QUE FAIT LE GIEC LE DIMANCHE SANS AUTO ?

Le dimanche sans auto, c’est celui où seuls les véhicules prioritaires sont autorisés à écraser cyclistes et piétons, celui où l’on voit une fois par an des deux-roues s’arrêter aux feux rouges, c’est aussi le jour où les piétons se font engueuler par les cyclistes lorsqu’ils osent descendre des trottoirs et se promener sur le macadam. Comme quoi, même quand les autos ont disparu, il y a toujours quelqu’un qui prétend être le roi de l’asphalte. 

Le dimanche sans auto c’est le jour béni où les voleurs s’en donnent à cœur joie à rafler les deux roues rangées devant les églises à l’heure de la messe. Vu le nombre, le Seigneur n’a pas promis de les remplacer. Loué soit-il néanmoins.

C’est aussi le seul jour où les cyclistes ont intérêt à rouler masqués vu la foule qui se presse pour défiler dans les rues du centre de la ville. Impossible de respecter les distances quand on est entouré de tant de maladroits qui tiennent avec peine sur leurs bécanes, vu qu’ils ne les sortent qu’une fois par an.      

Le dimanche sans auto, c’est le jour où l’on a bonne conscience d’avoir milité contre le changement climatique, ce qui permet de reprendre son SUV le lundi matin pour une fois le cœur léger avec l’impression d’avoir permis de sauvegarder la planète car on n’a pas sorti la bagnole du garage, pas comme les voisins qui se sont enfuis à la mer ou dans le Ardennes dès potron-minet pour affirmer leur liberté. Ah ! Cette chère liberté sacrée, très à la mode ces temps-ci, tout le monde l’exhibe comme un drapeau, la liberté de ne pas se faire vacciner, de ne pas devoir montrer de covid-pass, de ne pas porter de masque, de ne pas être privé de son tacot…

Le soir, quand les barrières qui emmurent Bruxelles sont levées et que l’on retrouve le parfum rassurant du diesel et de l’essence, j’en connais qui sont si fiers d’avoir respecté la consigne qu’ils sont sincèrement persuadés d’avoir sauvé la planète. Et ils s’étonnent que les rapports si touffus du GIEC ne contiennent pas une ligne pour saluer leur courage et que les conclusions des experts annonçant l’apocalypse n’ont pas été rectifiées pour tenir compte de leurs efforts. 

S’ils ont été si gentils avec la nature ce dimanche-là, ils attendent que la nature soit aussi gentille avec eux. Donnant-donnant. Sinon, pourquoi tant de sacrifices ? 

Quelle déception si la semaine suivante, la nature furieuse remet ça, inondations, incendies, etc. Non, ce n’est pas possible que le destin ne nous envoie pas un signal pour saluer l’héroïsme dont nous avons fait preuve en sortant dimanche la petite reine plutôt que notre char à bœufs. 

Mais, face au destin, c’est comme face à Dieu. On a l’impression qu’il joue aux dés avec nous. 

Comme le dit un proverbe vietnamien « Le destin est aussi généreux pour l’homme que la mangouste l’est pour la souris »…  

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BRUXELLES, MA BELLE …

Pour sa première visite sur le vieux continent, le président Biden a choisi une seule étape. Mais doit-on se réjouir que Bruxelles s’affiche comme capitale de l’Europe ?

Cette désignation ne figure pourtant pas dans le traité de Rome de 1957. On a souvent accusé le gouvernement belge de l’époque de sa passivité et de son manque d’initiative pour expliquer cette carence dans l’acte fondateur. Ne faut-il pas plutôt se demander si le premier ministre Achille Van Acker et son ministre des Affaires étrangères, Paul-Henri Spaak, ont eu la prescience de ce qui attendait notre bonne ville le jour où elle paraderait comme le nombril de l’Europe.

Dans l’opinion publique, aucune ville n’a acquis plus mauvaise réputation que notre pauvre cité. Tout ce qui va mal, déplaît, ne fonctionne pas, ce n’est jamais la faute des chefs d’état réunis en Conseil ni celle de la Commission, encore moins du Parlement. C’est toujours la « faute à Bruxelles ». 

