MARS ATTAQUE

L’état islamique, qu’on désigne aussi par son acronyme « Daesh », ne s’est pas seulement emparé d’une grande partie de la Syrie et de l’Irak. Il a aussi plagié la célèbre marque d’une poudre à laver pour s’introduire subrepticement dans tous les ménages occidentaux par le biais de leurs machines à laver. Façon que son programme peu à peu nous colle à la peau.

Et voilà qu’il se lance dans la cyber-attaque. Cette semaine, il a réussi coup sur coup à s’emparer du réseau numérique de TV 5 Monde et de Jean-Marie Le Pen. En se glissant dans les systèmes de TV5, il a voulu répandre sa propagande sordide partout par satellite, la chaîne internationale francophone étant diffusée sur plusieurs continents.

En piratant ce qui restait du disque dur de Jean-Marie Le Pen, le président d’honneur du F.N., il a cherché à aider son parti-frère français à mener sa fille à la victoire lors de la prochaine élection présidentielle.

Le contrôle du cerveau du vieux chef blanc a permis à Daesh de procéder à ce qu’on appelle, dans le jargon technique, un échange interactif. Il a ponctionné dans les cellules grises encore actives quelques slogans réutilisables pour sa communication et il a injecté dans le centre de commandement du parti d’extrême droite français quelques propositions susceptibles de l’aider à prendre pied en France.

Les fanatiques islamistes ont fait le bon choix en misant sur la famille Le Pen. Le père, la fille, la nièce ont la manie de ramasser tout ce qui traîne de préférence au ras du sol, à défaut de programme. Ils sont aussi connus pour afficher une sympathie à géométrie variable selon l’importance du cadeau de leurs interlocuteurs. Ces défenseurs auto-proclamés des vrais Français de souche (de préférence de souche pourrie) ont ainsi, au cours des années, défilé bras dessus bras dessous avec Saddam Hussein,  Radovan Karadžić (l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, accusé de génocide par le Tribunal pénal de la Haye) et Vladimir Poutine, d’excellentes sources d’inspiration lorsqu’ils seront au pouvoir outre-Quiévrain. Les dirigeants de Daesh seront donc en bonne compagnie lorsqu’ils seront reçus à l’Elysée par la présidente Le Pen et son papa.

Les dernières élucubrations de Jean-Marie Le Pen à l’occasion d’une interview dans « Rivarol » méritent de retenir l’intérêt des dirigeants idéologiques de Daesh. Réhabiliter Pétain, condamné à mort comme traître après la guerre, ou réécrire l’histoire de l’holocauste, sont autant de radotages facilement adaptables au Moyen Orient. Il suffit de proclamer que Judas est un héros et d’effacer d’un simple clic les crimes les plus atroces de ce début de siècle pour faire repartir l’histoire dans l’autre sens. Exactement ce que veut le FN en France.

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LES PAQUES DES AINOUS

A Pâques, évitez de me parler des lapins. Quand j’étais enfant, mon père avait eu la mauvaise idée de m’offrir un de ces charmants petits animaux. Un lapin vivant plutôt qu’une peluche comme tous les parents un peu sensés. Car un vrai lapin dans un appartement, je ne vous dis pas la calamité…

Cette bête passait son temps à courir comme un lévrier (un de ses parents avait sans doute fauté) et à abandonner de préférence sous les meubles de petites billes que je pensais laissées là pour me permettre de jouer avec. Résultat, le lapin a disparu rapidement de mon univers avant de revenir miraculeusement dans nos assiettes quelques jours plus tard, aussi chaud et immobile que le stoemp aux carottes qui l’accompagnait. Ma mère avait l’art d’accommoder les restes.

Oublions le lapin. Car cette année, heureusement, une autre bête a la cote, l’ours. Mais son retour risque de provoquer aussi des catastrophes.

L’information est scientifiquement simple mais ses conséquences politiques encore imprévisibles. Voilà le problème : les ours des îles Kouriles et Sakhaline sont sortis de leur torpeur hivernale bien plus tôt que le veut la tradition et à la stupéfaction générale. Surtout des Russes qui occupent ces terres lointaines dont ils se sont emparés à la fin de la seconde guerre mondiale à la fureur des Japonais qui veulent les récupérer.

