TROP DE CAPITALES TUE LA CAPITALE

Je me souviens quand, enfant, je jouais dans les rues de Schaerbeek sans peur et sans reproches, et rarement dans les clous. C’était pas mieux avant mais… La mort de Fabian, non !
Quel est le lien entre la mort de Fabian, 12 ans, écrasé par un policier inconscient et incompétent de Ganshoren et le vide politique qui laisse la région bruxelloise dériver doucement vers les récifs sans capitaine ni marins à bord ?
L’effacement de la norme dans un cas, l’absence de normes dans l’autre. Plus personne pour tenir la barre, faire vivre la ville, la faire respirer, la réglementer.
La mort de Fabian n’est pas un fait divers. C’est un signal d’alarme. Qui montre que la capitale approche dangereusement du gouffre. Un événement qui met les femmes et hommes politiques bruxellois devant leurs responsabilités. Cette ville n’est plus gérée, plus tenue en mains, plus organisée ni contrôlée. La région ne contrôle pas la police mais elle est symbole d’une autorité. Tout va aller de plus en plus en quenouille à l’image du fonctionnement des forces de l’ordre. Dont les circonstances qui ont précipité la mort de Fabian est un terrible révélateur. On peut entendre la plupart des bourgmestres s’égosiller pour s’opposer à la fusion des polices mais leur discours n’aurait de sens que si la police dans son organisation actuelle faisait tout simplement son job correctement.
Comment ne pas mettre en regard la multiplication depuis des mois des fusillades à Bruxelles que rien ni personne ne parvient à enrayer et dont les auteurs se promènent tranquillement dans la nature et la course poursuite d’un jeune flic qui a vu trop de mauvais westerns et qui a pris un petit gamin pour un méchant Indien ?
Un flic à qui on a manifestement oublié d’apprendre comment se comporter vis-à-vis des citoyens notamment dans une situation aussi banale que celle-ci, un petit garçon s’enfuit dans un parc, effrayé par la ruée de voitures de flics lancés à sa poursuite.
Dans cette histoire, les autorités judiciaires de Bruxelles elles aussi ont tout faux. On se frotte les yeux à lire le communiqué du parquet qui n’a pas un mot pour la mort scandaleuse de cet enfant, pas un mot pour ses parents, ses camarades choqués, ébranlés peut-être pour des années, mais qui ne trouve que la presse à fustiger parce qu’elle a profité de la « fuite » d’un procès-verbal d’audition du policier en cause alors que toute la population s’énerve devant le silence des enquêteurs.
De même comment ne pas être ébahi que la police chasse avec des canons à eau des manifestants venus exprimer leur émotion. Regardez ailleurs, braves gens. Surtout pas vers nous.
On se demande si Bruxelles n’est pas écrasée par trop de responsabilités, qu’elle n’en peut plus de son rôle de capitale multiple. De la Belgique, de la Flandre, de l’Union européenne…
Trop de capitales tue la capitale.

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COMPRENDS PLUS…

  On a du mal à comprendre l’histoire et pourtant, elle est vraie. Un jeune Français qui vit à Bruxelles est accueilli par les chaleureux agents de l’Office des étrangers à son retour de vacances en compagnie de sa mère. Vont-ils leur souhaiter « bienvenue at home, sweet home ? » Non. La maman est envoyée en centre fermé. Et le jeune homme expédié en Turquie, terre inconnue pour lui (c’était le lieu de ses vacances). Son crime ? Ne pas avoir réussi à expliquer aux pandores pourquoi il est né français !  

   Son vrai crime, être handicapé. Raison de sa difficulté à s’expliquer. Quand un policier ne comprend pas ce que vous dites ou pourquoi vous n’avez pas l’air d’un quidam ordinaire, seul admis à fouler notre sol sacré, scrogneugneu, qu’est-ce qu’il fait ? Il tape (M. Chovanec, mort entre les bras des flics de l’aéroport de Charleroi), il étouffe sous un coussin (Semira Adamu qui protestait contre son rapatriement forcé). Là, il expédie un ado qui souffre d’un handicap dans un lieu inconnu, seul, sans ressources.

   Un handicapé, ça dérange, ça met mal à l’aise parfois. Il vous oblige à prendre le temps de le comprendre, de l’apprivoiser, d’établir simplement un contact. 

   Zemmour (hélas, il faut le citer) n’est sans doute pas le seul à montrer les enfants handicapés du doigt en proposant de les exclure du parcours scolaire, de les empêcher de se mêler aux enfants « normaux ». 

