C’EST PAR OU LA SORTIE ? 

Deux déclarations m’ont frappé la semaine dernière. Celles des premiers ministres belge et français. Pour Alexandre De Croo, il faut faire « une pause » dans l’élaboration de nouvelles réglementations environnementales. Pour Elisabeth Borne, le Rassemblement national est « l’héritier de Pétain ». Quoi de commun entre ces deux interventions ?

De Croo croit apaiser les citoyens inquiets de l’arrivée de nouvelles réglementations nécessaires pour combattre la disparition des espèces en disant : « Dormez en paix pendant que je m’occupe tout seul de sauver les abeilles sans qu’elles ne vous piquent ». Tandis que la première ministre française prend le taureau par les cornes en dénonçant les discours réducteurs et mensongers de son opposition d’extrême droite. Dans un cas, on délivre un message simpliste, on fait semblant que l’on peut faire une pause en matière d’environnement, arrêter le temps et fermer les yeux. Dans l’autre, on se bat précisément contre les discours de l’extrême droite qui ramassent les votes des citoyens inquiets de la complexité des défis à réaliser et qui tremblent devant la perspective de réformes. 

Certes, on peut discuter de l’efficacité d’assimiler Marine Le Pen à Pétain. Il n’y a pas que la moustache qui sépare le maréchal sénile de la femme à poigne. Les différences entre les deux ne sont pas seulement physiques. Quatre-vingts ans les séparent. Un siècle, un autre monde, d’autres défis. Il y a quelques années, des opposants au Vlaams Belang avaient affiché pendant la campagne électorale des photos de Hitler rappelant le régime nazi sans que cela ait eu beaucoup d’effet sur les électeurs de la métropole. Qui n’ont pas voulu comprendre la parenté entre le parti flamand et le modèle national-socialiste. 

Peut-être Madame Borne a-t-elle commis la même maladresse mais elle assume et combat. Et elle a bien du mérite dans une époque et une Europe plongées dans la peur du futur, la perplexité et le repli.

En attendant les élections européennes, dont les résultats paraissent déjà menaçants, les élections récentes en Turquie et en Espagne (qui ont vu le succès d’un parti issu du franquisme), après les votes en Italie (qui ont porté au pouvoir des descendants néo-mussoliniens) ou en Scandinavie (où les gouvernements ne se maintiennent qu’avec l’appui de formations d’extrême droite), tout cela fait froid dans le dos, ce qui ne suffit pas à lutter contre le réchauffement climatique…

A force de se jeter en pleine conscience dans les bras d’ennemis de la démocratie pendant que la planète bleue commence à tourner à l’orange, on risque de réaliser cette réflexion d’Oscar Wilde : la démocratie, c’est l’oppression du peuple par le peuple pour le peuple. 

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SOFAGATE – SAISON 2

Erdogan contraint à un second tour, quelle mauvaise nouvelle pour les parlementaires wallons. Empêtrés dans le Fauteuilgate, ils espéraient liquider vite fait-bien fait tout ce mobilier clinquant, doré, somptueux qu’ils avaient commandé à une société amie pour le fourguer au président turc, qui a un besoin urgent de fauteuils confortables. Tapes à l’œil de préférence. Une fois réélu, il verra en effet défiler à Ankara les représentants de la communauté internationale, venus lui rendre hommage comme ils le font souvent quand un homme a réussi à montrer qu’il est le plus castard de tous. Pas question alors pour le président Erdogan de se retrouver comme il y a deux ans sans même une chaise de cuisine à offrir à la présidente de la commission européenne. On pourrait évidemment suggérer à M. Michel, qui ne voyage qu’en jet privé depuis qu’il a été couronné Charles roi de l’Europe, d’emporter un siège avec lui plutôt que de piquer celui du grand vizir sous le nez de sa collègue. Mais les autorités européennes risquent de refuser de couvrir cette nouvelle dépense somptuaire. 

  L’ancien président du parlement wallon et son greffier, qui font des efforts méritoires pour se faire pardonner leurs extravagances, se remuent sans compter (compter n’a jamais été leur spécialité) pour aider le Parlement à se débarrasser de leurs casseroles. 

