PESTE SOIT DE L’OPINION PUBLIQUE !

Je me demande souvent, moi qui n’ai jamais été sondé, quelle est la véritable intention de ceux qui prennent le temps de répondre aux instituts d’opinion : avouent-ils franchement leurs intentions de vote ou s’amusent-ils à agiter un tissu rouge sous le nez des partis traditionnels ? Juste pour le plaisir de contempler le désordre et l’affolement qu’ils ont provoqués.
Que les Belges déclarent leur attachement aux voitures de société, aux vacances lointaines, via l’avion, et aux fermettes dans le Brabant wallon ou flamand, là où n’existent ni bus ni train, et qu’ils annoncent en même temps vouloir porter Ecolo ou le PTB à la tête du pays, voilà qui étonnera seulement ceux qui ne comprennent rien aux Belges, à leur amour pour la poésie, de préférence absurde, leur goût de la contradiction et leur amour de la dérision.
Pourtant, certains hommes et femmes politiques s’y laissent prendre. Ils pensent vraiment que les électeurs sont prêts à signer un programme qui bouleversera leur vie. Et de surenchérir dans la dernière ligne droite en accumulant des promesses vertes-vertes ou rouges-rouges, selon le quartier.
Remarquez, ils ont partout le même réflexe. Comme l’a dit un syndicaliste français ébahi et dégoûté, le gouvernement Macron a accordé en quelques semaines plus de cadeaux aux Français que ce que les syndicats réclament vainement depuis trente ans. Juste pour apaiser le soulèvement très médiatique d’une poignée d’excités venus du fond des provinces oubliées.
Le brusque sursaut écologique de la plupart des partis traditionnels vient aussi de leur surprise devant la détermination de ces milliers de jeunes qui ont défilé dans les rues.
C’est peut-être cela qui est nouveau : manifester sert soudain à quelque chose.
Pendant des dizaines d’années, des milliers de gens ont battu le pavé, sous la pluie, contre la politique d’immigration – ou les immigrés-, l’installation d’armes nucléaires à Kleine Brogel, pour sauver la justice, contre l’austérité, pour les pensions, etc. Sans émouvoir nos représentants. Mais, depuis quelques mois, les choses bougent. Ils ont l’air d’entendre quand on gueule sur la voie publique. En tout cas lorsque les sondages font trembler leurs sièges et que les élections sont proches.
Car voilà la date limite du jeu : le 26 mai. Après, c’est tranquillos pour cinq ans.
Depuis que toutes les élections ont été groupées (sauf les communales), une fois le dimanche maudit passé, les élus peuvent recommencer à faire la nique à ceux qui s’agitent sous leurs fenêtres.
Ce qui devrait encourager ceux qui réclament le droit pour les citoyens de taper sur les doigts des élus entre deux élections. Gardons cependant à l’esprit ce que dit Shakespeare : « Peste soit de l’opinion publique ! Un homme vous l’endosse à l’endroit aussi bien qu’à l’envers ! »

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QUI C’EST ? C’EST LE PLOMBIER  !

Quel éclat de rire aurait salué l’annonce par Fernand Reynaud, Fernandel ou Bourvil de leur candidature à l’élection présidentielle française ! Et, imaginez Jerry Lewis ou Laurel et Hardy briguer le bureau ovale.

Avec Coluche, les choses ont changé. D’abord simple provoc, sa candidature en 1981 s’est révélée si sérieuse que Mitterrand a tout fait, dit-on, pour se débarrasser de ce clown qui risquait de le faire éliminer au 1er tour.

Depuis, la frontière entre le roi et son fou est devenue de plus en plus floue. Les rôles ont commencé à s’inverser.

Ayant quitté la Maison Blanche, Clinton s’est lancé dans le polar. Son dernier successeur, Donald Trump, a fait la route inverse : fou du roi à la télé, il est devenu roi du monde, oubliant au passage de se démaquiller, d’enlever son habit de gugusse et de remplacer le texte de ses numéros par des discours politiques.

Pendant ce temps, en Italie, Beppe Grillo, héritier de la commedia dell’arte, a quitté son habit de Guignol pour battre les estrades des meetings politiques.

