L’ADIEU  AUX  ARMES

      Il fut un temps où on défilait joyeusement avec poussettes, trompettes, calicots et drapeaux contre la guerre, la dissémination de missiles et d’armes nucléaires notamment en Belgique. Supprimons l’armée ! c’était le cri de notre jeunesse. Mettons fin au commerce des armes. A l’achat de matériel militaire à l’étranger qui sert surtout à remplir les caisses personnelles de quelques-uns et de certains partis politiques (l’affaire Agusta-Dassault). Remplaçons la FN par des industries bio.  

Le souvenir des horreurs de la deuxième guerre mondiale transmis par nos parents, le désastre de la guerre du Vietnam ont poussé notre génération à faire l’amour, pas la guerre. On rejetait Buck Danny. Notre héros, c’était Gaston. On rêvait d’un futur différent, la paix, le développement harmonieux de la planète et toutes ces sortes de choses. Avec l’évaporation des régimes communistes en Europe, on s’est dit, ça y est ! On a gagné. C’en était fini de la conscription, les budgets militaires en chute libre. Mais, chassez l’armée par la porte, elle rentre par la cheminée. 

   Fin de la guerre ? L’illusion a duré aussi peu de temps que celle de la fin de l’Histoire. Cinq ans après la chute du Mur, les massacres dans la Yougoslavie en pleine décomposition, le génocide au Rwanda ont balayé nos illusions. Ce qui aurait déjà dû faire résonner la sonnette d’alarme. On s’est imaginé qu’il suffirait d’envoyer des Casques bleus pour décourager les assaillants. Or, ils ont été incapables de contenir même des conflits locaux. On s’est massacré au Rwanda, au Congo ou en Bosnie sous les yeux impuissants de ces pauvres ploucs couleur schtroumpf. Pourtant, on continuait de se dire qu’en Europe occidentale, on était à l’abri. Que la fin de l’armée signerait la fin des guerres en tout cas chez nous. Et qu’on pouvait s’investir dans d’autres combats, pour l’environnement, contre la pauvreté. 

Le choc du 11 septembre 2001 a balayé ces chimères. Le terrorisme s’est installé. Il fallait des armes et des professionnels pour le combattre. Puis Poutine a monté le bout de son nez en Géorgie, en Crimée – une fois de plus, on a réagi mollement- avant de révéler sa vraie nature et d’allumer tous les feux de l’enfer en Ukraine. Et nous revoilà plongés dans ce que nous avions cru et espéré disparu avec l’horrible siècle passé. 

Guerre, commerce des armes, développement du personnel et du matériel militaires, nous sommes obligés de nous poser la question : devons-nous remettre en question les combats de notre génération ? Et revoir le montant des investissements consacrés à la lutte contre le changement climatique ou le développement ? Déjà qu’on racle les fonds de tiroir après la pandémie…

Faut être courageux ou inconscient pour être prêt à entrer en politique ces jours-ci…      

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CASQUES BLUES

   A quoi sert l’ONU ? Après l’assassinat en RDC de l’ambassadeur d’Italie et deux de ses accompagnateurs, comment ne pas se poser une fois de plus la question ? La mission de l’ONU pour le Congo a été créée en 1999. Vingt et un ans de présence dans les provinces de l’est, vingt et un ans de violence, de cruauté. On y est assassin de père en fils ! On suppose que le métier permet d’épargner pour ses vieux jours sinon les nouvelles générations seraient devenues médecins, infirmières, profs ou commerçants, voire politiciens, plutôt que tueurs comme papa. Hélas, le magnifique docteur Mukwege, prix Nobel de la paix, « l’homme qui répare les femmes », n’est pas prêt de prendre sa retraite. 

Pendant ce temps, les génocidaires hutus rwandais qui ont pu s’enfuir au Congo avec armes et bagages, avec la complicité des autorités françaises de l’époque (président socialiste et ministre des affaires étrangères de droite, en union sacrée comme le soulignait récemment Colette Braeckman) ont implanté un empire basé sur la terreur sans que les braves troufions en casques bleus n’aient manifestement entrepris ni surtout réussi quoi que ce soit qui mette fin à ce cercle infernal. 