  Après la tentative de céder le nouveau mobilier d’apparat à la Turquie (deux millions d’euros), ils tentent de revendre aussi le tunnel qu’ils ont fait construire pour que les députés ne se mouillent pas leurs petits souliers vernis. Mais l’ouvrage est difficile à liquider (trois millions d’euros). 

Au beau temps du mur de Berlin, ils auraient trouvé plein d’amateurs pour acquérir leur beau tunnel. Mais aujourd’hui à qui le refiler ? Aux migrants sud-américains qui pourront ainsi se glisser sous la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis ? Graisser la patte d’un patrouilleur américain, même de toute une brigade, est beaucoup moins cher. 

Aux Turcs à nouveau ? Pour ouvrir un passage souterrain avec l’Ukraine à l’abri de la mitraille russe ? C’est une idée mais elle se heurte à un obstacle politique. Le président Erdogan préférant s’afficher avec son collègue Poutine qu’avec son voisin Zelensky, il voudra éviter les amers reproches du président russe si certains utilisent le tunnel wallon pour convoyer des armes vers les Ukrainiens. Non merci ! Vos meubles, d’accord mais le tunnel, gardez-le ! Moi, je préfère garder son amitié.   

Resterait alors, en désespoir de cause, à vendre les parlementaires eux-mêmes pour combler les déficits. Petite consolation. Les excellences wallonnes pourront se rendre à Istamboul par l’Orient-Express. Mais, attention, si les meubles sont magnifiques, ils sont vissés au plancher ! 

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EMBRASSSONS NOUS FOLLEVILLE !

   Enfin, la Saint Valentin ! Avec ce qui nous est tombé sur le coin de la notche depuis le début de l’année, alors qu’on croyait avoir déjà fait le plein de calamités en 2022, on tente de se convaincre que, dès la semaine prochaine, on va enfin recommencer à respirer. Le temps d’une journée en tout cas. 

    La fête des amoureux… Rêvons un peu et embrassons-nous, Folleville ! comme le proposait le génial Labiche. Qui, il est vrai, a aussi écrit La poudre aux yeux… 

    Mais où fêtera-t-on ce mystérieux saint qu’on ne saurait voir puisque le pape Paul VI l’a rayé du calendrier liturgique romain ? Sans doute pas en Turquie et en Syrie, accablées par les convulsions de la croûte terrestre. Saint Valentin n’est pas une fête musulmane. En Russie non plus, hélas. La Saint Valentin n’est pas une fête orthodoxe.  

  Côté belge alors ? Avec les élections qui s’approchent (un an en politique c’est à la fois un siècle et une seconde), on ne peut pas s’attendre à ce que couple flamand-wallon oublie tout et s’enlace. Hélas, l’amer est au programme des prochains mois. Et on ne va pas se marrer. D’autant que les revendications des uns et des autres sont vagues. Suffisamment pour susciter la tempête. Les partis extrémistes flamands se déchaînent, promettant l’apocalypse si on n’obéit pas à leurs diktats flottants. Mais, même si nos tanks n’ont pas été envoyés en Ukraine, rassurons-nous, ils ne sont pas en état d’envahir les plaines wallonnes. Même pas d’avancer jusqu’au prochain garage. 

  Méfions-nous aussi des signaux incompréhensibles. Ainsi de ces ballons d’apparence si sympathique envoyés par la Chine. Que signifiait ce délicat lâcher ? Une façon de clôturer les fêtes du nouvel an chinois ou le signe qu’ils participaient eux aussi à la joie des amoureux ? Comme ils n’y ont pas accroché de petit mot ni de bonbons, les Américains n’ont pas attendu le 14 février pour les couler au fond de l’Atlantique. L’amour vache… 

   Une preuve de plus qu’on ne se comprend plus quand on parle d’amour ?  Pour Poutine, ses armées ne font pas la guerre. Ils ramènent à la maison les cousins du sud tant aimés. 

  Le mot amour il est vrai a de multiples acceptions plutôt contradictoires. L’Amour est un fleuve qui sépare la Chine et la Russie et dont le tracé a servi de prétexte à une guerre entre les deux pays en 1969. 

  L’amour est aussi un poisson blanc nuisible, une bête moche, qui détruit la flore des lacs et des rivières et qu’il faut éliminer. 

