SALUT AUX COUREUSES D’AVENTURES !

La secrétaire d’Etat Zuhal Demir vient d’annoncer à la VRT qu’elle a été menacée de mort, elle et son bébé. Ce n’est pas la première fois que Madame Demir est traînée dans la boue pour avoir défendu les droits des Kurdes (ce qui lui vaut régulièrement d’être accusée de fricoter avec le  PKK) et s’être opposée aux dérives du gouvernement turc. La réélection annoncée dans les prochains jours du Grand Vizir Ottoman ne va certainement pas apaiser les mouvements de haine contre ceux qui osent critiquer sa politique, ses abus et ses outrances.

Il faut rappeler que la députée de Genk a entamé il y a un an les formalités pour se défaire de sa nationalité turque. Mais, à ce jour, la procédure n’a pas abouti faute de décision politique des autorités d’Ankara, dit-on à son cabinet.

Ces événements font écho au reportage très bien documenté et très effrayant publié cette semaine par Laure Marchand dans « L’Express » qui décrit les randonnées sanglantes mais impunies des agents du redoutable service secret turc, le MIT, qui se flatte de plusieurs assassinats à son tableau de chasse, notamment ceux de trois femmes, militantes du PKK, à Paris en 2013. Un service né sous une belle étoile puisque, dès sa création, l’ancêtre du MIT a participé à la planification et à l’exécution du génocide arménien (auquel ont été mêlées des organisations kurdes, il faut le préciser au passage. Comme quoi, personne n’est parfait).

Depuis plusieurs mois, un juge d’instruction bruxellois est en charge d’un dossier concernant d’autres menaces de mort, contre des responsables kurdes réfugiés en Belgique. Et notre pays s’émeut, avec la France et l’Allemagne, des opérations des services secrets turcs dans nos contrées et de leur influence sur une partie de la population.

Si Madame Demir ne parvient pas à se défaire de sa nationalité kurde, que va faire son collègue Théo Francken lorsqu’elle demandera à son camarade de parti la protection de la Belgique ?

Va-t-il la renvoyer « dans son pays d’origine» ? L’obliger à s’arranger avec le gouvernement turc puisque, coïncidence, c’est lui à qui l’Europe a sous-traité le soin de retenir les candidats à l’entrée sur nos terres bénies et rendre imperméables les frontières de notre paradis terrestre, service grassement rémunéré (des milliards d’euros) ?

Invoquer le « système australien » qui n’en est pas un puisqu’il consiste à jeter de l’huile brûlante sur tous ceux qui s’approchent de trop près de nos belles murailles ?

Heureusement que toutes les forteresses du Moyen âge n’ont pas été rasées. Elles vont pouvoir resservir et pas seulement pour impressionner ceux qui sont venus visiter nos villes avec un visa touristique.

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LE BARBARE RIT

A un journaliste qui l’interrogeait sur la « question berbère », l’écrivain Fouad Laroui a répondu ceci : « Quand j’entends le mot « Berbères », je propose gentiment à mon interlocuteur de le raccompagner jusqu’à la porte de sa maison de retraite. En effet, depuis 1930 et le fameux Dahir berbère que le protectorat français tenta d’utiliser pour diviser les Marocains, on ne parle plus de Berbères au pays de l’argan. Quand j’entends le mot « Arabes», je pense à la Bagdad des Abbassides, à l’Andalousie, à la poésie ; je pense à une langue belle et souple parlée par trois cents millions de personnes et qui est l’une des langues officielles de l’ONU. En fait, quand j’entends « Berbères et Arabes », j’entends « problème artificiel que des enquêtes comme la vôtre, continuent, hélas, de perpétuer».

Si le bourgmestre d’Anvers ne le comprend pas en français, Laroui peut lui expliquer ça en parfait néerlandais, lui qui enseigne à l’université d’Amsterdam, tout en étant une des belles plumes de la langue française (prix Goncourt de la nouvelle, svp) et un fin analyste de son pays d’origine, le Maroc.

Bart De Wever ignorait-il cette vérité historique (il a délaissé l’Histoire depuis longtemps pour fabriquer la sienne) ? Ou sa langue a-t-elle fourché quand il a lâché au micro de la VRT que les Berbères d’Anvers refusent de s’intégrer ? Aurait-il voulu dire Barbares et non Berbères ? Ah ! Alors, tout s’éclaire. Et Bart De Wever n’est pas raciste. Au lieu de stigmatiser un groupe ethnique en particulier, il a fait la chasse aux méchants, ce qui est son rôle de premier flic de la métropole. Ses propos doivent alors être lus ainsi : Les Barbares sont des communautés fermées, avec une défiance envers les autorités, (…) très sensibles à la radicalisation ».

Qui pourrait dire le contraire ? Comme le précise le dictionnaire, les barbares sont des êtres cruels, sauvages, imperméables à la civilisation (au sens premier, le mot désigne tout étranger). Mais, s’il voulait s’en prendre aux Barbares, comment concilier l’affirmation de notre maïeur préféré avec cette autre « réflexion », dans la même interview : les Asiatiques, eux, sont d’excellent citoyens bien intégrés.

En effet, les Barbares désignent précisément les Asiatiques (ainsi que les Germains, ancêtres des Flamands) qui, d’après les livres d’histoire, ont envahi l’empire romain, attirés par sa richesse et son confort – sinon par son système de sécurité sociale.

De quelque façon qu’on tourne donc ses déclarations, Bart De Wever s’est manifestement mélangé les pinceaux.

Alain Berbèrenboom

PS : dernier ouvrage de Fouad Laroui, « D’un pays sans frontières » (éd. Zelige), essai sur la littérature de l’immigration.