Ce qui rappelle d’autres horreurs que les « missions » de l’ONU ont préféré ne pas regarder. Le génocide des tutsis, abandonnés à leur triste sort (autant que les militaires belges chargés de protéger la première ministre, tous tués comme elle). Quand on commence à se tirer dessus, les casques bleus se rappellent généralement qu’ils ont autre chose à faire que de s’interposer, le plus souvent faire leur barda… 

Au même moment, d’autres civils se faisaient massacrer en ex-Yougoslavie. Avec en point d’orgue, Srebrenica en juillet 1995 (qualifié de génocide par le TPI, lors du procès du général Mladic). Cette fois encore, les troupes de l’ONU se sont battus pour ne pas éviter les massacres, les casques bleus hollandais sur place allant jusqu’à aimablement aider les Serbes à séparer femmes et hommes et à indiquer les refuges de certains habitants (les tribunaux hollandais ont condamné les Pays-Bas depuis). Quant à l’état-major, dirigé par le général français Janvier, il a refusé tout appui aérien à ses casques bleus, ce qui aurait permis sans doute de bloquer l’avance serbe, à la suite d’un accord conclu avec Mladic ! 

Les envoyés de l’ONU ne travaillent qu’à assurer le fonctionnement de la machine de l’organisation internationale dans un mouvement perpétuel qui laisse sur le côté tous autres que les fonctionnaires de l’ONU. 

Ne remontons pas plus dans le temps, on trouverait à chaque envoi de casques bleus la même impuissance, parfois la même complicité. 

Peut-être qu’il faudrait en tirer enfin une leçon simple : faire la guerre et surtout rétablir la paix sont des activités trop sérieuses pour les laisser aux soldats habillés de bleu par l’ONU. 

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GAZ A TOUS LES ETAGES

Bachar Al-Assad vient opportunément de nous rappeler qu’on avait enterré trop tôt les célébrations de la Grande Guerre. Merci à lui ! Dès 1914, les Français d’abord puis les Allemands – plus tard les Américains – se lancèrent joyeusement dans des attaques au gaz, devenues massives à partir de 1915. Et, en 1917 (bon anniversaire !), apparut le gaz moutarde (l’ypérite), produit à grande échelle par les Allemands. Un petit pas pour l’homme; un grand pas pour l’humanité.

« Moi, mon colon, cell’ que j’préfère, c’est la guerre de quatorz’-dix-huit ! » chantait Brassens. Prudent, il ajoutait : « Du fond de son sac à malices, Mars va sans doute, à l’occasion, en sortir une – un vrai délice ! – qui me fera grosse impression. »

T’es plus là, tonton Georges mais celle de Syrie t’en aurait bouché un coin !

Dire que le tyran avait refusé, il y huit ans que le projet de gazoduc entre le Qatar et la Turquie traverse son pays. Il doit s’en mordre les doigts. Au lieu de devoir fabriquer lui-même son poison, le docteur Assad n’aurait eu qu’à se servir au passage. On peut être ophtalmologue et ne pas avoir le don de double vue…

On dit d’Assad qu’il est un mélange de culture arabe et occidentale (formé dans des écoles françaises de Damas puis par l’université de Londres). De son voisin irakien, Saddam Hussein, issu comme lui du parti Baas, il a retenu la violence, le cynisme et l’absence de tout scrupule à gazer sa propre population. Et des Occidentaux, qu’a-t-il appris à part le goût des costumes de bonne coupe, des cravates élégantes et des propos lénifiants devant des journalistes complaisants ? L’impunité pour ceux qui gazent leurs ennemis ? Il n’y a pas eu de tribunal pour crimes contre l’humanité après la première guerre mondiale. Tous les belligérants risquaient d’y être condamnés. A l’école des Frères de Damas, on a enseigné à Assad que le vainqueur a toujours raison, même s’il a commis quelques entourloupes qu’on a tôt fait d’oublier. Vae victis !

On ne voit pas vraiment qui punira Assad et ses affreux acolytes. L’indignation morale et la fureur verbale n’ont jamais eu beaucoup d’effet pour arrêter une armée. Même pas une bande de tueurs. Quant à l’utilité des condamnations votées par l’ONU, demandez donc aux survivants du génocide rwandais, du massacre de Srebrenica ou des habitants de l’est du Congo, ce qu’ils en pensent. Et quelle a été l’efficacité des casques bleus envoyés pour les protéger.

D’ici à ce que le dictateur syrien se retrouve à manger du pindakaas dans les prisons de La Haye, il faudra qu’aient disparu Poutine, le régime iranien, le Hezbollah, les braves dirigeants européens et les méchants. Poison d’avril…

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ps : on n’a rien écrit de plus poignant sur les effets du gaz sarin que « Underground » de Haruki Murakami (Belfond) recueil d’entretiens après l’attentat dans le métro de Tokyo.