Avec pour résultat que, dépassé par la machine folle qu’il a mis en mouvement, son parti de joyeux anarchistes, devenu le premier d’Italie, s’est transformé en marchepied du parti fascisant, La Ligue, et lui a pratiquement remis les rênes du pouvoir. Fini de rire !

Pourquoi les rôles se sont-ils inversés ? Pourquoi le fou s’est-il emparé du trône ?

D’abord parce qu’on rit de moins en moins ces temps-ci. Le métier de bouffon ne paye plus. Le Cirque Hipparque ne cherche plus de clowns. Désolé les Dupondt !

Peut-être aussi parce que les rois n’ont plus besoin de fou puisque leurs sujets ont compris qu’ils ont perdu l’essentiel de leur pouvoir. Compression budgétaire, économie de personnel, le fou est bon pour le chômage depuis que les hommes et les femmes politiques ont décidé d’exercer eux-mêmes les deux fonctions.

Mais, en s’emparant du répertoire de leur fou, ils ont remplacé l’ironie par le sarcasme puis par la promesse électorale simpliste, favorisée par la mode du Tweet et la communication par punchline. Théo Francken en est l’exemple qui multiplie les numéros de music hall à l’approche des échéances électorales.

On confond désormais l’humour, qui explore mine de rien la complexité de l’âme humaine, par le « bon mot » qui n’est qu’une façon de flatter les plus bas instincts de l’être humain.

Il ne faut pas s’y tromper. Le puissant ne se moque pas de lui-même – cela lui est tout simplement impossible, n’est-ce pas docteur Freud ? C’était ça tout l’art du bouffon. Mais il se moque de ses sujets sans que ceux-ci n’en soient conscients. Autrement dit, au lieu de viser le « stoeffer », la tarte à la crème s’écrase sur les petits et les sans grades.

Puisque la loi limite à présent le cumul en politique, il serait urgent d’interdire aux rois de se prendre pour leur fou…

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PASSEZ MUSCADE !

Au vu des résultats électoraux de ces derniers mois, on a envie de réagir comme Bertolt Brecht jadis : « Ne serait-il pas plus simple de dissoudre le peuple et d’en élire un autre? »

Quand en Allemagne et surtout en Autriche, l’extrême droite fait des scores qui font rêver nos hommes politiques (après son succès dans les pays scandinaves et les Pays-Bas), quand la Hongrie et la Pologne, débarrassés des communistes, se jettent dans les bras d’autres partis fanatiques et sectaires, on est un peu embêté de donner matin, midi et soir des leçons de démocratie aux dictateurs du monde entier. Ou plutôt, on a l’impression de leur vendre les outils qui leur permettent de consolider leur pouvoir absolu tout en affichant le résultat des urnes la tête haute.

Il ne faut même plus piper les dés du système électoral, comme en Iran ou en Russie, pour que les « gens » – comme dit Mélenchon – se précipitent comme un seul homme vers le pire.

Avec les scores qu’avait engrangés le Vlaams Belang, on ne peut même pas vanter le paradis belge et le donner en exemple. D’autant qu’il vaut mieux ne pas mettre en vitrine notre politique d’ « accueil » des réfugiés …

Le cordon sanitaire qu’on avait opportunément opposé à l’extrême droite flamande à la fin du siècle dernier paraît obsolète et impossible à appliquer en Europe. S’il fallait couper les liens avec les états-membres dans lesquels grouille la droite extrême, l’Union européenne risque de se réduire à peau de chagrin.

Ce chagrin, cet énorme chagrin, qu’on ressent à l’assassinat de la journaliste Daphné Caruana Galizia, piégée par une bombe posée dans sa voiture. C’est un autre méfait de la démocratie, ça : puisqu’on ne peut se servir de la loi pour faire taire les opposants, on les supprime…

La république de Malte, il est vrai a toujours eu un important courant d’échanges avec la Russie, où l’élimination des opposants est la maladie congénitale de leur démocratie formelle.