   Qui est normal ? Les êtres humains seraient-ils tous sortis du même moule ? Un être qui obéirait toute sa vie, à tout moment, quelles que soient les circonstances, aux normes me paraîtrait dangereusement anormal… 

Quel est le lien entre cette histoire et l’autre actualité de la semaine, la nomination de la nouvelle présidente du Parlement européen ? L’absence d’humanité, une vision abstraite de la vie en société. Et un insupportable cynisme. L’élection de Roberta Metsola a été approuvée par les principaux groupes du Parlement. Or, la députée maltaise n’a jamais fait mystère de son opposition à l’avortement (un crime dans son île). 

Comme une gifle à Simone Veil, première femme à accéder au perchoir. Et certains de célébrer l’élection de Madame Metsola comme une victoire du féminisme… En quarante ans, les institutions européennes ont-elles fait avancer ou reculer la cause des femmes ? Suffit-il qu’une femme accède à une fonction pour parler de victoire ? La preuve que les barrières entre les sexes seraient tombées ? N’importe qui pourvu qu’elle soit une femme ?  

Françoise Giroud disait, dans une interview au « Monde » en 1983 : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente ».

   Son souhait est accompli mais ne comptez pas sur moi pour citer des noms ! J’aime trop mes petites camarades !      

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ZUHAL, REVEILLE TOI, ILS SONT DEVENUS FOUS !

On l’ignore souvent mais s’évader n’est pas un délit en droit belge. Avec beaucoup de bon sens, le législateur du dix-neuvième siècle avait compris que le mouvement naturel d’un prisonnier était de se faire la malle.

Pourquoi s’étonner alors qu’une camionnette transportant des migrants ne s’arrête pas en voyant des policiers mais qu’elle essaye de leur échapper ? Le chauffeur a réagi aussi naturellement qu’un détenu qui a l’occasion de prendre la fille de l’air…

Puisqu’on évoque ici les réactions naturelles d’un être humain, que penser de celle d’un policier qui sort son arme et décide de tirer sur une camionnette pleine de gens qui n’ont commis d’autre crime que de pénétrer sur notre territoire sacré mais sans papiers ?

Ce ne sont pas des terroristes, ni des assassins, ni des trafiquants, même pas des voleurs. Juste des familles qui ont fui l’enfer. L’Irak (comme les parents de Mawda), la Syrie ou la Turquie, où ils sont menacés, parfois massacrés, simplement en raison de leur origine.

L’année dernière, la secrétaire d’état à l’égalité des Chances, Zuhal Demir avait entamé, a-t-elle dit, une procédure pour se défaire de la nationalité turque : « la place de l’islam, la démocratie, la place de la femme, et les minorités : tout va dans la mauvaise direction » dans cette Turquie lancée dans une véritable guerre contre sa minorité kurde. On aurait aimé que la secrétaire d’état rappelle le sort des Kurdes à quelques-uns de ses collègues. Qui, mieux qu’elle peut l’évoquer ?

Les Kurdes d’Irak n’ont guère été plus gâtés que ceux qu’écrase le président Erdogan, d’abord par les islamistes de Daesh, ensuite par le gouvernement central irakien qui a entrepris de remettre au pas cette minorité décidément très encombrante.

Le policier qui a tiré sur la petite Mawda s’est trompé de cible, paraît-il. Il visait le chauffeur. La belle affaire ! Faire sauter la cervelle du conducteur n’aurait donc pas été un crime (sans compter la mort ou les blessures des occupants de la camionnette à la dérive) ?

Que pouvait-il faire ? Les instructions données aux policiers chargés d’intercepter un véhicule sont absentes ou confuses. En bref, débrouillez-vous !

Tout a été honteux dans ce drame : le procureur de Mons racontant n’importe quoi puis son contraire d’un air gêné semblait le fantôme du porte-parole du parti communiste à l’époque de Staline.

Le Comité P, prêt à classer ce dossier trop embarrassant, les parents de Mawda mis en prison et empêchés de suivre l’ambulance où s’éteignait leur petite fille avant de se voir notifiés un ordre de quitter le territoire. Ce qui est peut-être la seule chose qui ait un sens dans cette histoire : comment laisser parmi nous les témoins d’un acte aussi odieux ?

Monsieur le premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, sachez-le : vous n’agissez pas en notre nom !

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