QUI EST JOB?

Beaucoup d’observateurs ont été surpris d’entendre le premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale d’octobre, se mettre soudain à psalmodier une nouvelle fois cette mystérieuse incantation « Jobs, Jobs, Jobs ».

Depuis, le débat fait rage entre commentateurs : quelle est la signification de ce cri surgi des profondeurs de l’amer Michel ? Le principal intéressé se tait. Comme tout sage – du vieux chef sioux au Dalaï-lama -, il nous contemple du haut de son nuage et refuse de nous donner la clé de son message.

Pour les uns, notre Premier invoquait les mânes de Jobs. Steve Jobs, débarqué depuis peu parmi les dieux de l’Olympe. Et qui pourrait lui donner un petit coup de pouce en faisant descendre sur notre pays les principaux acteurs du Nasdaq (de préférence avant le dimanche 26 mai 2019).

Pour les autres, MR Michel a voulu faire référence au Livre de Job, l’un des plus importants de l’Ancien Testament (son personnage principal est célébré à la fois par Juifs, Chrétiens et Musulmans qui le rangent tous parmi les prophètes).

Dans la bible, Job est un type sur qui tombent tous les malheurs : ses enfants sont tués, ses biens saisis, d’épouvantables maladies le ravagent, etc. A chaque nouvelle catastrophe, ses trois amis et sa femme tentent de le convaincre de laisser tomber Dieu. Il ne t’a apporté que des désastres, n’a jamais entendu tes prières, se fout de ta gueule. Chaque fois que tu as invoqué Son nom, Il t’a encore un peu plus enfoncé ta tête dans la gadoue.

Ouf ! A la fin de l’histoire, tout s’arrange. Ayant survécu à ces épreuves, Job retrouve la fortune et même dix mouflets (ce qui est présenté comme un cadeau !)

Selon certains exégètes, c’est à ce Job, anti-héros biblique, que notre Premier faisait allusion. Face aux catastrophes qui s’accumulent, attentats, chômage, scandales politico-financiers, Théo de plus en plus Francken, Mon mot d’ordre, dit-il, est de résister, garder le sourire et vous faire croire en un avenir radieux. Au lieu de Me critiquer et de vouloir Ma peau (oui, il arrive que Charles se prenne pour le Tout Puissant; d’après les médecins, cela vaut mieux que de se prendre pour Napoléon), prenez exemple sur ce brave Job qui a toujours cru en Moi, tel le libraire Walter -son attrape-voix pendant la campagne électorale.

Il y a enfin ceux qui soulignent la répétition de ce mot « job » dans l’incantation michellienne. Si le job désigne le boulot, l’anaphore suggère que Michel est désormais favorable au partage du temps de travail. Pour un job, trois titulaires. Façon pour lui de piocher à gauche après avoir fait le plein à droite.

On s’attend à ce qu’il mette lui-même cette idée en pratique en partageant son poste de premier ministre avec deux autres camarades. Raoul Hedebouw et Zuhal Demir (un casting de rêve…)

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TRES, TRES CHERE NOBILE

D’après les experts, Tchernobyl et ses environs seront totalement décontaminés dans cent mille ans. On est heureux de cette bonne nouvelle pour l’Ukraine et la Biélorussie qui redeviendront bientôt de belles terres de tourisme et de gastronomie rurale. Les plus optimistes d’entre nous prennent déjà leurs réservations chez Neckermann.

Et chez nous ? Doel sur Escaut et Tihange sur Meuse demeurent de magnifiques destinations de vacances grâce à nos dirigeants avisés qui ont tiré les enseignements des catastrophes voisines et pris toutes les précautions. Dormez tranquilles, braves gens, une malheureuse contamination nucléaire, si elle devait survenir, sera inodore, incolore et insipide, promis, juré – s’ils mentent, Charles Michel et Marie-Christine Marghem iront en enfer : le gouvernement vient d’ordonner la distribution de petites pastilles d’iode. Ouf ! Une petite pastille suffit pour traverser les flammes tel Superman. Garantie du fabricant.

