DRÔLES DE DRAMES

    La France est suspendue depuis des semaines au vote de la réforme des retraites. La question mobilise toutes les énergies, la une de tous les medias, les discours de tous les politiques. Les trains ne roulent plus, les poubelles inondent les rues tandis que les gilets jaunes se préparent à revenir joyeusement par la cheminée. Tout ce charivari, bruits et fureur pour empêcher le report de l’âge de la retraite à 64 ans. Que se passera-t-il dans quelques années quand la Belgique aura annexé la France, importé ses lois et que, devenus belges, les Français découvriront que l’âge de la retraite est de 67 ans ? Ils se jetteront à nouveau dans les rues mais en criant cette fois : « Macron, reviens ! Les Belges sont devenus fous ! » 

   On s’étonne un peu de la violence de la réaction de la rue en France sans que personne ne semble se demander si dans 64 ans, il y aura encore quelqu’un sur terre pour demander de bénéficier d’une pension et à qui ? 

   Oui, que restera-t-il de la planète bleue noyée sous la mitraille, l’acier et le feu ? Ce qui frappe ces dernières semaines, c’est l’explosion de la fabrication des armes. Des armes, jusque là bien emballées, qui servaient à dissuader mais qu’on sort des cartons pour le feu d’artifices. 

La terrifiante et interminable guerre en Ukraine n’explique pas tout. Il y a aussi l’achat de sous-marins nucléaires par l’Australie, qui se méfie de la Chine, la hausse spectaculaire des budgets militaires des Chinois qui se méfient des Américains et des dépenses militaires des Etats-Unis qui se méfient de tout le monde. Sans compter les dictatures africaines qui en ont besoin pour mater leur population, affronter des rebelles de tous poils ou créer des troubles chez leurs voisins. Rayon développement massif des armements, on imagine que les Russes ne sont pas en reste. Sur tous les continents, les usines d’armement tournent à plein régime. 

Dire qu’on s’était étonné du « pognon de fou » distribué, « quoi qu’il en coûte » par les gouvernements un peu partout pendant la pandémie pour que personne ne sombre. Mais ce n’était que roupie de sansonnet face à la flambée des dépenses militaires. Avec cette interrogation au passage : d’où vient tout ce pognon ? Et où se cachait-il ? Alors que chez nous, par exemple, on ne trouve pas une petite enveloppe pour ouvrir immédiatement des centres de refuge décents pour demandeurs d’asile. On pourrait peut-être suggérer à la FN de les financer sur les bénéfices qu’elle doit être en train d’engranger ? 

    « A force d’écrire des choses horribles, s’écrie Michel Simon dans « Drôle de Drame » (où il joue le rôle d’un écrivain), les choses horribles finissent par arriver ». Un sérieux avertissement qui avait été lancé deux ans avant le début de la deuxième guerre mondiale. Vous trouvez la coïncidence bizarre ? Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? 

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LES RAISINS DE LA COLERE

 Publié en 1939, le superbe roman de John Steinbeck « Les Raisins de la Colère » raconte l’épopée d’une des ces innombrables familles de l’Oklahoma, chassée de ses terres par la sécheresse et les banques et qui fuit vers un improbable refuge en Californie. Il y est question (déjà) de la dégradation de l’environnement, de la cupidité des créanciers et surtout de la condition sociale des travailleurs à une époque où aucun système social ni aucune aide publique n’empêchaient de sombrer et de mourir dans l’indifférence.

La colère du vendredi, décrétée par la PTB, a, malgré son nom, peu en commun avec la situation sociale et le désespoir des laissés pour compte décrits par Steinbeck. 

Mais on comprend les craintes et les revendications de beaucoup d’entre nous face à la brutale dégradation des prix de l’énergie, le sentiment diffus et malheureusement exact que nos dirigeants ont perdu le contrôle du navire au milieu de la tempête, qu’on ne sait plus qui est aux commandes, chaque ministre fédéral et régional semblant à tour de rôle souffler la manœuvre au timonier avant de finir par en appeler, comme avant tout bon naufrage, à Dieu, je veux dire à l’Europe. Quant au capitaine, il semble aux abonnés absents. 

