LE MONDE A PART

   Deux infos rafraichissantes cette semaine sonnent symboliquement le signal que le temps du « Tout au Covid » commence à s’estomper et que les medias vont enfin recommencer à traiter de choses sérieuses. On commençait à se lasser des exploits de ce fichu virus ! 

  La condamnation de José Happart pour une misérable affaire de corruption mêlant terrain privé de sa « bonne amie » et commandes publiques rappelle avec soulagement la victoire du cher monde d’avant sur l’étouffant monde à part – dont nous sortons peu à peu. Ces bonnes vieilles affaires à la belge, qui ont souvent entouré les achats d’armes ou d’hélicoptères, la construction de villas au soleil ou de pipe-lines plus ou moins puants. 

  Prouvant que la justice a remis son bandeau sur les yeux – tout en le gardant sur la bouche-, le député-bourgmestre Jean-Charles Luperto s’est retrouvé lui aussi devant les tribunaux pour une pathétique affaire d’outrage public devant mineur dans les toilettes d’un resto-route – la poésie fout le camp, Villon/ Ya qu’ du néant sous du néon, chantait Léo Ferré, un jour où il passait par là… 

   Politique et argent et bonnes mœurs. Qui se plaindra que la vie reprend peu à peu son cours normal ? 

Même la vie démocratique revient dans l’actualité. Avec le déconfinement, voilà le retour des élections. D’accord, c’est un retour en demi-teinte pour le dire poliment. Puisqu’elles ne sont organisées pour le moment qu’en république du Burundi. Mais, signe réconfortant, dans les conditions du monde d’avant c’est-à-dire après une campagne monopolisée par le pouvoir qui a tout fait pour mettre l’opposition KO et sans la présence d’observateurs étrangers (c’est le coup de mains du corona aux autorités en place).

   Pendant ce temps, chez nous, les partis politiques sortent aussi de leur léthargie. Faisant assaut de petites phrases, de confidences aux journalistes et de rumeurs assassines pour rappeler aux citoyens qu’ils ne croient surtout pas que l’harmonie apparente du monde à part, due à la lutte contre la pandémie, va se poursuivre longtemps encore. L’union nationale, le « on se serre les coudes», les déclarations unanimes flamands-francophones y compris sur des matières régionalisées, c’est bientôt fini. On va se remettre à discutailler ferme entre PS et N-VA, CD&V et MR. Tranquillisez-vous, braves gens, il n’y aura rien de nouveau sous le soleil. Et, si vous ne pouvez pas encore vous promener sur les plages de la Costa Brava ou les quais de Venise, même pas profiter du balcon de votre appartement de Blankenberge,  vous retrouvez déjà le plaisir d’entendre Bart De Wever croquer le nez de Paul Magnette qui griffe gentiment GL Bouchez, lequel essaye de retrouver le nom du président du CD&V pour lui glisser une peau de banane sous le pied. Ah ! Ce cher monde d’avant, comme on avait envie de le retrouver. Comme on est effaré de le revoir…

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ATOMIC-MAC

La bonne nouvelle de la semaine : le Luxembourg déversera ses déchets nucléaires chez nous mais il gardera ses banques et les économies de nos épargnants. C’est ce que l’on appelle un accord gagnant-gagnant.

Reste à décider ce que nous allons faire des déchets nucléaires de nos amis grand-ducaux, de simples zakouskis, il est vrai, comparés à ceux de nos « propres » productions locales.

Alors secrétaire d’état, l’écolo Olivier Deleuze annonçait en 2003 le début de la fin du nucléaire pour 2015, promesse que les partis libéraux et le PS se sont empressés d’oublier dès la fonte des verts aux élections suivantes.

En 2012, le ministre Wathelet l’annonçait pour 2025, ce qu’a confirmé l’actuel gouvernement il y a quelques mois. Sauf que la N-VA ne l’entend pas de cette oreille. Et laisse la question ouverte pour en discuter après les élections de l’an prochain. Promesse d’un sérieux court-circuit autour de la prochaine déclaration gouvernementale sinon d’un Fukushima si l’un des futurs partenaires s’entête à mettre l’agenda de la mort du nucléaire sur la table. Autrement dit, on en reparlera après la fin des banquises, la hausse des océans et la disparition de la Flandre.

