TEMPS DE CHIEN

 L’opulente mamma entraînant sa marmaille désordonnée et bruyante, cette image classique des comédies italiennes des années cinquante est un chromo du passé. A ranger entre le chianti en fiasque de paille et la Lambretta. L’an dernier, les naissances en Italie sont passées en dessous du seuil des 400.000, quatorzième baisse consécutive et chute record de la natalité. A ce rythme, l’hiver démographique, comme on l’appelle là-bas, pourrait faire baisser la population de la péninsule de quatorze millions d’habitants dans quelques dizaines d’années. C’est dire le grand écart auquel doit se livrer la première ministre, Giorgia Meloni, tenaillée entre un besoin croissant de main d’œuvre et de travailleurs actifs finançant le régime des pensions et sa politique violemment anti-immigrés. Pour repousser les malheureux venus chercher une vie meilleure dans le plus beau pays du monde, la Meloni a chargé l’Albanie d’ouvrir des centres (gérés par les Italiens) pour accueillir les immigrés sauvés en mer.

   En Espagne, la situation n’est pas meilleure en tout cas pour les bébés alors que les pays de la Méditerranée ont longtemps battu les records européens du nombre de familles nombreuses. Désormais, nous apprend la presse ibérique, moins les couples font d’enfants, plus ils achètent de chiens. Il y aurait plus de toutous que de marmots dans la patrie de Felipe VI. 

   Pourtant faire taire un chien qui aboie est encore plus difficile que d’apaiser un enfant braillard. Ce n’est donc pas le bruit qui explique cette préférence pour la race canine. 

  Que l’on hésite à faire des enfants en ces temps troublés, les explications sont nombreuses, désarroi et angoisse devant la perspective des changements climatiques, soubresauts politiques de plus en plus sanglants à nos portes, manque de souffle et d’imagination à propos de notre sort dans l’avenir. Mais ce destin funeste qu’on ne veut pas faire subir à une nouvelle génération d’êtres humains, pourquoi l’imposer aux pauvres clebs ? 

  Certains expliquent l’amour récent des Espagnols pour les chiens par la crainte d’une ère de plus en plus sauvage. Où il faudra se prémunir des attaques de voyous ou de voisins alors que la force publique aura laissé tomber les bras. Dans ce cas, un chien méchant est beaucoup plus efficace qu’un bébé Cadum. 

Paradoxe pourtant parce que, jusqu’il y a peu, les Espagnols étaient tristement connus pour maltraiter les chiens. Ainsi, beaucoup de chasseurs n’hésitaient pas à pendre aux arbres leurs lévriers galgo quand l’âge les rendait plus lents et moins utiles dans la poursuite du gibier. 

  On ne peut que se réjouir de cette réhabilitation du « meilleur ami de l’homme » (et de madame) car comme le disait Boris Vian : « Un bon chien vaut mieux que deux kilos de rats ».          

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IL EST PASSE PAR ICI, IL REPASSERA PAR LA

 Z’avez pas vu Jürgen?/ Oh la la la la la/ Où est donc passé ce chien ?/Je le cherche partout/
Où est donc passé ce chien ?/Il va me rendre fou/Où est donc passé ce chien ?/ Oh, ça y est, je le vois/Veux-tu venir ici ?/ Je ne le répéterai pas/Veux-tu venir ici ?/ Sale bête, va/ Oh, il est reparti/Où est donc passé ce chien ?/ 

Cher Nino Ferrer, qui avait déjà lu dans une boule de cristal comment un seul chien fou allait rendre dingue toute l’armée belge…

Déjà moquée par une autre comptine plus ancienne et tout aussi visionnaire : Il court, il court, le furet du bois joli/ Il est passé par ici/ Il repassera par là / Le furet est bien caché/ Le furet du bois, mesdames/ Pourras-tu le retrouver ?

Ah ! Si on pouvait en rire…

Le héros solitaire qui défie l’autorité et la ridiculise a toujours eu la faveur du public. Thyl Ulenspiegel, Robin des Bois, Rambo. Ainsi que Charlot et les autres personnages de Mac Sennett dans les burlesques américains. Qu’est-ce qu’on riait de voir ridiculisés les « cops » qui tombaient comme les quilles d’un bowling. 

Mais, avec Jürgen, rien à faire. Le rire se glace. Pas moyen d’applaudir, même pas d’esquisser un sourire. Cette fois, on a juste envie d’encourager les bidasses et les poulagas et d’espérer qu’ils parviennent à le coincer. Alors, qu’est-ce qui a changé ? 

