VITESS’KE

  Aussitôt connue la défaite de son parti aux élections européennes, le président Macron a dissous l’Assemblée nationale et convoqué fissa des élections législatives dès la fin du mois pour remeubler le Palais-Bourbon de frais. De l’air ! De l’air ! Sauf que le frais peut s’avérer glaçant si les électeurs remettent le couvert et reproduisent le menu écœurant de dimanche dernier. Peu importe, pense le président français qui parie que rapidité et réactivité peuvent tenir lieu de programme pour sauver les meubles brinquebalants de sa majorité déjà relative. De toute façon, qui dissèque les promesses politiques ? On s’informe sur les réseaux sociaux où tout est blanc ou noir et où les engagements politiques doivent avoir moins de deux cent cinquante caractères pour être lus. 

  Vite, vite ! clament aussi les vainqueurs des élections belges. Un Bouchez survolté et un De Wever qui essaye de balayer tout ce qui peut faire obstacle à ses ambitions de diriger le pays se sont lancés dans la formation d’un gouvernement avec moteur turbo. 

On a suffisamment déploré la lenteur des précédentes négociations pour leur reprocher de constituer une équipe avant la Saint Glin-Glin. Mais, si on prend le temps de réfléchir, on se demande quel programme peut réunir le libéral belgicain unitariste et le séparatiste flamingant. Et si c’était justement l’absence de programme qui les rapprochait ? 

Une photo des deux champions dans leur beau costume sur Instagram, un faux dialogue complice sur Tik Tok, quelques jolies formules frappées au coin du bon sens, le tour est joué et les citoyens embobinés. Ils n’en demandent d’ailleurs pas plus. Ils ont compris depuis longtemps que les promesses n’engagent que ceux qui y ont cru. 

Un gouvernement d’abord et un programme le plus tard possible – juste avant la prochaine échéance électorale par exemple, voilà qui devrait satisfaire le bon peuple. Car à quoi bon négocier une interminable feuille de route comme à la formation de la Vivaldi, si c’est pour la laisser au placard ? Nos vainqueurs ont bien compris qu’à notre époque, le citoyen veut qu’on aille le plus vite possible. Dans quelle direction ? Peu importe. Pourvu qu’on y coure. N’est-on pas à la veille des jeux olympiques ?

On comprend qu’avec cet état d’esprit, les plaies majeures qui déchire l’Europe ne sont plus à l’ordre du jour. Le pire du réchauffement climatique n’arrivera que dans cinquante ans. Au dernier moment, il se trouvera bien un politicien qui promettra de le régler à tout berzingue et des citoyens prêts à le croire sur paroles. Quant à la guerre d’Ukraine, elle commence à casser les pieds. Si les Ukrainiens continuent de traîner les pieds sans parvenir à repousser les Russes, c’est sûr qu’ils vont perdre le soutien d’une partie de notre opinion publique. On ne plébiscite que ceux qui agite « vitess’ke » comme slogan.  

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VIEUX COUCOUS

   Venu de Madrid et en route pour Lisbonne, le président Zelensky a fait escale à Bruxelles au début de cette semaine. C’est le problème des vols low cost : la compagnie ne choisit pas la ligne la plus directe mais l’escale la moins chère. Petite compensation, l’éminent passager a été autorisé à quitter la cabine pendant quelques heures, le temps de faire un peu de shopping dans le centre de la ville et de serrer la pince d’Alexandre De Croo, qui lui offre comme à chacun de ses voyages son plus charmant sourire – pas grand-chose de plus, sorry mais on est un peu serré pour le moment – et de saluer le roi Philippe qui a suggéré de livrer à l’Ukraine l’ensemble des plantes carnivores des serres de Laeken, une arme que les Russes ne sont pas préparés à affronter. 

Question shopping, le président ukrainien a découvert que la Belgique est la patrie de la seconde main et de la brocante. Après l’envoi des casques des militaires à la retraite ainsi que le brol qui encombre le musée de l’Armée en liquidation et qu’on ne savait où ranger, notre redoutable ministre de la Défense, Ludivine De Donder, a promis voilà des lunes le sacrifice suprême de livrer quelques-uns de nos F-16. Mais seulement lorsque nous aurons reçu nos nouveaux joujoux, des F-35 (commandés il y a six ans). 