Si l’hibernation de ces sacrés ours avait pris fin dans n’importe quel autre coin de l’empire, les Russes n’auraient pas manqué de célébrer l’événement puisque l’animal est son symbole séculaire. Mais, notre carnassier préféré a eu la fâcheuse idée d’ouvrir l’œil aux Kouriles et ça, c’est vraiment un problème. En effet, l’ours est considéré comme un dieu pour la population autochtone de ce chapelet d’îles si disputées. Et ce réveil prématuré risque d’être considéré comme un signal divin que le temps des Japonais est revenu.

Pour les Aïnous (encore un nom à ajouter à la série des peuples de l’ancien URSS qu’on découvre depuis sa chute) qui vivent sur l’archipel, l’ours est réputé, quand il se réveille, apporter des cadeaux aux humains avant de retourner dans son univers divin. De plus, il n’est pas rare qu’un ourson soit accueilli par une famille sans enfant, nourri pendant des mois, avant de finir comme plat principal d’un banquet. Ce qui nous ramène à ma mère mais passons…

Voilà donc un nouveau front qui s’ouvre pour ce pauvre Poutine, pas gâté décidément par la fin de l’hiver : avec la montée des températures, il ne peut plus faire chanter les Occidentaux avec son gaz, il a toujours les Ukrainiens sur le dos, une partie de sa population le conteste et voilà maintenant que le dernier symbole immuable de l’empire commence à vaciller. Dangereux présage.

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LE BARBARE RIT

A un journaliste qui l’interrogeait sur la « question berbère », l’écrivain Fouad Laroui a répondu ceci : « Quand j’entends le mot « Berbères », je propose gentiment à mon interlocuteur de le raccompagner jusqu’à la porte de sa maison de retraite. En effet, depuis 1930 et le fameux Dahir berbère que le protectorat français tenta d’utiliser pour diviser les Marocains, on ne parle plus de Berbères au pays de l’argan. Quand j’entends le mot « Arabes», je pense à la Bagdad des Abbassides, à l’Andalousie, à la poésie ; je pense à une langue belle et souple parlée par trois cents millions de personnes et qui est l’une des langues officielles de l’ONU. En fait, quand j’entends « Berbères et Arabes », j’entends « problème artificiel que des enquêtes comme la vôtre, continuent, hélas, de perpétuer».

Si le bourgmestre d’Anvers ne le comprend pas en français, Laroui peut lui expliquer ça en parfait néerlandais, lui qui enseigne à l’université d’Amsterdam, tout en étant une des belles plumes de la langue française (prix Goncourt de la nouvelle, svp) et un fin analyste de son pays d’origine, le Maroc.

Bart De Wever ignorait-il cette vérité historique (il a délaissé l’Histoire depuis longtemps pour fabriquer la sienne) ? Ou sa langue a-t-elle fourché quand il a lâché au micro de la VRT que les Berbères d’Anvers refusent de s’intégrer ? Aurait-il voulu dire Barbares et non Berbères ? Ah ! Alors, tout s’éclaire. Et Bart De Wever n’est pas raciste. Au lieu de stigmatiser un groupe ethnique en particulier, il a fait la chasse aux méchants, ce qui est son rôle de premier flic de la métropole. Ses propos doivent alors être lus ainsi : Les Barbares sont des communautés fermées, avec une défiance envers les autorités, (…) très sensibles à la radicalisation ».

Qui pourrait dire le contraire ? Comme le précise le dictionnaire, les barbares sont des êtres cruels, sauvages, imperméables à la civilisation (au sens premier, le mot désigne tout étranger). Mais, s’il voulait s’en prendre aux Barbares, comment concilier l’affirmation de notre maïeur préféré avec cette autre « réflexion », dans la même interview : les Asiatiques, eux, sont d’excellent citoyens bien intégrés.

