ADIEU MONDE CRUEL !

  Une enquête vient d’être ouverte en France après l’effacement des comptes en crypto-monnaie des fonds confiés par des investisseurs à un gestionnaire de fortune. Une seconde a suffi pour que toutes les économies de leurs clients disparaissent dans un grand trou noir. 

   Le GIEC annonce un avenir post-apocalyptique pour ceux qui peuplent notre pauvre planète bleue, qui va, selon ces experts, changer de couleur : demain, la Terre sera la nouvelle planète rouge. Mais nous serons peu nombreux à assister à la disparition de toute vie actuelle, promettent les joyeux drilles du GIEC, imprégnés manifestement des textes bibliques. A la veille des vacances, on se retiendra donc de chanter : « les cahiers au feu et les profs au milieu » !  

   Le point commun entre ces deux infos : l’effacement. Voilà donc la pire menace qui plane sur notre époque, nos civilisations. 

   La disparition des supports physiques, papier ou film, met en danger la conservation de la mémoire. Même les archives papier sont systématiquement détruites après avoir été numérisées. 

 Or, qu’un « bug » informatique bloque d’un coup la toile et hop ! tout redevient page blanche. Un auteur de science-fiction nous racontera un jour les avatars d’un groupe de hackers maladroits, des Pieds Nickelés de l’ère informatique, qui auront poussé sur le mauvais bouton ou créé d’épouvantables virus informatiques qui, échappant à leur contrôle, dévoreront toutes les données sur leur passage. 

Les profs d’histoire du futur passeront directement de l’enseignement du vingtième siècle à celui du vingt deuxième siècle, expliquant à leurs étudiants que ce qui s’est passé pendant cette grande parenthèse reste un mystère aussi profond que la disparition des dinosaures ou l’état de l’univers avant le Big Bang. 

   Tout ce qu’on écrit, filme, lois, décisions, la naissance et la mort, tout est gravé sur des disques durs, stocké dans le cloud. Un coup de vent et tout disparaît…

Le mouvement est d’autant plus irrésistible -sinon irréversible- que l’effacement de la mémoire s’inscrit dans l’air du temps. Il n’est pas seulement un risque technique. On s’est mis à vivre dans le moment présent, sans passé, sans futur. La mémoire de l’histoire et des histoires est passée de mode. 

Ce qui se reflète dans le succès des réseaux sociaux : la photo, le commentaire sont déjà oubliés quelques heures plus tard. Seules l’image ou le propos choquants subsistent un peu avant de se perdre sous d’autres propos scandaleux bien vite oubliés eux aussi. Tout ce qui a été posté redevient poussières. 

Si jadis on collectionnait les livres, les disques, les films, on ne collectionnera jamais les données. 

« La distinction entre le passé, le présent et le futur n’est qu’une illusion, aussi tenace soit-elle » disait Einstein. Donc, soyons fous et bonnes vacances !

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PIERRE, PAPIER, CISEAU

   L’un des principaux groupes éditoriaux français vient de subir une cyber-attaque de pirates informatiques qui réclament rançon pour mettre fin à l’invasion de ses guerriers viraux. Entre temps, tout est bloqué, manuscrits, mails, comptabilité, accès aux archives ou aux contrats que l’on croyait à l’abri dans le cloud. Le nettoyage risque de prendre des semaines. 

 Les pirates des grands chemins devenus malandrins des autoroutes de l’information ont déjà rançonné des milliers d’entreprises et même des hôpitaux. 

   Or, les gouvernements ne cessent d’accélérer le passage à l’informatique. Pour obtenir un document administratif, remplir une déclaration, avoir accès à des archives, des services, on passe au tout virtuel, modèle que la pandémie a accéléré. Même pour la vaccination il faut s’inscrire en ligne. Et l’on ne se parle plus que via les réseaux sociaux. Bientôt, pour voyager, le ticket ou le certificat de vaccination ne seront plus qu’un QR code. Modernité, rapidité, facilité. On ajoute aujourd’hui l’hygiène pour justifier la virtualisation. 

Mais que faire des réticents à l’informatique, les RAI ? Des citoyens de seconde zone, privés d’accès aux services publics ? Et interdit d’accès à certains produits ? Les RAI déraillent s’ils n’ont pas pris le train en marche. 

Or, voilà que les hackers aigrefins viennent nous rappeler la fragilité de l’empire du 2.0. 

Le secrétaire général de l’ONU, M. Guterres a mis en garde dans son discours à l’occasion du 75 ème anniversaire de l’institution contre « la face obscure du monde numérique », en soulignant que « les progrès technologiques vont plus vite que notre capacité à y répondre, voire à les comprendre. »

Un groupe de bandits a les moyens d’effacer la mémoire d’une société, d’une administration, d’une université, en instillant ses petites saloperies dans le réseau.