En apprenant la mort de la journaliste, le premier ministre de Malte, Joseph Muscat, a eu ces mots : « Aujourd’hui est une journée noire pour notre démocratie et notre liberté d’expression ». Cela n’a évidemment rien à voir mais autant signaler que M. Muscat et sa famille sont dans le hit-parade des Panama Papers comme le révélaient les articles d’investigations publiés par Madame Galizia. Voilà donc une disparition opportune pour « des gens » qui tiennent le haut du pavé dans l’ancienne capitale de l’Ordre de Saint-Jean. Passez muscade…

Parions que l’intrigue de ce terrible meurtre sera aussi difficile à démêler que celle du « Faucon de Malte » de Dashiell Hammett…

C’est l’autre face sombre de la démocratie, la diminution des budgets des services publics. Or, comment assurer la réalité des libertés constitutionnelles si les institutions judiciaires sont peu à peu mises en pièces ?

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VOUS AVEZ DIT : MODERE ?

En 2003, la plupart des observateurs ont célébré l’arrivée au pouvoir de M. Erdogan à la tête de la Turquie. Enfin, un islamiste modéré, sorti des urnes, un exemple pour les autres pays musulmans, à peu près tous empêtrés dans des dictatures plus ou moins cruelles. Un modèle conciliant une foi tolérante, démocratie et modernisme. Treize ans plus tard, qu’est devenu le vizir modéré ? Il bafoue les droits fondamentaux, son armée continue à occuper un état souverain, Chypre. Il tient des discours choquants sur le rôle et la place des femmes dans la société, discrimine et massacre allègrement sa population kurde et il vend aux Européens les réfugiés syriens coincés sur son sol comme des marchandises proches de la date de péremption.

A l’époque, M. Erdogan appelait son voisin syrien, M. Assad, «  mon petit frère ». C’aurait dû nous donner la puce à l’oreille. Il est vrai que le fils cadet de Hafez el Assad venait d’être consacré président, après la mort de son père, par un référendum qui se voulait démocratique.

Encore un modéré au Moyen Orient ! s’écriaient joyeusement les observateurs juste parce que Bachar avait fréquenté les écoles laïques de Damas et une université à Londres où il avait rencontré sa future épouse, qui travaillait à la City.

Dans l’un de ses romans, Nelson De Mille fait dire à son héros qu’un islamiste modéré est un islamiste qui s’aperçoit que son arme est vide et qu’il n’a plus de munitions. Cette réplique est peut-être moins provocante qu’il ne paraissait…

Depuis ces pauvres « printemps arabes », où sont passés ces fameux dirigeants modérés ? Ces hommes et femmes prêts à ce « nouveau départ » annoncé dans son discours du Caire en 2009 par le président Obama et célébré deux ans plus tard par les manifestants de la place Tahir. Après, il y a eu l’arrivée au pouvoir après des élections libres des Frères musulmans, puis la reprise en mains de l’empire des pharaons par le général Sissi. Tous des modérés…

Les élections libres ne suffisent pas à fabriquer des dirigeants modérés. Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot. Certains disent du premier ministre israélien, M. Netanyahou, que, comparé à plusieurs de ses ministres, il est un modéré. Même dans cette démocratie, où les partis au pouvoir se succèdent à la suite de véritables élections libres, le « modéré » est aussi à géométrie variable.

Y aurait-il une espèce de malédiction régionale qui donne à cet adjectif un sens aussi relatif – et aussi ironique ? L’influence d’un soleil trop brûlant ? Des terres trop abreuvées de dieux, de croyances, d’imprécations ?

Quelques signes inquiétants montrent qu’avec le réchauffement climatique, l’Europe est gagné par cette malédiction. La réaction de beaucoup de nos politiciens face à l’accueil des réfugiés syriens, blessés, dépouillés, permet de se demander où sont nos modérés ?

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MARS ATTAQUE

L’état islamique, qu’on désigne aussi par son acronyme « Daesh », ne s’est pas seulement emparé d’une grande partie de la Syrie et de l’Irak. Il a aussi plagié la célèbre marque d’une poudre à laver pour s’introduire subrepticement dans tous les ménages occidentaux par le biais de leurs machines à laver. Façon que son programme peu à peu nous colle à la peau.

Et voilà qu’il se lance dans la cyber-attaque. Cette semaine, il a réussi coup sur coup à s’emparer du réseau numérique de TV 5 Monde et de Jean-Marie Le Pen. En se glissant dans les systèmes de TV5, il a voulu répandre sa propagande sordide partout par satellite, la chaîne internationale francophone étant diffusée sur plusieurs continents.