L’agence fédérale du contrôle nucléaire veille au grain. D’accord, on l’accuse de s’endormir quand Electrabel lui chante une berceuse, de regarder ailleurs quand apparaissent une petite fissure ou deux ou trois ou mille mais personne ne court chez Carglass à chaque éclat dans le pare-brise, n’est-ce pas ?

A force de critiquer le nucléaire, on en oublierait ses énormes avantages. Son prix d’abord. Il ne coûte rien ou presque. Sauf évidemment pour fabriquer la centrale et ensuite quand elle explose mais, bon, ça n’arrive pas sous chaque législature.

Ajoutons ses conséquences positives sur l’environnement. Nos amis français ne se proclament-ils  les meilleurs élèves de la classe verte en soulignant sans rire que les centrales n’émettent pas de CO2 ? Non, mais elles laissent des déchets. Très difficiles à éliminer depuis que la ministre des Poubelles a décidé de faire des économies en n’assurant plus qu’une tournée sur deux. Et j’ai beau chercher, elle a oublié de préciser dans quel sac on les fourre, les déchets nucléaires.

Quoique prétendent de mauvais esprits, les arguments pour prolonger la vie de nos chères centrales sont très sérieux. On critique leur âge ? D’abord, ce n’est pas très poli. De plus, voyez une seule bonne raison de les mettre à la retraite plus tôt que nous ? L’âge de la pension a été porté à 67 ans. Pourquoi Tihange et Doel bénéficieraient-elles d’un traitement de faveur ? Elles ont à peine quarante ans. D’accord, elles font une petite crise ces jours-ci. Mais, la crise de la quarantaine est un phénomène bien connu. Montée d’hormones et micro-fissures sont les bobos classiques des quadragénaires qu’on soigne avec un peu de patience et beaucoup d’amour. En espérant évidemment qu’il n’y ait pas de nouveaux hoquets, ce qui donnerait à cette chronique une chute malheureusement apocalyptique.

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L’ERE DU FAUX

On n’avait pas encore trouvé d’étiquette pour le vingt et unième siècle. Le siècle des Lumières était déjà pris. La Renaissance aussi. De toute façon, personne n’aurait osé coller ces merveilleux qualificatifs sur une ère inaugurée par les attentats du 11 septembre, suivis des ravages qui dévorent le Moyen Orient, la Lybie, l’Ukraine pour citer les plus joyeux …

Le scandale du poisson qui vient d’éclater cette semaine en Belgique mettra tout le monde d’accord : ce siècle sera baptisé un jour par les historiens le siècle du Faux.

Faux poisson dans les assiettes, fausse viande dans les surgelés, fausses émissions de CO2 dans les bagnoles, fausses compassion pour les réfugiés, les pauvres, les immigrés, faux seins, faux dieux, fausses performances sportives. Ce n’est pas un hasard qu’en Belgique, le gouvernement Michel s’est lancé dans une politique de contrefaçon dès son entrée en fonction. Il était dans l’air (et l’ère) du temps avec les chiffres fantaisistes de la SNCB balbutiés par madame Galant et ces faux ministres démocrates qui, juste avant la déclaration gouvernementale, couraient fêter leur arrivée au pouvoir avec un ancien collaborateur des nazis.

On peut y ajouter, et pas seulement du côté de chez nous, la politique systématique des fausses promesses : baisse du chômage, lutte contre la pollution, baisse des impôts, amélioration de la justice. Si, si, promis, juré ! Tu parles !

La technologie n’est pas en reste : le développement du monde virtuel nous donne la fausse impression d’être connectés en permanence au reste de la planète, que nous avons notre mot à dire dans les grandes questions du monde comme dans les plus petites, que nos tweets influencent ceux qui nous dirigent, que nous avons accès aux connaissances universelles, que nous sommes intelligents et cultivés et que nous pouvons rencontrer les plus belles filles du monde d’un simple clic.

Le phénomène va s’emballer. Déjà s’annoncent d’autres machines à fabriquer le faux en quantité industrielle comme la photocopieuse 3-D. Un automate qui va nous permettre, paraît-il, de bricoler chez nous, facile et pas cher, tout ce dont nous rêvons. Un poisson en 3-D, la Vénus de Milo, une paire de chaussures Louboutin, un sac Vuitton, ou la fille de la voisine.

