JAMBON FUME

 Maintenant qu’on a retrouvé la trace du vol MH 370 de la Malaysia Airlines, que la page de la Crimée est tournée après quelques gesticulations et que le président Obama a enfin loué un pied-à-terre à Bruxelles – on l’a attendu longtemps mais, depuis qu’il a goûté à la gueuze grenadine, plus moyen de le faire décoller de « La Mort subite » – maintenant donc que les petites affaires du monde sont bouclées, on peut revenir aux grands soucis. Comment survivre – et, accessoirement, s’offrir une gueuze grenadine avec une tranche de jambon fumé – une fois exclu du chômage ?

On ne saura jamais qui a chipoté à la réglementation pendant la législature finissante. S’il faut en croire les socialistes, le jour où ils arriveront enfin au pouvoir, ils aboliront cette loi scandaleuse décidée par un gouvernement dirigé par un ennemi des travailleurs…

Les libéraux ne sont pas en reste qui crient à qui veut les entendre : c’est pas moi ! c’est pas moi ! Tandis que les humanistes, comme d’habitude, regardent ailleurs. « Quelqu’un veut une tranche de jambon fumé ? » demande leur président.

La sanction tombe comme un couperet. Faute d’adresser plusieurs demandes d’emploi par semaine, on est bon pour devenir SDF. Peu importe que le chômeur ait accompli des petits boulots, fait des efforts pour se reconvertir, essayé de changer de métier, qu’il se soit tapé des heures de cours de langue, de menuiserie, de comptabilité, de cirque ou d’informatique. Seule la copie des courriers fait foi. Sans la preuve de trois lettres hebdomadaires au moins à des employeurs potentiels, crac ! on vous débranche.

Pourquoi le président Hollande n’a-t-il pas pensé à la méthode belge ? En présentant ses vœux à la fin de l’année, il aurait pu annoncer triomphant que la courbe du chômage a été inversée…

Il n’y a aucune offre d’emploi dans votre secteur ? Vous écrivez à des sociétés au bord de la faillite, à un entrepreneur sur le point de fermer ? Cela n’intéresse pas les fonctionnaires de l’Office du moment que vous avez trempé votre plume dans l’encrier.

Alors, une suggestion aux amis chômeurs : pourquoi ne pas envoyer votre CV et votre lettre de motivation aux hommes et femmes politiques qui ont voté cette loi les yeux fermés ? Chez eux, les boulots ne manquent pas : colleurs d’affiches, rédacteurs de discours et de questions parlementaires, dresseurs de pandas, bouffons, marionnettistes. Chaque semaine, vous en choisissez cinq à qui vous offrez vos services. Vu le nombre d’élus dans notre pays, vous êtes tranquilles, vous en avez pour des années.

Et qui sait, à défaut d’emploi, il y en a bien l’un ou l’autre qui vous proposera entre temps un coup de main. « Une petite tranche de jambon fumé pour la route ? »

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MOUVEMENT PERPETUEL

  Après madame Laurette O., voilà que monsieur Benoît Lutgen descend à son tour dans la rue aux côtés des chômeurs et du syndicat socialiste pour protester contre la loi inique qui va envoyer à la misère plusieurs dizaines de milliers de travailleurs en fin de droits. Laurette ! Benoit ! Avec nous ! Contre le traître Di Rupo !

Inutile de préciser que les deux personnalités en question ne sont que les malheureux homonymes l’une de la vice-premier ministre du gouvernement dirigé par le président du parti socialiste (en congé) et l’autre du président du parti des humanistes. C’est vraiment pas de chance de porter le même nom que ceux que l’on conspue…

L’usage convenu des campagnes électorales est d’annoncer des tas de réformes, de faire de jolies promesses pour que demain, la vie soit plus belle. Cette année, les trois partis francophones de la majorité ont tous dérogé à la règle. C’est toujours rafraichissant de faire du neuf. Sauf que cette fois, ils le font avec du vieux.

Au lieu de proposer des idées originales, de meilleures législations, l’amélioration des institutions, les candidats socialistes, libéraux et humanistes nous annoncent qu’une fois élus, ils vont supprimer les réformes qu’ils viennent de voter alors qu’ils étaient au gouvernement. A une élection, ils promettent une nouvelle loi ; l’élection suivante, ils s’engagent à l’effacer et ainsi de suite. On voit que c’est un scientifique qui est aux commandes du pays : il vient d’inventer le mouvement perpétuel.

Certes, faire et défaire, c’est toujours travailler, selon une vieille rengaine. Vu le nombre de chômeurs, l’idée ne manquera pas de séduire. Et tant qu’à défaire, pourquoi se contenter des erreurs et horreurs commises par la majorité sortante en matière sociale ? Il faut aller plus loin. Si l’on se met à supprimer les lois votées les yeux fermés, pourquoi ne pas se lancer dans un grand nettoyage de printemps ?

Tenez, à propos des réformes de l’état par exemple. Chaque fois qu’une majorité a eu la mauvaise idée d’en voter une, aux élections suivantes, celle qui lui succède (souvent la même) s’empresse d’en concocter une nouvelle. La sixième n’est pas encore déballée que certains de ceux qui l’ont adoptée songent déjà à une septième. En prétextant que cela fera tellement plaisir au nouveau partenaire qu’il faudra coltiner dans quelques semaines. En appliquant la règle du mouvement perpétuel, plutôt que de réformer la nouvelle réforme de l’état, on supprimera les six précédentes qui n’ont créé que le désordre.

Tant qu’à faire, on effacera aussi les autres législations qu’on a été si bête de voter au cours des années, le code des impôts, la TVA, le code de la route. Et on finira enfin par supprimer la plus bizarre de toutes, les élections.

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