CITES SANS VOILES

En France, ce sont les gilets jaunes qui se pavanent sur les ronds-points. Avant de passer le week-end dans la grande ville voisine ou dans la capitale pour casser quelques vitrines, histoire de se faire entendre des téléspectateurs distraits qui ont raté le récit de leurs passionnantes prestations sur une voirie provinciale.
En Iran, ce sont des femmes cheveux au vent qui osent s’afficher sur des ronds-points de Téhéran pour dénoncer l’obligation de porter le voile. Là, aucune télévision ne relaye leurs revendications. Et ces femmes ne mettent rien en danger ni personne, sinon leur propre vie. Pour sauver celles des autres. Et la civilisation iranienne.
Chez nous, certains luttent pour la « liberté » des femmes (jamais des hommes) de porter le voile. On aimerait les entendre de temps en temps dénoncer la situation faite aux femmes en Iran et soutenir leur droit de dire non. Tiens, pourquoi pas une grande protestation internationale pour saluer Me Nasrine Sotoudeh, l’avocate emblématique de plusieurs de ces femmes, qui vient d’être condamnée en audience secrète, où elle n’était pas présente et à une date inconnue à près de quarante ans de prison ainsi qu’à 148 coups de fouet ?
Rêvons un peu. Et si les femmes décidaient de se dévoiler pendant un mois et de défiler en agitant leur voile ôtée en solidarité avec N. Sotoudeh ?
Ca aurait une autre gueule que de voir les troupeaux de gilets jaune moutonner dans les rues le samedi. Et autrement plus de signification.
En Iran, avoir défendu ces femmes qui ont osé montrer leur chevelure a été considéré comme une « incitation à la débauche ». Protester comme elle l’a fait pour l’abolition de la peine de mort comme une « atteinte à l’ordre public ».
Le métier d’avocat y est drôlement plus périlleux qu’en Belgique où un avocat peut impunément menacer le jury d’assises chargé de juger un terroriste avant de passer tranquillement et impunément à l’affaire suivante. Il paraît qu’on appelle ça la liberté d’expression de l’avocat. Décidément, on ne peut s’empêcher de trouver cette notion parfois fourre-tout…
« Il y a en Iran des forces ouvertes vers le progrès et nous en tenons compte » disait sans rire notre premier ministre Charles Michel après un entretien avec le président iranien Rohani il y a quelques mois. On se frotte les yeux après avoir cherché où et qui sont ces mystérieuses « forces ouvertes vers le progrès » qui se promèneraient encore en liberté dans les rues de Téhéran. Peut-être notre premier ministre pourrait-il se rendre à la prison d’Evin pour recueillir le témoignage de Madame Sotoudeh ? Ce serait assurément un excellent prétexte pour un voyage à Téhéran.

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ADIEU, PERE FOUETTARD !

Profitez-en ! Cette année est sans doute la dernière occasion de faire la fête au père Fouettard.

Avec le règne du politiquement correct, son sort paraît définitivement scellé. Barbouillé de cirage, son fouet à la main, le père Fouettard est passé de mode autant que Guignol, les vidéos-clubs ou les socialistes français.

Peut-être qu’un archéologue, dans deux ou trois siècles, tombera sur une figurine miraculeusement préservée du côté sombre de Saint Nicolas. Il se grattera la tête en se demandant pourquoi ce personnage a brusquement disparu à la veille de 2015 avant de conclure que notre époque est décidément incompréhensible. Il est interdit de fumer dans les films ou les BD (bientôt on retouchera les images d’Humphrey Bogart comme on l’a fait de celles de Malraux sur les timbres français et de Jacques Tati, privé de sa pipe sur les affiches du métro). On doit veiller à ne pas glisser Tintin au Congo dans les cadeaux destinés aux enfants des amis. Eviter de faire doubler les élèves pour ne pas les traumatiser à vie. Et ne jamais évoquer le tour de taille de madame De Block, ce qui est de mauvais goût. Voilà quelques règles de base du savoir-vivre d’aujourd’hui. En revanche, n’hésitez pas à célébrer les plaisanteries antisémites de Dieudonné. Ce type est si audacieux, ma chère ! Et surtout, vous pouvez rire sans honte puisqu’il est Noir…

Contrairement à la légende, ce n’est pas la couleur de peau, ni même le sexe qui font un bon Zwarte Piet. Regardez Laurette Onkelinx, se déchaînant contre le duo Jambon-Francken, qui avaient eu l’idée stupide d’apporter des spéculoos et des chocolats à un de leurs anciens collègue, qui avait fait copain-copain avec les nazis. Elle leur a flanqué une fessée bien méritée. Et Bart De Wever, qui a prudemment dédaigné le casting gouvernemental ? Encore un parfait père Fouettard, bien décidé à punir socialistes autant que libéraux et chrétiens avant de réapparaître aux prochaines élections dans le rôle du bon Saint Nicolas.

Malgré le risque de disparition du père Fouettard, son compagnon, le bon saint, n’a pourtant plus la cote. Ceux qui ont joué dans son club, Obama ou Hollande, sont au plus bas dans l’opinion publique. Alors que les Poutine et les Assad mènent le monde à la baguette. Etonnant paradoxe : c’est au moment où le père Fouettard est en vedette qu’on veut l’effacer de l’imaginaire collectif.

Une idée d’avance vouée à l’échec. Quel que soit le grimage, en politique, c’est toujours le plus affreux qui finit par l’emporter. Comme le disait judicieusement Alfred Hitchcock : un film n’est réussi que si le méchant est réussi. Ces derniers temps, il faut avouer qu’on est servi.

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