   L’erreur est peut-être de limiter l’amour à un seul jour de l’année. Comme il y a une journée mondiale des câlins, des droits des femmes, du yoga, des lépreux, de l’épilepsie, du thon et même du rouge à lèvres. Décidons que désormais, l’amour c’est tous les jours. A bas la Saint Valentin ! 

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AVEC SABENA, VOUS Y SERIEZ DEJA …

    Qu’on puisse à nouveau voyager sans fausses invitations ou d’hypocrites raisons impérieuses, qui n’en réjouira ? Mais, dans le monde d’après qui réapparaît timidement, profitons-en pour changer nos habitudes. D’ailleurs Neckermann a mis la clé sous le paillasson. Sea, sex and sun, c’est de l’histoire ancienne. Il faut trouver des destinations, des attractions nouvelles.

Parmi les suggestions originales, pourquoi pas Ankara ? La Turquie vient d’ouvrir aux touristes avec beaucoup d’opportunisme le palais où Erdogan a reçu il y a quelques jours les plus hautes autorités européennes. Dans la salle où s’est déroulée la rencontre, vous pourrez vous faire photographier dans le célèbre sofa où s’est allongée Ursula von der Leyen ou poser votre postérieur dans la chaise dorée où le président du conseil s’était empressé de déposer le sien. On vous prêtera même des mannequins représentant Charles et Ursula que vous pourrez disposer selon votre imagination.

Pour rendre la visite plus excitante encore, l’Ode à la Joie, l’air européen, est diffusé en musique de fond. Chaque fois qu’elle s’arrête, les visiteurs sont obligés de s’asseoir. Il y en a toujours un qui reste bêtement debout. Et qui est condamné à payer double tarif.  

Autre destination excitante, Fukushima. La pandémie ayant épuisé les budgets, le gouvernement japonais n’a plus les moyens d’entretenir les piscines de retenue des eaux contaminées par la centrale nucléaire déglinguée de l’île. D’où la décision de déverser ces eaux dans la mer. 

En voilà une idée ingénieuse pour attirer les curieux du monde entier ! On devine l’attrait de ce spectacle pour les casse-cous, toujours en recherche de sensations nouvelles et de défis débiles. Se faire immortaliser sous un million de tonnes d’eau, c’est autrement plus spectaculaire que la traversée des chutes du Niagara dans un tonneau ou des chutes du Zambèze sur un fil. En plus, l’eau de Fukushima scintille de mille feux même dans la nuit – votre peau aussi après la baignade et pendant quelques centaines de milliers d’années ! 

Cerise sur le gâteau, avaler du strontium-90 et du cesium-137, tous les gourmets vous le diront, c’est autrement plus capiteux et plus enivrant que du saké. 

La Belgique pourrait profiter de l’ouverture des frontières pour attirer les touristes étrangers. Et les séduire avec la richesse des collections de ses musées. Mais, surprise, ils sont fermés. Après le musée d’art moderne, dans les caisses depuis des années, le gouvernement refusant de financer un bâtiment pour l’accueillir, c’est maintenant le musée d’art ancien qui ferme faute de budget pour payer le personnel…

Qu’on ne s’étonne pas alors que les visiteurs préfèrent s’offrir Ankara ou Fukushima…    

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L’INFORMATURC ROYAL

   Depuis la disparition de Laurel & Hardy puis de Jerry Lewis & Dean Martin, les duos n’ont plus la cote. Ceux d’aujourd’hui ont perdu la recette magique qui assurait le succès de leurs glorieux prédécesseurs. 

   Trois trios d’informateurs royaux sans le moindre applaudissement. Et, avait-on jamais vu ça : des acteurs qui demandent eux-mêmes des bis et des prolongations et non le public ? 

  Certains songent pourtant à prolonger l’expérience en lançant le couple De Wever-Magnette. Inutile. Il ne fera pas plus recette que leurs collègues même si ces deux-là ont plus de gags à leur répertoire. 

