CUSTINE ET DEPENDANCES

   Pour le président russe, le Donbass fait partie de la Russie. Donc, on l’annexe. L’Ukraine aussi. Donc, on l’annexe. Du moins, on essaye – mais la bête entière est drôlement plus difficile à digérer qu’on ne l’avait cru. 

Pourquoi utiliser des canons plutôt que de demander simplement l’avis des habitants ? Pour le président russe, il n’y a pas d’habitants en Ukraine, sinon quelques fascistes égarés qui errent là-bas depuis la fin de la grande guerre patriotique. Dites donc, s’ils vivent toujours comme le prétend Vladimir Vladimirovitch, z’ont l’air drôlement en forme, tous ces centenaires. J’aimerais connaître leur secret. Yaourt bulgare ? Radiations de Tchernobyl ? Régime crétois ? Thalassothérapie dans la mer Noire ? 

S’emparer d’un territoire sans l’avis de ses habitants au nom de quelque vague lien pêché dans l’Histoire, est une vieille histoire qui n’arrête donc pas de se répéter. Le prétexte invoqué par Hitler pour bouffer Dantzig, les Sudètes, l’Autriche, puis le reste. Mais aussi le truc de Poutine pour annexer la Crimée. Et pour lorgner sur les états baltes. Et plus si affinités. Et nous, n’avons-nous pas aussi eu droit à notre Donbasstje avec les Fourons ? Toujours ce délire de la terre sacrée…

A croire que les dirigeants politiques manquent singulièrement d’imagination. Ils pourraient épargner le sang, les larmes et les armes en attirant les citoyens dont ils convoitent les terres par d’autres carottes autrement plus appétissantes. Les acheter, les séduire par de belles promesses, des lendemains qui enchantent. 

Imaginez que le Liechtenstein propose d’annexer la Belgique (se sentant un peu à l’étroit chez eux) en promettant de nous faire bénéficier de leur régime fiscal ? Il y en aurait que ça ferait réfléchir. 

Au nom de l’Histoire, pourquoi la Russie aurait-elle le privilège d’absorber l’Ukraine ? Avant elle, c’était une province romaine. Demandez aux Ukrainiens s’ils préfèrent être rattachés à Moscou ou à Rome…

  L’Autriche pourrait aussi prétendre à « récupérer » l’ouest de l’Ukraine. La Galicie était une des provinces de l’empire. Comme la Pologne qui l’occupait auparavant. Ces batailles successorales autour du patrimoine familial sont désespérantes, sans fin, sans issue. A ce petit jeu, la carte de l’Europe serait totalement chamboulée (nos cantons germanophones retourneront à l’Allemagne, le Luxembourg et Maastricht à nous), chacun ayant une carte qui prouve que c’est lui qui peut se proclamer l’héritier. 

Puisque Poutine aime tant l’histoire, glissons-lui à l’oreille cette observation du marquis de Custine, rapportée de son voyage en Russie (1839) : « le gouvernement russe est une monarchie absolue tempérée par l’assassinat. Or, quand le prince tremble, il ne s’ennuie plus ; il vit donc entre la terreur et le dégoût ».  

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LES CONQUERANTS DU NOUVEAU MONDE