En effet, les Barbares désignent précisément les Asiatiques (ainsi que les Germains, ancêtres des Flamands) qui, d’après les livres d’histoire, ont envahi l’empire romain, attirés par sa richesse et son confort – sinon par son système de sécurité sociale.

De quelque façon qu’on tourne donc ses déclarations, Bart De Wever s’est manifestement mélangé les pinceaux.

Alain Berbèrenboom

PS : dernier ouvrage de Fouad Laroui, « D’un pays sans frontières » (éd. Zelige), essai sur la littérature de l’immigration.

CE SOT D’INDEX

La volonté du gouvernement de bloquer l’index agit comme un chiffon rouge sous le nez de l’opposition socialiste et des syndicats. A cause du saut d’index, clament-ils, les travailleurs ne parviendront plus à mettre du beurre dans leurs épinards.

Avec une étonnante prémonition, le grand satiriste anglais William Thackeray écrivait il y a près de deux siècles : « C’est un sot que celui qui a dit que les belles paroles ne sauraient remplacer le beurre dans les épinards. » Et de glorifier (dans « La Foire aux vanités ») l’importance de l’art oratoire qui seul rend les épinards mangeables… L’art de parler au service de l’art de manger. Que demande le peuple ? Une hausse des salaires ? Non ! De beaux discours.

Les adversaires du gouvernement, qui ont déployé tout leur talent pour défendre le sacro-saint index, pourraient peut-être montrer du doigt aussi les autres sauts qui minent la vie de nos concitoyens. Et ils ne manquent pas !
Il y a le saut au Congo de quelques-unes de nos éminences qui en profitent pour glisser une petite liasse de billets de banque dans les doigts de certains de leurs collègues africains.

Voyez aussi cette bande de nationalistes flamands qui chantent comme des seaux le dimanche des chansons bêtes à pleurer, avant d’apposer lundi leur sceau sous une loi qui consacre le saut d’index. Ah ! Les sots !

Ce sont les mêmes qui prétendent que les travailleurs ne peuvent aligner leurs salaires sur la hausse des prix des épinards mais que leurs bailleurs, eux, ont le droit d’augmenter les loyers si la note de Delhaize s’est alourdie. L’art de proférer des sottises à géométrie variable, selon la situation sociale de leurs électeurs.

Ajoutons que les sots et les index ne manquent pas de se dresser ces semaines-ci sur notre planète en ébullition. Il est temps que l’on cesse de se mettre la tête dans un seau. Tunis, après Paris, Bruxelles, Copenhague, Ninive, Donetsk et autres lieux de désolations. Sale air du temps, décidément. Tout semble bloqué, pas seulement les salaires. Les projets et les discours aussi. Il avait raison, Thackeray, de souligner l’importance de l’art oratoire. Les paroles ne suffisent pas. Mais quand de grands discours parviennent à soulever l’âme d’un peuple, c’est qu’ils expriment un projet de société. Le film « Selma » qui évoque la figure de Martin Luther King le rappelle opportunément. On attend vainement un personnage taillé à la mesure du grand leader noir des années soixante pour retourner les discours mortifères qui excitent tant de jeunes égarés. Que l’on arrête aussi ces babelages socio-économique, sinistres à pleurer. Qui peut croire que se serrer la ceinture mènera à un avenir radieux ? Vivement, un bel esprit pour nous redonner le goût du grand saut vers le futur !

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SIFFLER EN TRAVAILLANT

Adolescent, j’adorais siffloter Brassens. Mais comme je chantais faux, une vraie horreur, personne n’aurait pu reconnaître « Hécatombe » sauf…

En passant à la hauteur de deux gendarmes en train de verbaliser, m’entendant siffler, un des flics se tourna vers moi et enchaîna, avec un accent flamand à couper au couteau,

« Or, sous tous les cieux sans vergogne,
C’est un usage bien établi,
Dès qu’il s’agit d’rosser les cognes
Tout l’monde se réconcilie.
Ces furies, perdant toute mesure,
Se ruèrent sur les guignols,
Et donnèrent, je vous l’assure,
Un spectacle assez croquignol. »

Apprends donc à chanter juste, menneke ! reprit le pandore. C’est en chantant que j’ai appris le français ! Si t’es aussi mauvais la prochaine fois, podverdomme ! je te colle une contredanse pour trouble à l’ordre public !

