POURQUOI J’AI MANGE MON PÈRE

Que reste-t-il des partis politiques ? De leur puissance et de leur gloire ? En Belgique, Stephane Moreau a jeté sa carte du PS dans le destructeur de documents de Nethys – une machine déjà bien bourrée. En attendant, après quelques jours de deuil,  de prendre celle du PTB, plus utile pour les intérêts et l’avenir d’un homme aussi ambitieux ? Ce qui montre en passant que la mort d’un parti en fait épanouir un autre.

Un phénomène auquel on assiste aussi en France. De tous les vieux partis de la Ve République, il n’en reste qu’un, le Front national. Un front bas, qui plante ses griffes dans la glèbe de la France profonde comme du chiendent. Il faudra un très solide ouragan pour l’arracher et le balayer d’un bon coup de vent. Au lieu de quoi, ça souffle dans tous les sens. Les uns font la fine bouche devant cette fine mouche. D’autres se pincent le nez en attendant qu’elle passe. Que tous ces capitaines d’opérette ne s’étonnent pas que leurs voiles se déchirent et que leur bateau coule ! En attendant, vous savez ce qu’elle vous dit la Marine ?

Certains prétendent que seul l’exercice du pouvoir tuera le FN. Pensant sans doute à Charles Péguy qui prétendait que « tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique ». Mais, quelle manœuvre follement désespérée de donner aux Le Pen tous les pouvoirs de nuire pour espérer son agonie. Ceux qui font ce pari en croyant revenir alors en sauveurs de la nation risquent d’avoir disparu entre temps.

Il y a une dimension mythologique dans cette présidentielle : les vainqueurs du premier tour sont tous les deux des enfants qui ont mangé leur père. Marine a planté ses grandes dents dans les restes de Jean-Marie, ce qui révèle une étonnante santé et une excellente digestion.

Avant de se mettre en marche, Emmanuel Macron a lui aussi dévoré François Hollande et vidé les placards du PS de ce qui bougeait encore. Tous les marcheurs le savent, il n’est pas recommandé d’avancer le ventre vide. On le paye souvent avant d’arriver au but.

Reste à ces amateurs de chair pas très fraîche à nous proposer un menu débarrassé de tous ces restes. Un choix difficile à composer. Les électeurs rêvent de plats qui piquent, mais pas trop, qui amusent leurs papilles sans percer leur porte-monnaie. Accompagnés de vins qui grisent mais qui ne donnent pas la gueule de bois.

S’ils croient concilier tous les appétits, en composant un repas neutre, qu’ils se méfient. Machiavel les avertit: « le parti de la neutralité qu’embrassent souvent les princes irrésolus, qu’effraient les dangers présents, le plus souvent les conduit à leur ruine ».

Qu’ils se gardent aussi de leur propre progéniture qui pourrait être tentée de suivre les usages familiaux en dévorant à son tour l’un sa tante, l’autre son papa…

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FETE DES PAIRES

 

On oublie souvent que la fête des pères, que vous célébrerez, je l’espère, ce dimanche, n’est pas celle d’un homme seul. Pour que vous ayez un papa, jeunes gens, il fallait aussi une maman ! Je sais qu’avec l’évolution des mœurs, cette vérité jadis banale devient beaucoup plus compliquée à énoncer. Polémique même. Pour certains, écrire papa-maman est discutable, réactionnaire, politiquement incorrect. Alors, disons que cette fête est celle des paires.

Ce qui souligne l’importance d’être deux. C’est leur duo qui a rendu Laurel et Hardy immortels. Même en politique, la paire a la pêche. Sans Evita, Juan Peron aurait disparu des livres d’histoire. Bill Clinton n’aurait jamais été président sans Hillary. Et Obama aurait eu du mal à triompher une seconde fois sans Michèle à ses côtés. Baudouin-Fabiola ou Albert II-Paola, il fallait qu’ils soient deux pour qu’il soit roi. Et Nicolas Sarkozy aurait déchanté depuis longtemps sans Carla Bruni.

C’est magnifique quand le fils ou la fille prolonge l’œuvre du père. Henry Fonda et Jane. Auguste et Jean Renoir. Certains enfants ne montrent pas toujours une grande reconnaissance à leurs parents. Trouvant toujours une bonne raison pour leur chercher des poux. Regardez l’attitude des vingt six lardons du couple franco-allemand. Ils n’ont manifestement pas la tête à faire la fête à l’Europe. Il est vrai que maman Merckel a tendance à déserter le foyer conjugal pour faire les yeux doux à Poutine et que papa Hollande passe plus de temps à contempler ses chaussures que sa moitié – une expression peut-être inappropriée, s’agissant de la chancelière.