 Ce que Raoul Hedebouw se garde bien de rappeler c’est la cause de cette situation. Pas moyen de dénoncer cette fois les financiers ou les banquiers qui tirent profit de la misère. Même pas l’OTAN, le grand méchant loup habituel. Non. Ici, le responsable s’appelle Vladimir Poutine. L’explosion des prix du gaz et du pétrole est le résultat de cette fichue guerre que le PTB ne parvient pas à clouer au pilori.

Alors, il agite le désordre. Genre on casse tout parce qu’on n’est pas content. Mais attention, seulement un jour par semaine. Vendredi, c’est colère. Samedi, les courses. Et dimanche, foot et promenade en famille. Avant de retourner sagement au turbin pour être en forme le vendredi suivant pour aller gueuler.   

Il est dangereux de jouer ainsi avec le feu. On a vu l’impasse du mouvement des gilets jaunes en France, juste une addition d’aigreurs individuelles, de hargnes si égoïstes qu’ils ont été incapables de formaliser des revendications collectives et de choisir des représentants pour les négocier.

Le PTB a tort de parier sur la récupération de tous ces mécontents lors des prochaines élections. Ceux qu’il aura jetés dans la rue (s’ils sortent indemnes du covid qui risque de décimer à nouveau les rassemblements cet automne) vont peut-être choisir de voter « radical » comme expression aveugle de leur rage. Pour l’heure, c’est plutôt l’extrême droite qui ramasse un peu partout en Europe les frustrés de tous poils que les nostalgiques du communisme. Même Poutine lorgne plutôt du côté de Marine Le Pen que de Mélenchon. T’es plus dans le coup, Raoul ! 

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BONS BAISERS DE RUSSIE

  La Russie vient de couper les ponts avec l’Otan. Un bête geste de dépit après le retrait par l’Alliance des accréditations de huit représentants russes. J’ai failli écrire soviétiques. Mais non, à l’époque de la guerre froide, jamais les Occidentaux n’auraient réussi à mettre la main d’un coup sur huit espions venus du froid. 

Que se passe-t-il à Moscou ? Leurs meilleurs artisans ont-ils perdu la main ? Ont-ils mis à la retraite tous les brillants instructeurs du KGB ou du GRU qui préparaient les coups tordus, qui imaginaient les intrigues sophistiquées et improbables, qui lançaient les plus perverses espionnes pour séduire les candides diplomates envoyés de l‘autre côté du rideau de fer ? Ou ce sont les candidats espions qui sont tous nuls ? On dirait que ce bon vieux James Bond ne fait plus rêver. Ils préfèrent aujourd’hui devenir agents de sécurité d’un oligarque avant de prendre sa place. John Le Carré est parti à temps. Il n’aurait pas supporté de voir une intrigue aussi pauvre alors qu’à l’époque la réalité dépassait toujours la fiction. Décidément, tout fout le camp !  

Petit rappel pour nos amis russes (ce sont nos amis maintenant, c’est peut-être là que le bât blesse et l’origine de la confusion.) Un espion, ça se forme lentement, pendant des années. Quand il était prêt, on l’envoyait ou plutôt il s’installait dans un pays occidental, par exemple en France. Là, il prenait l’apparence d’un Français moyen modèle rêvé par Eric Zemmour. Avec un prénom-bien-de-chez-nous, les photos de ses grands-parents devant la petite église du village de l’Yonne, dont ils n’ont jamais bougé, glissées dans son portefeuille et une carte de supporter de l’AJ Auxerre bien en évidence sur son pare-brise. A la fête des voisins, il tenait des discours sur les immigrés (en dénonçant ceux qui viennent manger le caviar des Français, oui, il y avait parfois un défaut dans la cuirasse). Il se mêlait aux gilets jaunes en les poussant à forcer la porte des bâtiments dans lesquels il voulait pénétrer pour percer leurs secrets. 

Fini tout ça ? Vraiment ? A moins que les Russes ne soient plus machiavéliques qu’on ne le croit, qu’ils laissent nos services de contre-espionnage triompher facilement en laissant expulser huit pauvres types qui ne sont que des leurres pendant que les vraies pros, continuent leur travail de taupe, déguisés en Franchouillards au front de plus en plus bas et de plus en plus national. Mais attention, si on se met à les arrêter, il ne restera plus grand-monde dans les meetings de Zemmour. Et notre faux Français de souche se prétendra victime des services de contre-espionnage de l’OTAN qui tenterait ainsi de casser son irrésistible ascension… 

Il est bien difficile d’être patriote de nos jours. 