   Les temps ont changé. On est à l’ère du stand-up. Un homme seul pour assurer le spectacle. Ca tombe bien, on en a un justement sous la main, qui présente toutes les qualités requises, plein de surprises, indépendant de tous et surtout de son parti qui vient de le lâcher. Un esprit libre, qui préfère regarder au-delà de nos frontières ; jusqu’au bout de la Méditerranée plutôt que de se racrapoter sur nos misérables hameaux. Voilà qui nous changera de tous ces politiciens, englués dans leurs petites phrases, leurs tabous et leurs totems. Vous l’avez deviné, Emir Kir, voilà le prochain informateur idéal. 

   A poor lonesome cowboy far away from home.  

  Très ferré dans les innombrables qualités du Mamamouchi d’Ankara, Emir pourra suggérer, pour redresser le pays, quelques-unes des belles réformes qu’Erdogan a apportées à la Turquie, un gouvernement inamovible pour des années sinon des siècles, un chef de gouvernement respecté –sous peine d’emprisonnement-, une presse aux ordres. 

  Evidemment, les qualités de la Turquie de l’AKP s’accompagnent de quelques inconvénients collatéraux. La Turquie accueille quatre millions de réfugiés (nous avions en décembre, 2243 demandeurs de protection internationale), la Belgique compte trente-cinq prisons, la Turquie près de quatre cents. Mais, elles sont sans doute mieux fréquentées car il y entre plus d’intellectuels, de profs et de journalistes qu’il n’en reste en liberté. 

   Il ne faut pas se cacher aussi qu’en Turquie erre un nombre considérable de loups gris, que là-bas tout le monde, dit-on, peut fréquenter sans se faire contaminer (est-ce possible ?) De toute façon, il suffit pour s’en prémunir chez nous de suivre les prescriptions du bourgmestre d’Ixelles, Christos Doulkeridis, qui déconseille vivement aux écoles de laisser les enfants s’approcher des bêtes sauvages. Evidemment, l’homme n’est peut-être pas très objectif puisque sa famille, d’origine grecque, a fui jadis les Ottomans…

   Sorti par la porte de la Maison du Peuple, Emir Kir pourrait ainsi rentrer par la cheminée (du Palais). 

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LE GRAND ART DE LA BOUCHERIE

Tout le monde est bien d’accord: un consulat n’est pas une boucherie. Si un chef d’état ou son clone veut éliminer un opposant, pourquoi le faire dans ses locaux consulaires en Turquie ?

Les Turcs eux-mêmes ont montré l’exemple : il suffit d’enlever l’opposant mal aimé et de le fourrer au fond d’une cellule pour le reste de sa vie. M. Öcalan en est le bon exemple. Personne ne réclame sa libération, non ? Pourtant, Alan Parker l’avait déjà montré jadis dans Midnight Express, mieux vaut terminer en petits morceaux dans une valise que vivant dans une prison turque.

Ce qu’on peut reprocher aux autorités d’Arabie saoudite, c’est de s’être trompé sur le choix de l’abattoir, pas de pratiquer l’art de la découpe. Je comprends leur surprise à voir la protestation internationale. Qui a jamais dénoncé la peine de mort que pratique ce pays depuis toujours, sous la forme de la décapitation ?

Ils peuvent en effet s’étonner de nos cris d’orfraie. Ne donne-t-on pas à tous les enfants à lire « Alice au pays des merveilles », en le présentant comme un chef d’œuvre. Quand la Reine de Cœur crie « Qu’on leur coupe la tête ! » tout le monde éclate de rire. Alors, pourquoi faire deux poids, deux mesures selon qu’on parle de Lewis Carroll (ou de Walt Disney) et de Mohammed Ben Salmane ? Peut-être a-t-il lui aussi innocemment sucé avec le lait de sa nourrice le thé du Chapelier fou et des autres mastocs qui entourent Alice ?

Après quelques nouvelles décapitations, on aura oublié le découpage de ce pauvre Kashoggi. Justement, on attend celle de la militante Israa Al-Ghomgham. En Arabie saoudite, il ne suffit pas pour les femmes de décrocher le permis de conduire, la grande affaire de MBS pour se donner une image de révolutionnaire moderniste, il faut encore conduire dans les clous et en silence.