On nous répète sans cesse que nous sommes passés dans le « nouveau monde ». Adieu, l’ancien. Tout va changer. Cette semaine, un incident illustre la différence entre les deux mondes. Dans l’ancien monde, lorsque vous confiiez vos économies à une banque, elle vous payait des intérêts. Maintenant, c’est vous qui payez pour récupérer votre argent.
Dans l’ancien monde, votre femme préparait la viande de mammouth que vous aviez ramenée à la caverne. Dans le nouveau, vous partagez avec votre copine les graines que vous avez récoltées dans votre jardin.
Barack Obama, voilà, paraît-il, un personnage de l’ancien monde. Le nouveau, c’est Donald Trump. Vous saisissez comment le nouveau monde a permis à l’humanité de faire un grand pas vers la civilisation et de s’éloigner de la barbarie ?
Jadis, nos parents avaient aussi cherché à distinguer leur ancien monde du nouveau. L’ancien, c’était Fred Astaire, le nouveau, Gene Kelly. L’ancien, la première guerre mondiale. Le nouveau, la seconde. L’ancien, les camps de la mort; le nouveau, la bombe atomique…
Aujourd’hui, même les classiques sont classés de façon différente selon le monde auquel on appartient. La Bible, c’est l’ancien monde (même le Nouveau Testament). Le Coran, le nouveau. Oui, je sais, c’est compliqué.
Rocky, l’ancien monde. Transformers, le nouveau.
Kabila, l’ancien monde. Tshisekedi, le nouveau. Où est l’erreur ?
Autre exemple. Le Soir, c’est l’ancien monde. Les sites de fake news, le nouveau.
Charles Michel-Bart De Wever, l’ancien monde. Charles Michel-Ecolo/Groen, le nouveau.
Dans l’ancien monde, le peuple était souverain. Dans le nouveau, les citoyens ont le pouvoir. Je suppose que ça fait une différence. En tout cas, ça fait du bien de crier en rue quand il fait aussi froid.
A ce propos, les gilets jaunes, c’est le nouveau monde. Mais qu’il a l’air ancien !
Dans l’ancien monde, beaucoup de citoyens se sont battus contre le travail des enfants chez nous. Dans le nouveau, nous nous réjouissons que le prix des pulls et des smartphones venus d’extrême orient soit si bas…
Dans l’ancien monde, l’idée de l’Europe était symbolisée par des gens comme Stefan Zweig, Roger Martin du Gard, Einstein, Churchill, Schuman ou Angela Merkel. Les Européens du nouveau monde s’appellent Orban, Salvini, Houellebecq ou Juncker. Au secours !
Dans l’ancien monde, Tintin partait pour la Lune, accomplissant le rêve séculaire de l’homme. Dans le nouveau, la Belgique et le Luxembourg ont signé une convention pour l’exploitation des ressources minières de l’espace.
Dans l’ancien monde, on partait en pique-nique à la campagne, en essayant de protéger les sandwiches des insectes. Dans le nouveau, on expliquera à nos petits-enfants à quoi ressemblaient les abeilles, les oiseaux et les fleurs.

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ATOMIC-MAC

La bonne nouvelle de la semaine : le Luxembourg déversera ses déchets nucléaires chez nous mais il gardera ses banques et les économies de nos épargnants. C’est ce que l’on appelle un accord gagnant-gagnant.

Reste à décider ce que nous allons faire des déchets nucléaires de nos amis grand-ducaux, de simples zakouskis, il est vrai, comparés à ceux de nos « propres » productions locales.

Alors secrétaire d’état, l’écolo Olivier Deleuze annonçait en 2003 le début de la fin du nucléaire pour 2015, promesse que les partis libéraux et le PS se sont empressés d’oublier dès la fonte des verts aux élections suivantes.

En 2012, le ministre Wathelet l’annonçait pour 2025, ce qu’a confirmé l’actuel gouvernement il y a quelques mois. Sauf que la N-VA ne l’entend pas de cette oreille. Et laisse la question ouverte pour en discuter après les élections de l’an prochain. Promesse d’un sérieux court-circuit autour de la prochaine déclaration gouvernementale sinon d’un Fukushima si l’un des futurs partenaires s’entête à mettre l’agenda de la mort du nucléaire sur la table. Autrement dit, on en reparlera après la fin des banquises, la hausse des océans et la disparition de la Flandre.

Pour une fois, l’électrique Bart De Wever pourra invoquer la France (à la tête du lobby nucléaire chez nous) plutôt que l’Allemagne (qui s’en est débarrassé calmement). Avec l’entrée en fonction du nouveau ministre de l’écologie, le président Macron s’est assuré un collaborateur peinard question centrale nucléaire, le totem intouchable des Français avec l’industrie de l’armement et celle du foie gras.

Quand il s’opposait au candidat Macron, François de Rugy, s’est engagé à la fin des centrales françaises pour 2040. Depuis qu’il est ministre, il s’est engagé à la fermer sur la question.

Personne ne connaît la durée pendant laquelle les matières resteront radioactives : des siècles ou des centaines de milliers d’années, comme le disent certains ? Bref, on ne sait rien, on n’a aucune solution, celles qui ont été expérimentées ont fait eau de toute part (comme le déversement de déchets en mer principalement par les Anglais dans les années 50 qui prétendaient qu’ils allaient se dissoudre comme du savon ou par les Italiens au large de la Somalie avec l’aide des Maffias).

Que ces crasses mettent cinquante mille ou trois cent mille ans à cesser d’être nocives n’a pas beaucoup d’importance puisque les mammifères intelligents auront disparu de la surface de la planète depuis longtemps, tués par d’autres crasses.

