GAZ A TOUS LES ETAGES

Bachar Al-Assad vient opportunément de nous rappeler qu’on avait enterré trop tôt les célébrations de la Grande Guerre. Merci à lui ! Dès 1914, les Français d’abord puis les Allemands – plus tard les Américains – se lancèrent joyeusement dans des attaques au gaz, devenues massives à partir de 1915. Et, en 1917 (bon anniversaire !), apparut le gaz moutarde (l’ypérite), produit à grande échelle par les Allemands. Un petit pas pour l’homme; un grand pas pour l’humanité.

« Moi, mon colon, cell’ que j’préfère, c’est la guerre de quatorz’-dix-huit ! » chantait Brassens. Prudent, il ajoutait : « Du fond de son sac à malices, Mars va sans doute, à l’occasion, en sortir une – un vrai délice ! – qui me fera grosse impression. »

T’es plus là, tonton Georges mais celle de Syrie t’en aurait bouché un coin !

Dire que le tyran avait refusé, il y huit ans que le projet de gazoduc entre le Qatar et la Turquie traverse son pays. Il doit s’en mordre les doigts. Au lieu de devoir fabriquer lui-même son poison, le docteur Assad n’aurait eu qu’à se servir au passage. On peut être ophtalmologue et ne pas avoir le don de double vue…

On dit d’Assad qu’il est un mélange de culture arabe et occidentale (formé dans des écoles françaises de Damas puis par l’université de Londres). De son voisin irakien, Saddam Hussein, issu comme lui du parti Baas, il a retenu la violence, le cynisme et l’absence de tout scrupule à gazer sa propre population. Et des Occidentaux, qu’a-t-il appris à part le goût des costumes de bonne coupe, des cravates élégantes et des propos lénifiants devant des journalistes complaisants ? L’impunité pour ceux qui gazent leurs ennemis ? Il n’y a pas eu de tribunal pour crimes contre l’humanité après la première guerre mondiale. Tous les belligérants risquaient d’y être condamnés. A l’école des Frères de Damas, on a enseigné à Assad que le vainqueur a toujours raison, même s’il a commis quelques entourloupes qu’on a tôt fait d’oublier. Vae victis !

On ne voit pas vraiment qui punira Assad et ses affreux acolytes. L’indignation morale et la fureur verbale n’ont jamais eu beaucoup d’effet pour arrêter une armée. Même pas une bande de tueurs. Quant à l’utilité des condamnations votées par l’ONU, demandez donc aux survivants du génocide rwandais, du massacre de Srebrenica ou des habitants de l’est du Congo, ce qu’ils en pensent. Et quelle a été l’efficacité des casques bleus envoyés pour les protéger.

D’ici à ce que le dictateur syrien se retrouve à manger du pindakaas dans les prisons de La Haye, il faudra qu’aient disparu Poutine, le régime iranien, le Hezbollah, les braves dirigeants européens et les méchants. Poison d’avril…

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ps : on n’a rien écrit de plus poignant sur les effets du gaz sarin que « Underground » de Haruki Murakami (Belfond) recueil d’entretiens après l’attentat dans le métro de Tokyo.

 

MARS ATTAQUE

L’état islamique, qu’on désigne aussi par son acronyme « Daesh », ne s’est pas seulement emparé d’une grande partie de la Syrie et de l’Irak. Il a aussi plagié la célèbre marque d’une poudre à laver pour s’introduire subrepticement dans tous les ménages occidentaux par le biais de leurs machines à laver. Façon que son programme peu à peu nous colle à la peau.

Et voilà qu’il se lance dans la cyber-attaque. Cette semaine, il a réussi coup sur coup à s’emparer du réseau numérique de TV 5 Monde et de Jean-Marie Le Pen. En se glissant dans les systèmes de TV5, il a voulu répandre sa propagande sordide partout par satellite, la chaîne internationale francophone étant diffusée sur plusieurs continents.

En piratant ce qui restait du disque dur de Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du F.N., il a cherché à aider son parti-frère français à mener sa fille à la victoire lors de la prochaine élection présidentielle.

Le contrôle du cerveau du vieux chef blanc a permis à Daesh de procéder à ce qu’on appelle, dans le jargon technique, un échange interactif. Il a ponctionné dans les cellules grises encore actives quelques slogans réutilisables pour sa communication et il a injecté dans le centre de commandement du parti d’extrême droite français quelques propositions susceptibles de l’aider à prendre pied en France.

Les fanatiques islamistes ont fait le bon choix en misant sur la famille Le Pen. Le père, la fille, la nièce ont la manie de ramasser tout ce qui traîne de préférence au ras du sol, à défaut de programme. Ils sont aussi connus pour afficher une sympathie à géométrie variable selon l’importance du cadeau de leurs interlocuteurs. Ces défenseurs auto-proclamés des vrais Français de souche (de préférence de souche pourrie) ont ainsi, au cours des années, défilé bras dessus bras dessous avec Saddam Hussein,  Radovan Karadžić (l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, accusé de génocide par le Tribunal pénal de la Haye) et Vladimir Poutine, d’excellentes sources d’inspiration lorsqu’ils seront au pouvoir outre-Quiévrain. Les dirigeants de Daesh seront donc en bonne compagnie lorsqu’ils seront reçus à l’Elysée par la présidente Le Pen et son papa.

Les dernières élucubrations de Jean-Marie Le Pen à l’occasion d’une interview dans « Rivarol » méritent de retenir l’intérêt des dirigeants idéologiques de Daesh. Réhabiliter Pétain, condamné à mort comme traître après la guerre, ou réécrire l’histoire de l’holocauste, sont autant de radotages facilement adaptables au Moyen Orient. Il suffit de proclamer que Judas est un héros et d’effacer d’un simple clic les crimes les plus atroces de ce début de siècle pour faire repartir l’histoire dans l’autre sens. Exactement ce que veut le FN en France.

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