Pour une fois, l’électrique Bart De Wever pourra invoquer la France (à la tête du lobby nucléaire chez nous) plutôt que l’Allemagne (qui s’en est débarrassé calmement). Avec l’entrée en fonction du nouveau ministre de l’écologie, le président Macron s’est assuré un collaborateur peinard question centrale nucléaire, le totem intouchable des Français avec l’industrie de l’armement et celle du foie gras.

Quand il s’opposait au candidat Macron, François de Rugy, s’est engagé à la fin des centrales françaises pour 2040. Depuis qu’il est ministre, il s’est engagé à la fermer sur la question.

Personne ne connaît la durée pendant laquelle les matières resteront radioactives : des siècles ou des centaines de milliers d’années, comme le disent certains ? Bref, on ne sait rien, on n’a aucune solution, celles qui ont été expérimentées ont fait eau de toute part (comme le déversement de déchets en mer principalement par les Anglais dans les années 50 qui prétendaient qu’ils allaient se dissoudre comme du savon ou par les Italiens au large de la Somalie avec l’aide des Maffias).

Que ces crasses mettent cinquante mille ou trois cent mille ans à cesser d’être nocives n’a pas beaucoup d’importance puisque les mammifères intelligents auront disparu de la surface de la planète depuis longtemps, tués par d’autres crasses.

Resté seul, Bart De Wever pourra lancer aux êtres survivants : « Abyssus abyssum invocat » (« l’abîme appelle l’abîme »).

« Acta est fabula ! » (« La pièce est finie ! ») répondront ses auditeurs en suçant une glace au plutonium.

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POURQUOI J’AI MANGE MON PÈRE

Que reste-t-il des partis politiques ? De leur puissance et de leur gloire ? En Belgique, Stephane Moreau a jeté sa carte du PS dans le destructeur de documents de Nethys – une machine déjà bien bourrée. En attendant, après quelques jours de deuil,  de prendre celle du PTB, plus utile pour les intérêts et l’avenir d’un homme aussi ambitieux ? Ce qui montre en passant que la mort d’un parti en fait épanouir un autre.

Un phénomène auquel on assiste aussi en France. De tous les vieux partis de la Ve République, il n’en reste qu’un, le Front national. Un front bas, qui plante ses griffes dans la glèbe de la France profonde comme du chiendent. Il faudra un très solide ouragan pour l’arracher et le balayer d’un bon coup de vent. Au lieu de quoi, ça souffle dans tous les sens. Les uns font la fine bouche devant cette fine mouche. D’autres se pincent le nez en attendant qu’elle passe. Que tous ces capitaines d’opérette ne s’étonnent pas que leurs voiles se déchirent et que leur bateau coule ! En attendant, vous savez ce qu’elle vous dit la Marine ?

Certains prétendent que seul l’exercice du pouvoir tuera le FN. Pensant sans doute à Charles Péguy qui prétendait que « tout parti vit de sa mystique et meurt de sa politique ». Mais, quelle manœuvre follement désespérée de donner aux Le Pen tous les pouvoirs de nuire pour espérer son agonie. Ceux qui font ce pari en croyant revenir alors en sauveurs de la nation risquent d’avoir disparu entre temps.

Il y a une dimension mythologique dans cette présidentielle : les vainqueurs du premier tour sont tous les deux des enfants qui ont mangé leur père. Marine a planté ses grandes dents dans les restes de Jean-Marie, ce qui révèle une étonnante santé et une excellente digestion.

Avant de se mettre en marche, Emmanuel Macron a lui aussi dévoré François Hollande et vidé les placards du PS de ce qui bougeait encore. Tous les marcheurs le savent, il n’est pas recommandé d’avancer le ventre vide. On le paye souvent avant d’arriver au but.

Reste à ces amateurs de chair pas très fraîche à nous proposer un menu débarrassé de tous ces restes. Un choix difficile à composer. Les électeurs rêvent de plats qui piquent, mais pas trop, qui amusent leurs papilles sans percer leur porte-monnaie. Accompagnés de vins qui grisent mais qui ne donnent pas la gueule de bois.

S’ils croient concilier tous les appétits, en composant un repas neutre, qu’ils se méfient. Machiavel les avertit: « le parti de la neutralité qu’embrassent souvent les princes irrésolus, qu’effraient les dangers présents, le plus souvent les conduit à leur ruine ».

Qu’ils se gardent aussi de leur propre progéniture qui pourrait être tentée de suivre les usages familiaux en dévorant à son tour l’un sa tante, l’autre son papa…

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