Pourquoi ne pas livrer immédiatement ces nouveaux appareils à l’Ukraine ? Ah non ! Nos jets flambant neufs doivent protéger notre sol national. Tiens ? Je croyais naïvement que c’était justement l’Ukraine qui assurait la défense de l’Europe contre notre principal ennemi. Et à quel prix ! Contre qui allons-nous alors lancer nos avions flambant neufs ? Contre le Vlaams Belang, la seule force qui menace notre territoire ?  

Contentons-nous donc des F-16 a soupiré Zelensky. Je peux les emporter là, tout de suite ? Justement on m’attend à Zaventem. 

Désolé, a tranché Ludivine. Bien sûr, ils sont à vous. Mais il faut d’abord qu’on les retrouve et qu’on les reconstitue. On ne sait plus très bien où on les a fourrés. Depuis le temps, vous pensez. Et puis, il faut remettre les pièces en place.  Mais, ne vous en faites pas, on est des grands spécialistes du puzzle dans notre pays.

Quand ? A qui vous offre un cadeau, on ne se montre pas aussi insistant, M. Zelensky. Un peu de savoir-vivre, je vous prie. Voyons l’agenda. On a besoin de quelques appareils pour le défilé du 21 juillet, puis pour les fêtes du passage à l’an neuf, puis pour saluer la constitution du nouveau gouvernement, ce qui soi dit au passage peut prendre du temps, beaucoup de temps. Mais après, s’il reste encore quelqu’un de vivant dans votre coin, ce qui reste des F 16 est à vous. Pour le kérosène, le plus proche fournisseur, ça tombe bien, ce sont vos voisins, les Russes. On dit merci qui ?   

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LE SOLEIL A RENDEZ-VOUS AVEC LA LUNE

        Il est pas content le soleil. Pas content du tout. Il somnolait devant un bon feu tandis que ses neuf planètes tournaient tranquillos depuis plus de quatre milliards d’années. Ravi qu’il ne se passe pas grand-chose sur l’aînée, Jupiter, ni sur Saturne même si son anneau lui donnait de temps en temps le tournis. Pluton, c’était le froid absolu mais c’était loin de son foyer. Loin des yeux, loin du cœur. Celle qui l’a embêté un moment, c’est Mars, avec ses milliards de petits hommes verts qui sortaient on ne sait où, parlaient fort et n’arrêtaient pas de creuser des canaux à coup d’explosifs nuit et jour. Cette activité lui donnait tant d’insomnies qu’il a d’un coup aspiré son atmosphère. Un bon vent solaire, soutenu par une tempête du tonnerre de Dieu (comme nous l’a appris la sonde Maven de la NASA) et hop ! Fini les petits hommes verts !  

Restait la Terre, sa petite préférée. Devenu avec l’âge plus bienveillant, il a laissé d’autres petits hommes de toutes les couleurs s’agiter à leur tour. Ils se battaient sans cesse mais pas de quoi troubler son sommeil jusqu’il y a quelques siècles quand ils se sont mis à creuser eux aussi des canaux et à se taper sur la gueule avec de la mitraille. Mais ils s’étaient plus ou moins calmés ces dernières années. Il y avait bien une bombe ici, un attentat là, des coups d’état un peu sanglants mais tout ça ne durait pas. 

Or, voilà que les Russes s’obstinent depuis plus de deux ans à dévaster l’Ukraine à coups de roquettes et qu’au Proche Orient, l’armée israélienne bombarde Gaza après que le Hamas a dévasté le sud d’Israël. Pendant ce temps, le leader coréen bien-aimé-respecté envoie des jouets de plus en plus menaçants dans la flotte et que Poutine menace de s’offrir un délire atomique. 

Hé bien, non ! D’abord accommodant, le soleil a décidé de montrer les dents voyant que la situation devenait pire chaque semaine et que certains étaient prêts à faire sauter toute la planète.  

Notre bonne vieille étoile vient donc de faire lever une de ces tempêtes à décoiffer la Lune, niveau 5 disent les spécialistes (le niveau le plus élevé) et, si ça ne suffit pas, elle promet d’en remettre une couche de quoi mettre en l’air les installations électriques et faire taire internet pendant plusieurs mois. Compris ? Ils auront l’air malins tous ces petits agités quand leurs armes sophistiquées, drones, avions, canons dirigés par ordinateurs seront réduits à l’état de pistolets à eau. 

