T’AS PAS VU SUPERMAN ?

  Dans son seul roman, étrange et passionnant, « Un Héros de notre temps » (publié en 1840), le romancier russe Lermontov fait dire par son personnage : « J’ai la passion innée de contredire les gens, toute mon existence ne fut en somme qu’une suite de contradictions malheureuses entre mon cœur et mon cerveau. La présence d’un homme enthousiaste me glace… »

  Ne dirait-on pas les premières lignes des futures mémoires de Poutine ? L’aveu de son étrange personnalité, héritée peut-être de son enfance très bousculée ou de sa double identité quand il vivait comment agent du KGB sous un nom d’emprunt à Dresde ? 

  Face à lui, se découvrent les vrais héros de notre temps. Rien à voir avec les super-héros qu’on applaudit quand ils sautent de façade en façade ou qu’ils emballent la ville dans une toile d’araignée, mettant les méchants hors d’état de nuire. Leur secret ? Ils ont des super-pouvoirs, tous les enfants d’Ukraine le savent. Mais ils ne sont qu’en deux dimensions, hélas. 

 Les vrais héros de notre temps, ce sont d’abord ces Russes, jeunes et vieux, qui défient Poutine, qui osent descendre dans la rue, défiler pacifiquement, criant leur opposition à la guerre menée en leur nom contre leurs cousins ukrainiens. Et qui se retrouvent en prison, emmenés par les Robocop du pouvoir, visages aussi masqués que Batman. 

Et ces écrivains, journalistes, artistes, profs, simples quidams qui osent signer des pétitions, s’exprimer sur ce qui reste des réseaux sociaux. Des graffitis sur la porte même de la Douma, cette assemblée ce couards. Ils savent pourtant qu’ils risquent de connaître le sort du plus célèbre opposant politique, Alexeï Navalny, empoissonné puis embastillé. Que Poutine se rappelle la phrase lancée par Unanumo, en 1936 à un parterre de franquistes : « Vous vaincrez, mais vous ne convaincrez pas ! » A quoi la salle répondit en lançant « Mort à l’intelligence ! » « Vive la mort ! »

   Autres super-héros de notre temps, tous ces résistants ukrainiens du président au simple plouc qui savent eux aussi ce qui les attend et s’en vont défier la mort. Qui sont écrasés par le feu aveugle qui rase leurs villes, détruit leurs pays, ravage le grenier à blé de l’Europe (et de la Russie), dévaste les ports, puis se relèvent et font face malgré leur impuissance, leurs moyens dérisoires.

   On cherche vainement un héros dans le paquet de dirigeants occidentaux. Ils diront qu’ils font ce qu’ils peuvent, qu’ils doivent nous protéger de la furie, ne pas provoquer l’ours russe pour éviter la tentation de l’anéantissement. Mais ils ne se dépassent pas. Ils n’affrontent pas. Ils laissent l’ouragan ravager l’Ukraine. Ils gèrent autant qu’ils peuvent. Merci, les gars. Mais on n’appelle pas ça du courage… 

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ASCENSEUR POUR LES HEROS

Dans ma jeunesse, à l’école comme dans les magazines, on nous vantait les exploits des héros. Chaque semaine, l’oncle Paul donnait en exemple le courage de Mermoz ou l’audace de Godefroid de Bouillon et de Colomb, le génie du garde wateringue Cogghe (à qui la légende attribue l’ouverture des écluses qui a coupé la route de l’Yser aux Allemands) ou la bravoure d’Edith Cavell.

C’est fini tout ça. Le prof qui oserait célébrer Godefroid de Bouillon ferait l’objet d’une plainte (à coup sûr justifiée !) et le pauvre Colomb sent le souffre autant que Charles-Quint et Charlemagne.

Il y a longtemps que l’image du héros n’est plus ce qu’elle était. Le cynisme ambiant, l’esprit critique des réseaux sociaux, le mauvais esprit des journalistes, et parfois l’application à des temps anciens de valeurs d’aujourd’hui, tout concourt à banaliser les exploits qui nous sortent de l’ordinaire quand ce ne sont pas les héros qui se détruisent eux-mêmes comme ces champions cyclistes, adulés jadis pour leurs performances surhumaines, et qui se révèlent aujourd’hui de simples armoires à pharmacie.

L’élimination des héros n’est pas une victoire de l’esprit. Toute époque a besoin de se retrouver dans des personnages, des actes qui marquent notre civilisation, définissent qui nous sommes. On n’a rien à faire de bons chiffres du chômage, d’un pourcent en plus de croissance ou même du tableau de chasse du nombre de réfugiés reconduits à la frontière.

Ceux qui ont lancé leur pays dans de grandes aventures ont vite été critiqués, discrédités, Bush qui a eu la peau de Saddam Hussein, Sarkozy celle de Kadhafi, Boris Johnson et Nigel Farage, celle de l’Europe.

