveugle de se jeter dans les bras de dirigeants qui n’ont jamais participé au pouvoir explique aussi le succès, par les urnes, de l’extrême droite. Une extrême droite ravalée de frais, propre sur elle, qui caresse les micros au lieu de hurler dedans, mais qui n’a rien perdu de ses idées outrancières, mortifères. En France, en Hollande, en Italie, en Hongrie, en Flandre, waw ! 

   Ce qui est piquant c’est qu’on a oublié que l’extrême droite a été au pouvoir dans ces pays et qu’elle a mené à la catastrophe. Mais c’est si loin, oublié. Plus personne ne fait le rapprochement entre le Vlaams Belang et le VNV, collaborateur des nazis, entre Le Pen et Pétain ou entre Mussolini et Meloni (dont le parti est pourtant l’héritier avoué du MSI). 

   Ce qui s’est terminé en tragédie au siècle dernier se transformera-t-il en farce quatre-vingts ans plus tard ? Alphonse Allais écrivait : « les poubelles de l’histoire sont remplies de tendances prolongées ». Si l’on aspire à du neuf, cherchons vraiment du neuf, pas des vieilleries ripolinées pour l’occasion…        

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PAR JUPITER ! 

  La première ministre italienne, Giorgia Meloni, suit avec beaucoup d’attention l’envoi par la NASA d’une sonde vers Europe, un des satellites de Jupiter, via une fusée Space X. D’après les précédentes observations des sondes Voyager, Europe semble receler un immense océan qui laisse penser aux scientifiques la présence possible de la vie. Il y aurait des êtres vivants en Europe. 

Le lien avec Meloni ?  

On sait que la patronne des Fratelli d’Italia s’acharne à repousser les demandeurs d’asile de l’accueillante péninsule pour les cloîtrer en-dehors de l’Union européenne d’où ils pourraient soit tenter d’obtenir le droit d’asile (ah ! ah ! ah !) soit pour être rapatriés discrètement. 

Le problème avec les solutions imaginées jusqu’ici pour parquer les immigrés, c’est l’œil détestable des médias. En Lybie, Turquie ou Grèce, la presse a tôt fait de publier les récits des survivants et les conditions ignobles de leur enfermement. 

Le risque est le même en Albanie où, malgré la difficulté d’investiguer à l’intérieur de la véritable forteresse-prison qui vient d’être érigée à grands frais, quelques journalistes finiront par relayer des informations sur les habituels dysfonctionnements de ces camps et ils ne manqueront pas de les dénoncer. Or, jusqu’ici le gouvernement italien d’extrême droite n’a pas encore réussi à museler la presse. 

L’hypothèse d’une vie sur Europe fait briller les beaux yeux gris-bleu de Georgia en lui ouvrant de nouvelles perspectives : un lieu lointain, inaccessible aux observateurs, associations des droits de l’homme et autres emmerdeurs, où l’on pourrait transporter les candidats à l’immigration sans contrôle, sans radar et sans reproches. 

Ces nouveaux astronautes y vivront mieux qu’en Lybie puisqu’ils ne pourront se plaindre de mourir de soif. Il n’y a que de l’eau sur Europe. Et peut-être des poissons pour se nourrir sainement. Et pêcher, une activité autrement plus agréable que d’errer dans les rues et le froid de Milan sous le regard méprisant des passants.

Elon Musk, M. Space X, est prêt à se mettre à la disposition de la Meloni, avec qui il partage bien des convictions politiques. Et même à ne pas réclamer la dîme habituelle des passeurs, du moins aux passagers de son engin spatial. 

En attendant le grand voyage vers Jupiter, Giorgia Meloni a eu une autre idée. Ayant appris l’état désastreux des finances bruxelloises, elle propose de requinquer le budget de la région, en faisant bâtir quelques tours-prison en forme de fusée qui permettront à un certain nombre d’immigrés de s’habituer à leur future aventure, le domaine construit en Albanie se trouvant déjà la limite de la saturation. Certaines communes au bord de l’asphyxie étudient déjà, parait-il, la proposition.  

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TOI QUI PÂLIS AU NOM DE VANCOUVER …

     « Toi qui pâlis au nom de Vancouver/Tu n’as pourtant fait qu’un banal voyage » …

On pense au superbe poème de Marcel Thiry en se préparant à faire la queue avant de passer dans l’isoloir. Vancouver, voyage banal prétendait-il ? Alors que direz-vous d’une expédition, mari, femme et enfants, vers l’école ou la maison communale dimanche ? 

Il dépend de vous que la journée soit moins terne que vous ne l’avez cru en mettant votre imperméable et en maugréant que deux jours de vote la même année, merci beaucoup.

Dans certaines communes, le chemin entre la forteresse dans laquelle vous vous claquemurez et l’adresse indiquée sur la convocation est un vrai périple. Rassurez-vous : les tireurs qui canardent de temps en temps le quartier ont dû déposer aujourd’hui leurs armes, obligés eux aussi de voter pour éviter une contravention. 