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DANS LA QUEUE DE LA COMETE

   La queue de la comète Trump n’a pas fini d’infecter ceux qui passent dans son sillage. Nous aussi, et pas seulement les Américains, risquons de subir pendant un moment encore les excès et les dérives de l’ex maître du monde, qui a libéré quelques virus mauvais contre lesquels on n’a pas encore trouvé de vaccin. 

  Prenez le patron de Belfius, Mr Raisière, une banque qui ne doit sa survie (et les plantureux salaires de ses dirigeants) qu’à l’argent du contribuable. Ce brave homme s’est ouvertement réjoui que la fin de la pandémie, plus exactement des aides publiques, allait nettoyer l’économie belge des restos et bistrots fragiles. Et de rêver que sur ces cimetières vont s’élever de nouveaux établissements, clinquants, plus sains, plus vigoureux. En voilà un qui n’a jamais traîné dans un stam café.

 L’élimination des plus faibles au profit des plus forts cela s’appelle l’eugénisme. Lors du renouvellement de son mandat, Mr Raisière avait tweeté qu’il plaçait « la culture d’entreprise et la satisfaction de ses clients au centre de toutes ses actions ». Faut-il comprendre que l’eugénisme fait partie de la culture Belfius ? Une méthode adoptée par le régime nazi mais aussi par la plupart des pays scandinaves qui l’ont longtemps pratiquée et qui est toujours recommandée par la Chine et Singapour. 

   On peut aussi craindre que le départ du virus redonne des ailes aux gilets jaunes ou à leurs émules, que certains ont comparés aux redoutables olibrius qui ont pris d’assaut le Capitole. Tous ces partisans d’une réalité alternative qui croient que leur candidat chéri a gagné les élections et qu’un dangereux communiste a mis la main sur la Maison blanche. Comme eux, ces « braves gens » se sont proclamés « le peuple », ce qui signifie que les autres n’appartiennent pas vraiment à la race humaine, en tout cas à leur race. Comme ceux qui font encore bêtement confiance à un gouvernement, un parlement, à ce système auquel ils ne croient plus, les élections. Un vieux bazar qui emmène au pouvoir des dirigeants qui ne leur ressemblent pas. Preuve que les urnes sont truquées et les journalistes vendus. 

   Il y a du travail pour rafistoler le lien social, la confiance, pour que nous formions « une équipe de 11 millions », qui ne seront pas obligés de porter le gilet jaune pour prouver qu’ils sont encore des êtres humains… Nos gouvernants ont intérêt à y prendre garde. Et les profs ont aussi un rôle essentiel à jouer pour redonner du bon jus aux futures générations et écarter d’eux le virus mauvais.  

  Ce qui rappelle ce que disait le philosophe américain John Dewey au début du vingtième siècle : « la démocratie doit naître de nouveau à chaque génération, et l’éducation est sa sage-femme »