Nous possédons les tablettes (oui, déjà des tablettes !) racontant l’épopée de Gilgamesh, roi de Sumer, écrites il y a 4 500 ans. Des textes d’Egypte ancienne, les manuscrits de la mer morte écrits depuis le troisième siècle avant notre ère, les Classiques des documents et les Classiques des vers réunis dans l’empire chinois à partir du huitième siècle avant notre ère. Et les bibliothèques que nous ont laissées les scribes et les auteurs des siècles passés. C’est le papier qui a préservé notre mémoire, qui a sauvé nos civilisations, qui a préservé la survie de l’homo sapiens. Les attaques des pirates 2.0 sont un signal d’alarme contre l’abandon du papier, le tout informatique, l’élimination des archives après numérisation. Un orage survient, qui fait éclater les clouds… 

Comme l’écrivait Gainsbourg : « Laissez parler les petits papiers/à l’occasion papier chiffon/Puissent-ils un soir papier buvard/Vous consoler. »  

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TOUS PIQUES !

    Avec l’arrivée des beaux jours, on nous promet celle des vaccins, juré-craché si je mens, je vais en enfer. D’ailleurs, ils sont là, paraît-il. Sagement entreposés dans des super-frigos, comme les cadeaux de Noël fabriqués en été mais qu’il est interdit de déballer avant la nuit-douce nuit sous le sapin. Alors qu’attend-on ? Le premier jour du printemps ? Mais le 21 mars est un dimanche et les vaccinateurs ce jour-là sont en week-end. En semaine, on vaccine de 9h à midi – à condition que les TEC ne soient pas en grève. 

D’autres prétendent qu’il faut attendre que le signal de vrai départ soit donné simultanément par les gouvernements fédéral, wallon, flamand, bruxellois, communautaires, germanophone, celui de la COCOM, de la COCOF, de la COCORICO et tutti quanti. 

A propos, quelqu’un se rappelle qui a la clé de ces foutus frigos ? Car, grmmbl, chacun se rejette la responsabilité. Même que Jan Jambon a dit que si le responsable ne lève pas le doigt tout de suite, tout le monde va être puni.

Bon, on se calme ! répète le ministre de la santé aux huit autres. Il avait d’abord annoncé fièrement que son « team » va faire « reset ». Retombé sur terre (c’est-à-dire en Belgique), il a compris que cet hommage à l’informatique était déplacé vu qu’elle s’est complètement plantée jusqu’ici. L’image des start-up innovantes qui allaient convoquer les citoyens plus vite que leur ombre a pris un sérieux coup dans l’aile.   

La réorganisation de la vaccination s’est évidemment faite à la belge. De façon imaginative mais différente selon les régions. En Wallonie, l’idée de génie est d’avoir décidé d’organiser la vaccination dans les bistrots. Permettant de sauver en même temps la santé des gens et celle de l’Horeca. 

A Bruxelles, le ministre-président avait d’abord annoncé avoir obtenu le consensus de son gouvernement pour que la vaccination se fasse en taxis. On en voit les avantages : pas de file d’attente, pas de difficultés de déplacement pour les personnes à mobilité réduite, et surtout une magnifique compensation pour aider les taximen face à la concurrence déloyale des Uber. Mais très vite, on a entendu des voix discordantes. Alain Maron veut limiter les véhicules autorisées pour la vaccination aux vélo-taxis, Pascal Smets aux véhicules de la STIB et l’opposition libérale veut y associer les Uber. Bon. Je vais trouver un texte de compromis a promis Rudi Vervoort. Sinon, je me rase la moustache. 

En Flandre, la vaccination est réservée aux personnes parlant néerlandais. Seuls celles qui prononcent parfaitement « schild en vriend » sont admis dans les vaccinatiecentra. Celles qui échouent ont droit à six mois de cours de recyclage et à un nouvel essai de vaccination en septembre après examen linguistique. 

Dura lex sed lex, a commenté sobrement Bart De Wever.  

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LARDONS, CHERS LARDONS

  Dans les premiers temps du confinement une amie, qui s’initiait aux joies de l’apprentissage à domicile de ses deux jeunes ados, me disait : « C’est affreux, en leur donnant cours, je viens de découvrir comme mes filles sont bêtes ! »

Plaisanterie évidemment. Puisqu’elle reste persuadée qu’une de ses deux filles (peut-être les deux mais c’est rare) sont promises à décrocher le prix Nobel. 

Mais son exclamation donne bien la mesure de la seule vraie révolution née de cette pandémie : le rapport entre parents et rejetons. 

