QUIET QUITTING

On entend partout ce cri d’alarme : les jeunes ne veulent plus bosser !

Il paraît que la génération Z rechigne à accepter un emploi plein temps, discute les horaires, refuse les écrans après le five o’clock tea. On ne se bat plus pour briller au boulot. Pour écraser ses concurrents. Pour déboulonner les chefs et prendre leur place. Où va-t-on ? Le « struggle for life » est terriblement démodé. On célèbre désormais le « quiet quitting » (la « démission silencieuse »).

Faut-il s’inquiéter de l’avenir d’une génération qui préfère le hamac, les pauses et la sieste au stress, à la promotion et au pot belge ? 

Au contraire. Encourageons-les. Payons-leur des primes pour ne rien faire. C’est devenu la mode. Plus de déplacements, plus d’appareils branchés. Tous ces garçons et ces filles vont diminuer la redoutable empreinte carbone laissée par leurs aînés qui risque de faire exploser la planète bleue. Demain, une génération enfin responsable ? 

Mais ce sursaut est-il neuf vraiment ? Dans les rues de mai 68, les futurs baby-boomers (on ne les appelait pas encore ainsi) dénonçaient bruyamment le « métro-boulot-dodo ». Puis, le diplôme en poche, ce sont eux qui se sont jetés dans le développement du tout à l’informatique, des bagnoles et des voyages en avion. Pourvu que notre nouvelle vague ne se laisse pas emporter par la tentation. Qu’ils ferment les yeux et qu’ils rêvent…

Les politiques ont un rôle à jouer. Espérons que les nouveaux dirigeants qui pointent le nez vont montrer l’exemple. Avec les anciens, c’est foutu. Voyez Poutine qui démolit toute la planète et pas seulement son voisin. Et fait bosser ses soldats matin, midi et soir. A voir le résultat de leurs efforts, à quoi bon travailler autant ? 

Mais une nouvelle fournée de chefs se profile. En Grande-Bretagne, Liz Truss peut prendre exemple sur deux de ses prédécesseurs. Boris Johnson avait compris que le Brexit plomberait son pays quoi qu’il fasse. Il avait donc laissé tomber les bras et s’était donné pour seul programme fiestas et sangria. Il y a aussi le modèle Thatcher. Elle aussi avait dévasté son pays en envoyant des milliers de travailleurs au chômage – justement le rêve des jeunes « démissionnaires » d’aujourd’hui.  

En Italie, Giorgia Meloni, à qui les sondages promettent dans quinze jours d’entrer au Palais Chigi, va-t-elle aussi combler les aspirations farniente de la génération Z ? 

Là, on craint le pire de celle qui se présente comme l’héritière du mouvement fasciste. Mussolini a été un duce très fatigant. Grands travaux, asséchement pharaonesque des marais pontins, militarisation à outrance, guerres lointaines et meurtrières. Mamma mia ! Jamais les Italiens ne supporteront à nouveau un pareil régime ! On peut se préparer à une immigration massive vers les régions où il est doux de ne rien faire. Suivez mon regard.  

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VIVE LE FURLONG !

Pour retrouver la canicule, plongeons-nous un moment dans la tête de Boris Johnson. 

A quoi ressemblera dans son esprit la Grande-Bretagne après qu’elle ait fermé les volets et les mille sabords pour que rien ne vienne plus souiller les mocassins à glands des sujets de sa gracieuse majesté ? 

 A propos d’Elizabeth II, justement. Symbole essentiel de la Grande Bretagne à l’ancienne que les Brexiters veulent reconstituer. Elle restera évidemment reine de la quinzaine d’états du Commonwealth dont elle est la chef d’état (dont l’Australie et le Canada). Mais, pour marquer le retour à la Belle Epoque, elle reprendra le titre d’Impératrice des Indes. Ca ne coûte pas cher et quelques gogos d’électeurs n’y verront que du feu. Permettant de sortir du placard ce magnifique slogan de jadis : un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais – ce qui au passage permet de supprimer l’heure d’été, c’est toujours ça d’économisé. 