En piratant ce qui restait du disque dur de Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du F.N., il a cherché à aider son parti-frère français à mener sa fille à la victoire lors de la prochaine élection présidentielle.

Le contrôle du cerveau du vieux chef blanc a permis à Daesh de procéder à ce qu’on appelle, dans le jargon technique, un échange interactif. Il a ponctionné dans les cellules grises encore actives quelques slogans réutilisables pour sa communication et il a injecté dans le centre de commandement du parti d’extrême droite français quelques propositions susceptibles de l’aider à prendre pied en France.

Les fanatiques islamistes ont fait le bon choix en misant sur la famille Le Pen. Le père, la fille, la nièce ont la manie de ramasser tout ce qui traîne de préférence au ras du sol, à défaut de programme. Ils sont aussi connus pour afficher une sympathie à géométrie variable selon l’importance du cadeau de leurs interlocuteurs. Ces défenseurs auto-proclamés des vrais Français de souche (de préférence de souche pourrie) ont ainsi, au cours des années, défilé bras dessus bras dessous avec Saddam Hussein,  Radovan Karadžić (l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, accusé de génocide par le Tribunal pénal de la Haye) et Vladimir Poutine, d’excellentes sources d’inspiration lorsqu’ils seront au pouvoir outre-Quiévrain. Les dirigeants de Daesh seront donc en bonne compagnie lorsqu’ils seront reçus à l’Elysée par la présidente Le Pen et son papa.

Les dernières élucubrations de Jean-Marie Le Pen à l’occasion d’une interview dans « Rivarol » méritent de retenir l’intérêt des dirigeants idéologiques de Daesh. Réhabiliter Pétain, condamné à mort comme traître après la guerre, ou réécrire l’histoire de l’holocauste, sont autant de radotages facilement adaptables au Moyen Orient. Il suffit de proclamer que Judas est un héros et d’effacer d’un simple clic les crimes les plus atroces de ce début de siècle pour faire repartir l’histoire dans l’autre sens. Exactement ce que veut le FN en France.

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LE RETOUR DE LA MOMIE

 

La campagne électorale algérienne inspirera à coup sûr les spin-doctors qui essayent désespérément de rendre nos hommes et femmes politiques un peu plus sexy. Tout le monde sait qu’Abdelaziz Bouteflika est mort depuis quelques années mais que les dirigeants algériens ont eu la bonne idée de conserver son enveloppe. Ce qui permet de le réélire éternellement. Mettre à la tête de l’état une momie, un zombie, quelle belle formule pour renouveler les démocraties occidentales en panne !

Pour le moment, la technologie est encore un peu primitive mais nul doute que dans les prochaines années, avec le développement des effets spéciaux, on parviendra à faire bouger la momie et à la faire parler, même en plusieurs langues à la fois. Ce qui devrait intéresser tous ceux qui cherchent à contrer enfin le vote protestataire. Devant la puissance de feu de Bart De Wever, tout le monde est conscient que Wouter Beke ne fait pas le poids. Mais si, face au redoutable bourgmestre d’Anvers, on opposait un zombie plutôt qu’un fantôme, on pourrait peut-être contenir la montée irrésistible de la N-VA.

Walt Disney s’est, dit-on, fait cryogéniser pour réapparaître dans quelques années. Revitalisé par les progrès de la médecine, il reprendra son crayon ou plutôt sa souris pour dessiner de nouveaux chefs d’œuvre, La vengeance de Donald, le Retour du Nez de Pinocchio ou de la Momie. On regrette que les dirigeants de nos partis politiques aient négligé, pour préserver l’avenir, de préparer l’éternel retour de leurs grands leaders tant qu’il en était encore temps.

On sent bien que dans plusieurs pays voisins, on se montre beaucoup moins imprévoyant en songeant déjà à la cryogénisation des dirigeants dont la population ne pourra jamais se passer, Berlusconi ou Poutine.