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CITES SANS VOILES

En France, ce sont les gilets jaunes qui se pavanent sur les ronds-points. Avant de passer le week-end dans la grande ville voisine ou dans la capitale pour casser quelques vitrines, histoire de se faire entendre des téléspectateurs distraits qui ont raté le récit de leurs passionnantes prestations sur une voirie provinciale.
En Iran, ce sont des femmes cheveux au vent qui osent s’afficher sur des ronds-points de Téhéran pour dénoncer l’obligation de porter le voile. Là, aucune télévision ne relaye leurs revendications. Et ces femmes ne mettent rien en danger ni personne, sinon leur propre vie. Pour sauver celles des autres. Et la civilisation iranienne.
Chez nous, certains luttent pour la « liberté » des femmes (jamais des hommes) de porter le voile. On aimerait les entendre de temps en temps dénoncer la situation faite aux femmes en Iran et soutenir leur droit de dire non. Tiens, pourquoi pas une grande protestation internationale pour saluer Me Nasrine Sotoudeh, l’avocate emblématique de plusieurs de ces femmes, qui vient d’être condamnée en audience secrète, où elle n’était pas présente et à une date inconnue à près de quarante ans de prison ainsi qu’à 148 coups de fouet ?
Rêvons un peu. Et si les femmes décidaient de se dévoiler pendant un mois et de défiler en agitant leur voile ôtée en solidarité avec N. Sotoudeh ?
Ca aurait une autre gueule que de voir les troupeaux de gilets jaune moutonner dans les rues le samedi. Et autrement plus de signification.
En Iran, avoir défendu ces femmes qui ont osé montrer leur chevelure a été considéré comme une « incitation à la débauche ». Protester comme elle l’a fait pour l’abolition de la peine de mort comme une « atteinte à l’ordre public ».
Le métier d’avocat y est drôlement plus périlleux qu’en Belgique où un avocat peut impunément menacer le jury d’assises chargé de juger un terroriste avant de passer tranquillement et impunément à l’affaire suivante. Il paraît qu’on appelle ça la liberté d’expression de l’avocat. Décidément, on ne peut s’empêcher de trouver cette notion parfois fourre-tout…
« Il y a en Iran des forces ouvertes vers le progrès et nous en tenons compte » disait sans rire notre premier ministre Charles Michel après un entretien avec le président iranien Rohani il y a quelques mois. On se frotte les yeux après avoir cherché où et qui sont ces mystérieuses « forces ouvertes vers le progrès » qui se promèneraient encore en liberté dans les rues de Téhéran. Peut-être notre premier ministre pourrait-il se rendre à la prison d’Evin pour recueillir le témoignage de Madame Sotoudeh ? Ce serait assurément un excellent prétexte pour un voyage à Téhéran.

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HEURE D’ETE

Tous les six mois, c’est la même rengaine à propos du changement d’heure. Et les mêmes plaintes. Faut-il avancer ou pas sa montre ? Il n’y a que les gilets jaunes et Alain Destexhe qui n’ont pas encore pris position. Pourtant, une heure en plus, une heure en moins, est-ce vraiment important ? Plutôt que cet ajustement rikiki, on aurait pu profiter du passage à l’heure d’été pour réaliser une vraie métamorphose. Les citoyens ont envie d’une révolution, d’un grand chamboulement ? C’est l’occasion ou jamais.
Ainsi, au lieu de reculer de soixante secondes à peine l’aiguille de l’horloge ce week-end, si l’on s’offrait d’un coup douze heures en plus ?
Vous vous réveillez à sept heures du matin ? Il est sept heures du soir. Cadeau d’une journée. Plus besoin de prendre le bus ou le métro, de vous farcir votre chef de bureau, de vous abîmer les yeux devant votre écran, il est sept heures du soir, vous dis-je. Déjà presque l’heure de « Demain nous appartient » sur TF1. Justement, demain, même programme : douze heures de bonus.
Car tant qu’à changer d’heure, pourquoi ne pas le faire tous les jours ?
Vivre sa vie à partir de sept heures du soir, ça trouble sérieusement les perspectives. Les magasins sont fermés, c’est vrai. Mais pas les bars. En sortant de l’établissement, la vie semble soudain tellement plus rose, la lune plus proche. Et les emmerdes, abandonnées sur le comptoir.
Au bureau, c’est calme plat. Seules quelques femmes de ménage s’agitent un peu, bercées par le doux ronronnement des aspirateurs. Dieu que c’est reposant ! Plus de mails, de portes qui claquent, d’urgence. Rien à faire sinon aider une débutante à changer le sac de l’aspirateur.
Faites l’essai : dans la nuit, tout ce qui paraît en journée si important, si agaçant, si essentiel, se fond dans l’obscurité. Le temps dilaté étire ce que vous faites ou dites.
Le parlement wallon ne peut plus siéger ? Pendant la journée, c’est un coup de tonnerre, un événement historique. La nuit, juste une économie d’énergie.
Quand, emporté par son discours, le patron du MR qualifie ses adversaires de « national-socialistes », on sacre, on peste, on met en cause le soleil qui lui a donné un sacré coup sur le cerveau. La nuit, ce n’est juste qu’un cauchemar.
L’avantage de la nuit, c’est qu’il n’existe pas de plans foireux – l’expression favorite de votre patron chaque fois que vous lui présentez un nouveau projet. A l’heure du rêve, tout est possible. Vous avez le droit de vivre enfin toutes ces vies dont un bête quotidien, une stupide routine vous ont privés. Vous êtes beau ou belle, séduisant.
Et si vous êtes politicien, vous pouvez, en attendant l’aube, vous prendre pour Lincoln ou J.F. Kennedy.
C’est vrai qu’ils ont fini brutalement mais ça, c’était après que le soleil se soit levé. Il suffit de prolonger la nuit définitivement.

