LA DIALECTIQUE NE CASSE PLUS DES BRIQUES

    La guerre d’Ukraine est aussi un miroir tourné vers nous-mêmes. 

  Ainsi de l’aide militaire de la Belgique : d’abord mise à l’étude par la ministre de la défense et le gouvernement quand l’Ukraine réclamait désespérément du matériel pressentant un assaut imminent de la Russie. Une fois, les tanks fonçant sur Kiev, on songe enfin à envoyer à nos « amis ukrainiens » des casques et surtout des jumelles. Des jumelles ? Pour observer quoi ? A Kiev, il suffit d’ouvrir la fenêtre pour voir les chars défiler sur les boulevards. Peut-être pour dialoguer avec Poutine. Il s’est placé au bout d’une si longue table, que la seule façon de le regarder les yeux dans les yeux, c’est avec des jumelles belges…

    Tout aussi pathétiques, les contorsions du PTB et d’un certain nombre d’ « intellectuels de gauche » nostalgiques qui, dans un vieux réflexe pavlovien, s’empressent de souligner qu’il ne faut pas se montrer « simplistes » à propos de la Russie. Echo de ce qu’eux ou leurs parents avaient déjà dit lors de l’invasion armée soviétique de la Hongrie en 1956 et de Prague en 1968. Ils ont oublié que le communisme est enterré en Russie, camarades ! Poutine fait ami-ami avec l’extrême droite de chez nous, Assad, les mollahs de Téhéran. Vous êtes libres de critiquer la Russie désormais ! Vous ne devez plus craindre de procès populaire. Ni d’être traités de fascistes par vos amis parce que vous critiquez la ligne du parti. Hélas, il n’y a de pire sourd que le vieux militant qui ne veut pas entendre. Son cerveau est habitué il est vrai à se mettre à genoux dès qu’apparaît l’ombre de Staline ou de ses émules. 

   La culture de Poutine, ce n’est pas la littérature bolchévique. Ce sont les westerns. Hollywood ! Nul n’est plus proche des Américains que lui. Il a été fasciné par cette réplique culte de John Wayne à un jeune gradé : « Si tu sors ton revolver, tu dois être décidé à tirer. » 

  Le président Zelensky, devenu héros malgré lui, avec une dignité que doivent lui envier la plupart des dirigeants du monde, a réhabilité un genre longtemps oublié, celui du comique troupier. Rendez-vous compte que son arrivée au pouvoir à Kiev, c’est comme si Fernandel était devenu président en battant de Gaulle (ou Coluche à la place de Mitterrand). 

Jadis, Guy Debord et ses amis soutenaient que la dialectique peut casser des briques. On sait maintenant que c’est l’humour qui peut démolir les dictateurs. 

PS : Dans « Retour à Lemberg », Philippe Sands retrace avec brio le passé chaotique de cette ville, aujourd’hui Lviv, tout près de la frontière polonaise. En retraçant le destin de quatre personnes qui y ont vécu avant et pendant la seconde guerre. Deux d’entre elles y ont inventé le concept de génocide. Coïncidence ?     

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QUI C’EST ? C’EST LE PLOMBIER  !

Quel éclat de rire aurait salué l’annonce par Fernand Reynaud, Fernandel ou Bourvil de leur candidature à l’élection présidentielle française ! Et, imaginez Jerry Lewis ou Laurel et Hardy briguer le bureau ovale.

Avec Coluche, les choses ont changé. D’abord simple provoc, sa candidature en 1981 s’est révélée si sérieuse que Mitterrand a tout fait, dit-on, pour se débarrasser de ce clown qui risquait de le faire éliminer au 1er tour.

Depuis, la frontière entre le roi et son fou est devenue de plus en plus floue. Les rôles ont commencé à s’inverser.

Ayant quitté la Maison Blanche, Clinton s’est lancé dans le polar. Son dernier successeur, Donald Trump, a fait la route inverse : fou du roi à la télé, il est devenu roi du monde, oubliant au passage de se démaquiller, d’enlever son habit de gugusse et de remplacer le texte de ses numéros par des discours politiques.

Pendant ce temps, en Italie, Beppe Grillo, héritier de la commedia dell’arte, a quitté son habit de Guignol pour battre les estrades des meetings politiques.

Avec pour résultat que, dépassé par la machine folle qu’il a mis en mouvement, son parti de joyeux anarchistes, devenu le premier d’Italie, s’est transformé en marchepied du parti fascisant, La Ligue, et lui a pratiquement remis les rênes du pouvoir. Fini de rire !

Pourquoi les rôles se sont-ils inversés ? Pourquoi le fou s’est-il emparé du trône ?

D’abord parce qu’on rit de moins en moins ces temps-ci. Le métier de bouffon ne paye plus. Le Cirque Hipparque ne cherche plus de clowns. Désolé les Dupondt !

Peut-être aussi parce que les rois n’ont plus besoin de fou puisque leurs sujets ont compris qu’ils ont perdu l’essentiel de leur pouvoir. Compression budgétaire, économie de personnel, le fou est bon pour le chômage depuis que les hommes et les femmes politiques ont décidé d’exercer eux-mêmes les deux fonctions.

Mais, en s’emparant du répertoire de leur fou, ils ont remplacé l’ironie par le sarcasme puis par la promesse électorale simpliste, favorisée par la mode du Tweet et la communication par punchline. Théo Francken en est l’exemple qui multiplie les numéros de music hall à l’approche des échéances électorales.

On confond désormais l’humour, qui explore mine de rien la complexité de l’âme humaine, par le « bon mot » qui n’est qu’une façon de flatter les plus bas instincts de l’être humain.

Il ne faut pas s’y tromper. Le puissant ne se moque pas de lui-même – cela lui est tout simplement impossible, n’est-ce pas docteur Freud ? C’était ça tout l’art du bouffon. Mais il se moque de ses sujets sans que ceux-ci n’en soient conscients. Autrement dit, au lieu de viser le « stoeffer », la tarte à la crème s’écrase sur les petits et les sans grades.

Puisque la loi limite à présent le cumul en politique, il serait urgent d’interdire aux rois de se prendre pour leur fou…

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