Revenu de ma surprise, je lui demandai si Brassens était au programme de la gendarmerie. Il se tourna vers son collègue en rigolant puis me dit : évidemment non, menneke. C’est mon dernier jour de service. Demain je prends ma pension ! Alors, je chante ! Moi, j’en ai encore pour sept ans, ajouta l’autre poulet d’un ton funèbre.

Qui peut se réjouir du relèvement de l’âge de la pension ? Si les projets du gouvernement sont adoptés, vous n’entendrez plus dans les rues de sémillants pandores, la cinquantaine à peine passée, chanter Brassens ou Stromae. Dix ans plus tard, qui d’entre eux, croyez-vous, aura encore le coffre, le souffle et le cœur à chanter ?

Et à écrire ? C’est aussi à près de cinquante ans qu’Anthony Burgess arrêta son boulot pour se lancer à corps perdu dans l’écriture, son médecin lui ayant annoncé qu’il était sur le point de mourir d’un cancer du cerveau (il lui faudra encore trente ans). Sans sa prépension, on n’aurait jamais eu « L’Orange mécanique », portrait avant l’heure d’une certaine jeunesse ultra-violente et déchaînée. Ce sont les écrivains, messieurs et mesdames les ministres, qui nous racontent à quelle sauce on va être mangés dans le futur. Certainement pas vous. Alors, libérez-les, prépensionnez-les et laissez-les écrire ! Vous en apprendrez bien des choses. Surtout sur vous !

D’ailleurs, vous aussi, vous méritez une deuxième vie. Un exemple au hasard. Si Bart De Wever part à l’âge de mon gendarme de jadis, dans dix ans, c’est fini, il aura cessé de scier la branche sur laquelle ses ministres sont assis. En revanche, avec la nouvelle loi, vous en avez encore pour vingt et un ans à boire chaque matin son venin. Nul évidemment n’est tenu à s’arrêter. Dans vingt et un ans, à la petite fête donnée en l’honneur de la fin de carrière de Bart, le co-premier ministre de l’époque, Elio XVII, lèvera en son honneur le verre de l’amitié, en lui offrant une médaille noire-jaune-rouge vintage, un objet devenu très recherché. Il n’aura jamais que quatre-vingt cinq ans.

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HOMO ERECTUS ET MADAME

Est-ce une coïncidence ? C’est le jour où l’on célèbre la femme qu’on inaugure un refuge pour hommes battus. En plus, voilà qu’on annonce l’interdiction de la fessée. Que de mauvais coups contre les féministes !

Tant que l’homme dominait la société, il pouvait s’acquitter de son devoir. En rentrant le soir après le travail, juste avant la soupe et le journal télévisé, donner une bonne fessée à son épouse – on appelait ça un petit câlin. Il a suffi que la femme soit déclarée l’égale de l’homme pour que crac !, la fessée soit supprimée, déclarée hors la loi. Juste au moment où, après des siècles de domination, la femme, rentrant de son boulot, allait enfin pouvoir se payer une bonne tranche, déculotter son mari et hop ! petit câlin.

Est-il possible que les femmes parlementaires, qui réclament à corps et à cris la « tirette », aient accepté sans sourciller de ne plus avoir le droit d’ouvrir celle de leur copain ? Pour les distraits, la tirette est l’alternance hommes-femmes sur les listes électorales et non, hélas, quelque jeu ludique entre élus consentants. En politique d’ailleurs, on ne rit pas beaucoup. Depuis deux cents ans, les défaites se succèdent à Waterloo. L’arrivée enfin d’une femme à la tête de la commune va-t-elle rompre la malédiction ? On lui souhaite bonne chance tout en évitant de l’accueillir dans ses nouvelles fonctions en lui lançant le mot de Cambronne.

L’égalité entre les sexes est aussi mise à mal par les dernières découvertes paléontologiques.