On ne perd d’ailleurs rien pour attendre. Dans quelque temps, prédisent les savants, notre cher astre solaire périra à son tour – car il est mortel comme vous et moi. Ce jour-là, paraît-il, les planètes quitteront leur axe pour aller errer dans la galaxie. Et on se dira enfin que notre agitation était bien dérisoire… 

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UK-REINE DU BAL

   Quel rôle va jouer Alexander De Croo à la tête de l’Europe – dont Charles Michel guette les faux pas en ricanant, lui qui se voit déjà califtje à la place du califtje après les prochaines élections ? Depuis qu’il occupe le 16, on a plus admiré notre charmant Alexandre dans l’habit de notaire (comme ses derniers prédécesseurs) que sur le fier destrier de Jeanne d’Arc fonçant sus aux méchants, sabre au clair. Façon sans doute de ne pas se brûler alors qu’il doit composer avec une majorité de toutes les couleurs qui refusent de se mélanger.

   Mais, devenu patron du vieux continent, placé sous les spots et en tête de distribution pour six mois, ne va-t-il pas enfin casser l’armure ? Cesser de jouer les gentils toujours d’accord avec tout le monde ? De l’audace, pour une fois, de l’audace ! 

   Voici une proposition qui bousculerait la routine. De Croo vient de répéter l’importance du soutien à l’Ukraine et sa volonté d’accélérer son intégration dans l’Union. Alors, qu’il y aille franchement, que, dans un geste spectaculaire, il cède à mi-mandat son sceptre au président Zelensky ! 

Le premier Ukrainien devenant président du conseil européen, avouez, ça aurait une fameuse allure. Imaginez la tête de Poutine, qui pensait que son ami Orban va succéder à ce brave De Croo, en voyant sur son écran se dérouler la cérémonie de passation des pouvoirs et son meilleur ennemi adoubé devant les vingt-sept chefs d’état et les députés européens. 

   Je ne vous dis non plus pas la surprise interloquée de ses alliés, Xi Jinping en tête, obligés de recevoir Zelensky en qualité de nouveau chef du conseil européen et devoir composer avec la plus tragique victime de ses amis russes.

   Dans la foulée, on pourrait développer cette proposition au-delà d’un semestre. En organisant des sessions du Parlement européen à Kiev, mieux encore à Odessa ? Avouez, la vue sur la mer Noire aurait une autre allure que sur les embouteillages du tunnel Loi. Cela ne devrait pas trop perturber les élus qui ont déjà l’habitude de voyager, comme jadis les rois fainéants, entre Bruxelles et Strasbourg. 

Autre déplacement recommandé, celui de la FN. Pourquoi prendre tous les risques et dépenser tant de carburant pour transporter sur le champ de bataille nos armes et munitions d’Herstal à Kharkiv alors qu’il suffit de déménager la FN directement sur place ? Les Ukrainiens auraient enfin de quoi répliquer aux bombardements incessants, eux dont les troupes, gelées jusqu’à la moëlle, se trouvent de plus en plus démunies des armes que nous leur avons promises et qui font si cruellement défaut.

Prenons garde à ce qu’écrivait Alexandre Zinoviev : “La tragédie russe a ceci de spécifique que d’abord elle suscite le rire, ensuite l’horreur, et enfin une indifférence obtuse.”

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LES MEILLEURS MANQUENT DE TOUTE CONVICTION

  Dans la série de crises barbares que nous traversons, Ukraine-Russie, Israël-Palestine, on constate une inadéquation consternante du discours politique avec la réalité tragique des événements.

  Que Poutine raconte des craques, que les Iraniens mentent comme des arracheurs de dents (pardon à ma délicieuse dentiste !), le monde entier le sait. Mais que les représentants de nos démocraties racontent d’importe quoi face aux ténèbres, voilà qui est affligeant. 

  Yeats écrivait déjà au début du vingtième siècle : « Les meilleurs manquent de toute conviction. Les pires, eux, sont animés d’une intense passion ». (Le grand poète était aussi nationaliste irlandais.)

