TOUS PIQUES !

    Avec l’arrivée des beaux jours, on nous promet celle des vaccins, juré-craché si je mens, je vais en enfer. D’ailleurs, ils sont là, paraît-il. Sagement entreposés dans des super-frigos, comme les cadeaux de Noël fabriqués en été mais qu’il est interdit de déballer avant la nuit-douce nuit sous le sapin. Alors qu’attend-on ? Le premier jour du printemps ? Mais le 21 mars est un dimanche et les vaccinateurs ce jour-là sont en week-end. En semaine, on vaccine de 9h à midi – à condition que les TEC ne soient pas en grève. 

D’autres prétendent qu’il faut attendre que le signal de vrai départ soit donné simultanément par les gouvernements fédéral, wallon, flamand, bruxellois, communautaires, germanophone, celui de la COCOM, de la COCOF, de la COCORICO et tutti quanti. 

A propos, quelqu’un se rappelle qui a la clé de ces foutus frigos ? Car, grmmbl, chacun se rejette la responsabilité. Même que Jan Jambon a dit que si le responsable ne lève pas le doigt tout de suite, tout le monde va être puni.

Bon, on se calme ! répète le ministre de la santé aux huit autres. Il avait d’abord annoncé fièrement que son « team » va faire « reset ». Retombé sur terre (c’est-à-dire en Belgique), il a compris que cet hommage à l’informatique était déplacé vu qu’elle s’est complètement plantée jusqu’ici. L’image des start-up innovantes qui allaient convoquer les citoyens plus vite que leur ombre a pris un sérieux coup dans l’aile.   

La réorganisation de la vaccination s’est évidemment faite à la belge. De façon imaginative mais différente selon les régions. En Wallonie, l’idée de génie est d’avoir décidé d’organiser la vaccination dans les bistrots. Permettant de sauver en même temps la santé des gens et celle de l’Horeca. 

A Bruxelles, le ministre-président avait d’abord annoncé avoir obtenu le consensus de son gouvernement pour que la vaccination se fasse en taxis. On en voit les avantages : pas de file d’attente, pas de difficultés de déplacement pour les personnes à mobilité réduite, et surtout une magnifique compensation pour aider les taximen face à la concurrence déloyale des Uber. Mais très vite, on a entendu des voix discordantes. Alain Maron veut limiter les véhicules autorisées pour la vaccination aux vélo-taxis, Pascal Smets aux véhicules de la STIB et l’opposition libérale veut y associer les Uber. Bon. Je vais trouver un texte de compromis a promis Rudi Vervoort. Sinon, je me rase la moustache. 

En Flandre, la vaccination est réservée aux personnes parlant néerlandais. Seuls celles qui prononcent parfaitement « schild en vriend » sont admis dans les vaccinatiecentra. Celles qui échouent ont droit à six mois de cours de recyclage et à un nouvel essai de vaccination en septembre après examen linguistique. 

Dura lex sed lex, a commenté sobrement Bart De Wever.  

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L’ATTAQUE DU TRAM 90

 Lorsque j’étais petit, pour me rendre à l’athénée, je prenais le tram 90 chaque matin, sous les marronniers du boulevard Louis Schmidt.

J’avais beaucoup de mal à descendre place Meiser, d’abandonner les autres passagers, qui avaient la chance, eux, de poursuivre leur route vers l’inconnu. Dans quelles contrées mystérieuses s’enfonçait le tram 90 ? J’étais un lecteur fervent de romans et de B.D. d’aventure, de très mauvaises lectures pour les ados, soit dit en passant. J’imaginais en effet que, débarrassé de moi, le tram traversait une espèce de jungle peuplée d’animaux bizarres et inquiétants avant d’aborder de hauts plateaux battus par les vents, fonçant à toute vitesse pour échapper aux sauvages qui guettaient son passage, avant de regagner les zones civilisées près de son terminus, gare du Nord puis place Rogier. Je voyais les affreux se jeter sur la voiture de tête, tirer la flèche qui assurait l’alimentation électrique du convoi avant de s’abattre sur les voyageurs terrorisés. Et moi qui ratais ça ! Moi, qui aurais pu devenir un héros en sauvant le tram 90 des mains des indigènes avant de le conduire jusqu’à son terminus tandis que le wattman se remettait de ses émotions avec une bonne pils. Certes, une plaque métallique indiquait « Ne crachez pas, S.V.P.-Niet spuwen, A.U.B » mais elle ne concernait pas le personnel roulant qui avait le droit de ne pas cracher sur une petite bière. Pour célébrer mes exploits, j’aurais reçu une médaille de la S.T.I.B., remise par le bourgmestre de Bruxelles en grand uniforme : « A Alain, la S.T.I.B. reconnaissante ». Après, il m’aurait laissé jouer avec son épée.

Macache ! Tandis que le tram quittait les zones habitées, moi, je m’épuisais sur une version latine ou d’incompréhensibles formules algébriques, moi dont le talent aurait été si utile ailleurs. La vie est mal faite. Mais, la ville si pleine de surprises, de mystères envoûtants.

Bruxelles n’a pas tellement changé depuis cette époque. Les sauvages, hélas, ne peuvent plus tirer la flèche par la fenêtre arrière du tram pour entendre le receveur hurler au wattman: « Jef ! De flêch’ is af ! » Et à nous : « Smeirlap ! A pûte van de couch ! Sortez une fois de ma plateforme ! »

Mais la jungle est encore plus épaisse que jadis avec une régiontje à géométrie variable selon l’interlocuteur, découpée en dix-neuf morceaux de tartes qui se marchent sur les pieds, trois organes rien que pour faire entrer la culture dans la tête des Bruxellois, la COCON, la COCOM et le clou, la COCOF, dont les finances sont aussi à sec qu’un rio du Nouveau Mexique mais qui dispose d’un parlement de septante-deux membres. Des ministres en veux-tu en-voilà et près de 90 parlementaires régionaux relevant de douze étiquettes politiques différentes !

Le pillage des voyageurs pour Bruxelles n’est donc pas terminé !

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