C’est pourquoi on comprend la grande émotion suscitée par le sauvetage d’un petit garçon par un sans-papier malien, qui n’a pas hésité à grimper de balcon en balcon jusqu’à celui auquel s’accrochait d’une main un petit garçon passé par dessus bord. Son exploit coupe le souffle. Avouons-le, on ne croyait plus possible une telle générosité, la décision d’un homme anonyme de mettre sa propre vie en danger pour sauver cet enfant. Le voilà maintenant régularisé, naturalisé français, reçu par le président de la république et devenu sapeur pompier.

A quoi ça tient d’être un héros ? A un téléphone portable qui a immortalisé la scène et à une ascension de la façade de l’immeuble à mains nues.

Si Mamoudou Gassama, au lieu de se livrer à cette escalade spectaculaire, avait songé à sauver le gosse par l’intérieur, en montant au quatrième étage par l’ascenseur, il serait aujourd’hui en prison : sans papier, ayant forcé la porte d’un appartement, un vrai cadeau pour les Théo Francken français.

Ce qui montre qu’un héros c’est avant tout une légende, un symbole, une image qui serre la gorge et nous renvoie à notre fragilité et notre humanité.

 

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L’OR SE BARRE

Comme tout le reste, certains sports disparaissent en douce des tablettes olympiques. Pourquoi ? Mystère. A la trappe : le dressage des chevaux, le tir à la corde, le croquet, le criquet, la crosse, la pelote basque, le tir à aux pigeons ou le tandem à vélo.

A Rio en 2016, on annonce la disparition d’un des rares sports où la Belgique pouvait encore espérer décrocher l’or, la fraude fiscale.

Sauf à rêver que dans cinq ans, la Suisse, Monaco ou mieux le Liechtenstein soient désignés pour organiser les Jeux, on peut craindre que cette discipline va tomber à son tour aux oubliettes. Ou que, comme le tir aux pigeons, il ne s’exerce plus qu’en petit comité (non olympique), loin des foules, de la gloire et des récompenses. Si l’on ne peut plus toucher ni intérêts ni dividendes des investissements auxquels on a consenti pour être le meilleur au monde, à quoi bon encore concourir ?

Pendant des années pourtant, la fraude fiscale a été chez nous non seulement un sport reconnu mais surtout une activité largement populaire. Le train des petits porteurs partait plusieurs fois par jour de la gare du Luxembourg devant une foule ravie. Ne restent plus aujourd’hui que les restaurateurs pour tenter un dernier baroud d’honneur mais leurs lamentations ne remuent plus personne. Laissez-nous notre noir, crient-ils dans le désert. En vain.

Il est d’ailleurs assez piquant que l’administration fiscale ait baptisé de « boîte noire » la caisse « intelligente » qui enregistre leurs opérations alors que ce mot désignait jusqu’ici le tiroir dans lequel le taulier glissait les billets ni vus ni connus…

Votre journal favori a passé en revue cette semaine la liste de plusieurs de nos médaillés qui ont fait jadis la fierté de notre sport national. C’était peut-être une erreur de donner aux jeunes de si beaux exemples de réussite et de gloire d’artistes ou d’entrepreneurs partis de rien et devenus des vedettes dans leur domaine.

Heureusement, il nous reste quelques héros étrangers, venus notamment de France, attirés par l’expérience de nos coachs, la facilité de développer chez nous leur sport favori, sans compter, en cas de fatigue, la possibilité de trouver facilement quelques gouttes de pot belge.

Reste aussi un tas d’entreprises et de sociétés, surtout parmi les plus opulentes, qui poursuivent le plus légalement du monde cette grande tradition séculaire avec la bénédiction de nos autorités fiscales. On peut même parler d’un véritable sponsoring de leur part puisque certains bénéficiaires du « ruling » ont pu exonérer 90 % de leurs bénéfices en principe taxables.

Allez ! Les supporters ont encore de beaux jours devant eux. «  Waar is da feestje? Hier is da feestje.» «Tous ensemble tous ensemble hey hey hey !»

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VACANCE(S)

Alors que les estivants se lancent sur les routes, beaucoup de citoyens ont du mal à partir en vacances. Il y a ceux qui n’en ont pas les moyens, ceux qui n’en ont pas envie et ceux qui en ont assez. Et qui préfèrent le crier chez eux que sur les plages dorées. Cette année, la mode n’est plus de construire des châteaux de sable mais de les abattre. D’Istanbul à Rio, les bords de mer sentent le gaz lacrymogène plutôt que la barbe à papa.

On a l’impression un peu partout que c’est le pouvoir qui est en vacance…

Les vrais héros s’en vont, laissant derrière eux le même vide mélancolique qu’une villégiature à la fin de l’été. Après Mandela, qui va nous remuer les méninges, bousculer les règles et nous faire rêver de changer la vie ? Barroso, Hollande, Cameron ? Merci ! Dans le rôle de G.O., même le club Med’ a une meilleure politique de recrutement.

