MORTS SUR LE NIL

  Le général al-Sissi a battu d’un cheveu Vladimir Poutine à l’applaudimètre. Elu avec 89 % des voix, il a bien mérité d’être récompensé par la Commission européenne qui s’est empressée de lui offrir 7,5 milliards d’euro tirés des poches des contribuables européens. Quand on aime, on ne compte pas. 

Après la Tunisie, la Lybie et la Turquie, il suffit donc d’être dictateur (pardon, d’être élu démocratiquement mais avec des scores qui dépassent largement ceux des rêves les plus fous des dirigeants des partis de la Vivaldi) pour avoir droit à un chèque-cadeau venu de Bruxelles. 

Il n’y a pas plus efficace que les flics égyptiens pour boucler à double tour les candidats à l’immigration vers l’Europe. Témoins, les soixante mille prisonniers politiques bouclés dans les prisons du pays plus étroitement que les pharaons dans les pyramides et, comme eux, pour l’éternité.

Question répression de l’immigration, al-Sissi a déjà fait ses preuves en verrouillant à double tour l’entrée des Palestiniens sur son territoire, Quand on lui a proposé de les accueillir pour des raisons humanitaires, il s’est écrié qu’il n’en était pas question. « Si la situation l’exige, a-t-il menacé, je demanderai au peuple égyptien de descendre dans la rue pour exprimer son refus. Des millions d’Egyptiens vont le faire ». 

Empêcher l’accueil de ses voisins est le seul cas qui permet aux citoyens égyptiens de descendre dans la rue. On suppose que cette annonce d’une manifestation remplit l’objectif du partenariat Egypte-Union Européenne qui promet de travailler « sur l’espace pour la société civile et la démocratie » comme l’a souligné Alexandre De Croo, qui était du voyage sur le Nil.  

L’épisode devrait donner des idées à Poutine. Pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt ? Il est toujours temps de se mettre sur les rangs. 

Ne serait-ce pas une bonne idée que la Russie soit candidate elle aussi à « accueillir » les immigrés des pays du Sud avec lesquels elle flirte ostensiblement depuis le début de la guerre d’Ukraine ? En échange, lui refusera-t-on l’habituelle contribution de Madame van der Leyen et consorts, le sourire crispé d’Alexandre De Croo et la poignée de mains virile de Charles Michel ?

Un million de Russes auraient quitté leur patrie depuis le début de la guerre. Il y a donc beaucoup de logements vacants d’autant que le vieillissement de la population et la démographie en berne assèchent le pays. Bienvenue donc aux errants chassés d’Afrique par la misère, la sécheresse ou la répression dans leurs pays, qui pourront se transformer en moujiks nouvelle génération avec le financement de l’Europe. En plus, ils formeront d’excellents soldats pour affronter les armes ukrainiennes, elles aussi financées par nos soins. Ubu, reviens !  

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LA MORT REGARDE A LA FENÊTRE

   Les pyramides, le tombeau d’Agamemnon, les Invalides, la Crypte royale de Laeken, chaque époque de l’histoire a laissé les traces impressionnantes de défunts célèbres. 

  Quel monument rappellera ceux de notre temps ? Sur la tombe de quelles personnalités les touristes se prendront-ils en selfie dans deux cents ans (pour autant que la mer ne les ait pas recouverts entre temps)? 

  Parmi les fans de sépultures, j’en connais beaucoup qui préfèrent celles des méchants. Ce n’est pas toujours facile pour eux. Hitler, Mussolini n’ont pas laissé de tombes accessibles aux vrais amateurs. Oussama ben Laden et al-Baghdadi non plus. Mais la tombe du très sanguinaire Tamerlan est dans le guide du Routard. Cependant, je m’empresse de vous déconseiller le détour. Le jour même où son corps a été exhumé par le légiste soviétique, le docteur Guerassimov, le 22 juin 1941, Hitler lançait ses troupes à l’assaut de la Russie. Un an plus tard, à peine Tamerlan a-t-il été prudemment remis en terre, que s’est déclenchée la bataille de Stalingrad, marquant le début de la fin du III ème Reich. 

 On est donc un peu inquiet des conséquences du déménagement des restes du général Franco il y a quelques jours. On aurait peut-être mieux fait de les faire disparaître discrètement. 

 Les amateurs de cimetières ont néanmoins quelques personnalités actuelles à se mettre sous la dent. Mais si, jadis, les artistes célèbres se faisaient bâtir des monuments somptueux au Père Lachaise, à l’heure de la culture Ryanair, il faut se taper l’île de Saint-Barthélemy pour fleurir la dernière demeure de Johnny Halliday. Et celle de Hiva Oa pour déposer un galet sur la tombe de Jacques Brel. 

   Quant aux grands hommes qui nous gouvernent, la mode des pyramides est hélas passée. François Mitterrand, qui aimait contempler le plateau de Gizeh, n’a eu droit qu’à un emplacement de simple plouc à Jarnac, très loin de ses collègues pharaons. 

 C’est pourquoi je me permets une suggestion pour améliorer les funérailles de ceux qui nous guident. Avec le nombre de bâtiments prestigieux, coûteux et bien réfrigérés qu’elle a fait bâtir à Bruxelles, la Commission européenne pourrait en sacrifier un pour en faire le mausolée de nos grands hommes et grandes femmes. Un panthéon des plus brillants Européens, que les touristes viendraient visiter après l’Atomium et avant le Manneken-Pis (n’oubliez pas le guide !) Ce qui donnerait de l’Union européenne une image rassembleuse puisque toutes les ex-gloires de notre continent reposeraient sous un même suaire. 

Evidemment, on ne pourra pas empêcher les mauvaises langues de dire que ce panthéon vient un peu tard puisque l’Europe est déjà à l’agonie…

Ps : les amateurs de Michel de Ghelderode prendront le titre de cette chronique comme un clin d’œil à notre Schaerbeekois favori.

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