Resté seul, Bart De Wever pourra lancer aux êtres survivants : « Abyssus abyssum invocat » (« l’abîme appelle l’abîme »).

« Acta est fabula ! » (« La pièce est finie ! ») répondront ses auditeurs en suçant une glace au plutonium.

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OETTINGER EPAIS

Jadis, beaucoup de gouvernements envoyaient à la commission européenne les politiciens dont ils ne voulaient plus ou auxquels ils étaient obligés d’offrir un bâton de maréchal. Dans le lot, il y avait donc souvent pas mal de fins de série et de soldes à prix cassé. A chaque nouvelle commission, on nous promet que cette époque est révolue. Mais chaque fois, on dirait que c’est pire.

Pouvait-il y avoir plus poussiéreux rossignol à offrir à la clientèle européenne que le « président» Barroso ? Cireur de pompes infatigable des chefs d’état puissants et véritable fossoyeur de la politique européenne dont il symbolisait tous les défauts : technocratie incompréhensible, opaque et inhumaine. Auxquels on peut ajouter, depuis son reclassement chez les brigands de Goldman Sachs, l’amour immodéré du pognon et le mépris des citoyens au service desquels il  prétendait œuvrer.

Avec Jean-Claude Juncker, on croyait cette page tournée. Mais non, la liquidation continue pendant les travaux. Bien sûr, après sa défaite électorale de 2013, le nouveau gouvernement luxembourgeois a été heureux de le refiler vite fait à Bruxelles mais ses déclarations musclées au début de son mandat laissaient croire que lui et ses compères avaient enfin compris la nécessité d’un rebond. On allait voir ce qu’on allait voir. Une Europe vent debout, nettoyant ses placards et liquidant ses momies.

Las ! On a vu des dirigeants assommés par la sortie de la Grande-Bretagne, incapables de se présenter devant le Parlement avec une feuille de route offrant une vision et des perspectives aux citoyens de l’Europe continentale.

Le président Juncker semble aussi aveugle et sourd à propos de la perfidie de son prédécesseur qu’il l’avait été quand les services de renseignement de son pays avaient constitué des fichiers illégaux (ce qui avait provoqué sa démission), ou lors de la publication des Panama Papers qui montraient les liens entre son pays et le paradis fiscal bananier. Il n’avait pas prévu non plus que l’opacité et les à peu près du Traité CETA allaient lui péter à la figure.

Et le voilà maintenant même incapable de remonter les bretelles de son commissaire Günther Oettinger. Le commissaire à l’économie et à la société numérique a un langage très châtié. Traitant « nos amis Chinois » de types « peignés de gauche à droite avec du cirage noir », l’Allemagne de pays qui s’occupe de « rendre le mariage homosexuel obligatoire » et la Wallonie de « micro-région dirigée par des communistes».

En remerciement de ce langage « vrai » et « viril », M. Oettinger reçoit en prime le portefeuille du budget et des ressources humaines avant peut-être de devenir vice-président de la Commission.

Ne reste-t-il donc que Trump, devenu président des Etats-Unis, pour lui écraser la gueule ?

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QUI DEBLATERE CONTRE BLATTER ?

Est-ce vraiment un hasard si la FIFA est bombardée par un pays où le foot n’est pas le sport-roi ? Ni l’Europe, ni l’Amérique latine n’ont jamais vraiment voulu gratter le fond des placards du football. Les dirigeants de leurs fédérations, les plus gâtées de la planète, gardaient pendue au-dessus de leurs bureaux la photo dédicacée de M. Blatter même s’ils ricanaient aux repas de famille en se chuchotant, un peu envieux, le montant des enveloppes qui circulaient sous la table pendant que défilaient les plats et les discours.

Avec l’affaire Lance Amstrong, déjà, les Etats-Unis avaient désossé les pratiques de notre autre sport favori, le cyclisme, alors qu’Italiens, Français, Espagnols se cassaient les dents quand ils ne fermaient pas les yeux sur les écarts de la petite reine.

Cette fois, il est temps de changer radicalement les règles du jeu si l’on veut éviter que les spectateurs, dégoûtés, ferment leurs télés à l’heure du Mondial. Et surtout, horreur suprême, que les sponsors se tournent vers d’autres spectacles, moins pourris, la balle pelote (jadis très populaire chez nous) ou le rugby.

