FIAT LUX !

   Cette semaine, la lumière qui éblouit nous vient de Wallonie. Il suffit de deux hommes modestes, résolus et talentueux pour changer la donne. Cette région vouée aux gémonies resplendit grâce aux frères Dardenne, fêtés le week-end dernier à Lyon. 

Faire des films, une occupation futile ? Peut-être. Mais « Rosetta », cette jeune chômeuse sans futur a porté la Belgique au sommet, dans le monde entier. 

  Dans notre petit pays il s’en est trouvé pour faire la fine bouche devant leurs Palmes d’Or et autres récompenses prestigieuses. Comme le relevait Philippe Geluck : « Il y a un proverbe bruxellois qui dit que le clou qui dépasse appelle le marteau ». Chez nous, on se méfie du sommet des vagues alors qu’ailleurs, le clou qui dépasse, c’est un diamant. 

   Dans la plupart des pays du monde, tout repose sur un homme, une femme, une idée, une image. En Belgique, Modeste n’existe pas sans Pompon. Les choses essentielles ne fonctionnent que par deux.

  Tintin et Milou, Dupond et Dupont, Bossemans et Coppenolle, Spirou et Fantasio, René et Georgette Magritte, les frères van Eyck, Delhaize Le Lion et Adolphe Delhaize, la Stella et la Maes. Le Standard et Anderlecht. Même quand on est seul, il faut faire croire qu’on est deux, ce qui explique la réussite d’Albert Frère. 

   En politique, l’équilibre du pays repose aussi sur le modèle duo, flamands-francophones, parité des ministres, doublement des familles politiques. Même les nationalistes flamands sont obligés d’aller par deux, le V.B. et la N-VA. Et, pour les vacances, on va à la mer ou dans les Ardennes. 

Quoi d’étonnant alors que notre plus fameux réalisateur de cinéma soit double ?  Luc et Jean-Pierre Dardenne, deux fois Palme d’Or, viennent d’être récompensés par le Prix Lumière pour l’ensemble de leur œuvre. 

Curieux paradoxe. Les « héros » ou « héroïnes » des deux frères sont des solitaires. Des jeunes femmes ou garçons luttant seuls, désespérément, contre le destin (Igor dans « La Promesse », Rosetta, Lorna, le jeune Ahmed ou Jenny, la femme médecin, rongé par le remords dans « La Fille Inconnue », mon préféré). 

L’homme seul apparaît comme une constante dès leur entrée dans la fiction. Falsch (dans le film qui porte ce nom et leur unique adaptation littéraire) est le seul survivant d’une famille décimée par la seconde guerre mondiale.

L’explication est-elle dans cette citation d’Ernest Bloch (dans leur documentaire « Pour que la guerre s’achève ») : « Ce sont des isolés qui commencèrent à protester » ? 

   Ce prix remet les pendules à l’heure, l’heure aux claquettes. Il rappelle dans cette période sombre que le cinéma, c’est la lumière, le rêve, la promesse d’un futur enchanté. Et un avertissement aux politiques : en cette période de perdition, rien de plus important que la culture.     

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AND THE WINNER IS…

  Nous sommes en mesure de vous révéler quelques-uns des prix qui ne seront pas attribués ce samedi soir à la cérémonie des Magritte. 

   Le prix de la plus belle séparation est attribué à Boris Johnson pour son film « Nous ne vieillirons pas ensemble ». Sans doute s’en réjouira-t-il mais qu’il fasse gaffe ! Le cinéma anglais a fait écho à la tentation des Britanniques pour l’éclatement du Royaume-Uni. Dans « Passeport pour Pimlico », ce quartier de Londres déclare son indépendance et son rattachement au duché de Bourgogne. Dans « La Souris qui rugissait », un mini duché au bord de la faillite déclare la guerre aux Etats-Unis (en pariant sur l’habitude des vainqueurs de renflouer les caisses vides du vaincu). 

Le divorce du Royaume de Sa Gracieuse Majesté avec l’Europe continentale pourrait être la première pièce qui s’envole d’un château de cartes. L’annonce d’une implosion du vénérable empire en une multitude de royaumes, comtés ou duchés indépendants. Celui du Sussex est justement disponible à qui veut. A signaler à Bart De Wever qui trouve notre royaume trop grand pour lui. Encore faut-il pour que l’orgueilleux Anversois succède au prince Harry que les autorités du Sussex estiment que Bartje remplit les qualités nécessaires pour être admis à y séjourner. 

 Donald Trump se voit récompensé pour son rôle de décomposition dans « Certains l’aiment chaud ». Son « fantastique » plan de paix entre Israéliens et Palestiniens s’appelait initialement « Noces en Galilée ». Le titre prometteur est rapidement passé à la trappe. Trump a  réussi une fois de plus à jeter des pétards dans des terres déjà ravagées par les incendies. Après l’Ukraine, la Turquie, la Corée, on ne compte plus les conflits où il a emmené la planète au bord du gouffre. Une fois l’apocalypse venue, il restera à envoyer la star diriger « La Guerre des Etoiles ». Reprenant le rôle de Dark Vador, c’est l’univers tout entier qui sera assuré de basculer du côté obscur de la Force. 

  Avec les informateurs royaux, je suis désolé de le reconnaître, on tombe dans une catégorie de films infiniment plus modestes.   

   Le fait que les deux comiques belges soient toujours à l’affiche ne répond pas à la demande des spectateurs. Pour preuve, leur numéro a changé plusieurs fois de titre, ce qui est inquiétant. Appelé d’abord « La Promesse », puis « On purge bébé », il est devenu « La Grande Illusion » même si de prolongation en prolongation, il se soit aussi rebaptisé « Huit et demi » (un film dont le réalisateur avait perdu le scénario) avant de couler. E la nave va…

  Avant d’acter bêtement qu’aucun gouvernement fédéral n’est possible dans notre pays, rappelons-nous que le plus beau film en compétition s’appelle « Nous nous sommes tant aimés »…      

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