Au lieu de boucler un budget de plus en plus désespéré, nos ministres ne profiteraient-ils pas de la trêve estivale pour tenter de retrouver des couleurs ?

Après avoir échoué à réglementer le commerce des armes et le n’importe quoi en matière climatique, Obama est parti se ressourcer en Afrique.

Où envoyer nos excellences ? Les détours de Didier Reynders par le Congo n’ayant pas laissé beaucoup de traces, mieux vaut pour lui (et les Congolais) qu’il change de destination. Un petit saut en Russie ? Il pourra demander à Poutine, qui a l’expérience de vider ses successeurs, le mode d’emploi pour se débarrasser gentiment du p’tit Michel pendant que celui-ci bronze ailleurs et reprendre la tête de son business sans faire de vagues.

Kris Peeters, qui a tout l’avenir de la Flandre et peut-être de la Belgique sur les épaules, aurait jadis eu intérêt à suivre le tour de France. Pour apprendre comment lancer une échappée, à quel moment lâcher ses poursuivants et écraser son plus féroce adversaire dans la dernière ligne droite. Hélas, depuis les progrès des contrôles anti-dopage, quel gâchis ! Il n’y a plus moyen de s’inspirer des rois de la petite reine sur la meilleure façon de l’emporter.

A Bart De Wever, on conseillera de faire pour une fois une infidélité aux Autrichiens et de se promener au Soudan. L’exemple le plus récent de séparation d’une nation en deux états. On ne doute pas qu’au retour de son voyage, il militera activement contre toute tentative de scission du royaume…

A Elio Di Rupo, enfin, on suggérera un détour par l’île de Pâques. Ce qui rend le site si fascinant, c’est moins le regard sombre des gigantesques statues (contemplaient-elles leur feuille d’impôt ?) que leur aspect inachevé. Transformer en attraction touristique merveilleuse un chantier perpétuel, ça c’est un beau projet d’avenir pour le pays…

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SUPER HEROS!

Depuis quelque temps, les super héros ont la cote. Ils cartonnent au hit parade des cinémas autant qu’à la veille de la deuxième guerre mondiale – juste une malheureuse coïncidence.

Dans « The Avengers », Thor, Hulk et quelques autres super vitaminés s’en donnent à cœur joie. Boum ! Bang ! Tchiouff !

Au milieu de ce déluge de feu, deux choses rassurent : d’abord, les bons parviennent à sauver le monde. Avis aux désespérés, sarkos, papandreou et autres errants de l’Europe à la dérive. A condition d’avoir un bon metteur en scène, il arrive que les histoires les plus mal engagées se terminent bien. Ensuite, ces super-héros américains ne sont pas américains pour un sou ! Tous étrangers ! Thor est scandinave, le verdâtre Hulk d’on ne sait où. Même Superman, à qui on donnerait les Mormons de l’Utah sans confession, vient, sans papiers, de la planète Krypton.

Ceci explique peut-être que les super-héros « de souche » qui essayent de pétarader ici et là sont promis à moins de gloire que la bande à Marvel. Que les souches en prennent de la graine…

Prenez Super Mélanchon. S’emparant du marteau de Thor – et y ajoutant la faucille de Marchais- il annonçait le feu de Dieu. Au lieu de quoi, bernique !

Et Super Marine ? Malgré son bon score électoral (inférieur tout de même à celui de la N-VA), que peut-elle espérer ? Ni présidente, ni même ministre. Et combien de députés aura-t-elle à l’assemblée nationale ? Cinq, six ? Pas plus que le parti Pirates en Suède ou jadis l’extravagant Van Rossum chez nous. Aucun de ses électeurs, même son vieux papa, n’imagine d’ailleurs qu’elle puisse faire autre chose qu’éructer et s’indigner. Comme dirait Marcel Pagnol à Le Pen, « Il se peut que tu aimes la marine française mais la marine française, elle te dit merde ! »

Super Bart devrait y réfléchir et se méfier. Avec son nouveau look, il a tout faux. Si, auprès des dames, il fait le paon, fier de son bedon plat, auprès des foules, le régime atrophie est une faute. Un super-héros, ça en impose. Dès qu’il commence à maigrir, il déprime comme Batman et perd ses super-pouvoirs. Notre  Flamoutche-imperator n’a-t-il pas saisi que sa force s’est bâtie sur sa rondeur, son bide ? Imagine-t-on Hardy se transformer en Laurel ? Avec ses trois gaufres à la crème à chaque repas, il rassurait ses braves électeurs : voilà l’homme qui allait s’asseoir sur les fransquillons pour les écraser. Mais, avec vingt kilos de moins, à quoi il ressemble ? En tout cas plus à un super-héros. Dans la métropole, il ne fait pas le poids. Là, le super-héros, c’est Patrick Janssens, lui qui lutte contre l’extrême droite depuis neuf ans, anvers et contre tout.

 

 

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