Autre lieu d’aventure, le bureau de vote. Où l’on croise des voisins à qui habituellement on ne parle pas. Timidité, gêne, indifférence. On les a parfois salués d’un hochement de la tête mais là, comme il reste figé devant vous dans la file, on se sent obligé de lui sourire puis de causer parce que ça n’avance pas – on se croirait sur le Ring, côté carrefour Léonard. Mais de quoi ? 

Prenez garde aux sujets exclus : le droit des LGBTQIA+, des considérations woke, le racisme, l’antisémitisme, le droit de la guerre, la situation des demandeurs d’asile et la politique d’immigration. Vaut mieux aussi éviter toute question politique intérieure. Bouchez, PTB, Vlaams Belang, c’est l’urticaire assuré. Ne prononcez pas le nom du candidat qui a vos faveurs (c’est passible d’amende), ni celui qui vous irrite, ne crachez pas sur l’ancien maïeur. Ne brandissez pas sa photo barrée d’une moustache rouge – surtout si c’est une femme. Que reste-t-il à dire ? Ne parlez pas à votre voisin de sa conjointe, que vous n’avez plus vue depuis longtemps (pardon, j’ignorais qu’elle a foutu le camp). Ni de son boulot (licencié ? désolé). Surtout glissez sur la politique internationale. Ce qui se passe dans le reste du monde c’est une bombe dans un bureau de vote. Surtout la crise israélo-palestinienne. Ne vous plaisantez pas au sujet des bipeurs explosifs, évitez de rendre hommage à Hassan Nasrallah. N’évoquez pas le port du voile à Bruxelles. Même pas à Téhéran et à Kaboul. 

Et surtout, ne dénoncez pas à haute voix les pays dans lesquels il n’y a pas de jours de vote ou seulement des élections truquées.  

PS : une sélection de textes de Marcel Thiry a été édité par l’Académie royale de langue et de littérature il y a quelques années sous le titre « Avoir connu San Francisco ». L’occasion de rappeler que l’Académie a aussi réédité il y a peu « Nécrologies », un recueil de nouvelles de Pierre Mertens, souvent drôles, parfois déchirantes, toujours pertinentes, écrites d’une plume acerbe. 

BABELAGE ET CLABAUDAGE

A la tribune du congrès de Vooruit, réuni pour approuver l’entrée du parti dans le nouveau gouvernement flamand, Conner Rousseau a critiqué Annick De Ridder, l’une des ministres à peine nommée de son nouveau partenaire, la N-VA, en la traitant de « Margaret Thatcher » (une terrible insulte). Conner Rousseau s’est comme d’habitude excusé en disant qu’il ne savait pas qu’il n’y avait des journalistes dans la salle !  

Ajoutant qu’il va réparer sa bévue en allant boire un verre avec Annick. Pauvre Annick ! Dieu sait ce qui l’attend à la fin de la soirée quand on connait le genre de propos qu’est capable de tenir le sale gamin quand il est pochetronné…

On se souvient qu’après avoir incité la police de sa commune à matraquer les Roms du coin, le parquet l’a obligé de suivre une thérapie pour prendre conscience du poids de ses propos, visiter la Caserne Dossin à Malines et dialoguer avec la communauté rom.

A quoi va-t-on le condamner cette fois ? A visiter la tombe de quelques anciens collabos flamingants sur laquelle se sont penchées quelques excellences de la N-VA ? Façon de mieux comprendre ceux qui dirigeront le gouvernement auquel s’est associé Vooruit ? A visiter quelques hôpitaux britanniques pour se rendre compte dans quel état Madame Thatcher a laissé les services publics ?

Il devait y avoir quelque chose de pernicieux dans l’air cette semaine puisqu’au même moment, voilà que le pape François, souriant et patelin, a brusquement dérapé à propos de l’égalité entre hommes et femmes avant de se lancer dans une diatribe ahurissante contre l’avortement et les médecins qui le pratiquent qualifiés de « tueurs à gage ». Il aurait dû se souvenir que Georges Brassens chantait « Sans le latin, la messe nous emmerde ». Au moins personne n’aurait déchiffré ou compris ses ineffables propos. Certainement pas les familles de ces femmes mortes avant l’adoption de la loi dépénalisant partiellement l’avortement du 3 avril 1990 ou dont la vie a été blessée.

Est-ce pour éviter tout dérapage du pape que les partis de la future majorité ont bloqué le projet de loi prolongeant le délai d’avortement ? Dans ce cas, messieurs-dames, c’est raté ! Dans le genre, François a fait mieux que Conner Rousseau.

Reste à imaginer quels travaux d’intérêt général le parquet va imposer au pape pour ses propos assassins. L’obliger à un chemin de croix sur la tombe de toutes les femmes brisées par un avortement clandestin ? Ou dire une messe en l’honneur du sénateur Roger Lallemand et de la sénatrice Lucienne Herman-Michielsens ? 

PS : sortie ce week-end de la nouvelle enquête de Michel Van Loo, détective privé, « Le Coucou de Malines » (éditions Genèse), un polar qui plonge dans la Belgique de 1957. 

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