LARDONS, CHERS LARDONS

  Dans les premiers temps du confinement une amie, qui s’initiait aux joies de l’apprentissage à domicile de ses deux jeunes ados, me disait : « C’est affreux, en leur donnant cours, je viens de découvrir comme mes filles sont bêtes ! »

Plaisanterie évidemment. Puisqu’elle reste persuadée qu’une de ses deux filles (peut-être les deux mais c’est rare) sont promises à décrocher le prix Nobel. 

Mais son exclamation donne bien la mesure de la seule vraie révolution née de cette pandémie : le rapport entre parents et rejetons. 

Depuis une cinquante d’années, sous nos latitudes, la plupart des parents ont les enfants qu’ils ont voulus. Mais, à peine les crèches ouvertes, ils s’empressent de les fourrer loin de la maison. Puis à l’école, au lycée. Ouf ! Bon débarras. Sont pas dans les pieds pendant qu’on passe l’aspiro puis qu’on prend l’apéro ! Or, voilà que ce bête corona a piqué là où ça fait mal. Crèches et écoles fermées, les parents ont été condamnés à vivre confinés 24 heures sur 24 avec leurs gosses. Le choc. La découverte dans la baraque de ces hôtes étrangers est pour certains aussi renversante que pour les Indiens l’apparition de Christophe Colomb…

Vous me reprocherez à raison de m’attarder sur le côté sombre de la force. Avoir les gosses dans les pieds a aussi son utilité. Que de parents vont sortir du confinement, initiés grâce à leurs gniards aux subtilités de l’informatique ou capables de jongler avec les multiples applications de leurs portables. L’écolage s’est souvent fait dans l’autre sens que prévu. 

Je connais beaucoup de pères qui ont descendu du grenier sans honte leurs vieilles BD, qu’ils ont relues tout seuls au fil des semaines avec émerveillement (car leurs enfants les trouvaient « trop nulles »).

Il y a aussi toutes ces séries qui seraient restées inconnues sans les lardons. Qu’on a été obligé de regarder, de gré ou de force, car il n’y a qu’un seul PC à la maison. (Plein d’étoiles pour « Unorthodox » sur Netflix). Ou le tas poussiéreux de CD ou même de cassettes VHS auxquels les enfants ont préféré vos ancêtres, des jeux Super Mario, retrouvés dans un placard avec votre première console (« trop cool » !) 

Avec le soleil d’été, peu à peu les enfants sortent dans la rue, jouent avec les petits voisins, explorent le terrain de foot déserté, derrière le parc – les flics, heureusement, ne peuvent être partout; eux aussi doivent songer à leurs petiots. C’est ainsi que, même si les écoles se contentent d’entrouvrir timidement leurs portes, et les crèches un peu plus, les enfants s’échappent à nouveau, peu à peu, du cocon familial. 

Et je parie que ce sont ceux qui se sont plaints les premiers de l’invasion de leur appartement qui regretteront bientôt le départ des petits envahisseurs. E.T., reviens ! 

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PÈRE FOUETTARD 2.0

Avec la fin du vieux monde, la sentence cruelle mais inexorable est tombée : exit Saint Nicolas.

Le patron des écoliers a été jeté à la décharge, avec les magnétoscopes VHS, Mario Bros, Fellini, les cabines téléphoniques, le communisme et le fascisme, toutes ces gloires inutiles et démodées du siècle dernier. Attendez ! On me dit à l’instant que le vide-meubles refuse d’emporter dans le lot les partis politiques de jadis, même les pires. Dans le cadre du projet zéro-déchets, il paraît que le communisme et le fascisme peuvent encore servir dans le nouveau monde. Sursis donc pour les fascistes et les cocos. Mais pour Saint Nicolas, en revanche, c’est râpé…

Le monde ayant horreur du vide, il faut d’urgence le remplacer. Mais par qui ?

Théo Francken, qui s’est aussitôt proclamé l’ami des enfants sages, a posé sa candidature. Mais le premier ministre s’y est opposé. Déjà que le budget fédéral n’a pas bonne mine, alors ouvrir une nouvelle brèche en finançant chocolats et spéculoos, pas question. Erdogan, un moment sollicité vu que saint Nicolas était turc a considéré que devoir se glisser dans les cheminées du royaume était au-delà de sa dignité. Grand seigneur, il n’entend se déplacer qu’en tapis volant.

Ne restait, faute de mieux, que ce bon vieux Père Fouettard. Tels ces politiciens inoxydables qu’on croit cent fois morts et enterrés et qui renaissent toujours de leurs cendres, l’ancien second couteau du grand saint est de retour. Désolé, les amis.

On avait pourtant l’impression que le personnage avait été définitivement éliminé par la mode du politiquement correct depuis qu’on lui a interdit de se servir d’un fouet, de menacer les pauvres mioches méchants des pires tourments et de se grimer en Noir de carnaval.

Mais, revenu aux affaires, le Père Fouettard sait qu’il doit proposer du neuf pour coller à l’époque.

Au lieu de suivre son chef et son âne en roulant des yeux, drapé dans un vieux rideau, il va offrir aux enfants une version 2.0 de la fête.

Voici un avant-goût du programme du nouveau calife.

Pour les plus méritants, un gilet jaune clignotant et sonore afin de les préparer à la vie de citoyen du futur. Aux voyous, une solide décharge de Taser gun, méchamment plus efficace que le fouet d’antan – une bonne décharge électrique mais avec énergie douce pour avoir l’air branché.

Plus d’âne non plus, à cause des protestations de Gaïa. Ni de sucreries car des psychologues prétendent que des enfants gâtés préparent des adultes violents. Plus d’histoires inventées car on ne peut plus mentir aux petits pour ne pas les habituer aux fake news et aux promesses électorales.

Allez, Fouettard, encore un effort ! La magie, ça se travaille…

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