Depuis une cinquante d’années, sous nos latitudes, la plupart des parents ont les enfants qu’ils ont voulus. Mais, à peine les crèches ouvertes, ils s’empressent de les fourrer loin de la maison. Puis à l’école, au lycée. Ouf ! Bon débarras. Sont pas dans les pieds pendant qu’on passe l’aspiro puis qu’on prend l’apéro ! Or, voilà que ce bête corona a piqué là où ça fait mal. Crèches et écoles fermées, les parents ont été condamnés à vivre confinés 24 heures sur 24 avec leurs gosses. Le choc. La découverte dans la baraque de ces hôtes étrangers est pour certains aussi renversante que pour les Indiens l’apparition de Christophe Colomb…

Vous me reprocherez à raison de m’attarder sur le côté sombre de la force. Avoir les gosses dans les pieds a aussi son utilité. Que de parents vont sortir du confinement, initiés grâce à leurs gniards aux subtilités de l’informatique ou capables de jongler avec les multiples applications de leurs portables. L’écolage s’est souvent fait dans l’autre sens que prévu. 

Je connais beaucoup de pères qui ont descendu du grenier sans honte leurs vieilles BD, qu’ils ont relues tout seuls au fil des semaines avec émerveillement (car leurs enfants les trouvaient « trop nulles »).

Il y a aussi toutes ces séries qui seraient restées inconnues sans les lardons. Qu’on a été obligé de regarder, de gré ou de force, car il n’y a qu’un seul PC à la maison. (Plein d’étoiles pour « Unorthodox » sur Netflix). Ou le tas poussiéreux de CD ou même de cassettes VHS auxquels les enfants ont préféré vos ancêtres, des jeux Super Mario, retrouvés dans un placard avec votre première console (« trop cool » !) 

Avec le soleil d’été, peu à peu les enfants sortent dans la rue, jouent avec les petits voisins, explorent le terrain de foot déserté, derrière le parc – les flics, heureusement, ne peuvent être partout; eux aussi doivent songer à leurs petiots. C’est ainsi que, même si les écoles se contentent d’entrouvrir timidement leurs portes, et les crèches un peu plus, les enfants s’échappent à nouveau, peu à peu, du cocon familial. 

Et je parie que ce sont ceux qui se sont plaints les premiers de l’invasion de leur appartement qui regretteront bientôt le départ des petits envahisseurs. E.T., reviens ! 

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CYBER, TES BEAUX YEUX ME FONT MOURIR

A chaque génération sa manière de se divertir et de se fabriquer une bulle hors d’atteinte des parents, de l’école, de l’autorité. A la génération Coca-Cola, qui se jetait sur les livres, le cinoche et la télé a succédé l’époque Red Bull des jeux vidéo, du baladeur et du CD. Les ados de 2015 ne s’encombrent plus de tous ces supports physiques. Ils se sont jetés dans la cyber-attaque, le terrorisme virtuel et le dérèglement des réseaux. Bienvenue à la jeunesse du vingt et unième siècle !

On leur a gentiment préparé le terrain, reconnaissons-le, en faisant scintiller les beautés de la guerre nouvelle sur tous les écrans. Au lieu de faire affronter les tanks et les hommes, la guerre se fait désormais dans des salles aseptisées à des milliers de kilomètres du champ de bataille, qui s’appelle maintenant des cibles. Un type ou une dame en cache-poussière appuie d’un doigt nonchalant sur un bouton quelque part dans son bureau au Nouveau Mexique, en croquant son sandwich, et boum ! un village d’Irak ou un campement en Afghanistan sont rayés de la carte. Quoi d’étonnant que le pouvoir magique d’internet, que nous avons érigé en maître du monde, fascine la jeunesse ? Et que ses forces obscures les fassent rêver comme les grands monstres nous fascinaient jadis ?

Nous tremblions de peur et de plaisir devant l’écran à voir les dents de Dracula s’enfoncer dans la peau diaphane de l’héroïne. Eux roucoulent de joie à contempler les dégâts de leurs petits cyber-virus dévorant les sites institutionnels. Il y a tout de même quelque chose de rassurant dans le choix de leurs victimes. Qu’ils s’acharnent sur des journaux et des télévisions pour lâcher leurs saletés démontrent leur attachement et l’importance qu’ils accordent à la diffusion de l’information. Cela mérite d’être salué à une époque où l’on se plaint de la perte d’influence des medias.

Mais, comme tous les jeux, ceux-ci ont aussi quelques effets secondaires déplaisants. Si nos petits génies du clavier sont capables de remplacer ni vu ni connu les infos sérieuses de la page d’accueil des sites professionnels par des propos délirants, c’est sûr que la paranoïa de tous les obsédés du complot va s’accélérer. Déjà qu’un nombre croissant d’entre eux s’imaginent que l’homme n’a jamais marché sur la Lune, que les tours du WTC sont toujours à leur place et que le tsunami qui a ravagé le Japon a été provoqué par les Martiens, comment vont-ils réagir quand ils liront que Charles Michel est premier ministre de Belgique, comme nous le font croire les Anonymous ? En fait, c’est toujours Elio Di Rupo qui est bien sûr aux commandes. Il suffit de voir les mesures adoptées jour après jour par le gouvernement pour s’en assurer.

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