Une chose est évidente : le type chargé de la communication de MBS est si incompétent que lui aussi, si j’étais le patron, je le passerais à la moulinette. Et il faut revoir entièrement le plan media. En changeant tout à fait de tactique. Le mieux serait d’écrire un nouveau récit des événements en faisant de Kashoggi le mauvais de l’histoire. Le gouvernement de Ryad a les moyens de s’offrir les services des meilleurs. Qu’il charge Quentin Tarantino de cette affaire. Au bout d’une heure et demie de projection, quand John Travolta et Samuel L. Jackson auront mis la main sur le sournois journaliste, jadis conseiller de la couronne mais qui a trahi son maître, tout le monde applaudira dans la salle les deux tueurs de s’en débarrasser selon leurs méthodes habituelles.

Un scénario osé ? Je ne compte pas faire prochainement du tourisme en Arabie saoudite !

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SALUT AUX COUREUSES D’AVENTURES !

La secrétaire d’Etat Zuhal Demir vient d’annoncer à la VRT qu’elle a été menacée de mort, elle et son bébé. Ce n’est pas la première fois que Madame Demir est traînée dans la boue pour avoir défendu les droits des Kurdes (ce qui lui vaut régulièrement d’être accusée de fricoter avec le  PKK) et s’être opposée aux dérives du gouvernement turc. La réélection annoncée dans les prochains jours du Grand Vizir Ottoman ne va certainement pas apaiser les mouvements de haine contre ceux qui osent critiquer sa politique, ses abus et ses outrances.

Il faut rappeler que la députée de Genk a entamé il y a un an les formalités pour se défaire de sa nationalité turque. Mais, à ce jour, la procédure n’a pas abouti faute de décision politique des autorités d’Ankara, dit-on à son cabinet.

Ces événements font écho au reportage très bien documenté et très effrayant publié cette semaine par Laure Marchand dans « L’Express » qui décrit les randonnées sanglantes mais impunies des agents du redoutable service secret turc, le MIT, qui se flatte de plusieurs assassinats à son tableau de chasse, notamment ceux de trois femmes, militantes du PKK, à Paris en 2013. Un service né sous une belle étoile puisque, dès sa création, l’ancêtre du MIT a participé à la planification et à l’exécution du génocide arménien (auquel ont été mêlées des organisations kurdes, il faut le préciser au passage. Comme quoi, personne n’est parfait).

Depuis plusieurs mois, un juge d’instruction bruxellois est en charge d’un dossier concernant d’autres menaces de mort, contre des responsables kurdes réfugiés en Belgique. Et notre pays s’émeut, avec la France et l’Allemagne, des opérations des services secrets turcs dans nos contrées et de leur influence sur une partie de la population.

Si Madame Demir ne parvient pas à se défaire de sa nationalité kurde, que va faire son collègue Théo Francken lorsqu’elle demandera à son camarade de parti la protection de la Belgique ?

Va-t-il la renvoyer « dans son pays d’origine» ? L’obliger à s’arranger avec le gouvernement turc puisque, coïncidence, c’est lui à qui l’Europe a sous-traité le soin de retenir les candidats à l’entrée sur nos terres bénies et rendre imperméables les frontières de notre paradis terrestre, service grassement rémunéré (des milliards d’euros) ?

Invoquer le « système australien » qui n’en est pas un puisqu’il consiste à jeter de l’huile brûlante sur tous ceux qui s’approchent de trop près de nos belles murailles ?

Heureusement que toutes les forteresses du Moyen âge n’ont pas été rasées. Elles vont pouvoir resservir et pas seulement pour impressionner ceux qui sont venus visiter nos villes avec un visa touristique.

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ZUHAL, REVEILLE TOI, ILS SONT DEVENUS FOUS !

On l’ignore souvent mais s’évader n’est pas un délit en droit belge. Avec beaucoup de bon sens, le législateur du dix-neuvième siècle avait compris que le mouvement naturel d’un prisonnier était de se faire la malle.

Pourquoi s’étonner alors qu’une camionnette transportant des migrants ne s’arrête pas en voyant des policiers mais qu’elle essaye de leur échapper ? Le chauffeur a réagi aussi naturellement qu’un détenu qui a l’occasion de prendre la fille de l’air…

Puisqu’on évoque ici les réactions naturelles d’un être humain, que penser de celle d’un policier qui sort son arme et décide de tirer sur une camionnette pleine de gens qui n’ont commis d’autre crime que de pénétrer sur notre territoire sacré mais sans papiers ?