Vous croyiez comme moi qu’en découvrant Lucy, on avait enfin exhumé le corps d’Eve, la mère de l’humanité ? Encore raté ! Cette pauvre femme n’était qu’une Australopithèque (comme disait le capitaine Haddock), une race pas assez chic pour figurer dans notre glorieux arbre généalogique. Le premier humain, désolé mesdames, reste ce bon vieil homo erectus. Erectus évidemment…

Sauf à imaginer qu’à une époque reculée, Lucy eut pu être elle-même vaginus et erectus à la fois (après tout, l’escargot est hermaphrodite ; pourquoi pas l’australopithèque ?), dans notre race dominante, rien à faire – pour le moment -, c’est le mâle une fois de plus qui emporte le morceau.

Je vous vois venir : et monsieur Thatcher ? Et monsieur Maggie De Block ? Et monsieur Angela Merkel ? Et alors, connaissez-vous leur vie privée ? Devant les caméras, d’accord, elles roulent des mécaniques. Mais, quand leurs maris poussent la porte du domicile conjugal, après le turbin, savez-vous qui fait quoi avant la soupe et le journal télévisé ? Et, des deux, qui a le plus gros salaire, monsieur ou madame ?

Il y a encore du chemin, mesdames, je le crains. Et aussi quelques livres saints (seins ?) à réécrire pour remettre Lucy et Eve à la place qu’elles méritent…

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GOOD NEWS

Vous n’osez plus ouvrir votre journal depuis quelques mois ? Le monde repeint en noir vous prend à la gorge ? Je partage votre sentiment. Et j’ai décidé de vous redonner le goût de l’actualité. Et quelques occasions de vous réjouir de ce début d’année 2015. En oubliant les attentats, les catastrophes, les meurtres et les guerres aux portes de l’Europe. Oui, il y a aussi de bonnes nouvelles.

Tenez. Les vacances de Bart De Wever. Parti aux sports d’hiver avec sa joyeuse famille, le président de la N-VA a réussi à n’agresser personne pendant toute une semaine. Entouré par un escadron entier de policiers, même s’il avait glissé sur la poudreuse, notre génie des Carpates et des Alpes réunies se serait heurté à un véritable mur humain. Tandis que quatre véhicules blindés, également envoyés de Bruxelles, l’empêchaient de se jeter sur d’autres skieurs. Le ministre de l’intérieur, décidément très prévoyant, avait même ordonné que l’escorte soit armée, ce qui aurait permis de l’abattre s’il n’y avait vraiment rien d’autre à faire pour maintenir intacte l’image de la Belgique.

Autre bonne nouvelle, l’indice électricité est au vert, comme le répète matin, midi et soir le bulletin météo.

Cet indice tout neuf, créé spécialement pour sortir les déprimés de leur torpeur, ne sert à rien. Il ne passera au rouge que si une succession d’attentats coordonnés faisaient sauter toutes les centrales en même temps une nuit de grand gel. Mais l’astuce est d’avoir compris combien il était rassurant pour l’auditeur d’entendre une non-information. Par les temps qui courent, le fait qu’il ne se soit rien passé est déjà une bonne nouvelle. Quel truc diabolique, ce fameux indice ! Les têtes pensantes d’Electrabel méritent l’oscar du meilleur scénario. Jamais plus, le gouvernement n’osera toucher à ses privilèges ou à une seule pièce d’or de son trésor de guerre. Sinon, gare ! L’indice passera à l’orange et, si votre sale main publique continue à fouiller ma poche, au rouge. Et là, panique garantie !

Mais que faire pour maintenir la bonne humeur lorsque l’hiver sera fini ? Avec l’arrivée du printemps, je suggère dans la même veine l’indice bourgeon vert. Là non plus, on ne court aucun risque. Dès la fin du mois, la météo annoncera l’arrivée de nouveaux bourgeons dans nos parcs et nos jardins. D’abord à la mer puis, peu à peu, le bonheur gagnera tout le pays. On peut faire illusion facilement pendant un mois. Après, faisons confiance à Electrabel. Elle trouvera autre chose pour faire peur. A moins que les banques ne sortent à leur tour de leur chapeau une idée lumineuse. Elles sont aussi imaginatives que notre électricien quand il s’agit de secouer les caisses de l’état.