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LES CAHIERS AU FEU ET LE CO2 AU MILIEU !

Lorsque la Belgique a navigué jadis sans gouvernement pendant un an et demi, régnait un étrange sentiment d’allégresse et de liberté –sauf dans les milieux politiques. Une atmosphère d’école buissonnière genre « les cahiers au feu et le prof au milieu » !
Rien de commun avec « l’ambiance gilets jaunes » qui agite la France. Là, les manifestants se battent contre les politiques pour leur arracher le pouvoir. Le « peuple » (c’est-à-dire eux) réclame le droit de voter ou de modifier les lois, renvoyer les parlementaires dont la tête ne leur revient pas, tout décider par référendum et son contraire.
Chez nous, rien de tel. Les citoyens n’avaient aucune envie de toucher aux manettes du pouvoir. Au contraire. Ils voulaient simplement respirer et fêter l’arrêt de cette sacrée machine à pondre lois, décrets et arrêtés jour et nuit.
Or, voilà que certains déplorent ces jours-ci un nouveau blocage de la machine à voter tout et n’importe quoi.
C’est le printemps, messieurs-dames ! Respirez un peu ! Profitez du soleil ! Oubliez vos sacrés textes pleins de principes à l’article 1er que personne n’appliquera d’autant qu’ils sont farcis d’exceptions à l’article 2.
A propos de soleil, justement. Dans la poubelle, si elle n’est pas vidée entre temps, les successeurs tout frais élus en mai prochain trouveront le brouillon d’une loi climat. Après des mois de manifestations et les discours pour une fois unanimes des politiques sur l’air de « je vous ai compris ! » et bravo à notre belle jeunesse-responsable-qui-prend-son-destin-en-mains, ça fait vilaine tache en pleine campagne électorale.
Mais qui pouvait sérieusement imaginer que le parlement fédéral allait voter un texte consistant sur un sujet que la réforme de l’état a dispersé entre toutes les entités de ce pauvre pays ?
Ils étaient si fiers nos constituants d’avoir voté un art 7 bis qui dispose que « dans l’exercice de leurs compétences respectives, l’État fédéral, les communautés et les régions poursuivent les objectifs d’un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, en tenant compte de la solidarité entre les générations. »
Un texte qui sonne aussi creux que « tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin ». Car il annonce d’emblée la couleur : « selon leurs compétences respectives » signifie qu’en matière d’environnement, tout le monde est compétent donc personne ne l’est. Dans un pays dont la superficie est à peu près celle de la Bourgogne, il n’est pas possible d’arrêter un plan climat sans mettre d’accord dix-sept assemblées et gouvernements.
Ne reste plus qu’à attendre la montée des eaux pour avancer enfin sur le sujet. Une fois que les assemblées auront été noyées, il sera plus facile de se mettre d’accord entre survivants …

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MILLE MILLIONS DE MILLE SABORDS !

