PROVO !

     Les Hollandais n’auraient-ils pas pu attendre Saint-Nicolas avant de nous balancer une espèce de Zwarte Piet aux cheveux peroxydés juste avant le passage du grand saint ? Le fouet au lieu des cadeaux et du chocolat, sont fous ces Bataves ! Chez nous, on se montre plus respectueux des traditions, les fachos ne débarqueront qu’en juin en Flandre. Ainsi que leurs camarades au Parlement européen (entre fachos, on se dit camarades ?)

   Devant la victoire de Geert Wilders, on se frotte les yeux. On a l’impression de vivre en vrai « Mars attaque » ou à « La Guerre des Mondes » et l’arrivée d’affreux petits hommes verts prêts à dévaster la planète. 

Dire qu’Amsterdam a symbolisé la liberté, la fantaisie. Aux temps des swinging sixties, avec leurs manifestations pied-de-nez et leurs vélos blancs, les Provos représentaient la contre-culture, le désir d’une société ludique et la fin des structures politiques figées.

  Or voilà que les Hollandais vont chercher à la droite de la droite le renversement des politiques traditionnelles. Ils ne veulent plus changer la société par le plaisir mais coincer la démocratie par des mesures autoritaires.    

  Que les citoyens protestent, grognent, et le manifestent, quoi de plus classique. Mais, jusqu’ici, ils se servaient des élections européennes comme défouloir pour exprimer leur mécontentement, leur rejet des politiciens accrochés au pouvoir car ils avaient l’impression (pas totalement fausse) que les députés européens c’est beaucoup de monde bien payé dont les décisions ne servent à rien de concret. Donc, on envoyait des grandes gueules, des populistes ou des extravagants pour dire des énormités sans conséquence à Strasbourg et à Bruxelles et faire râler les politiciens en place.  

  Mais où va-t-on si ce genre de personnages envahit aussi les parlements nationaux, s’ils siègent même dans les gouvernements ? Comme Fratelli d’Italia et la Ligue en Italie, leurs équivalents en Scandinavie ou en Tchéquie. Et qu’en sera-t-il après les prochaines élections avec le Vlaams Belang ou le Rassemblement national ? 

   Comment apaiser la vague brune ? On ne peut même plus compter sur le père Fouettard pour y mettre bon ordre. Depuis que le plus fidèle serviteur de St Nicolas est vilipendé, parce qu’il a eu la mauvaise idée de se grimer en noir et de fouetter les enfants, c’est la panique dans le duo. Il est rangé au placard laissant le pauvre vieux saint tout seul, incapable de distinguer quels enfants récompenser et ceux qui méritent une bonne baffe. Qu’on ne s’étonne pas que nos sociétés soient alors chamboulées et se mettent à voter n’importe comment en mélangeant le bon, la brute et le truand.  

Gardons-nous de la prévision de Berthold Brecht : « Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie, mais son évolution par temps de crise ».  

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PERCE-NEIGE

   ‘On peut tout faire avec des baïonnettes sauf s’asseoir dessus’ écrivait Talleyrand. Ce qui prouve la supériorité des perce-neiges sur les armes de combat.

   Le gouvernement wallon a peut-être tort de poursuivre à tout prix les investissements et la défense du commerce de toutes ces machines de mort que nous vendons en fermant les yeux sur qui les utilisera, pourquoi et pour tuer qui, alors que l’extraordinaire richesse des Pays-Bas a longtemps été fondée sur l’exportation des tulipes. A une époque, le prix d’un bulbe était plus élevé que celui d’une maison sur un canal d’Amsterdam. On devrait y réfléchir à la F.N. – s’il existe là-bas des têtes pensantes. 

   Nous, nous avons le perce-neige, cette fleur magnifique, d’une finesse et d’une poésie sans égal, réapparait ces jours-ci, indifférente à la météo, à la pandémie, à la mélancolie ambiante, à la bouche en cul-de-poule des politiciens et même aux bruits de bottes venus de l’est. Si on reparle économie wallonne, j’ai lu que certains bulbes de perce-neige se vendent jusqu’à 1 000 €. 

  Essayez avec votre index de percer la terre glacée un petit matin de grand froid. Je vous défie d’y arriver. Alors que le perce-neige, d’apparence si fragile, jaillit en une nuit tel un oisillon qui émerge d’un œuf. Il a l’apparence fragile mais il ne faut pas être dupe. Il défie le promeneur, la nature encore en plein sommeil. Le signe émouvant que la vie reprend, que la sève circule à nouveau, quelles que soient les catastrophes qui ont endeuillé l’hiver.