Un Bruxelles imaginaire puisque ni ses habitants, ni même les autorités en surnombre qui gèrent la Région et la ville n’ont la moindre influence sur ces fameuses décisions, règlements, directives, qui pointent Bruxelles en bouc-émissaire de toutes les frustrations politiques du continent.

Pour les Bruxellois, l’Europe a le visage d’une série de citadelles inaccessibles coupées de la vraie vie dans lesquelles travaillent des fonctionnaires qui n’ont aucun lien avec les citoyens du cru et qui sont enviés ou détestés pour leurs privilèges, notamment fiscaux. 

La seule image que les Bruxellois ont de ce « Bruxelles » que l’Europe maudit, ce sont ces tours sans âme, ces quartiers déserts la nuit (et les mois de covid), ces forêts de béton glauque, qui ont éliminé des quartiers entiers du Bruxelles d’avant. L’Europe, ce sont aussi les embouteillages inextricables que provoque chaque sommet ou chaque visite d’un hôte soi-disant prestigieux. (Et là, on est injuste car les responsables régionaux de la mobilité sont largement responsables de ces blocages et de la guerre entre utilisateurs des voies publiques, socialistes et verts se disputant les électeurs « doux »  à coup de mesures contre l’auto et pour le vélo sans aucune coordination, sans plan de circulation, sans cohérence sinon de brandir leurs trophées : j’ai osé imposer le 30 km, j’ai fait circuler les cyclistes dans les sens uniques, j’ai fait des piétonniers, j’ai fermé des rues, fait s’écrouler des tunnels, j’ai beaucoup embêté les automobilistes, etc).

Ces visiteurs internationaux qui paradent à Bruxelles, ne croyez pas que l’on peut les voir. Il faut les protéger par des bataillons de flics de l’amour que voudraient leur manifester les Bruxellois. Idéalement, les eurocrates rêveraient que Bruxelles soit vidée de ses résidents depuis que l’Europe a décidé de l’occuper, comme les Khmers rouges ont repoussé les habitants de leur capitale dans les campagnes. Le problème, c’est qu’il n’y a plus de campagne en Belgique… 

Et que les artères de notre prestigieuse capitale sont tellement sous pression grâce à notre exemplaire politique de mobilité que même si des extra-terrestres hostiles débarquent à Bruxelles, évacuer la ville durera trois mois. Ce qui est sans danger, il est vrai, s’il apparaît que ces extra-terrestres n’ont envie que de bouffer des cuisses d’eurocrates… 

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MACADAM A DEUX VOIES

La fin de l’année a été marquée par deux événements en Belgique, le début timide de la vaccination sous les flashs et caméras et les images, devenue virales elles aussi, d’un cycliste bousculant une petite fille dans un petit chemin des Fagnes filmée par son papa.

L’émotion suscitée par ces images, la vague de commentaires sur les réseaux sociaux peuvent laisser pantois. Si le geste est volontaire, il est scandaleux, s’il est involontaire, il est très maladroit. Mais la petite fille est indemne, dieu merci, et l’incident, en temps ordinaire, n’aurait même pas eu droit à une ligne dans Vers l’Avenir. Comment expliquer alors que la Belgique entière se soit enflammée devant cette vidéo ? 

On peut y voir le ras-le-bol exaspéré de tous ceux qui supportent mal l’essor et le succès du vélo ces derniers mois. En l’absence de toute politique favorisant une coexistence harmonieuse entre automobilistes et cyclistes (saluons tout de même le réaménagement du pont Fraiteur à Ixelles et les pistes cyclables somptueuses de l’avenue Roosevelt). Ce ras-le –bol est encore exacerbé par l’entrée en vigueur (à contretemps) du 30 km généralisé dans les rues de Bruxelles. 

Ce projet est pourtant sympathique mais il n’a de sens que si cette mesure était un début et non pas une fin. Or, on a le sentiment que pour la ministre bruxelloise de la mobilité, Elke Van den Brandt, le job est terminé depuis qu’elle a placé ses panneaux flambant neuf limitant la vitesse et lancé les pandores à la chasse aux contredanses.  