Le rugby, justement, peut inspirer qui veut régénérer le foot. A cause de la forme du ballon.

La roue des vélos est ronde et le ballon de foot aussi. Ce ne peut être une simple coïncidence que la forme circulaire soit la caractéristique de ces deux sports maudits. Après une étude approfondie, des spécialistes sont arrivés à la conclusion que la rondeur de la balle a une influence sur la fluidité de la circulation de l’argent noir. Obligeons donc les footballeurs à se servir désormais d’un ballon ovale.

Autre modification fondamentale. Jusqu’ici, le foot voit s’affronter onze jeunes gens en short contre onze Allemands. C’est dépassé, tout ça, la guerre est finie depuis longtemps et l’Allemagne a perdu. Il faut en tirer les conséquences. D’abord, l’égalité des sexes est devenue une règle fondamentale. Faisons donc sauter ces barrières sexistes et imposons des équipes mixtes, ce qui évitera, soi-dit en passant, aux équipiers de la joueuse qui vient de marquer de se grimper dessus. D’autre part, pour équilibrer les chances, mieux vaut laisser le nombre de joueurs aléatoire, selon les adversaires. Si le Luxembourg rencontre Saint-Marin, on peut comprendre que chaque équipe aligne le même nombre de joueurs. En revanche, si le Grand-Duché doit affronter le Brésil, il devrait être autorisé à étoffer son équipe. Avec quarante-cinq joueurs, dont quarante quatre en défense, la partie se déroulera certainement de façon plus équitable pour nos pauvres voisins. Et plus ouverte pour les parieurs.

Comme le disait dans une magnifique formule Le Guépard de Lampedusa, il faut que tout change pour que rien ne change…

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L’OR SE BARRE

Comme tout le reste, certains sports disparaissent en douce des tablettes olympiques. Pourquoi ? Mystère. A la trappe : le dressage des chevaux, le tir à la corde, le croquet, le criquet, la crosse, la pelote basque, le tir à aux pigeons ou le tandem à vélo.

A Rio en 2016, on annonce la disparition d’un des rares sports où la Belgique pouvait encore espérer décrocher l’or, la fraude fiscale.

Sauf à rêver que dans cinq ans, la Suisse, Monaco ou mieux le Liechtenstein soient désignés pour organiser les Jeux, on peut craindre que cette discipline va tomber à son tour aux oubliettes. Ou que, comme le tir aux pigeons, il ne s’exerce plus qu’en petit comité (non olympique), loin des foules, de la gloire et des récompenses. Si l’on ne peut plus toucher ni intérêts ni dividendes des investissements auxquels on a consenti pour être le meilleur au monde, à quoi bon encore concourir ?

Pendant des années pourtant, la fraude fiscale a été chez nous non seulement un sport reconnu mais surtout une activité largement populaire. Le train des petits porteurs partait plusieurs fois par jour de la gare du Luxembourg devant une foule ravie. Ne restent plus aujourd’hui que les restaurateurs pour tenter un dernier baroud d’honneur mais leurs lamentations ne remuent plus personne. Laissez-nous notre noir, crient-ils dans le désert. En vain.

Il est d’ailleurs assez piquant que l’administration fiscale ait baptisé de « boîte noire » la caisse « intelligente » qui enregistre leurs opérations alors que ce mot désignait jusqu’ici le tiroir dans lequel le taulier glissait les billets ni vus ni connus…

Votre journal favori a passé en revue cette semaine la liste de plusieurs de nos médaillés qui ont fait jadis la fierté de notre sport national. C’était peut-être une erreur de donner aux jeunes de si beaux exemples de réussite et de gloire d’artistes ou d’entrepreneurs partis de rien et devenus des vedettes dans leur domaine.

Heureusement, il nous reste quelques héros étrangers, venus notamment de France, attirés par l’expérience de nos coachs, la facilité de développer chez nous leur sport favori, sans compter, en cas de fatigue, la possibilité de trouver facilement quelques gouttes de pot belge.

Reste aussi un tas d’entreprises et de sociétés, surtout parmi les plus opulentes, qui poursuivent le plus légalement du monde cette grande tradition séculaire avec la bénédiction de nos autorités fiscales. On peut même parler d’un véritable sponsoring de leur part puisque certains bénéficiaires du « ruling » ont pu exonérer 90 % de leurs bénéfices en principe taxables.