   Songez aux perce-neiges qui ont salué le premier hiver de la Libération en 1945. Mais leurs grand-mères avaient fleuri avec la même indifférence au milieu du premier hiver d’occupation, quatre ans plus tôt…

   Celui qu’on appelle aussi la goutte de lait (la goutte de neige disent les Anglais) dégage une légère odeur de miel quand on le porte en bouquet à l’intérieur de la maison. Essayez. Vous serez pris de nostalgie, bercé par ce parfum d’antan, de l’enfance, effaçant soudain les tracas du jour – brièvement hélas. Mais ce moment, quel signe d’espoir…

  On comprend que Lino Ventura et son épouse ont choisi cette fleur pour baptiser leur association en faveur des enfants handicapés (ce qu’a fait aussi une ASBL namuroise).  

   Ce n’est pas de pitié dont ont besoin les enfants pas comme les autres, a déclaré Lino Ventura lorsqu’il a créé son association, mais de chaleur humaine.

   Perce-neige, fleur des temps glacés pour symboliser la chaleur humaine, magnifique paradoxe…

PS : Autre magnifique leçon de chaleur humaine, le sublime « Compartiment n°6 », film russe du finlandais Juho Kuosmanen qui réconcilie avec le voyage en train, l’hiver et les Russes ! 

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CASQUES BLUES

   A quoi sert l’ONU ? Après l’assassinat en RDC de l’ambassadeur d’Italie et deux de ses accompagnateurs, comment ne pas se poser une fois de plus la question ? La mission de l’ONU pour le Congo a été créée en 1999. Vingt et un ans de présence dans les provinces de l’est, vingt et un ans de violence, de cruauté. On y est assassin de père en fils ! On suppose que le métier permet d’épargner pour ses vieux jours sinon les nouvelles générations seraient devenues médecins, infirmières, profs ou commerçants, voire politiciens, plutôt que tueurs comme papa. Hélas, le magnifique docteur Mukwege, prix Nobel de la paix, « l’homme qui répare les femmes », n’est pas prêt de prendre sa retraite. 

Pendant ce temps, les génocidaires hutus rwandais qui ont pu s’enfuir au Congo avec armes et bagages, avec la complicité des autorités françaises de l’époque (président socialiste et ministre des affaires étrangères de droite, en union sacrée comme le soulignait récemment Colette Braeckman) ont implanté un empire basé sur la terreur sans que les braves troufions en casques bleus n’aient manifestement entrepris ni surtout réussi quoi que ce soit qui mette fin à ce cercle infernal. 

Ce qui rappelle d’autres horreurs que les « missions » de l’ONU ont préféré ne pas regarder. Le génocide des tutsis, abandonnés à leur triste sort (autant que les militaires belges chargés de protéger la première ministre, tous tués comme elle). Quand on commence à se tirer dessus, les casques bleus se rappellent généralement qu’ils ont autre chose à faire que de s’interposer, le plus souvent faire leur barda… 

Au même moment, d’autres civils se faisaient massacrer en ex-Yougoslavie. Avec en point d’orgue, Srebrenica en juillet 1995 (qualifié de génocide par le TPI, lors du procès du général Mladic). Cette fois encore, les troupes de l’ONU se sont battus pour ne pas éviter les massacres, les casques bleus hollandais sur place allant jusqu’à aimablement aider les Serbes à séparer femmes et hommes et à indiquer les refuges de certains habitants (les tribunaux hollandais ont condamné les Pays-Bas depuis). Quant à l’état-major, dirigé par le général français Janvier, il a refusé tout appui aérien à ses casques bleus, ce qui aurait permis sans doute de bloquer l’avance serbe, à la suite d’un accord conclu avec Mladic ! 

Les envoyés de l’ONU ne travaillent qu’à assurer le fonctionnement de la machine de l’organisation internationale dans un mouvement perpétuel qui laisse sur le côté tous autres que les fonctionnaires de l’ONU. 

Ne remontons pas plus dans le temps, on trouverait à chaque envoi de casques bleus la même impuissance, parfois la même complicité. 

Peut-être qu’il faudrait en tirer enfin une leçon simple : faire la guerre et surtout rétablir la paix sont des activités trop sérieuses pour les laisser aux soldats habillés de bleu par l’ONU. 

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