   Façon aimable de regretter la passivité de nos politiques qui ont fermé les yeux quand Poutine a tranquillement annexé la Crimée, découpé la Géorgie, fait occuper le Donbass, et même laissé abattre un avion de ligne avec 298 personnes à bord. Tout au long de ces années, les Européens faisaient semblant de croire qu’il suffisait d’acheter pétrole et gaz russes et faire des risettes pour que l’ours se tienne coi.  

   Chez nous aussi, on s’est beaucoup tortillé avant de soutenir l’Ukraine autrement qu’avec de bonnes paroles. Au début de la guerre, aux Ukrainiens qui demandaient des armes, notre charmante ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, promettait l’envoi de casques… Quand ils réclamaient des avions, la même refusait de se séparer de nos précieux F16 sous prétexte qu’ils étaient trop vieux. Un an plus tard, elle consent à en envoyer deux, peut-être quatre, dans deux ans. Le temps d’une cure de jouvence ? 

   La crise israélo-palestinienne a aussi entraîné un florilège de bonnes paroles sans aucune initiative concrète, notamment pour dénoncer la montée de la violence du Hamas et sa soif insatiable d’armes. Sans comprendre que cette culture de la haine engendrerait un déchaînement de sauvagerie. 

   Plus consternant encore d’entendre certaines de nos éminences fermer les yeux même après le déroulement des terrifiants actes terroristes commis par ce mouvement. Le PTB trouve la source de cette violence il y a 75 ans autrement dit, il approuve la revendication du Hamas de supprimer purement et simplement l’Etat d’Israël. Tout aussi consternant, les messages de la gauche socialiste, d’abord silencieuse devant les massacres. Puis, s’exprimant à travers une déclaration de la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux, qui a tenté un choquant « équilibre » de condamnations, un coup contre le Hamas, un coup contre Israël. Comme l’a fait la présidente d’Ecolo. Cherche la gauche belge désespérement…

Pendant ce temps, le Comité Nobel, sauvant l’honneur des Européens, a attribué le prix Nobel de la Paix à Narges Mohammadi, qui s’est dressée contre les ayatollahs rassis d’Iran, les commanditaires des abominations du Hamas. 

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HOU, HOU ! FAIS-MOI PEUR !

  Il paraît qu’on enregistre dans plusieurs régions du monde un retour remarqué des fantômes. On les croyait oubliés, tremblant de froid, le suaire humide, leurs vieilles chaînes rouillées, dans quelque château d’Ecosse depuis plus d’un siècle. Et les samouraïs vengeurs du Japon, on les disait disparus dans l’explosion de la première bombe atomique à Hiroshima le 6 août 1945.

   Est-ce la grande peur liée à la pandémie de covid, la succession d’attentats terroristes depuis le début de ce siècle ou de guerres violentes, inexplicables et insensées au Yemen, en Ukraine ou au Soudan qui les a réveillés ? Peut-être l’internet, les robots, la réalité augmentée, le métavers ? L’origine de ce regain des spectres reste discutée mais les psy de tous poils nous l’assurent, les fantômes sont de retour. Dans leurs cabinets, les patients angoissés sont de plus en plus nombreux à en porter témoignage. Cependant, les spectres new wave ne ressemblent plus aux clichés immortalisés par Willy Vandersteen (dans son merveilleux « Fantôme espagnol ») ou à The Phantom de Lee Falk ou au petit et adorable Casper. Ni aux innombrables fantômes des mangas japonaises. 

  Aux Etats-Unis, les morts-vivants se sont emparés de la présidence des Etats-Unis, entre un ex-président transformé en zombie vengeur et un gentil fantôme à l’ancienne. En Grande-Bretagne, le roi Charles III monte tout sémillant sur le trône à 74 ans. On attend que sa maman participe à la cérémonie comme toujours mais plus transparente que jamais. Lorsque Charles III prendra sa pré-pension après 40 ans de règne, il devrait ressembler au père d’Hamlet, l’ex-roi du Danemark transformé en spectre.  

En Russie, Vladimir Vladimirovitch, le vrai, a été effacé depuis longtemps pour être remplacé par une espèce de clone fabriqué par un savant fou, qui a l’apparence de Poutine mais qui a été mélangé avec le cerveau de Staline et les cendres de Brejnev. 