On remettra aussi en vigueur les anciennes unités de mesures anglo-saxonnes, destinées à égarer définitivement les bêtes continentaux, les pieds, les pouces et le furlong (qui équivaut à dix chaînes, soit 201, 168 mètres, bonne chance !)   

 Dans l’Angleterre nouvelle à l’ancienne, plus question de GSM (technologie asiatique, bêrk). Retour des splendides cabines téléphoniques rouge sang !

 Plus de vin ni de champagne (c’est bon pour les mangeurs de grenouille) ni de prosecco (depuis que les Italiens ont chassé Salvini, pas question de faire exception pour leurs produits) : de la Guinness (heureusement rachetée aux Irlandais entre temps par une bonne compagnie de Londres) et du thé, what else ?

Tant qu’à remonter dans le temps, l’Ecosse va sans doute reprendre son indépendance. L’Irlande du Nord acheter des armes belges. Et Londres imiter Singapour. Mais c’est mal parti : les Anglais devront importer des ordis et des logiciels asiatiques (aïe). Et la gestion des portefeuilles et de l’argent noir depuis les cabines téléphoniques permettront difficilement de se mesurer à la ville-jardin.  

La bonne nouvelle c’est que de nombreuses économies sont envisagées : Scotland Yard licenciera une partie de ses troupes puisque l’île, désormais préservée des étrangers, sera une terre sûre, à l’abri des pires malandrins, sinon quelques petits voleurs à la tire qui ont trop lu Dickens. Pour le reste, les citoyens n’ont qu’à s’adresser aux détectives privés. Le royaume n’a-t-il pas donné au monde Sherlock Holmes ? On économisera sur les autres services publics comme on l’a fait avec les chemins de fer. Et on supprimera les autoroutes inutiles avec la disparition de ces affreux camions venus d’Europe de l’est.  

Boris Johnson pourra surtout sabrer dans le budget de la Santé puisque, comme le disait Oscar Wilde : « La pensée, en Angleterre, n’est pas une maladie contagieuse. »  

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OETTINGER EPAIS

Jadis, beaucoup de gouvernements envoyaient à la commission européenne les politiciens dont ils ne voulaient plus ou auxquels ils étaient obligés d’offrir un bâton de maréchal. Dans le lot, il y avait donc souvent pas mal de fins de série et de soldes à prix cassé. A chaque nouvelle commission, on nous promet que cette époque est révolue. Mais chaque fois, on dirait que c’est pire.

Pouvait-il y avoir plus poussiéreux rossignol à offrir à la clientèle européenne que le « président» Barroso ? Cireur de pompes infatigable des chefs d’état puissants et véritable fossoyeur de la politique européenne dont il symbolisait tous les défauts : technocratie incompréhensible, opaque et inhumaine. Auxquels on peut ajouter, depuis son reclassement chez les brigands de Goldman Sachs, l’amour immodéré du pognon et le mépris des citoyens au service desquels il  prétendait œuvrer.

Avec Jean-Claude Juncker, on croyait cette page tournée. Mais non, la liquidation continue pendant les travaux. Bien sûr, après sa défaite électorale de 2013, le nouveau gouvernement luxembourgeois a été heureux de le refiler vite fait à Bruxelles mais ses déclarations musclées au début de son mandat laissaient croire que lui et ses compères avaient enfin compris la nécessité d’un rebond. On allait voir ce qu’on allait voir. Une Europe vent debout, nettoyant ses placards et liquidant ses momies.

Las ! On a vu des dirigeants assommés par la sortie de la Grande-Bretagne, incapables de se présenter devant le Parlement avec une feuille de route offrant une vision et des perspectives aux citoyens de l’Europe continentale.