Dans ce décor plein d’illusions et de chausse-trappes, comment distinguer le faux du vrai ? Et d’ailleurs, pourquoi, alors qu’il est plus enivrant et plus apaisant de vivre dans la chimère ? Il n’y a vraiment que les obsédés de la théorie du complot qui s’en offusquent. « L’homme n’a jamais marché sur la Lune », « les tours du WTC sont toujours debout ». C’est un comble puisqu’ils participent eux-mêmes à la construction des plus ingénieuses manipulations !

 

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DANS LE COCHON, TOUT EST BON !

On l’a appris cette semaine avec stupéfaction : l’excès de Jambon serait cancérogène. Peut-on néanmoins continuer à le consommer ? On peut s’interroger même si, d’après ses compétences, il est strictement réservé à l’Intérieur et garanti inexportable. Sérieux casse-tête pour le gouvernement Michel qui ne peut se payer le luxe d’une bagarre saignante avec la N-VA et n’a pas les moyens de jeter à la casserole les nationalistes flamands les plus carnivores.

Si Michel garde Jambon à sa table et qu’il veut continuer à tailler régulièrement une bavette avec lui, il devra lui imposer certaines précautions pour éviter de contaminer le reste de la population. Le ministre de l’intérieur en personne en a suggéré une récemment tout à fait intéressante qu’il pourrait s’appliquer à lui-même : le port (si j’ose dire) d’un badge.

Il rappellera ainsi un exemple célèbre. Lorsque les nazis avaient obligé les Juifs danois à porter l’étoile jaune, le roi, dit-on, s’était promené à cheval dans les rues de Copenhague en arborant le signe infamant épinglé à son veston. Même si cette histoire n’est qu’une légende, elle a connu à l’époque un tel retentissement médiatique qu’elle a beaucoup fait pour rétablir l’image du roi Christian X. Jambon aurait intérêt à s’en inspirer. Pour une fois, s’agissant de parler de la seconde guerre mondiale, il ne serait pas en trop mauvaise compagnie.

Le marquage des réfugiés, suggéré par le ministre, favorise, d’après lui, les contrôles policiers. Le marquage du ministre permettra de rassurer nos compatriotes sur l’état sanitaire du gouvernement et de comprendre à quelle sauce nous allons être mangés.

Car ils commencent à être nombreux à penser que la viande bleue, réchauffée à trop grande température, la rend jaune et noire, ce qui n’est pas très ragoûtant. Ajoutons que la viande rouge est loin aussi de faire l’unanimité. Et qu’une couche de vert n’apporterait à ce repas rien de très appétissant ; elle donnerait seulement l’impression que la date de péremption est dépassée.

Dans cette atmosphère, ne reste même pas l’alcool pour se consoler puisqu’il est aussi pointé du doigt par l’impitoyable OMS, qui n’épargne rien ou à peu près. Sauf la volaille. Depuis la disparition de Jean-Luc Dehaene, la dioxine a, semble-t-il, cessé de la rendre impropre à la consommation. Quand on sait que les oiseaux descendent des dinosaures, on comprend que nos ancêtres se fichaient des recommandations de l’OMS comme de leur premier tyrannosaure rex. A Jurassic Park, on meurt de tout sauf du cancer. Et encore, à condition de se méfier des anthropophages et des politiciens (ce qui est synonyme).

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DANS LE COCHON, TOUT EST BON !

Nous sommes tous Charlie mais surtout, ne le dites pas trop fort.

Quand le bourgmestre de Welkenraedt crie : vive la liberté d’expression, il veut dire : à Paris. Dans sa bonne ville, c’est différent. L’expo consacrée à la censure a été fermée sur son ordre quelques heures après son ouverture. Sans la moindre menace ni l’ombre d’un djihadiste dans les rues. Cela s’appelle le principe de précaution. Et c’est contagieux. Une expo Charlie au Musée Hergé suspendue après la visite du maïeur d’Ottignies-LLN, accompagné du chef de la police, un festival de cinéma (où l’on projetait « Timbuktu » ou le nouveau film de Marjane Satrapie) interrompu à Tournai par la le maïeur et la police fédérale…

Si les autorités communales et policières font maintenant le boulot des fous de Dieu, les islamistes sont bons pour le chômage…

Reste à annuler les prochaines élections – pour éviter le désordre si la majorité n’est pas reconduite-, condamner les bibliothèques (tous les livres ne contiennent-ils pas des passages qui pourraient heurter la susceptibilité de l’une des millions de minorités de la planète ?) et supprimer l’enseignement obligatoire. Pour empêcher les terroristes en herbe de déchiffrer le mode d’emploi des armes vendues en toute légalité par la F.N.