Charlot, Robin des Bois, même Rambo sont des images rêvées du citoyen anonyme face au pouvoir. Un citoyen un peu naïf, mais bon, honnête, impuissant face à l’injustice. 

Ce qui fait froid dans le dos avec Mister J. c’est qu’il n’a que l’apparence d’un preux solitaire. Il est le pion d’un groupe à nouveau puissant, effrayant, une image moche mais un reflet ressemblant de cette extrême droite, tapie derrière le miroir. Dont il prétend porter les « idées » obscures.

Ces mouvements qui pointent dangereusement le bout du nez, Schild & Vrienden, le Vlaams Belang, pour donner quelques références belges (auxquels il faut ajouter évidemment leurs homologues innombrables partout en Europe, souvent élus) et leurs fans qui déversent leur fiel délirant sur les réseaux sociaux. 

Jürgen n’est pas le vengeur solitaire. Il représente une forme d’autorité, celle de son groupe. L’homme – ou la femme- qu’on a envie d’applaudir, c’est le héros solitaire qui parviendra à le débusquer et à le mettre hors d’état de nuire. Car, pour l’instant, quelle pub pour l’extrême droite ! 

Où se cache Mister J. ? A la différence des héros de fiction, Jürgen n’a que l’embarras du choix. Conseiller stratégique d’Alexandre Loukachenko, chef d’état-major du Hamas, instructeur des milices ukrainiennes russophones du Donbass. Ou en Afrique, où les mercenaires belges ont toujours été accueillis à portefeuille ouvert.

Vivement que Thyl revienne mettre du désordre dans sa région. Et un peu plus de facéties…    

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TECHNIQUE NAC

Quoi ? Vous ne connaissez pas les NAC ? Prenez garde si vous ne voulez pas être largués. Le monde se divise en deux : ceux qui sont dans le coup (ils connaissent tous les acronymes à la mode) et les autres. Faites donc semblant d’adorer les NAC, sinon vous êtes bon pour la remise à outils au fond du jardin, là où sont déjà rangés ces quelques anciens amis de Facebook qui vous donnaient l’air ringard.

Donc, les NAC. Je vous le glisse à l’oreille. Ces trois lettres désignent les Nouveaux Animaux de Compagnie. Chiens, chats, perruches ? Oubliez ces pauvres bestioles affreusement démodées. Pour être chic aujourd’hui, il faut vivre avec des serpents, des araignées exotiques, des fennecs et autres bébêtes rapportées de votre dernier voyage au Burkina Faso ou en Papouasie et passées sous le nez des douaniers à Zaventem aussi coulos qu’un sachet de cocaïne pour votre copain psychiatre qui n’a pas le temps de voyager.

Le NAC, c’est la dernière façon à la mode pour faire monter l’adrénaline. Pour se sentir vivant, cool et branché, le nec plus ultra est de mettre sur la table de chevet à côté de votre lit une boîte à chaussures dont sortent des grattements bizarres. De peupler votre appartement d’animaux monstrueux qui prouvent que les desseins de Dieu sont impénétrables.

Certains murmurent que ce qui a poussé le pape Benoit XVI à la démission, ce n’est pas la découverte d’un réseau gay mais celle d’un réseau NAC dans les caves du Vatican.

Les NAC, c’est bon pour l’image de marque. Regardez la vie politique italienne. Mario Monti s’est cru malin en s’exhibant à la télé pendant la campagne électorale en tenant dans ses bras un petit chien ridicule. Alors que Berlusconi, lui, recrute dans les soirées bonga-bonga. Résultat, Monti, avec son image démodée, a sombré aux dernières élections alors que le Cavaliere est redevenu le politicien à la mode. On imagine souvent que le citoyen moyen veut être rassuré. Mais, dans le secret de l’isoloir, il finit toujours par se laisser hypnotiser par le serpent ou l’araignée.

C’est ce qu’a compris, avec un peu de retard, Elio Di Rupo. Pour le remplacer à la tête du PS, il avait d’abord placé Thierry Giet, un brave, un doux, un herbivore qui ne ferait pas de mal à une mouche. Les sondages lui ont vite montré son erreur. Avec la souplesse d’un félin, il s’est empressé de le remplacer vite fait par un vrai NAC alors que se profile une campagne législative qui va ressembler à un combat de fauves dans la jungle. Face à un Bart De Wever qui a assimilé toutes les techniques des NAC. Séduction. Hypnotisme. Langue fourchue. Discours paralysant.

« Si l’on pouvait croiser l’homme et le chat, cela améliorerait l’homme mais dégraderait le chat» écrivait Mark Twain. Et si on le croisait avec un NAC ?

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