La fête des pères est l’occasion, parfois la seule dans l’année, où père et fils parviennent à se parler. Ah ! Toutes ces questions qui se sont bousculées dans ma tête après la mort de mon père, que je n’avais pas réussi à lui poser de son vivant. Ou plutôt auxquelles je n’avais même pas pensé et qui ont jailli si cruellement après son enterrement. Tous ces rendez-vous manqués… Autour de la table, on ne parlait de rien, de météo, de mes résultats scolaires, du chien de la voisine, du poulet qui avait trop cuit. Ou on se taisait parce que la radio était allumée et qu’on écoutait les infos pour ne pas dialoguer. Comme j’ai regretté plus tard de m’enfermer dans ma chambre, sitôt le repas terminé, de ne pas faire le premier pas, que mon père n’osait pas. Par pudeur, par crainte de se faire rabrouer, que sais-je ?

De beaux esprits ont trop souvent répété qu’il faut « couper le cordon ombilical », rompre avec sa famille pour devenir adulte. Bêtise de transformer ce genre de profession de foi en vérité universelle. Quelle sacré paire on aurait fait, mon père et moi, si seulement on avait accepté de causer. Bonne fête, papa ! Comme ça me manque que tu ne m’entendes pas…

 

 

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NOM DE NOM !

 Sur le point d’achever leur mandat, nos parlementaires ont choisi comme pétard ultime de nous laisser une loi qui chamboule les noms de famille. Est-ce une coïncidence que ce soit la même assemblée qui ait voté la réforme de l’état et celle des noms ? On a beau être parano, difficile de ne pas lier les deux, de ne pas soupçonner une arrière-pensée politique derrière tout ça.

Un exemple au hasard. Imaginons la naissance demain de l’enfant d’un monsieur Di Rupo et d’une mère Michel. N’est-il pas étrange que bébé, qui n’a pas droit à la parole, soit obligé de porter le nom de la prochaine coalition, en tout cas celle que ses deux parents appellent en secret de leurs vœux ?

Et, que se passera-t-il pour notre pauvre lardon si les électeurs n’en veulent pas ? Et qu’ils envoient au gouvernement disons un monsieur De Wever avec une dame Milquet ? Ont-ils songé aux conséquences psychologiques futures pour le gamin ? Au traumatisme causé à cet enfant bien né d’un couple avorté ? Méfions-nous des effets d’un tel choc. Une fois majeur, il risque de commettre des actes irresponsables : au choix et en vrac, devenir président de la république d’Anvers, bourgmestre de Bastogne, épouser Didier Bellens, gérer les services payants à bords des vols Ryan Air, se prendre pour Napoléon avant Waterloo. J’en passe et des plus terribles.

Certes, la nouvelle loi a aussi des avantages. Si le nom du père est difficile à porter, il peut s’effacer devant celui de maman. Encore faut-il que papa soit conscient de l’intérêt de son enfant. Prenons à nouveau un nom au hasard, Louis. Pour que le petit ne soit pas dans l’avenir confondu avec le pathétique illuminé qui a déshonoré l’assemblée sortante, son père devrait laisser sa progéniture porter le nom de son épouse. Mais, si elle s’appelle Modrikamen (si fière à l’époque que son Louistje soit député et si dépitée aujourd’hui), que doit-on conseiller?

Le projet de modification des noms date de 2005. Dans une chronique à l’époque, je pariais que cette magnifique idée ne résisterait pas à l’air du temps. Peu à peu, les jeunes, affublés de noms à rallonge de plus en plus inextricables demanderont à en changer. Ce qui poussera un politicien audacieux à sortir un nouveau gadget en suggérant le remplacement des noms par de simples numéros. Chaque citoyen belge s’appellera selon son numéro d’inscription au registre national. A l’ONEM s’il est chômeur. S’il est en prison, il portera son numéro de détenu qui figure sur sa photo anthropométrique. Ce sera tellement plus facile pour les fonctionnaires et les flics.

Alors, des chiffres ou des lettres ? Faites vos jeux !

 

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