On s’étonne d’ailleurs que la fermeture des écoles ne fasse pas partie de la panoplie des mesures prises par le gouvernement Michel alors que son impact soulagerait les budgets des communautés.

Hélas, le ver du terrorisme n’est-il pas déjà dans la pomme de Welkenraedt ?

 « De tout temps, les hommes se sont heurtés à un ennemi redoutable : la censure » déclare le site de la « bibliothèque insoumise » (sic) de Welkenraedt. Une vraie provocation…

Cela rappelle la décision prise il y a quelques années par le bourgmestre de Marche, qui avait interdit les représentations de « La Terre » … d’Emile Zola ! Trop osé pour ses administrés, trancha le maïeur – aussi ministre de la culture ! Et le brave homme de déclarer benoîtement au micro d’une journaliste, que lui irait voir la pièce, bien sûr. Mais à Bruxelles !

Jusqu’où s’applique le « principe de précaution » ? La prestigieuse maison d’édition britannique Oxford University Press vient de bannir cochons et saucisses de ses livres pour « ne pas froisser juifs et musulmans ». En revanche, les loups, l’ennemi juré des trois petits cochons, ne sont pas visés. Trop tard, il est vrai : les loups sont entrés dans Paris.

Dans la foulée, on devrait effacer tous les autres animaux pour ne pas heurter les bouddhistes et couper les dialogues au cinéma et au théâtre pour respecter ceux qui font vœu de silence.

Pourquoi ne pas supprimer la télévision, Internet et autres réseaux d’images, ce qui ne signerait pas nécessairement le recul de la civilisation ?

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MARCHE OU GREVE

Pourquoi seul le chroniqueur du « Soir » ne peut-il faire grève ? Les cheminots, les travailleurs de Delhaize, les profs, les dockers, les coiffeuses, même les sportifs, les juges et les avocats, et parfois même les chauffeurs des TEC, tout le monde a le droit de se croiser les bras une fois par semaine ou presque, et de transformer l’entrée des bureaux, des zonings et des magasins en BQ géants devant de joyeux braséros. Tout le monde sauf les chroniqueurs du « Soir » ? D’accord, je n’aime pas les BQ, les chipolatas carbonisées d’un côté et crues de l’autre mais je suis prêt à n’avaler que des pommes de terre en vidant une petite mousse – les grévistes savent pourquoi. Mais non, impossible. Faire la grève pour moi signifierait me mettre devant la porte de mon propre bureau avec un grand panneau « Bas la plume, chroniqueurs ! » pour m’empêcher moi-même d’entrer. La schizophrénie a ses limites.

Quelqu‘un me fait remarquer que je ne suis pas le seul à travailler les jours de farniente : les ministres non plus n’arrêtent jamais. Une grève des ministres ? Ce serait le chaos, disent-ils. Si Jambon faisait la grève de la faim chaque fois que tante Laurette lui rentre dans le lard, il ne lui resterait que la peau sur les os. Et Charles Michel ? Obligé de courir avec des seaux d’eau à chaque jet de flèche incendiaire, matin, midi et soir, sous peine de se retrouver avec quinze petits tas de cendres en guise de ministres.

Alors, ministre et chroniqueur, même combat ? Il y a des points communs, je le reconnais : mieux vaut être bilingue, prendre le public à témoin, avoir la dent dure mais éviter d’être blessants. Il y a tout de même quelques différences : à ma connaissance, aucun chroniqueur n’est payé par le contribuable, ni n’a droit à une voiture avec chauffeur. Aucun surtout n’a jamais vu sa chronique publiée dans Le Moniteur belge.