Alors que cette mesure n’a de sens que si on organise la coexistence entre tous les utilisateurs du macadam, autos, vélos, trottinettes, voitures d’enfant, fauteuils d’handicapés. Plutôt que de bêtement les « coller », il faut apprendre aux automobilistes à respecter les cyclistes et à certains rois de la petite reine de ne pas se comporter avec arrogance et parfois provocation. Et ça, ça demande plus d’efforts, de sueur et d’imagination que de planter des panneaux et de fliquer les bagnoles…

D’autant que l’entrée en vigueur de cette mesure en pleine pandémie tombe mal car elle s’ajoute aux restrictions et interdictions exceptionnelles dans une démocratie que les citoyens doivent supporter depuis neuf mois.

Pour que la politique de la Ministre de la Mobilité ne devienne pas une course de cache-cache avec la police, qu’elle ne donne pas l’impression d’être un bon prétexte pour remplir les caisses de la Région, il faut qu’elle soit expliquée, partagée, qu’elle apparaisse comme un besoin, une nécessité par les utilisateurs de la voie publique, pas comme une brimade. 

Comme l’écrivait David Thoreau : « La loi n’a jamais rendu les hommes plus justes ». Pour cela, il faut faire appel à leur intelligence, pas à la police !  

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SLOW DOWN

 Tourner en rond dans son appartement et faire la danse du ventre devant son ordinateur ne suffisant plus, la Région de Bruxelles a décidé aussi de ralentir le rythme. Qui va piano va sano est recommandé en temps de pandémie. E qui va sano va lontano, gage de survie.  

   A partir du 1er janvier prochain, il sera interdit de courir de son ordinateur jusqu’à la chambre des enfants à plus de 30 km/heure. Les toilettes ne seront accessibles qu’à ceux qui s’en approcheront lentement. La porte se fermera automatiquement devant ceux qui se montreront trop pressés. 

Cette limitation s’appliquant à tous les véhicules, prudence à ceux qui font du vélo d’appartement. La police aura le droit de forcer la porte pour verbaliser les casse-cous qui essaient d’égaler Evenepoel dans la descente. 

   La limitation de vitesse sera aussi obligatoire à l’extérieur. En promenade, par exemple, les chiens entraînant leurs maîtres à plus de 30 km/h. seront abattus. Lors des manifestations, les policiers s’abstiendront de courir derrière les manifestants pour éviter les excès de vitesse. Dès lors, tout manifestant en fuite sera considéré comme un délinquant. 

Les automobilistes seront eux aussi priés de respecter la nouvelle réglementation. Sauf sur la petite ceinture. Connaissant les obsessions du personnel politique bruxellois toujours en quête de mesures spectaculaires, on subodore que, dans un an ou deux, il se trouvera une de ces excellences bien décidée à l’appliquer à toutes les artères de la capitale. 

Que fera-t-on alors dans le tunnel Léopold II (entretemps rebaptisé Tunnel Tintin au Congo) ?  Plusieurs bureaux d’étude travaillent déjà en secret à différentes mesures pour ralentir le trafic. Parmi les suggestions en projet: obliger les cyclistes à emprunter le tunnel et à rouler de front, construire à l’intérieur du tunnel un labyrinthe constitué de hautes haies en zigzag, ce qui obligera les automobilistes à errer avant de trouver – parfois – la sortie beaucoup d’heures, de jours ou de mois plus tard. Il faudra évidemment transformer la deuxième bande en parking de secours pour les naufragés de la route, avec postes de ravitaillement, respirateurs et médecins.

Une autre suggestion susceptible d’obliger les chauffards à lever le pied : réserver les chaussées aux piétons. Plus de voitures sur les routes ! Dès à présent, on peut parier que la plupart des automobilistes abandonneront leurs véhicules avant d’avoir deviné par où ils peuvent passer. 

On songe aussi à une espèce loterie qui ne laissera passer que les heureux conducteurs qui auront tiré les bons numéros. Vous tirez le 10, vous pouvez circuler à 10 à l’heure, le 20, à 20 à l’heure. Le gros lot pour le 30. 

Une fois de plus, Bruxelles aura été un laboratoire du futur, l’avant-garde de la gestion des villes de demain.        

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