Le problème avec l’insulte c’est qu’elle est souvent le cri de désespoir d’un humoriste raté.
En proférant une invective, l’offenseur a voulu faire rire la foule autour de lui. Au lieu de quoi, il n’a réussi qu’à l’entraîner dans son échec littéraire. A plonger ses copains dans la connerie. Et à sombrer avec eux sous la ligne de flottaison. Quant à sa victime, au lieu d’être écrasée, elle en sort grandie.
L’humour a ceci de commun avec l’insulte c’est qu’elle exprime la colère. Mais comme le relève Stephen King c’est de « la colère maquillée », qui entraîne l’auditoire vers le haut. « L’humour est le plus court chemin d’un homme à un autre » disait joliment Wolinski.
C’est la différence entre le capitaine Haddock et la bande de voyous qui se sont jetés sur Alain Finkielkraut lors du dernier acte du ballet des gilets jaunes à Paris. L’un fait rire, l’autre n’est que la victime de quelques crétins.
« Apophtegme, Aztèque, cornichon diplômé, crétin de l’Himalaya, crétin des Balkans, cyclotron, extrait d’hydrocarbure, Khroumir, ostrogoth, Mussolini de carnaval, papou des Carpates, polygraphe, Zapothèque, Zoulou » ça fait rire, tonnerre de Brest ! Tandis que « sale juif », « sale pédé », « macaroni », non. Allez savoir pourquoi aucun descendant d’Aztèques ou d’Ostrogoths, aucun habitant de l’Himalaya ou des Balkans n’a songé (jusqu’ici) à poursuivre l’œuvre d’Hergé.
Même pas la petite-fille du Duce, la députée européenne PPE, Alessandra Mussolini qui n’a pas hésité à lancer à un de ses adversaires lors d’un débat télévisé « Mieux vaut être fasciste que pédé ! » Pas plus drôle que son papy, la Alessandra.
Quand Fernand Raynaud lâche: « Je n’aime pas les étrangers. Et pourtant je suis douanier », il écrit un des plus beaux textes contre le racisme qui demeure d’une décapante actualité. Mais lorsque Théo Francken dit à propos des réfugiés : « Que voulez-vous que je fasse de plus ? Il faut leur offrir l’hôtel peut-être ? » c’est la cata. Pas un cabaret, pas un théâtre pour accueillir son bête numéro. Même pas à Verviers.
Dans l’histoire, Théo Francken a des prédécesseurs, tous ceux qui ont cru effacer Gambetta, Simone Veil ou Léon Blum sous les quolibets ignobles. Blum « détritus humain à fusiller dans le dos » écrivait Charles Maurras, qui se voulait écrivain. « Barbarie » disait de la loi Veil sur l’avortement le député-maire de Nice Jacques Médecin. Ignobles et en plus inefficaces, ces deux types oubliés depuis longtemps.
De plus en plus, s’élèvent des voix pour demander aux réseaux sociaux d’effacer les messages racistes, dégradants, abjects. Cela diminuerait déjà singulièrement la masse des messages affichés sur la toile. Imaginez qu’on leur demande en plus de ne conserver que les textes drôles, et ce sera la fin de Facebook…

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SALUT PUBLIC

Le coup d’état s’est produit au soixante-neuvième acte des gilets jaunes. Depuis le début des manifestations, quelques-uns étaient morts de vieillesse, d’autres d’une maladie du foie, pardon du froid. Mais il restait assez de braillards vaillants pour bloquer à nouveau Paris et quelques villes de province. Une fois de trop. Prétexte pour Jean Luc Mélenchon de prendre le pouvoir. Il faut dire que ce samedi-là, un commando avait réussi à entrer dans la maison de la radio, un autre à TF1 et, à la suite d’un relâchement de la sécurité, la lassitude aidant, à s’emparer de l’Elysée. Macron s’était défilé dans le paquet de linges, sauvant sa tête.