   En Chine, il y a eu tant de décès dans les camps et les prisons qu’on s’attend à un retour brutal de tous ces morts-vivants venus réclamer des comptes. Que fera Xi-Jinping et sa puissante armée face à cette invasion venue du néant ? 

   Tous ces spectres déconcertants devraient prendre garde. Car les populations, un peu partout sur la planète, lassées de vivre dans un climat de peur permanente, entre les promesses de fin du monde, les catastrophes dues au réchauffement climatique et la multiplication de conflits incompréhensibles, pourraient être tentés de faire appel à des robots intelligents mais méchants et sans état d’âme pour les départager. 

  Qu’est-ce qu’on s’amuse au XXIème siècle ! 

PS : qui aime les fantômes doit lire ou relire toutes affaires cessantes « La Symphonie des Spectres » de John Gardner (Denoël ou Points Seuil).

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PARIS EST UNE FÊTE

    En voyant tous les jours les images de Paris ravagée par les grèves à répétition, noyée sous l’amoncèlement des ordures, en contemplant les vagues de manifs dans les rues, la violence des voyous qui se sont glissés dans les cortèges et celle aussi choquante des policiers, on hésite à mettre les pieds en France. On se dit que s’il faut vraiment y aller, qu’on a un rendez-vous obligé dans la Ville-Lumière, mieux vaut descendre en voiture, la laisser dans un parking protégé, se munir de solides chaussures de marche, d’un masque à oxygène et d’un gilet pare-balles.

Or, en débarquant dans la capitale française il y a quelques jours d’un train parfaitement à l’heure, je n’ai pas vu d’autres ruines que Notre-Dame. 

Celles de la politique d’Emmanuel Macron étaient parfaitement invisibles. Même les auteurs de tags ignoraient la « colère du peuple » dont se gargarisent les Mélenchonistes. J’ai eu beau chercher. Personne n’a songé à rebaptiser une station de métro 49.3. 

Aux abords du Jardin du Luxembourg, entre Sorbonne et Panthéon-Assas, pas le moindre coup de gueule. Des groupes d’étudiants se promenaient joyeusement, aussi insouciants que les personnages d’un film de René Clair.  

Peut-on imaginer que les révolutionnaires de 1789 aient fait la pause pendant les fêtes de Pâques ? Gardez la Bastille au chaud, on va continuer à la démolir dès que nous rentrerons de vacances !

Tout a été soigneusement balayé, ordures, banderoles, pétards, grenades lacrymo. Les oiseaux en pagaille fêtaient l’arrivée du printemps en saluant les touristes qui seuls se pressaient sur les boulevards. Ils ne protestaient que contre la longueur des files devant les expos et les restaus. Charles III peut débarquer sans crainte avec madame en chapeau et Xi Jinping, le nouvel ami du président français, s’offrir une première visite surprise en Europe. 

Il est vrai que le président Macron, après avoir fait passer sa réforme des retraites à la hache, a choisi un nouveau terrain pour se faire les muscles, la scène mondiale. Profitant de son voyage à Pékin, il a proclamé « l’autonomie stratégique » de l’Europe. Tente-t-il de se glisser dans le costume du général de Gaulle ? Ira-t-il jusqu’à quitter l’organisation militaire intégrée de l’Alliance atlantique ? En pleine guerre d’Ukraine ? Et à fermer les yeux sur les menaces contre Taiwan ? En tout cas, Macron a une nouvelle fois réussi à se mettre tout le monde à dos, Américains et la plupart des Européens. Au nom desquels il prétendait, sans mandat, parler au président chinois tandis que la pauvre présidente de la commission européenne était une nouvelle fois reléguée au rôle de potiche.  

 Xi sourit, impassible. Ecouter Macron, comme avant lui les chefs de gouvernement espagnol et allemand, lui semble aussi paisible et amusant que regarder « Entr’acte », le chef d’œuvre muet de René Clair.   

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ZAPORIJJIA MON AMOUR

    Prise sous le feu russe et ses bombardements absurdes et suicidaires, la situation de la centrale nucléaire de Zaporijjia semble désespérée. Les dirigeants ukrainiens ne savent plus à quel saint se vouer pour éviter une catastrophe qui risque de contaminer toute l’Europe, un nouveau Tchernobyl. Les dernières déclarations du patron de l’AIEA, qui s’est une nouvelle fois rendu sur place, sont glaçantes. 