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L’OR SE BARRE

Comme tout le reste, certains sports disparaissent en douce des tablettes olympiques. Pourquoi ? Mystère. A la trappe : le dressage des chevaux, le tir à la corde, le croquet, le criquet, la crosse, la pelote basque, le tir à aux pigeons ou le tandem à vélo.

A Rio en 2016, on annonce la disparition d’un des rares sports où la Belgique pouvait encore espérer décrocher l’or, la fraude fiscale.

Sauf à rêver que dans cinq ans, la Suisse, Monaco ou mieux le Liechtenstein soient désignés pour organiser les Jeux, on peut craindre que cette discipline va tomber à son tour aux oubliettes. Ou que, comme le tir aux pigeons, il ne s’exerce plus qu’en petit comité (non olympique), loin des foules, de la gloire et des récompenses. Si l’on ne peut plus toucher ni intérêts ni dividendes des investissements auxquels on a consenti pour être le meilleur au monde, à quoi bon encore concourir ?

Pendant des années pourtant, la fraude fiscale a été chez nous non seulement un sport reconnu mais surtout une activité largement populaire. Le train des petits porteurs partait plusieurs fois par jour de la gare du Luxembourg devant une foule ravie. Ne restent plus aujourd’hui que les restaurateurs pour tenter un dernier baroud d’honneur mais leurs lamentations ne remuent plus personne. Laissez-nous notre noir, crient-ils dans le désert. En vain.

Il est d’ailleurs assez piquant que l’administration fiscale ait baptisé de « boîte noire » la caisse « intelligente » qui enregistre leurs opérations alors que ce mot désignait jusqu’ici le tiroir dans lequel le taulier glissait les billets ni vus ni connus…

Votre journal favori a passé en revue cette semaine la liste de plusieurs de nos médaillés qui ont fait jadis la fierté de notre sport national. C’était peut-être une erreur de donner aux jeunes de si beaux exemples de réussite et de gloire d’artistes ou d’entrepreneurs partis de rien et devenus des vedettes dans leur domaine.

Heureusement, il nous reste quelques héros étrangers, venus notamment de France, attirés par l’expérience de nos coachs, la facilité de développer chez nous leur sport favori, sans compter, en cas de fatigue, la possibilité de trouver facilement quelques gouttes de pot belge.

Reste aussi un tas d’entreprises et de sociétés, surtout parmi les plus opulentes, qui poursuivent le plus légalement du monde cette grande tradition séculaire avec la bénédiction de nos autorités fiscales. On peut même parler d’un véritable sponsoring de leur part puisque certains bénéficiaires du « ruling » ont pu exonérer 90 % de leurs bénéfices en principe taxables.

Allez ! Les supporters ont encore de beaux jours devant eux. «  Waar is da feestje? Hier is da feestje.» «Tous ensemble tous ensemble hey hey hey !»

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LA LISTE DE MES ENVIES

En ces temps indécis, le réflexe naturel est de chercher au cinéma (comme dans les livres) l’explication de nos tourments, le mode d’emploi pour en sortir ou pour se sentir moins seuls. Mais, si le cinéma a souvent été le miroir du monde, il ne faut pas lui demander de réfléchir. Les films – ou livres – à messages sont généralement insupportables. Il est déconseillé de s’asseoir dans une salle de cinéma en agitant un écriteau. C’est inutile parce qu’il fait noir et puis ça gêne la vue des autres spectateurs.

Hitchcock disait qu’un film n’est réussi que si le méchant est réussi. C’est dire qu’il ne faut rien attendre d’un cinéma pavé de bonnes intentions…

Rien, vraiment ? Comme je suis aussi avocat, je m’empresse de soutenir à présent la thèse contraire !

