2023 – THE BEST AND THE BEAST

 Au milieu des tourmentes qui agitent la planète, le père Noël nous a demandé de ne relever dans cette dernière chronique de l’année que les quelques bonnes nouvelles des derniers jours, celles susceptibles de redonner espoir dans un monde meilleur et confiance dans la race humaine. Il y en a, bandes de sceptiques, ne ricanez pas. Quant aux mauvaises, tout est question de point de vue. Il faut parfois les retourner pour retrouver son optimisme.  

Tenez, la réélection il y a quelques jours du président Sissi en Egypte. Plébiscité lors des deux derniers scrutins par plus de 96 % des électeurs, il n’a recueilli cette fois que 89,6 % des voix.  

Ce qui signifie, si la perte de ses partisans se confirme dans ces proportions, que dans 5 élections, Sissi passera sous la barre des 50 %. Dans 30 ans, Sissi ne sera donc plus impératrice.  

Lueur d‘espoir aussi pour les catholiques. Le pape a accordé aux couples gays le droit à une bénédiction particulière. Pas encore la reconnaissance de leur mariage, et surtout pas le baptême de leurs enfants. N’est-ce pas une bonne nouvelle pour les gays que leurs enfants échappent aux nonnes et aux curés ? 

En Russie, seize candidats se présentent à l’élection présidentielle. On le sait, tout est truqué, les urnes déjà bourrées et le président Poutine élu avant même que les électeurs ne défilent dans les isoloirs. Pourquoi est-ce alors une bonne nouvelle ? Parce que d’ici la mi-mars, les quinze autres candidats sont (plus ou moins) assurés de ne pas partager le sort de Evgueni Prigojine, l’ex-patron du groupe Wagner, Question de faire des économies. Poutine veut éviter à chaque élimination d’un de ses (soi-disant) opposants de devoir réimprimer encore et encore les bulletins de vote. Enfin, un effet des sanctions européennes. 

La commission européenne fête bruyamment l’approbation de nouvelles dispositions contre les immigrés. Lesquels seront refoulés aux frontières de l’union et parqués, y compris femmes et enfants, dans des centres fermés situés dans les pays voisins (Lybie, Tunisie, Turquie), toutes terres de vacances qui connaissent donc et respectent les bonnes manières à l’égard des étrangers de passage. 

Les gouvernements européens se félicitent et se frottent les mains, débarrassés du problème. Les associations de défense des droits de l’homme dénoncent et fustigent. Seuls satisfaits, les demandeurs d’asile qui errent en Belgique. Jetés à la rue par la secrétaire d’état Nicole De Moor, malgré les condamnations judiciaires dont elle n’a que faire, ils vont enfin trouver un toit pour eux et leur famille. Un peu loin de Bruxelles, peut-être, mais c’est chauffé.  

Quand on vous disait qu’il y a du bonheur dans l’actualité et sous le sapin… 

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VOUS AVEZ DIT : MODERE ?

En 2003, la plupart des observateurs ont célébré l’arrivée au pouvoir de M. Erdogan à la tête de la Turquie. Enfin, un islamiste modéré, sorti des urnes, un exemple pour les autres pays musulmans, à peu près tous empêtrés dans des dictatures plus ou moins cruelles. Un modèle conciliant une foi tolérante, démocratie et modernisme. Treize ans plus tard, qu’est devenu le vizir modéré ? Il bafoue les droits fondamentaux, son armée continue à occuper un état souverain, Chypre. Il tient des discours choquants sur le rôle et la place des femmes dans la société, discrimine et massacre allègrement sa population kurde et il vend aux Européens les réfugiés syriens coincés sur son sol comme des marchandises proches de la date de péremption.

A l’époque, M. Erdogan appelait son voisin syrien, M. Assad, «  mon petit frère ». C’aurait dû nous donner la puce à l’oreille. Il est vrai que le fils cadet de Hafez el Assad venait d’être consacré président, après la mort de son père, par un référendum qui se voulait démocratique.

Encore un modéré au Moyen Orient ! s’écriaient joyeusement les observateurs juste parce que Bachar avait fréquenté les écoles laïques de Damas et une université à Londres où il avait rencontré sa future épouse, qui travaillait à la City.

Dans l’un de ses romans, Nelson De Mille fait dire à son héros qu’un islamiste modéré est un islamiste qui s’aperçoit que son arme est vide et qu’il n’a plus de munitions. Cette réplique est peut-être moins provocante qu’il ne paraissait…

Depuis ces pauvres « printemps arabes », où sont passés ces fameux dirigeants modérés ? Ces hommes et femmes prêts à ce « nouveau départ » annoncé dans son discours du Caire en 2009 par le président Obama et célébré deux ans plus tard par les manifestants de la place Tahir. Après, il y a eu l’arrivée au pouvoir après des élections libres des Frères musulmans, puis la reprise en mains de l’empire des pharaons par le général Sissi. Tous des modérés…

Les élections libres ne suffisent pas à fabriquer des dirigeants modérés. Encore faut-il s’entendre sur le sens du mot. Certains disent du premier ministre israélien, M. Netanyahou, que, comparé à plusieurs de ses ministres, il est un modéré. Même dans cette démocratie, où les partis au pouvoir se succèdent à la suite de véritables élections libres, le « modéré » est aussi à géométrie variable.

Y aurait-il une espèce de malédiction régionale qui donne à cet adjectif un sens aussi relatif – et aussi ironique ? L’influence d’un soleil trop brûlant ? Des terres trop abreuvées de dieux, de croyances, d’imprécations ?

Quelques signes inquiétants montrent qu’avec le réchauffement climatique, l’Europe est gagné par cette malédiction. La réaction de beaucoup de nos politiciens face à l’accueil des réfugiés syriens, blessés, dépouillés, permet de se demander où sont nos modérés ?

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