Tout semblait bloqué. Jusqu’à ce qu’un homme se manifeste pour sauver l’Ukraine, l’Europe, le monde, Georges-Louis Bouchez. Qui mieux que le président du MR peut expliquer aux Ukrainiens et aux Russes l’intérêt de conserver cette centrale et, pourquoi pas, dans la foulée, d’en créer quelques autres dans les environs, l’avenir étant au nucléaire. Un dada qu’il partage avec le président Poutine. 

Justement ces deux-là ont quelque chose à se dire. Les Russes occupent Zaporijjia mais ils ne savent comment se débarrasser de cette patate brûlante. Pas question de la restituer aux Ukrainiens. D’un autre côté, ils préfèrent être loin de là le jour où la centrale fera boum ! 

La solution de notre Mr Atomik ? Céder la centrale à la Belgique. 

Les Russes en seraient soulagés. Bon débarras ! Les Ukrainiens fêteraient le départ des Russes comme une victoire. Et les Belges y gagneraient à tous les coups. 

Mr Bouchez se vantera d’avoir réussi à mettre en œuvre sa politique en acquérant une nouvelle centrale et ses partenaires du gouvernement se réjouiront que la nouvelle centrale belge est loin du territoire national. C’est la magie de la Vivaldi, permettre à tous les membres de la coalition de remplir leurs objectifs en même temps surtout quand ces objectifs sont totalement contradictoires. Grâce à ce tour de passe-passe, on réussira une fois de plus à faire tout et son contraire : plus de nucléaire sous pavillon belge et moins de nucléaire sur le territoire belge. Nos politiciens ne sont-ils pas les plus castars du monde ? 

Reste un problème, les déchets. Quand on lui posait la question, Mr Atomik avait toujours la même réaction : il les glissait sous le tapis. 

Cette fois, il rayonne. Il a la solution. L’Ukraine est déjà tellement couverte de déchets de toute sorte depuis que l’armée russe arrose leur territoire d’obus qu’ils ne s’apercevront même pas que les Belges leur en fourguent quelques tonnes de plus, qui sommeilleront pour l’éternité dans cette terre devenue belge. 

Reste à acheminer l’électricité vers la mère-patrie. Les Russes transportaient leur gaz et leur pétrole par pipe-line. De Zaporijjia-lez-Bruxelles, ce sera plus simple encore, quelques lignes haute tension et le tour est joué. Fini les économies d’énergie et autres privations. Pour le prochain hiver, on n’aura pas de scrupules à tout allumer, à tout faire flamber, grâce à notre nouvelle centrale. 

On dit merci qui ?    

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ALLO, ALLO… EN DIRECT DU KREMLIN

   Ce qui frappe dans le discours prononcé ce mardi par Vladimir Poutine devant les parlementaires russes, au milieu d’un parterre truffé de militaires, prêtres et jeunes fans, chargés d’assurer la claque, c’est son ton. Une voix douce, monocorde, qui tranche avec les mouvements de menton ou les éclats de voix de la plupart des autocrates qui font au moins semblant de croire ce qu’ils racontent quand ils s’exhibent en public. Même la momie de Lénine paraissait plus vivante. 

Vladimir Vladimirovitch, lui, a l’air de s’ennuyer ferme. Tout en tournant mécaniquement les pages de son interminable texte, il se demande quel est le déplorable factotum qui lui a concocté ce paquet de niaiseries et de lieux communs mâtinés de mensonges minables. Sans même un seul bon mot pour faire sourire l’assistance. Sans une exclamation pour pousser la salle à se lever et crier « Privet ! » ou « Russie vaincra ! », enfin quelque chose qui donne envie de soutenir le chef et mettre haut les cœurs. Mais non, rien. Rien que le ronron d’une allocution écrite pour fêter la fin des récoltes dans un kolkhoze de l’Oural… 

A certains moments, Vladimir Vladimirovitch relève la tête, esquisse un léger sourire vers la salle comme pour dire : Vous vous emmerdez comme des rats morts ? Vous ne connaissez pas votre bonheur. Je vous fiche mon billet que le pire est à venir. 