Profitant des cris de victoire des manifestants, Mélenchon proclamait aussitôt la création d’un Comité de Salut Public (il connaît ses classiques) et prenait les commandes dans l’intérêt général, à titre provisoire, entouré de deux pro-consuls, Marine Le Pen et Patrick Balkany. En attendant d’improbables élections une fois le calme revenu.
Un référendum proposerait bientôt le texte d’une nouvelle constitution (il suffira de cliquer oui ou non sur chaque article sur un site créé pour l’occasion), un nouveau Code de la Route (obsession des gilets jaunes) et un nouveau code des impôts (selon la même procédure).
La première initiative du « consul » Mélenchon a été inattendue. Il a décidé par ordonnance le rétablissement du calendrier révolutionnaire de jadis, et ce à dater du 25 nivôse an 228 (le calcul repart de 1793). Idée subtile car, complètement perdus, les gilets jaunes n’ont pu organiser leur soixante-dixième acte, incapables de convertir leur agenda (grégorien) en agenda républicain. Fin des désordres.
A la frontière belge, les émigrés français se mêlent aux Britanniques. Théo Francken s’arrache ses rares cheveux. Il est ministre de l’Accueil du gouvernement flamand. Submergée par la vague, la Flandre risque d’être noyée par le flux des Français qui déjà réclament –foutus arrogants !- que tout soit bilingue, du nom des rues aux papelards administratifs. En néerlandais et en même temps en français, c’est l’héritage de la culture Macron.
Tous n’ont pas eu la chance de passer la frontière. Un certain nombre de « collaborateurs de la politique néo-libérale » ont été arrêtés. Et condamnés à visionner en boucle au fond de leurs cellules les discours de Mélenchon jusqu’à ce que mort s’ensuive. « Le mot qui tue », a résumé le pro-consul pour décrire cette résurgence de la Terreur.
L’asile politique lui ayant été refusé en Grande-Bretagne qui a définitivement largué les amarres d’avec le continent, le président déchu Macron s’est réfugié à Guernesey, dans la maison où Hugo qui s’y était exilé jadis a écrit « Les Misérables ». Ce qui lui a permis de citer le grand poète français : « Mieux vaut être la dent que l’herbe » !
Les commentateurs s’interrogent…

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CHER EMMANUEL / CHER CHARLES

Cher Emmanuel,

Ce petit mot pour saluer votre prestation de l’autre soir. Vous avez réussi en douze minutes à faire sauter les règles budgétaires européennes qui forment la base même de la monnaie unique et qui étranglent la plupart de vos voisins sans que vos petits déshérités ne vous en remercient. Au contraire. Ils prennent vos annonces pour la misérable aumône d’un fêtard à un SDF. Il ne vous reste plus qu’à quitter l’euro. C’est Madame Le Pen qui va en tirer une tête quand vous annoncerez que vous revenez au franc français !

Cher Charles,

Un conseil pour éviter la contagion dans votre beau pays: soignez vos Témoins de Jéhovah et autres membres de l’Armée du Salut. Ils ont beaucoup de points communs avec la Troupe des Gilets Jaunes de chez nous. Ils défilent en se lamentant sur leur sort, lancent des imprécations contre ceux qui détiennent le pouvoir sur terre tout en promettant un avenir meilleur grâce aux interventions de l’au-delà. Entre temps, ils mendient. C’est toujours ça de gagné (pour eux, pas pour moi). La seule différence entre ces groupes, c’est que les envoyés du Ciel sonnent poliment aux portes sans même encombrer les trottoirs alors que les miens bloquent les rues et démolissent les centres-villes. La France a peut-être eu tort de devenir un pays laïc.

Cher Emmanuel,

Je vous envie : vous n’êtes soutenu que par un seul parti (et encore, il est traversé de doutes), les media vous rejettent, la grande majorité de vos concitoyens vous conspuent mais personne ne peut vous obliger à rendre le pouvoir. Vous êtes solidement installé à l’Elysée jusqu’en 2022 alors que moi, j’ai le soutien de trois partis, la presse est plutôt sympathique, personne ne défile dans les rues pour me couper la tête et je me retrouve au tapis. Si vous pouviez me glisser le mode d’emploi ?

Cher Charles,

C’est moi au contraire qui vous envie. En France, quelques centaines de pauvres types bloquent çà-et-là des ronds-points et tout l’hexagone médiatique leur fait la fête en répercutant en direct permanent le moindre de leur borborygme alors que chez vous, plus de soixante mille citoyens défilent pour le climat sans que vous ne vous sentiez obligé même de respecter les engagements que vous avez pris lors de la COP 21 à Paris.
On dit que la source de tous mes maux vient de ce que je concentre trop de pouvoirs entre mes mains. Pour desserrer la pression, j’envisage de transférer une partie de mes compétences aux régions et de reconnaître leurs langues. Diviser pour régner vaut mieux que l’union fait la force.


Cher Emmanuel,

Prenez garde, malheureux ! Avec trois régions, trois communautés et je ne sais plus combien de gouvernements, chacun n’en fait qu’à sa tête (et se moque de la mienne).

Cher Charles,

Et si on appelait Angela à l’aide ?

Cher Emmanuel,

Plutôt Poutine !

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