Allez ! Les supporters ont encore de beaux jours devant eux. «  Waar is da feestje? Hier is da feestje.» «Tous ensemble tous ensemble hey hey hey !»

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RAGE TAXATOIRE

Un gouvernement de droite qui envisage un impôt sur le capital, est-ce vraiment le monde à l’envers ? Ou tout simplement, une fois de plus, une mauvaise traduction du néerlandais ? Il fallait lire un impôt sur LA capitale. Cette ville pleine de chômeurs, d’étrangers et de fainéants. Une taxe réservée aux Bruxellois, voilà qui est nettement plus conforme à la politique du gouvernement libéral-N-VA. Ouf ! Après un moment de stupeur et les excuses du ministre (un rite devenu quasi quotidien) pour cette mauvaise interprétation linguistique de son projet, le calme est revenu dans les chaumières quatre façades de Brasschaat et de Courtrai. Ainsi qu’à Gerpinnes, où Albert Frère commençait à s’inquiéter que son bel avion, détaxé par le Luxembourg, soit cloué au sol par une taxe sur le patrimoine en Belgique. Pourquoi pas sur les plus-values du capital tant qu’on y est ?

Depuis que les traducteurs ont corrigé leur erreur, Albert Frère comme Marc Coucke sont à nouveau d’accord avec le gouvernement Michel. Et ils soutiennent l’effort des autorités belges à repérer et sanctionner les fraudes. Avec une idée derrière la tête : l’argent ainsi épargné ou récupéré par l’état, c’est autant de fric en moins qu’il ira chercher dans leur poche.

Pour les distraits, Mr Coucke, c’est ce joyeux supporter du K.V. Oostende qui, histoire de se faire un peu de monnaie pour se payer des hot-dogs les dimanches de match, a refilé son entreprise pharmaceutique aux Américains. Près de deux milliards de dollars, aussi légalement exonérés d’impôt belge que si l’opération avait été blanchie par nos voisins grand-ducaux.

Apparemment, les journalistes d’investigation, toujours prêts à fourrer leur nez dans les paradis fiscaux des autres, n’ont pas encore repéré qu’il y en avait un juste sous leur nez.

Rien d’étonnant donc que le club des supporters de notre système fiscal-modèle se soit réjoui cette semaine de l’initiative du secrétaire d’état VLD Bart Tommelein. Pour débusquer les chômeurs co-habitants pirates, ce sous-ministre a eu l’idée d’assurer une surveillance systématique de leur consommation de gaz, d’eau et d’électricité.

Son observation est pertinente : lorsqu’un chômeur prend un bain, c’est autant d’heures qu’il ne passe pas à chercher un emploi. Et à quoi bon une douche s’ils ne travaillent pas ? La consommation d’eau est donc un excellent instrument pour repérer les profiteurs du système et les exclure des allocations.

Restera alors, une fois qu’ils seront devenus S.D.F., à créer un impôt sur la circulation des mendiants, une taxe autrement plus facile à recouvrer que celle sur les grandes fortunes dont on ne sait jamais où elles se cachent. Et drôlement plus populaire chez les électeurs de l’actuel gouvernement.

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PARADIS POETIQUES

Ils ont tant fait rêver les poètes du début du siècle dernier lorsqu’ils chantaient les terres lointaines. Cendrars : « J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares », Marcel Thiry : « Toi qui pâlis au nom de Vancouver ».

Pourquoi ne s’est-il pas trouvé dans le train des épargnants Bruxelles-Luxembourg un seul génie pour vanter la sombre et mystérieuse beauté des paradis fiscaux ? Trois heures aller, trois heures retour, cela suffit pour trousser quelques vers, non ?

Hé bien, non ! Personne n’a jamais célébré ces destinations pourtant secrètes, donc poétiques.

« Toi qui pâlis au nom de Luxembourg » n’a fait frissonner que quelques dentistes belges, serrant leurs petites serviettes pleines de coupons, au passage des gabelous quelque part du côté d’Arlon, priant pour qu’ils contrôlent un autre compartiment.

Pas plus de succès avec : « J’étais à Luxembourg, dans la ville des mille et trois banques belges, françaises, allemandes et de sa gare toujours plus grande. »

Les paradis fiscaux n’ont plus la cote ? C’est qu’ils ont eu tort de ne pas investir à temps dans le financement des artistes, dans le sponsoring. Qui aurait osé s’attaquer à Vaduz, Nicosie, Andorre ou Diekirch si des plumes les avaient rendues immortelles, mythiques ? Monaco a voulu tenter le coup en invitant quelques sportifs, Justine Henin, Philippe Gilbert, Tom Boonen ou Axel Merckx, oubliant que la gloire des champions est éphémère. Depuis qu’ils sont rentrés au pays et beaucoup déjà oubliés, Monaco n’est plus qu’un bête rocher auquel les eurocrates peuvent s’attaquer sans que personne ne le défende.