Mais personne pour lui adresser un clin d’œil complice, même pas une risette. Impitoyable, la caméra saisit au vol un député les yeux fermés (qui aurait osé devant Staline ?), un gradé dont les décorations pendouillent de la veste regarder sa montre, une dame qui parle avec sa voisine, manifestement pas intéressée par les vilains Ukrainiens. 

 Il est si figé et si morne qu’on finit par se demander si c’est vraiment le président Poutine, qui se tient là accroché au lutrin, cette espèce de brute qui a envoyé des centaines de milliers d’hommes périr dans une boucherie absurde et qui continue de dévaster un pays entier. Ou si c’est un avatar. 

Une représentation en 3-D, un clone (le nez rouge en moins). Un véritable être humain n’aurait pas débité d’un air si indifférent ce chapelet de fadaises, ces lendemains qui vont enchanter la vie quotidienne des citoyens alors qu’ils vont devoir se saigner pour payer cette guerre impayable. Le vrai Poutine se serait arrêté, aurait chiffonné le reste des feuillets, improvisé, lancé quelques propos virils pour mobiliser son peuple, au moins soulever la salle. 

 Pendant que son double débitait son discours, il n’y a pas de doute, le vrai Poutine devait être ailleurs. Peut-être en Pologne pour écouter Biden, drôlement plus vaillant que lui, ou à Kiev pour saisir les secrets de la magie de Zelensky. 

Une chose est sûre, Poutine n’existe pas. Il est mort sous la poussière du Kremlin… 

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AN INNOCENT MAN

   L’autre jour, je suis retombé sur cette chanson de Billy Joël, An Innocent Man, qui doit dater des années quatre-vingt. 

Certaines personnes restent éloignées d’une porte/
s’ils ont une possibilité de l’ouvrir/
Ils entendent une voix dans l’entrée, au dehors/
Et espèrent qu’elle finira par s’éteindre.

  La nostalgie n’est pas recommandée par la faculté – ni par les politiciens. Mais une petite bouffée de temps en temps ne fait pas de mal. Surtout que l’innocence paraît s’être enlisée quelque part sur le chemin qui menait d’hier à aujourd’hui.

   Si on remonte à l’époque où cette chanson faisait fureur dans les juke-boxes (ah ! les juke-boxes !!), l’Union soviétique coulait comme un iceberg en pleine canicule. On pensait que l’effondrement du communisme allait créer un véritable appel d’air, que la nouvelle Russie rejoindrait l’Europe et que les Russes seraient désormais nos copains et plus nos camarades. An Innocent Man était tout prêt d’y croire. 

Surtout que peu de temps après, la Russie signait avec l’Ukraine un Traité d’amitié, de coopération et de partenariat qui reconnaissait l’inviolabilité des frontières et le respect de l’intégrité territoriale des deux pays. Lesquels s’interdisaient de s’envahir l’un l’autre et de se déclarer la guerre (le Traité a été dénoncé par l’Ukraine en 2019 suite aux annexions armées de 2014).

Autre illusion d’An Innocent Man. Un an et demi après la fin de la guerre froide, sont signés les accords d’Oslo. L’image a jauni de la poignée de main des dirigeants israélien et palestinien, I. Rabin et Y. Arafat, en présence du président Clinton. An Innocent Man était persuadé que la raison avait enfin triomphé au Moyen Orient. La paix, deux états. Toutes ces choses absurdes alors que trente ans plus tard, les dirigeants palestiniens ne représentent plus qu’eux-mêmes et qu’on refuse de croire que les nouveaux gouvernants israéliens représentent l’opinion des citoyens de l’état juif. Comment réagir devant pareil gâchis, sinon se mettre la tête dans le sable sur les bords de la mer morte ?

Vous voulez encore une bouffée du temps de Billy Joël ? Tiens, le Congo. Libéré enfin de la dictature de Mobutu, les Congolais allaient enfin jouir de l’indépendance et devenir des citoyens libres, dans un pays riche…  

   Depuis le début balbutiant de ce nouveau siècle, l’Innocent Man a la tête qui tourne. A la fin de sa chanson, Billy Joël dit quelque chose comme : 

 Certaines personnes espèrent en un remède miracle/
D’autres acceptent le monde tel qu’il est./
Mais je n’ai pas l’intention de me laisser abattre/
Parce que je suis un homme innocent./

Une conclusion suivie par quelques notes sobres de guitare alors que les autres instruments se sont tus. 

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