VACANCE(S)

Alors que les estivants se lancent sur les routes, beaucoup de citoyens ont du mal à partir en vacances. Il y a ceux qui n’en ont pas les moyens, ceux qui n’en ont pas envie et ceux qui en ont assez. Et qui préfèrent le crier chez eux que sur les plages dorées. Cette année, la mode n’est plus de construire des châteaux de sable mais de les abattre. D’Istanbul à Rio, les bords de mer sentent le gaz lacrymogène plutôt que la barbe à papa.

On a l’impression un peu partout que c’est le pouvoir qui est en vacance…

Les vrais héros s’en vont, laissant derrière eux le même vide mélancolique qu’une villégiature à la fin de l’été. Après Mandela, qui va nous remuer les méninges, bousculer les règles et nous faire rêver de changer la vie ? Barroso, Hollande, Cameron ? Merci ! Dans le rôle de G.O., même le club Med’ a une meilleure politique de recrutement.

Au lieu de boucler un budget de plus en plus désespéré, nos ministres ne profiteraient-ils pas de la trêve estivale pour tenter de retrouver des couleurs ?

Après avoir échoué à réglementer le commerce des armes et le n’importe quoi en matière climatique, Obama est parti se ressourcer en Afrique.

Où envoyer nos excellences ? Les détours de Didier Reynders par le Congo n’ayant pas laissé beaucoup de traces, mieux vaut pour lui (et les Congolais) qu’il change de destination. Un petit saut en Russie ? Il pourra demander à Poutine, qui a l’expérience de vider ses successeurs, le mode d’emploi pour se débarrasser gentiment du p’tit Michel pendant que celui-ci bronze ailleurs et reprendre la tête de son business sans faire de vagues.

Kris Peeters, qui a tout l’avenir de la Flandre et peut-être de la Belgique sur les épaules, aurait jadis eu intérêt à suivre le tour de France. Pour apprendre comment lancer une échappée, à quel moment lâcher ses poursuivants et écraser son plus féroce adversaire dans la dernière ligne droite. Hélas, depuis les progrès des contrôles anti-dopage, quel gâchis ! Il n’y a plus moyen de s’inspirer des rois de la petite reine sur la meilleure façon de l’emporter.

A Bart De Wever, on conseillera de faire pour une fois une infidélité aux Autrichiens et de se promener au Soudan. L’exemple le plus récent de séparation d’une nation en deux états. On ne doute pas qu’au retour de son voyage, il militera activement contre toute tentative de scission du royaume…

A Elio Di Rupo, enfin, on suggérera un détour par l’île de Pâques. Ce qui rend le site si fascinant, c’est moins le regard sombre des gigantesques statues (contemplaient-elles leur feuille d’impôt ?) que leur aspect inachevé. Transformer en attraction touristique merveilleuse un chantier perpétuel, ça c’est un beau projet d’avenir pour le pays…

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VACANCE-S

Radieux, lumineux. L’office météorologique le confirme : c’est un printemps exceptionnel; pour une fois, le communiqué est clair, compréhensible et ne semble pas traduit directement du coréen par une famille de météorologues recomposée en Belgique depuis peu.
Une atmosphère de vacances baigne les villes, les places et même les bureaux. Terrasses noires de monde, vin pétillant, rires et surtout jupes réduites à leur plus simple expression et décolletés audacieux (pauvre DSK, privé du spectacle ! Ca aussi tu l’as raté, mon vieux !)
Attablé à une terrasse, je contemplais, béat, le ciel bleu d’une transparence irréelle lorsque mon compagnon de bistrot me fit remarquer un objet lumineux qui se dirigeait lentement dans notre direction.
« As-tu oublié que nous sommes en guerre ? » me fit-il remarquer.
Comme je le regardais ahuri, il ajouta :
« Nous pilonnons Tripoli. Pourquoi les Libyens ne bombarderaient-ils pas Bruxelles sud ? »
Je ricanai gentiment et levai mon verre de gueuze grenadine.
« Tu vas boire ça ? Malgré la poussière ? ajouta-t-il avec un regard inquiet.
– La poussière ?
– Ce n’est pas parce que les journaux ont d’autres chattes à fouetter que la centrale de Fukushima a arrêté comme par magie de rejeter sa fumée mortelle. Crois-tu que ses émanations repartent vers le Japon en voyant la tête des douaniers belges ? »
Je déposai mon verre et demandai précipitamment l’addition.
Peu à peu, le soleil aidant, je me laissai regagner par l’atmosphère de vacances. Tout le monde s’y est mis. Même les Grrrands du monde qui ont choisi Deauville pour faire trempette. Derrière leurs lunettes de soleil et leurs sourires désarmants, tous les malheurs du monde, les dizaines de conflits en cours, l’image de l’élimination de Ben Laden et celles des victimes de Mladic et de ses complices semblent refluer avec la marée, laissant une plage immaculée, sans même les traces d’un poisson mort (des centaines de travailleurs immigrés y ont veillé). Aussi immaculé que le communiqué final. Les crocs-en-jambes ne se font que dans l’ombre.
Pour parfaire le tableau, il y a même quelques grèves. Oh ! Des petites ! Insignifiantes ! Pas de quoi ennuyer le bon peuple (les TEC exceptionnellement ont roulé toute la semaine ; gagnés par la torpeur ambiante, leurs sympathiques chauffeurs ont oublié leur amusante habitude de prendre leurs passagers en otage). Juste pour nous rappeler le joli mois de mai.
Reste Elio Di Rupo, formateur farniente, qui reçoit, bronzé, pas trop loin de la piscine, tous ceux avec lesquels il bavarde depuis trois cent et des jours, à la recherche de sensations nouvelles face à la vacance du pouvoir.
Où l’on voit que la langue française est riche : avec s vacances signifie plaisir. Sans s, le vide.

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