Ils auraient dû se rappeler que Panama est pour toujours dans nos rêves grâce à Blaise Cendrars : « C’est le krach de Panama qui fit de moi un poète ! » (« Le Panama ou les Aventures de mes sept oncles »).

Ils auraient pu aussi se servir de Baudelaire (dont les droits sont dans le domaine public, excellent investissement !) pour transformer un banal aller-retour vers la banque en une aventure inouïe: « Qu’éprouve-t-on ? que voit-on ? des choses merveilleuses, n’est-ce pas ? des spectacles extraordinaires ? Est-ce bien beau ? et bien terrible ? et bien dangereux ? – Telles sont les questions ordinaires qu’adressent, avec une curiosité mêlée de crainte, les ignorants aux adeptes. On dirait une enfantine impatience de savoir, comme celles des gens qui n’ont jamais quitté le coin de leur feu, quand ils se trouvent en face d’un homme qui revient de pays lointains et inconnus » (« Les Paradis Artificiels »).

Ces gens d’argent n’ont rien compris. Personne ne défendra Luxembourg, La Valette ou Jersey mais que l’on ose s’attaquer à Hollywood, et la terre entière s’enflammera.

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LES ROIS FAINEANTS

   L’annonce du déménagement (forcé) du F.N.R.S. à Charleroi est une preuve que l’imagination est toujours au pouvoir en Belgique.

Avec la crise interminable et la croissance qui hoquète, les politiciens donnaient l’impression d’avoir brûlé toutes leurs cartouches. Plus la moindre fusée pour nous éblouir. Comment lancer un projet un peu ambitieux, promettre des lendemains qui chantent si les caisses restant désespérément vides, plus personne ne croit plus aux promesses ?

Avec la redoutable campagne électorale qui se profile, ils cherchaient désespérément un nouveau truc pour nous jeter la poudre aux yeux, en tout cas le temps d’être réélus. Et ils l’ont trouvé !

Une fois de plus, le gouvernement wallon confirme sa réputation de meilleur magicien d’Europe. Réputation acquise grâce à quelques excellentes attractions. Transformer la disparition des usines en un progrès puisqu’elle améliore la qualité de l’air, c’était très fort ! De même, célébrer l’augmentation du chômage comme une grande victoire sociale permettant à nos travailleurs de profiter enfin des loisirs et de la vie de famille, chapeau !

Mais il était devenu difficile de prolonger ce spectacle une année encore car les spectateurs commençaient à deviner l’envers du décor. Et ça, c’est mortel pour un prestidigitateur.

Or, voilà que l’école du cirque de Charleroi vient de mettre au point un numéro inédit et original : la tournée permanente. Pas celle des bistrots, ça c’est une affaire bien connue dans la région. Mais celle des administrations.

S’inspirant de l’histoire des rois fainéants, qui faisaient le tour perpétuel de leur royaume, paisiblement couchés sur leurs litières, entraînant derrière eux leur cour telle la caravane du tour de France, les lumineux édiles carolos ont imaginé de faire circuler les services fédéraux, bêtement immobilisés à Bruxelles. Le F.N.R.S. à Charleroi n’est que le début du spectacle. Il y aura ensuite les Archives du Royaume à Anvers (passionnante source d’études pour les futurs chercheurs de la république indépendante de Flandre), le Ministère des Finances à Arlon, à une encablure de Luxembourg, permettant aux contrôleurs d’aller à pied (encore une économie !) pour débusquer les fraudeurs fiscaux.

Quant au premier ministre, après avoir revendu le 16 rue de la Loi à un groupe immobilier qatari (toujours ce souci d’épargner les contribuables), il installera ses bureaux et présidera les réunions du gouvernement selon l’humeur du moment et l’état de la météo, tantôt dans un château de sable sur la plage de Coxyde, tantôt sur les terrils verdoyants de La Louvière ou encore dans les locaux pas chers de Mittal. Nul doute que ces bouffées d’oxygène profiteront à tous nos concitoyens.

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