Mais, à bien y réfléchir, une grève des ministres, serait-ce vraiment un désastre ? Le monde politique n’a jamais été aussi populaire que pendant les 541 jours où il a laissé la Belgique tranquille, je veux dire sans gouvernement. Pas de guerre picrocholine entre gauche et droite, entre Flamands et francophones, entre Clochemerle et Merlecloche, même pas de guerre du tout. Bien sûr, sans exécutif, le pays n’aurait pas d’impôt sur le capital mais il n’y en a pas. Ni de musée d’art moderne. Mais est-ce plus malin  d’en avoir trois ? On éviterait le saut d’index mais, tenant compte du taux d’inflation et surtout de la manipulation du « panier de la ménagère » par le précédent gouvernement, qui s’en apercevrait ? Le principal avantage d’un arrêt de travail des ministres, c’est qu’ils seraient seuls en grève. Contre qui protester si les chefs restent dans les bras de Morphée ?

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D’ACCORD?

« Accord », quel beau mot, qui évoque la musique (censée adoucir les mœurs), le cinéma de Woody Allen (« Accords et désaccords », un de ses plus beaux films). En droit, l’arrangement entre des personnes en conflit, la paix. L’accord, c’est l’une des pièces maîtresses de la civilisation, de la vie en société, le rempart contre la barbarie.

Mais tout évolue, décidément. Même le sens du mot « accord ».

Maintenant, « accord » signifie : c’est comme ça et pas autrement. Et surtout on ne discute pas. Quand le père dit à son gosse : « Tu fermes la télé et tu fais tes devoirs, d’accord ? », cela n’est pas : devoirs ou télé, discutons-en. Mais : tu l’éteins cette fichue télé ou tu préfères une torgnole ?

En politique, les choses se passent un peu comme en famille.

« Tu la votes cette foutue loi, d’accord ? » dit le président de parti à un de ses parlementaires réticents. Cela signifie : c’est mon opinion et tu la partages, d’accord ?

Dès son entrée en fonction, le gouvernement Michel-De Wever applique cette nouvelle acception du mot « accord », pour prouver sans doute son extrême modernité – et faireb oublier la nostalgie vintage de deux de ses membres.

Ainsi des institutions culturelles et scientifiques fédérales.

D’un coup de plume, quelque part au milieu d’une nuit de négociations, l’un des Suédois a dû glisser : Ma femme me traîne toujours à l’opéra, moi qui déteste ça. D’abord, à l’entracte, il y a tant de monde qu’il n’y a jamais moyen d’atteindre le bar ! Et on leur donne du pognon ? a demandé un autre. Quelqu’un est intervenu. Attendez, c’est l’un des opéras les plus prestigieux du monde. On va pas discuter de la Castafiore jusqu’au petit matin, a conclu le chef négociateur. Plus de money pour la Monnaie, d’accord ?

C’est comme le Musée d’histoire naturelle, a enchaîné une Suédoise. Quelle galère ! Mes enfants m’ont cassé les pieds. Ils voulaient voir les dinosaures. Aucun intérêt, il n’y a rien que des os. Est-ce que c’est vraiment un spectacle pour les enfants ? Supprimons les doubles emplois ! Tout de même, est intervenu un type au bout de la table. Nos chercheurs sont parmi les plus… On supprime ce bête musée, d’accord ? a coupé le chef négociateur.

Et la Bibliothèque royale ? A quoi bon entasser tant de papiers à l’heure d’internet ? Quand Google aura numérisé tous les livres, son fonds ne vaudra plus un clou. Autant s’en débarrasser avant. C’est notre mémoire ! s’est écrié un vieux birbe. On a drôlement avancé cette nuit, a conclu le chef négo. On a supprimé la culture et la science. Avec ménagement, a murmuré son conseiller. Ces artistes ont des copains journalistes. Bon. 30 % de moins sur leur budget, d’accord ? Et les Suédois sont passés au point suivant.

Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver, d’accord ?

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SAPIENS SAPIENS

Jadis, on pensait que le rire est le propre de l’homme. Depuis, des scientifiques fort sérieux ont découvert que la plupart des animaux se marrent beaucoup plus que nous. Que nos amis les bêtes nous pardonnent de ne pas partager leur hilarité. On n’a plus vraiment la tête à rire ces temps-ci.