En France, on a aussi compris que la nomination de Manuel Valls n’empêchera pas l’évaporation du pauvre Hollande. Ah ! S’il avait eu sous la main le clone de Mitterrand ou, mieux encore de de Gaulle.

Les patrons de la politique belge n’ont pas eu non plus beaucoup de flair en laissant s’envoler l’âme de leurs meilleurs cadors. Ils ont naïvement cru qu’à chaque génération, ils trouveraient de nouvelles stars à placer en tête de liste. Et les voilà le bec dans l’eau. Avec sur les bras De Croo 2, Tobback 2, Wathelet 2, Ducarme 2 qui annoncent à leurs partis des accidents industriels. C’est maintenant qu’ils auraient besoin d’exhiber les momies de nos Bouteflika à nous, Paul-Henri Spaak, Kamiel Huysmans, Paul Van Zeeland, Charlier Jambe de bois ou mieux encore Achille Van Acker dont le slogan était « J’agis d’abord, je réfléchis ensuite ». Le seul programme qui peut servir d’arme de destruction massive contre le parti séparatiste flamand.

 

 

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MOUVEMENT PERPETUEL

  Après madame Laurette O., voilà que monsieur Benoît Lutgen descend à son tour dans la rue aux côtés des chômeurs et du syndicat socialiste pour protester contre la loi inique qui va envoyer à la misère plusieurs dizaines de milliers de travailleurs en fin de droits. Laurette ! Benoit ! Avec nous ! Contre le traître Di Rupo !

Inutile de préciser que les deux personnalités en question ne sont que les malheureux homonymes l’une de la vice-premier ministre du gouvernement dirigé par le président du parti socialiste (en congé) et l’autre du président du parti des humanistes. C’est vraiment pas de chance de porter le même nom que ceux que l’on conspue…

L’usage convenu des campagnes électorales est d’annoncer des tas de réformes, de faire de jolies promesses pour que demain, la vie soit plus belle. Cette année, les trois partis francophones de la majorité ont tous dérogé à la règle. C’est toujours rafraichissant de faire du neuf. Sauf que cette fois, ils le font avec du vieux.

Au lieu de proposer des idées originales, de meilleures législations, l’amélioration des institutions, les candidats socialistes, libéraux et humanistes nous annoncent qu’une fois élus, ils vont supprimer les réformes qu’ils viennent de voter alors qu’ils étaient au gouvernement. A une élection, ils promettent une nouvelle loi ; l’élection suivante, ils s’engagent à l’effacer et ainsi de suite. On voit que c’est un scientifique qui est aux commandes du pays : il vient d’inventer le mouvement perpétuel.

Certes, faire et défaire, c’est toujours travailler, selon une vieille rengaine. Vu le nombre de chômeurs, l’idée ne manquera pas de séduire. Et tant qu’à défaire, pourquoi se contenter des erreurs et horreurs commises par la majorité sortante en matière sociale ? Il faut aller plus loin. Si l’on se met à supprimer les lois votées les yeux fermés, pourquoi ne pas se lancer dans un grand nettoyage de printemps ?

Tenez, à propos des réformes de l’état par exemple. Chaque fois qu’une majorité a eu la mauvaise idée d’en voter une, aux élections suivantes, celle qui lui succède (souvent la même) s’empresse d’en concocter une nouvelle. La sixième n’est pas encore déballée que certains de ceux qui l’ont adoptée songent déjà à une septième. En prétextant que cela fera tellement plaisir au nouveau partenaire qu’il faudra coltiner dans quelques semaines. En appliquant la règle du mouvement perpétuel, plutôt que de réformer la nouvelle réforme de l’état, on supprimera les six précédentes qui n’ont créé que le désordre.

Tant qu’à faire, on effacera aussi les autres législations qu’on a été si bête de voter au cours des années, le code des impôts, la TVA, le code de la route. Et on finira enfin par supprimer la plus bizarre de toutes, les élections.

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COMME EN 14 !

    2014, une année sombre ? Allons ! Une année d’élections, c’est toujours une année de fiesta ! Malgré la crise, cette bonne vieille crise avec laquelle on vit depuis si longtemps comme avec des rhumatismes, la plomberie bruyante des voisins ou une increvable belle-mère auxquels on a fini par s’habituer. Pendant quelques mois, on ne nous parlera plus d’assainissement, de rigueur et d’austérité. On va recommencer à s’amuser. Car, les candidats le savent, ils doivent nous charmer par des promesses et nous faire rêver en jurant, croix de bois, croix de fer, que demain sera tellement mieux qu’avant, quand ils n’étaient pas aux affaires.

