L’OR SE BARRE

Comme tout le reste, certains sports disparaissent en douce des tablettes olympiques. Pourquoi ? Mystère. A la trappe : le dressage des chevaux, le tir à la corde, le croquet, le criquet, la crosse, la pelote basque, le tir à aux pigeons ou le tandem à vélo.

A Rio en 2016, on annonce la disparition d’un des rares sports où la Belgique pouvait encore espérer décrocher l’or, la fraude fiscale.

Sauf à rêver que dans cinq ans, la Suisse, Monaco ou mieux le Liechtenstein soient désignés pour organiser les Jeux, on peut craindre que cette discipline va tomber à son tour aux oubliettes. Ou que, comme le tir aux pigeons, il ne s’exerce plus qu’en petit comité (non olympique), loin des foules, de la gloire et des récompenses. Si l’on ne peut plus toucher ni intérêts ni dividendes des investissements auxquels on a consenti pour être le meilleur au monde, à quoi bon encore concourir ?

Pendant des années pourtant, la fraude fiscale a été chez nous non seulement un sport reconnu mais surtout une activité largement populaire. Le train des petits porteurs partait plusieurs fois par jour de la gare du Luxembourg devant une foule ravie. Ne restent plus aujourd’hui que les restaurateurs pour tenter un dernier baroud d’honneur mais leurs lamentations ne remuent plus personne. Laissez-nous notre noir, crient-ils dans le désert. En vain.

Il est d’ailleurs assez piquant que l’administration fiscale ait baptisé de « boîte noire » la caisse « intelligente » qui enregistre leurs opérations alors que ce mot désignait jusqu’ici le tiroir dans lequel le taulier glissait les billets ni vus ni connus…

Votre journal favori a passé en revue cette semaine la liste de plusieurs de nos médaillés qui ont fait jadis la fierté de notre sport national. C’était peut-être une erreur de donner aux jeunes de si beaux exemples de réussite et de gloire d’artistes ou d’entrepreneurs partis de rien et devenus des vedettes dans leur domaine.

Heureusement, il nous reste quelques héros étrangers, venus notamment de France, attirés par l’expérience de nos coachs, la facilité de développer chez nous leur sport favori, sans compter, en cas de fatigue, la possibilité de trouver facilement quelques gouttes de pot belge.

Reste aussi un tas d’entreprises et de sociétés, surtout parmi les plus opulentes, qui poursuivent le plus légalement du monde cette grande tradition séculaire avec la bénédiction de nos autorités fiscales. On peut même parler d’un véritable sponsoring de leur part puisque certains bénéficiaires du « ruling » ont pu exonérer 90 % de leurs bénéfices en principe taxables.

Allez ! Les supporters ont encore de beaux jours devant eux. «  Waar is da feestje? Hier is da feestje.» «Tous ensemble tous ensemble hey hey hey !»

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TOUT JEU, TOUT FLAMME

  Si on me demande de but en blanc de quelles olympiades je me souviens, je me trouve un peu désemparé. Spontanément, je citerais Munich (et l’assassinat d’athlètes israéliens par des terroristes palestiniens), Atlanta (et l’attentat à la bombe commis par un religieux extrémiste pendant que défilait en boucle l’air officiel des jeux, Imagine de John Lennon) ou Mexico (marqué par la répression sanglante des manifestations estudiantines puis par le poing levé contre la ségrégation raciale, le geste spectaculaire et courageux de Tommie Smith et de John Carlos pendant que retentissait l’hymne américain). Et, oublions Nuremberg.

Je me rappellerais aussi d’Athènes dont l’organisation des jeux a définitivement plombé ce qui restait de pièces d’or dans le coffre au trésor grec, passées on n’a jamais su dans quels poches. On le voit, rien dans l’histoire des Jeux n’est comparable avec ceux de Sotchi.

Car les Jeux à Poutine sont des jeux d’hiver. Pas de ces jeux d’été qui brûlent le cerveau des égarés. Les jeux d’hiver n’ont jamais fait de mal à une mouche (et pour cause, vu le froid).

Après quelques essais en Suède et à Londres, le comité olympique a décidé d’organiser officiellement les compétitions d’hiver à Berlin… en 1916. Vu les problèmes de transport (les taxis refusaient de rouler au-delà de la Marne), ils ont été déplacés à Verdun mais, devant le nombre de spectateurs décédés, on ne sait plus très bien s’il faut parler de vainqueurs, mis à part le soldat inconnu.

Vingt ans plus tard, rebelote cette fois à Garmisch-Partenkirchen en Bavière en présence du chancelier Hitler. Le président du CIO (un Belge, le comte de Baillet-Latour) prit alors une décision courageuse : il demanda de voiler tous les panneaux qui indiquaient « Chiens et Juifs non autorisés », sauvant ainsi les épreuves de luges tirées et permettant la présence des magnifiques chiens eskimos. Avec un flair remarquable, le CIO (toujours brillamment présidé par notre compatriote) avait ensuite décidé d’attribuer les Jeux d’hiver au Japon en 1940 et les suivants à l’Italie fasciste !

En 1984, c’est – à la surprise générale- Sarajevo qui est choisie. Résultat. Les magnifiques et surtout très solides installations construites pour l’occasion sur les hauteurs de la ville ont permis aux snippers serbes de terroriser la ville pendant tout le conflit de Bosnie-Herzégovine.

Vous avez raison. Décidément, rien de tous cela n’a à voir avec Sotchi.

PS : l’Italie vient de décider que chaque contribuable peut déduire de ses revenus 19 % de ses achats de livres alors que, dans d’autre pays, on rogne les budgets culturels et où on prétend ne pas avoir les moyens d’une politique du livre pendant qu’éditeurs et libraires disparaissent. Allez, madame Laanan ! A vous aussi, la mode italienne irait très bien !

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