Ce ne sont pas des terroristes, ni des assassins, ni des trafiquants, même pas des voleurs. Juste des familles qui ont fui l’enfer. L’Irak (comme les parents de Mawda), la Syrie ou la Turquie, où ils sont menacés, parfois massacrés, simplement en raison de leur origine.

L’année dernière, la secrétaire d’état à l’égalité des Chances, Zuhal Demir avait entamé, a-t-elle dit, une procédure pour se défaire de la nationalité turque : « la place de l’islam, la démocratie, la place de la femme, et les minorités : tout va dans la mauvaise direction » dans cette Turquie lancée dans une véritable guerre contre sa minorité kurde. On aurait aimé que la secrétaire d’état rappelle le sort des Kurdes à quelques-uns de ses collègues. Qui, mieux qu’elle peut l’évoquer ?

Les Kurdes d’Irak n’ont guère été plus gâtés que ceux qu’écrase le président Erdogan, d’abord par les islamistes de Daesh, ensuite par le gouvernement central irakien qui a entrepris de remettre au pas cette minorité décidément très encombrante.

Le policier qui a tiré sur la petite Mawda s’est trompé de cible, paraît-il. Il visait le chauffeur. La belle affaire ! Faire sauter la cervelle du conducteur n’aurait donc pas été un crime (sans compter la mort ou les blessures des occupants de la camionnette à la dérive) ?

Que pouvait-il faire ? Les instructions données aux policiers chargés d’intercepter un véhicule sont absentes ou confuses. En bref, débrouillez-vous !

Tout a été honteux dans ce drame : le procureur de Mons racontant n’importe quoi puis son contraire d’un air gêné semblait le fantôme du porte-parole du parti communiste à l’époque de Staline.

Le Comité P, prêt à classer ce dossier trop embarrassant, les parents de Mawda mis en prison et empêchés de suivre l’ambulance où s’éteignait leur petite fille avant de se voir notifiés un ordre de quitter le territoire. Ce qui est peut-être la seule chose qui ait un sens dans cette histoire : comment laisser parmi nous les témoins d’un acte aussi odieux ?

Monsieur le premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, sachez-le : vous n’agissez pas en notre nom !

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JE SUIS SAINT NICOLAS

A l’heure où j’écris, le suspense est total : Saint Nicolas sera-t-il en mesure cette année de descendre dans les cheminées des bambins de Belgique ? Rien n’est moins sûr. Dès son retour d’Afrique, le premier ministre va réunir le kern. D’ores et déjà, Jan Jambon, les jumelles à la main, scrute l’horizon. Celui-là, il n’arrête jamais de courir d’une calamité à l’autre. Quelle idée pour un nationaliste flamingant de s’égarer dans un gouvernement fédéral ! C’est l’enfer. Bart le lui avait dit. Mais il a voulu n’en faire qu’à sa tête.

Récit d’une catastrophe annoncée.

Comme on le sait, notre grand saint vient de Turquie, plus précisément de Patar d’où il voulait s’embarquer. Qu’il oublie le bateau. Le port, célèbre dans l’Antiquité, est devenu un marais. Les rennes ? Dans la Turquie d’Erdogan, les militaires tirent d’abord et réfléchissent ensuite. Dès que l’attelage se pointera dans le ciel immaculé de Lycie, les rennes se feront mitrailler comme de vulgaires partisans de Fethullah Gülen. Hop ! à la casserole !

Reste l’avion ? Oui, mais. Pour quitter l’Anatolie, il faut désormais montrer patte blanche. Pour le dire brièvement, on vous cirez les pompes d’Erdogan ou les ennuis vous dégringolent sur la tête.

Saint Nicolas ne semble pas terriblement hallal. Pour le dire autrement, il n’a pas le profil d’un électeur moyen de l’AKP. Il a plutôt l’air d’un ténor d’opéra enroulé dans le rideau de scène. Or, les artistes, le régime s’en méfie. Comme des intellectuels, des journalistes, des chômeurs, des femmes, etc.

Seul moyen alors pour Saint Nicolas d’arriver à temps, embarquer clandestinement sur une de ces coquilles de noix qui font la traversée vers l’Europe. Avec le risque que les autres passagers, Syriens, Somaliens, opposants turcs, jettent à l’eau ce vieux barbu, qui prend tellement de place avec ses gros sacs pleins de cadeaux et de douceurs alors qu’eux ont tout abandonné sur la grève.