Vous me direz, éternels grognons, que ceux qui se présentent à nos suffrages étaient justement ceux que nous avons déjà élus et qui nous avaient forcés à nous serrer la ceinture. A payer plus pour recevoir moins. A travailler plus pour gagner moins. A s’énerver plus pour rêver moins. Certes. Mais c’est ça, la magie du système démocratique. Les meilleurs d’entre eux ont la faculté de se multiplier, de se contorsionner, de se couper en deux, avec un art si souverain qu’ils sont capables de dénoncer la politique qu’ils menaient et les personnages qu’ils jouaient lorsqu’ils étaient au pouvoir tout en nous faisant croire qu’ils seront différents quand ils y reviendront.

Dans une année électorale, l’appétit du pouvoir monte chez certains comme les hormones dans l’équipe Festina. Angela Merckel vient d’expliquer pourquoi, elle s’accroche : « Le pouvoir, c’est un peu comme le jeu de combat naval, avoue-t-elle. Quand je fais un touché-coulé, je jubile ! » Ach ! Comme l’amiral Canaris aurait été fier d’elle !

Hélas, le combat naval cent ans après la der’ des der’ est devenu impayable. Avec l’état de nos budgets, qui peut encore s’offrir des destroyers, des cuirassés, même un bête sous-marin ? Il n’y a plus de Marine qu’en France – et, celle-là, c’est vrai, on a vraiment envie de la couler ! Même une course en taxi Paris-la Marne est hors de prix !

Elections législatives ici, municipales là-bas, européennes, partout. Qu’est-ce qu’on va s’amuser l’an prochain après une année de disette où on n’avait rien à se mettre sous la dent sinon quelques consultations bidon dans des pays où l’on fait semblant de voter pour rassurer la communauté internationale. Il faut être sorti des urnes, même bourrées, pour avoir le droit de parader entre Obama et Poutine.

Heureusement que le vote est resté obligatoire en Belgique. Sinon, avec le taux d’abstention, de désillusion et d’hésitation des citoyens, on risquerait de ne pas voir passer le dimanche d’élections. Et ce serait dommage qu’une aussi belle fête nous passe sous le nez !

Meilleurs vœux !

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MARK DE LUXE

Toute l’histoire de l’Allemagne au vingtième siècle peut se résumer en un mot : la chute.

Chute de l’empire après la première guerre mondiale, chute du Reich après la seconde. Chute du mur en 1989.

Des utopies immenses. Des débâcles dérisoires.

Chaque fois, quelques jours ont suffi à balayer les symboles les plus glorieux de la nation, tout ce qui a uni les Allemands ou les a écrasés. Qui se rappelle encore que l’empereur Guillaume II dirigeait la première puissance économique d’Europe en 1918 ? Et d’Hitler, dont le souvenir s’estompe parmi les jeunes générations ? Oublié aussi le spectre de cette Allemagne bis, la RDA, engloutie avec le reste du monde communiste européen.

Et maintenant, Angela ? Faudra-t-il titrer Chancelière : la chute ?

A l’issue des dernières élections régionales, son sort semble aléatoire, disent de nombreux observateurs, les mêmes qui, quelques jours plus tôt, ne donnaient par cher de la peau de son challenger social-démocrate. Certains commentateurs ont la mauvaise habitude de bâtir leurs articles sur le dernier tweet reçu. Pourquoi les résultats des élections de Basse Saxe la semaine dernière décident-ils des votes des électeurs allemands en septembre?

Comme l’écriront les mêmes observateurs dans quelques semaines, sur base de nouveaux sondages, les jeux ne sont pas faits. Angela dispose encore de quelques atouts dans la manche étroite de sa veste couleur prune écrasée.

Quelle que soit votre opinion politique, reconnaissez qu’elle vous a bluffés, Angela.