Comme nous sommes très attachés à notre titre de roi de la planète Terre, nous avons cherché d’autres explications à la supériorité de l’homo sapiens sapiens. Hélas, deux informations récentes mettent à mal une fois de plus notre statut de race élue élue.

Des chercheurs ont découvert que certains animaux parvenaient à fabriquer des outils aussi bien que nous et surtout à transmettre cet art et le maniement des ustensiles à leurs congénères et descendants sans intervention humaine. Pour les petits curieux, je précise que ces observations ont été faites d’abord sur une espèce particulière de perroquet, les cacatoès de Goffin, qui vivent en Indonésie. Mais aussi sur des corbeaux de Nouvelle Calédonie et des pinsons-pics –les bien nommés.

Le perroquet ne se contente donc pas de répéter toutes les conneries proférées par son maître (« Caramba, encore raté ! Grrrros plein de soupe ! ») Voilà qu’il se met à imiter ce que nous faisons de plus stupide, travailler.

Ce ne sont donc plus seulement les êtres humains qui pourront fièrement afficher sur leur devanture leur nom suivi de celui de leurs enfants mâles pour prouver la pérennité de leur commerce (Lagardère & Fils, Tobback & Fils, Michel & Fils) mais aussi les perroquets. Cacatoès Goffin & Fils. Corbeau & Renard & Fils. Sacré coup à notre orgueil, non ?

L’autre coup au moral nous est venu du Rocher de Gibraltar.

Sur la paroi d’une grotte –que bizarrement personne n’avait explorée auparavant- on a repéré un étrange dessin, des formes abstraites tracées au grattoir par un homme de Neandertal.

Comment être sûr que ce ne sont pas les restes du tag d’un voyou du coin ? Les scientifiques sont formels (dans ce cas…) C’est ce stupide primate sans menton, cette barrique poilue, la souche ratée de notre belle race, abandonnée par Dieu quand il a vu son erreur et qu’il a corrigée en nous fabriquant à son image, qui est l’auteur de ce dessin. Que représente-t-il ? Une espèce d’auto-portrait façon Mondrian ? Une quête de l’absolu, une angoisse du vide, comme on l’a dit des abstraits du siècle dernier ? Plutôt qu’une bête exposition de mammouths comme le dessinaient les enfants de ses collègues sapiens à Lascaux ? Quand on voit les prix qu’atteignent aujourd’hui n’importe quel œuvre de Rothko ou de Pollock, on peut affirmer que cet artiste brute de Gibraltar a intérêt à revenir. Il pourra s’offrir une grotte cinq étoiles.

Qui prétendra encore que le plus sapiens, c’est nous ?

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NOM DE NOM !

 Sur le point d’achever leur mandat, nos parlementaires ont choisi comme pétard ultime de nous laisser une loi qui chamboule les noms de famille. Est-ce une coïncidence que ce soit la même assemblée qui ait voté la réforme de l’état et celle des noms ? On a beau être parano, difficile de ne pas lier les deux, de ne pas soupçonner une arrière-pensée politique derrière tout ça.

Un exemple au hasard. Imaginons la naissance demain de l’enfant d’un monsieur Di Rupo et d’une mère Michel. N’est-il pas étrange que bébé, qui n’a pas droit à la parole, soit obligé de porter le nom de la prochaine coalition, en tout cas celle que ses deux parents appellent en secret de leurs vœux ?

Et, que se passera-t-il pour notre pauvre lardon si les électeurs n’en veulent pas ? Et qu’ils envoient au gouvernement disons un monsieur De Wever avec une dame Milquet ? Ont-ils songé aux conséquences psychologiques futures pour le gamin ? Au traumatisme causé à cet enfant bien né d’un couple avorté ? Méfions-nous des effets d’un tel choc. Une fois majeur, il risque de commettre des actes irresponsables : au choix et en vrac, devenir président de la république d’Anvers, bourgmestre de Bastogne, épouser Didier Bellens, gérer les services payants à bords des vols Ryan Air, se prendre pour Napoléon avant Waterloo. J’en passe et des plus terribles.

