COMPRENDS PLUS…

  On a du mal à comprendre l’histoire et pourtant, elle est vraie. Un jeune Français qui vit à Bruxelles est accueilli par les chaleureux agents de l’Office des étrangers à son retour de vacances en compagnie de sa mère. Vont-ils leur souhaiter « bienvenue at home, sweet home ? » Non. La maman est envoyée en centre fermé. Et le jeune homme expédié en Turquie, terre inconnue pour lui (c’était le lieu de ses vacances). Son crime ? Ne pas avoir réussi à expliquer aux pandores pourquoi il est né français !  

   Son vrai crime, être handicapé. Raison de sa difficulté à s’expliquer. Quand un policier ne comprend pas ce que vous dites ou pourquoi vous n’avez pas l’air d’un quidam ordinaire, seul admis à fouler notre sol sacré, scrogneugneu, qu’est-ce qu’il fait ? Il tape (M. Chovanec, mort entre les bras des flics de l’aéroport de Charleroi), il étouffe sous un coussin (Semira Adamu qui protestait contre son rapatriement forcé). Là, il expédie un ado qui souffre d’un handicap dans un lieu inconnu, seul, sans ressources.

   Un handicapé, ça dérange, ça met mal à l’aise parfois. Il vous oblige à prendre le temps de le comprendre, de l’apprivoiser, d’établir simplement un contact. 

   Zemmour (hélas, il faut le citer) n’est sans doute pas le seul à montrer les enfants handicapés du doigt en proposant de les exclure du parcours scolaire, de les empêcher de se mêler aux enfants « normaux ». 

   Qui est normal ? Les êtres humains seraient-ils tous sortis du même moule ? Un être qui obéirait toute sa vie, à tout moment, quelles que soient les circonstances, aux normes me paraîtrait dangereusement anormal… 

Quel est le lien entre cette histoire et l’autre actualité de la semaine, la nomination de la nouvelle présidente du Parlement européen ? L’absence d’humanité, une vision abstraite de la vie en société. Et un insupportable cynisme. L’élection de Roberta Metsola a été approuvée par les principaux groupes du Parlement. Or, la députée maltaise n’a jamais fait mystère de son opposition à l’avortement (un crime dans son île). 

Comme une gifle à Simone Veil, première femme à accéder au perchoir. Et certains de célébrer l’élection de Madame Metsola comme une victoire du féminisme… En quarante ans, les institutions européennes ont-elles fait avancer ou reculer la cause des femmes ? Suffit-il qu’une femme accède à une fonction pour parler de victoire ? La preuve que les barrières entre les sexes seraient tombées ? N’importe qui pourvu qu’elle soit une femme ?  

Françoise Giroud disait, dans une interview au « Monde » en 1983 : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente ».

   Son souhait est accompli mais ne comptez pas sur moi pour citer des noms ! J’aime trop mes petites camarades !      

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L’AN VAIN … QUOIQUE

   Que va-t-on retenir de l’an vingt ? D’accord, il y a…

Mais aussi bien d’autres choses. Tenez, puisque nous en parlons, la Chine. 

Cette année, ce sera le pays où la croissance sera la plus forte dans le monde. Celle aussi où le nombre de journalistes emprisonnés est le plus important. Doit-on conclure que moins il y a d’esprits libres, plus le commerce explose ? Donald Trump serait d’accord. 

   Tenez, puisque nous en parlons, Trump. Plus fort que le virus, Joe Biden aura réussi à avoir sa peau. Joe, présenté comme un pâle challenger, pourrait nous étonner. Faut parfois se méfier des vieux endormis.

Tenez, puisque nous en parlons, trois petits vieux nous ont emballés cette année. Les trois héros du dernier roman de Richard Russo « Retour à Martha’s Vineyard » (éditions Quai Voltaire). De retour dans la propriété de l’un d’eux où, le temps d’un week-end de la fin de saison 1969, ils sont tombés amoureux de la même fille qui a mystérieusement disparu…

Tenez, puisque nous en parlons, la machine à remonter le temps a  beaucoup fonctionné cette année pour notre plus grand plaisir de lecteur – peut-être pour échapper à ce dont nous ne parlons pas. Elle est remontée en 1938 avec cette magnifique BD de Verron et Yves Sente « Mademoiselle J » (chez Dupuis) qui retourne dans le monde de Spirou des débuts (avec un graphisme superbe) mais en se frottant aux périls politiques qui commencent à dévorer l’Europe (un scénario d’une redoutable intelligence). 

La machine est ensuite repartie en 1980 avec le troisième roman de notre romancière anglaise préférée, Jessie Burton. Dans « Les Secrets de ma mère » (Gallimard), elle se promène dans deux époques (elle excelle à ce jeu). Une fille recherche sa mère mystérieusement disparue (encore une disparition, décidément) de Hollywood où l’avait emmenée son amie écrivain. Comme Russo, Burton a cet art de créer une tension digne d’un thriller pour dessiner des personnages complexes, bizarres mais terriblement attachants. Voilà des écrivains n’ont pas peur d’utiliser les principes du roman policier pour bâtir leurs romans. 

Tenez, puisque nous en parlons, les policiers ont été en première ligne, hélas. Malgré eux. Ou à cause d’eux. Pas seulement ceux qui ont assassiné George Floyd à Minneapolis. Mais aussi ce policier, jugé en cette fin d’année, pour n’avoir pas hésité à tirer sur une camionnette parce qu’elle transportait des migrants. Il a abattu une petite fille sur une autoroute wallonne. Le Parquet demande le sursis. Et personne n’a songé à le chasser de la police. Pas plus que ceux qui ont participé à la mort d’un passager slovaque à l’aéroport de Charleroi, pendant qu’une policière faisait le salut nazi sous les rires de ses collègues. Et on s’étonne de la violence impunie de la police de Waterloo ? Comme disent les urgentistes, la fièvre monte… 

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