DU VENT DANS LES VOILES

   Dès que l’on parle du voile, on se prend le pied dedans et on s’étale. On l’a encore vu ces derniers jours à la suite d’une querelle hypocrite sur l’opportunité pour la STIB de faire appel d’une décision rendue par le tribunal du travail. Une femme voilée doit-elle conduire en cheveux comme disait Madame Chapeau ? Ou peut-elle rester couverte ? Jef, het voile is af ! Ding, ding !

Parmi les réactions absurdes, celle de la co-présidente d’Ecolo affirmant qu’il fallait s’incliner puisque la décision faisait jurisprudence. Oubliant qu’il existe une cour d’appel puis une cour de cassation… 

Mais est-ce vraiment au juge de prendre une décision de principe sur le port du voile dans les services publics ? Ou plutôt au Parlement ? Qui freine des quatre fers, sachant que dans cette affaire, on est assuré, quoi qu’on dise, de recevoir des baffes sur le coin de la fiole. 

Autre poussée écologique polémique : la nomination par la secrétaire d’état Groen, Sarah Schiltz, d’une commissaire voilée à l’égalité des chances hommes-femmes. Que va faire cette commissaire comme première mesure d’égalité, enlever son voile ou exiger que tous les hommes soient désormais voilés ?  

Tenez, le député Dallemagne, devenu en une interview l’équivalent de Marine Le Pen et de Tom Van Grieken réunis. Alors qu’il essayait d’expliquer qu’il y a une sacrée différence entre le signe religieux choisi librement par la femme et celui qui lui est imposé par sa famille, son entourage. Horreur ! Voilons-nous plutôt le visage que d’évoquer ce cas de figure ! Se poser pareille question serait de l’anti-islamisme primaire comme de se demander pourquoi la femme doit être voilée et pas l’homme ou pourquoi il faut se solidariser avec les femmes saoudiennes ou iraniennes qui tirent le voile (au péril de leur vie) et en même temps avec ceux qui veulent l’imposer aux femmes belges.  

Dans un essai écrit d’une plume aussi ironique et légère que ses romans, Fouad Laroui vient de publier un « Plaidoyer pour les Arabes » (éditions Mialet-Barreau), qui devrait éclairer les uns et les autres.

Laroui commence par souligner ce que le monde doit aux savants et poètes arabes du IXème au XII ème siècle, de Grenade à Bagdad. Qui ont posé les bases des mathématiques modernes, de la cosmogonie et même de la théorie des espèces (une sacrée claque pour certains imans d’aujourd’hui). Mais, constate-t-il, l’enseignement occidental a complètement occulté cet apport extraordinaire.  

Ensuite, Laroui se demande ce que sont devenus les descendants de ces esprits universels, pourquoi les Arabes ont raté le tournant de la modernité des XVIIème et XVIII ème siècle, fondements du monde contemporain. Un sacré retard dû notamment à une sclérose de la pensée, tournée vers des préceptes religieux pris au pied de la lettre et un étouffement de la pensée et de la science, du doute et du questionnement.  

Pourquoi certaines femmes veulent à tout prix porter le voile ? Elles vous répondront sans doute : par respect envers Dieu. Mais ce Dieu veut-il que les femmes travaillent ? Et spécialement à la STIB ? 

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L’ATTAQUE DU TRAM 90

 Lorsque j’étais petit, pour me rendre à l’athénée, je prenais le tram 90 chaque matin, sous les marronniers du boulevard Louis Schmidt.

J’avais beaucoup de mal à descendre place Meiser, d’abandonner les autres passagers, qui avaient la chance, eux, de poursuivre leur route vers l’inconnu. Dans quelles contrées mystérieuses s’enfonçait le tram 90 ? J’étais un lecteur fervent de romans et de B.D. d’aventure, de très mauvaises lectures pour les ados, soit dit en passant. J’imaginais en effet que, débarrassé de moi, le tram traversait une espèce de jungle peuplée d’animaux bizarres et inquiétants avant d’aborder de hauts plateaux battus par les vents, fonçant à toute vitesse pour échapper aux sauvages qui guettaient son passage, avant de regagner les zones civilisées près de son terminus, gare du Nord puis place Rogier. Je voyais les affreux se jeter sur la voiture de tête, tirer la flèche qui assurait l’alimentation électrique du convoi avant de s’abattre sur les voyageurs terrorisés. Et moi qui ratais ça ! Moi, qui aurais pu devenir un héros en sauvant le tram 90 des mains des indigènes avant de le conduire jusqu’à son terminus tandis que le wattman se remettait de ses émotions avec une bonne pils. Certes, une plaque métallique indiquait « Ne crachez pas, S.V.P.-Niet spuwen, A.U.B » mais elle ne concernait pas le personnel roulant qui avait le droit de ne pas cracher sur une petite bière. Pour célébrer mes exploits, j’aurais reçu une médaille de la S.T.I.B., remise par le bourgmestre de Bruxelles en grand uniforme : « A Alain, la S.T.I.B. reconnaissante ». Après, il m’aurait laissé jouer avec son épée.

Macache ! Tandis que le tram quittait les zones habitées, moi, je m’épuisais sur une version latine ou d’incompréhensibles formules algébriques, moi dont le talent aurait été si utile ailleurs. La vie est mal faite. Mais, la ville si pleine de surprises, de mystères envoûtants.

Bruxelles n’a pas tellement changé depuis cette époque. Les sauvages, hélas, ne peuvent plus tirer la flèche par la fenêtre arrière du tram pour entendre le receveur hurler au wattman: « Jef ! De flêch’ is af ! » Et à nous : « Smeirlap ! A pûte van de couch ! Sortez une fois de ma plateforme ! »

Mais la jungle est encore plus épaisse que jadis avec une régiontje à géométrie variable selon l’interlocuteur, découpée en dix-neuf morceaux de tartes qui se marchent sur les pieds, trois organes rien que pour faire entrer la culture dans la tête des Bruxellois, la COCON, la COCOM et le clou, la COCOF, dont les finances sont aussi à sec qu’un rio du Nouveau Mexique mais qui dispose d’un parlement de septante-deux membres. Des ministres en veux-tu en-voilà et près de 90 parlementaires régionaux relevant de douze étiquettes politiques différentes !

Le pillage des voyageurs pour Bruxelles n’est donc pas terminé !

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