Et pas seulement par ses tenues vestimentaires. Remarquez, je préfère son absurde garde-robe aux déguisements tyroliens dont s’affublent certains dirigeants politiques de chez nous quand ils se rendent dans leur lieu de vacances favori, croyant faire couleur locale.

Que la fille d’un pasteur établi en Allemagne de l’est, qui a signé une thèse en chimie quantique, soit propulsée première chancelière de l’histoire laisse penser qu’elle en a encore sous la pédale, comme disait Eddy Merckx de son ami Lance Amstrong.

Une physicienne capable de prévoir le comportement des molécules sur base de la mécanique quantique doit analyser mieux que d’autres le comportement des électeurs, même ceux du Schleswig-Holstein, réputés pour leur amour de l’indépendance – c’est aussi le cas des molécules.

Angela a montré une souplesse politique qui étonne ou agace. En tout cas, elle a réussi l’exploit de battre le chancelier sortant Schröder en critiquant sa politique de flexibilité du travail, qu’elle a aussitôt mise en application. Alors, pardon, Angela, quelle Mark de luxe !

PS : paru il y a quelques mois, un roman magnifique, « Quand la Lumière décline» (éditions Les Escales) d’Eugen Ruge raconte, à travers le destin d’une famille, toute l’histoire de la RDA et d’une génération d’Allemands anti-nazis,  perdue dans l’utopie communiste.

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COMMENT DIT-ON « YES WE CAN » EN CHINOIS ?

  Pour le nouveau président chinois, la victoire ric-rac de Barack Obama sur son fade adversaire est un signal d’alarme. En politique, l’état de grâce est aussi éphémère que la mode des présidents normaux.

On conseille donc à M. Xi Jinping de se garder de commettre les erreurs qui ont failli renvoyer dans les rues de Chicago en plein hiver le plus charismatique président américain des cinquante dernières années.

Qu’il évite d’abord toute note d’espoir. Le premier mandat d’Obama a commencé sur l’air de « Yes, we can ! » Ce qu’en Belgique on traduit par : Demain, on rasera gratis. Heureusement, voilà un slogan qui n’a pas d’équivalent en chinois. Certes, les enfants de Mao sont capables d’exploits : construire un building en une nuit, un barrage en un week-end et même une route asphaltée au Congo en moins de dix ans. Mais que Xi Jinping ne s’avise surtout pas de promettre la liberté de la presse, des élections libres ou une loi pour combattre l’enrichissement débridé de ses collègues. Sinon, il sera balayé avant même les fêtes du nouvel an.

Qu’il ne s’aventure pas non plus dans un projet d’assurance obligatoire pour les soins de santé. Les gens n’ont pas envie d’entendre parler de maladies, d’hôpitaux, de docteurs. Qu’il autorise plutôt la vente libre des armes comme le garantit la Constitution américaine. C’est autrement plus radical et plus efficace que les soins médicaux, beaucoup moins coûteux pour le budget public. Et plus conforme à la tradition. Le feu d’artifices n’a-t-il pas été inventé en Chine il y a près de quinze siècles ? Ce qui ne nous rajeunit pas. A ce sujet, la politique de limitation des naissances risque d’obliger bientôt les Chinois à importer de la main d’œuvre européenne.

J’en profite pour signaler au nouveau boss de l’empire du milieu quelques spécialités de chez nous immédiatement disponibles. Des ouvriers qualifiés, des gardiens de prison haut de gamme et même des camps de détention pour sans-papiers donnés en prime à l’achat d’une aciérie wallonne ou d’une chaîne de montage automobile flamande, le tout livrable clé en mains. Nous vendons aussi quelques secrets très recherchés comme le « pot belge » bien connu des véritables amateurs (et aussi des professionnels), autrement plus efficace que sa contrefaçon américaine, trop facile à détecter. Un champion chinois ramenant le maillot jaune à Pékin, quelle image pour assurer dans cinq ans la réélection de M. Xi !

Enfin, pour le renouvellement du comité central, nous tenons à la disposition du PCC un certain nombre de politiciens inoccupés à qui il suffit de préciser dans quel sens voter pour qu’ils s’exécutent puisqu’ils ne parlent de toute façon pas un mot de mandarin. Et pas toujours une autre langue.

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