Certes, la nouvelle loi a aussi des avantages. Si le nom du père est difficile à porter, il peut s’effacer devant celui de maman. Encore faut-il que papa soit conscient de l’intérêt de son enfant. Prenons à nouveau un nom au hasard, Louis. Pour que le petit ne soit pas dans l’avenir confondu avec le pathétique illuminé qui a déshonoré l’assemblée sortante, son père devrait laisser sa progéniture porter le nom de son épouse. Mais, si elle s’appelle Modrikamen (si fière à l’époque que son Louistje soit député et si dépitée aujourd’hui), que doit-on conseiller?

Le projet de modification des noms date de 2005. Dans une chronique à l’époque, je pariais que cette magnifique idée ne résisterait pas à l’air du temps. Peu à peu, les jeunes, affublés de noms à rallonge de plus en plus inextricables demanderont à en changer. Ce qui poussera un politicien audacieux à sortir un nouveau gadget en suggérant le remplacement des noms par de simples numéros. Chaque citoyen belge s’appellera selon son numéro d’inscription au registre national. A l’ONEM s’il est chômeur. S’il est en prison, il portera son numéro de détenu qui figure sur sa photo anthropométrique. Ce sera tellement plus facile pour les fonctionnaires et les flics.

Alors, des chiffres ou des lettres ? Faites vos jeux !

 

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VACANCE(S)

Alors que les estivants se lancent sur les routes, beaucoup de citoyens ont du mal à partir en vacances. Il y a ceux qui n’en ont pas les moyens, ceux qui n’en ont pas envie et ceux qui en ont assez. Et qui préfèrent le crier chez eux que sur les plages dorées. Cette année, la mode n’est plus de construire des châteaux de sable mais de les abattre. D’Istanbul à Rio, les bords de mer sentent le gaz lacrymogène plutôt que la barbe à papa.

On a l’impression un peu partout que c’est le pouvoir qui est en vacance…

Les vrais héros s’en vont, laissant derrière eux le même vide mélancolique qu’une villégiature à la fin de l’été. Après Mandela, qui va nous remuer les méninges, bousculer les règles et nous faire rêver de changer la vie ? Barroso, Hollande, Cameron ? Merci ! Dans le rôle de G.O., même le club Med’ a une meilleure politique de recrutement.

Au lieu de boucler un budget de plus en plus désespéré, nos ministres ne profiteraient-ils pas de la trêve estivale pour tenter de retrouver des couleurs ?

Après avoir échoué à réglementer le commerce des armes et le n’importe quoi en matière climatique, Obama est parti se ressourcer en Afrique.

Où envoyer nos excellences ? Les détours de Didier Reynders par le Congo n’ayant pas laissé beaucoup de traces, mieux vaut pour lui (et les Congolais) qu’il change de destination. Un petit saut en Russie ? Il pourra demander à Poutine, qui a l’expérience de vider ses successeurs, le mode d’emploi pour se débarrasser gentiment du p’tit Michel pendant que celui-ci bronze ailleurs et reprendre la tête de son business sans faire de vagues.

Kris Peeters, qui a tout l’avenir de la Flandre et peut-être de la Belgique sur les épaules, aurait jadis eu intérêt à suivre le tour de France. Pour apprendre comment lancer une échappée, à quel moment lâcher ses poursuivants et écraser son plus féroce adversaire dans la dernière ligne droite. Hélas, depuis les progrès des contrôles anti-dopage, quel gâchis ! Il n’y a plus moyen de s’inspirer des rois de la petite reine sur la meilleure façon de l’emporter.

A Bart De Wever, on conseillera de faire pour une fois une infidélité aux Autrichiens et de se promener au Soudan. L’exemple le plus récent de séparation d’une nation en deux états. On ne doute pas qu’au retour de son voyage, il militera activement contre toute tentative de scission du royaume…

A Elio Di Rupo, enfin, on suggérera un détour par l’île de Pâques. Ce qui rend le site si fascinant, c’est moins le regard sombre des gigantesques statues (contemplaient-elles leur feuille d’impôt ?) que leur aspect inachevé. Transformer en attraction touristique merveilleuse un chantier perpétuel, ça c’est un beau projet d’avenir pour le pays…

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