On voit le risque pour le gouvernement. Si le patron des écoliers est jeté dans les geôles turques, qu’il coule en Méditerranée ou que les douaniers grecs ou italiens l’enferment comme un vulgaire réfugié dans un de leurs camps immondes, qui gâtera les petits dans la nuit du 5 décembre ? Père Fouettard ?

Charles Michel, qui avait réussi à fermer la porte aux questions communautaires, va voir celles-ci rentrer par la fenêtre ou plutôt par la cheminée.

En effet, le maître de la Flandre, Bart De Wever, soutient mordicus le maintien de la tradition du Zwarte Piet. Alors que tout ce qui compte de politiquement correct au sud demande son interdiction.

Ne reste qu’une solution avant que le gouvernement ne saute : embarquer Saint Nicolas dans la valise diplomatique. Et ne pas oublier de percer des trous pour qu’il arrive plus ou moins en bon état !

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GAZ A TOUS LES ETAGES

Bachar Al-Assad vient opportunément de nous rappeler qu’on avait enterré trop tôt les célébrations de la Grande Guerre. Merci à lui ! Dès 1914, les Français d’abord puis les Allemands – plus tard les Américains – se lancèrent joyeusement dans des attaques au gaz, devenues massives à partir de 1915. Et, en 1917 (bon anniversaire !), apparut le gaz moutarde (l’ypérite), produit à grande échelle par les Allemands. Un petit pas pour l’homme; un grand pas pour l’humanité.

« Moi, mon colon, cell’ que j’préfère, c’est la guerre de quatorz’-dix-huit ! » chantait Brassens. Prudent, il ajoutait : « Du fond de son sac à malices, Mars va sans doute, à l’occasion, en sortir une – un vrai délice ! – qui me fera grosse impression. »

T’es plus là, tonton Georges mais celle de Syrie t’en aurait bouché un coin !

Dire que le tyran avait refusé, il y huit ans que le projet de gazoduc entre le Qatar et la Turquie traverse son pays. Il doit s’en mordre les doigts. Au lieu de devoir fabriquer lui-même son poison, le docteur Assad n’aurait eu qu’à se servir au passage. On peut être ophtalmologue et ne pas avoir le don de double vue…

On dit d’Assad qu’il est un mélange de culture arabe et occidentale (formé dans des écoles françaises de Damas puis par l’université de Londres). De son voisin irakien, Saddam Hussein, issu comme lui du parti Baas, il a retenu la violence, le cynisme et l’absence de tout scrupule à gazer sa propre population. Et des Occidentaux, qu’a-t-il appris à part le goût des costumes de bonne coupe, des cravates élégantes et des propos lénifiants devant des journalistes complaisants ? L’impunité pour ceux qui gazent leurs ennemis ? Il n’y a pas eu de tribunal pour crimes contre l’humanité après la première guerre mondiale. Tous les belligérants risquaient d’y être condamnés. A l’école des Frères de Damas, on a enseigné à Assad que le vainqueur a toujours raison, même s’il a commis quelques entourloupes qu’on a tôt fait d’oublier. Vae victis !

On ne voit pas vraiment qui punira Assad et ses affreux acolytes. L’indignation morale et la fureur verbale n’ont jamais eu beaucoup d’effet pour arrêter une armée. Même pas une bande de tueurs. Quant à l’utilité des condamnations votées par l’ONU, demandez donc aux survivants du génocide rwandais, du massacre de Srebrenica ou des habitants de l’est du Congo, ce qu’ils en pensent. Et quelle a été l’efficacité des casques bleus envoyés pour les protéger.

D’ici à ce que le dictateur syrien se retrouve à manger du pindakaas dans les prisons de La Haye, il faudra qu’aient disparu Poutine, le régime iranien, le Hezbollah, les braves dirigeants européens et les méchants. Poison d’avril…

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ps : on n’a rien écrit de plus poignant sur les effets du gaz sarin que « Underground » de Haruki Murakami (Belfond) recueil d’entretiens après l’attentat dans le métro de Tokyo.