Le président Juncker semble aussi aveugle et sourd à propos de la perfidie de son prédécesseur qu’il l’avait été quand les services de renseignement de son pays avaient constitué des fichiers illégaux (ce qui avait provoqué sa démission), ou lors de la publication des Panama Papers qui montraient les liens entre son pays et le paradis fiscal bananier. Il n’avait pas prévu non plus que l’opacité et les à peu près du Traité CETA allaient lui péter à la figure.

Et le voilà maintenant même incapable de remonter les bretelles de son commissaire Günther Oettinger. Le commissaire à l’économie et à la société numérique a un langage très châtié. Traitant « nos amis Chinois » de types « peignés de gauche à droite avec du cirage noir », l’Allemagne de pays qui s’occupe de « rendre le mariage homosexuel obligatoire » et la Wallonie de « micro-région dirigée par des communistes».

En remerciement de ce langage « vrai » et « viril », M. Oettinger reçoit en prime le portefeuille du budget et des ressources humaines avant peut-être de devenir vice-président de la Commission.

Ne reste-t-il donc que Trump, devenu président des Etats-Unis, pour lui écraser la gueule ?

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VOTEZ EXCENTRIQUE

La campagne britannique pour le Remain est mal partie parce que ses partisans l’ont axée uniquement sur l’économie. Personne n’a jamais réussi à mobiliser les électeurs en agitant des chiffres, même s’ils paraissent effrayants. Depuis 2008, le plus ignare des citoyens a compris ce qu’il faut penser des prévisions économiques en général et de la compétence des experts en particulier.

Beaucoup d’Anglais ont la conviction que le Brexit ne portera pas atteinte à leur petite vie tranquille, à leurs manufactures et à leurs vacances sur le continent. Et qu’une fois lâchées les amarres qui les liaient à la capitale de l’Europe, ils récupéreront leur capacité à rêver autrement. Ils gardent en mémoire Waterloo, à un jet de pierres de Bruxelles, leur plus belle victoire. Malgré la sortie de l’Union, leurs hooligans continueront de librement circuler lors des prochains euros de foot où son équipe sera toujours invitée. Et ses produits, de toute façon fabriqués en Chine, porteront l’étiquette « made in Ireland » pour éviter les droits de douane, comme les textiles sortis des ateliers de Moldavie portent impunément la mention « made in Italy ».

En l’absence des Anglais, l’Union européenne sera toujours aussi extravagante. Avec une monnaie en principe commune mais qui n’a pas la même valeur à Berlin ou à Athènes et des parlementaires aussi utiles et influents que les membres du parlement iranien ou kazakh. Le Bulgare et le Hollandais ne semblent pas appartenir à la même entité, avoir le même niveau de vie, obéir aux mêmes règles, avoir les mêmes aspirations. Et les règles élémentaires de la démocratie, semblables à Londres et à Bruxelles, sont en revanche tout à fait différentes à Budapest et à Varsovie. Seuls les plombiers polonais sont devenus de vrais Européens.

Voilà ce qu’on aurait dû vendre aux adversaires du Brexit. En flattant le goût de beaucoup de Britanniques pour les excentricités. On ne l’a pas assez souligné pendant la campagne du « oui », l’Europe est à un vrai vivier pour les amateurs de créations absurdes, les fans du docteur Frankenstein (l’œuvre d’une Anglaise, bien sûr, Mary Shelley).

Si on y réfléchit calmement, ce sont les aficionados de Descartes qui devraient fuir ce micmac au plus vite, pas les amateurs des Monty Python, de Laurence Sterne et de Swift. Ce n’est pas à la Grande-Bretagne de déserter une entité politique aussi absurde mais à la France, qui se pique d’agir au nom de la raison. Quoique Malherbe écrivait déjà, prémonitoire, « laisse-moi, raison importune ».

Pour renforcer le camp du « oui », il est urgent que les dirigeants européens s’unissent pour promettre aux Anglais, s’ils acceptent de rester avec nous, encore plus de folies, plus de chaos et plus de décisions incompréhensibles.

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