Tenez, l’un des plus beaux films de 2014 (en lice pour l’Oscar du Meilleur film étranger) s’appelle « Ida » du Polonais Pawel Pawlikowski. Le film relate la recherche d’identité d’une jeune fille. Lorsqu’elle décide d’entrer dans les ordres, elle apprend soudain qu’elle est juive. Une mémoire effacée de force par sa propre famille. Comment doit-elle réagir ? Garder le couvercle fermé et oublier à son tour ce passé qui dérange l’ordre établi ou au contraire s’y plonger ? Y a-t-il sujet plus contemporain» ? Or, au lieu d’être un film à thèse, « Ida » est une œuvre magique pleine d’interrogations, de poésie et de tendresse malgré la noirceur du propos, une noirceur à faire grincer des dents.

Ce qu’on peut dire aussi de « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako (en course pour les Césars) ? Et ajouter que dans ce film-là, en plus, le méchant est réussi… Et que cette crapule-là, hélas, a encore de beaux jours devant lui pour animer des suites, remakes et autres retours…

La corruption, autre thème d’une terrible actualité (et pas seulement en Russie) est le sujet de « Leviathan » d’Andrey Zvyagintsev, nominé aux Oscars (mais pas diffusé dans son propre pays). Il concourt en lice avec l’incroyable « Relatos salvajes » de l’Argentin Damián Szifron (toujours sur nos écrans), une fable dangereusement hilarante et foutrement angoissante sur la violence dans nos relations quotidiennes.

Si le cinoche regarde notre monde tourmenté, que fait dans la sélection des Oscars (et c’est bien mérité !) le dernier film de Wes Anderson « The Grand Budapest Hôtel » ? Avec ce délicieux défilé d’images délirantes, fantaisistes et hors du temps, on semble cette fois loin du cinéma à thèse. Détrompez-vous ! L’univers de ce film faussement désuet et drôlement moderne rappelle singulièrement qu’on n’est jamais vraiment sorti de la terreur des années trente, celle qu’on lit dans les romans de Stefan Zweig, de Graham Greene ou d’Eric Ambler. Comme quoi, plus les choses sont graves, plus on rit…

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UNE HEROÏNE A DOUBLE NATIONALITE

Il est des moments où les hommes politiques ne brillent que s’ils ferment leur gueule. Mais, pour la plupart d’entre eux, c’est un effort insurmontable.

En comparant la déchéance de la nationalité belge de terroristes reconnus comme criminels à la déchéance de la nationalité française des Juifs par l’Allemagne nazie et le régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale, Rudi Vervoort n’a pas seulement fait preuve d’une stupide maladresse. Il est surtout tombé dans le panneau tendu par les Djihadistes : se faire passer pour des victimes.

C’est cette confusion qui est peut-être le plus insupportable dans les propos du président de Bruxelles : confondre le sort de vraies victimes de régimes fascistes avec celles de criminels condamnés par les tribunaux d’une démocratie.

Le bourreau repeint en victime, cette confusion hélas est à la mode. Le kamikaze qui se fait exploser au milieu de civils, dans un bus ou un marché, est célébré par certains comme un martyr, son nom honoré sur les réseaux sociaux, sa photo portée comme un trophée par des foules égarées. Tandis que ses victimes, surtout si elles sont nombreuses, forment une masse floue, indistincte, qu’on enterre discrètement comme si on devait être honteux de leur sort.

Dans la même veine, les assassins de Paris, de Toulouse ou de Bruxelles sont transformés en héros par quelques débiles qui se croient « radicaux » parce qu’ils affichent leurs effigies sur le T-shirt.

Jadis, les méchants assumaient leurs desseins diaboliques. On imagine mal Staline, Hitler ou Milosevic invoquer leur enfance difficile. Aujourd’hui, c’est la société elle-même qui paraît excuser les pires dérives. Comme si elle s’étouffait dans un sentiment de culpabilité. Le bourreau a par définition été élevé par une vilaine famille d’accueil, le coupeur de tête n’a pas vu son génie récompensé par son instituteur.

Si tous les laissés pour compte de la Terre devenaient assassins, il ne nous resterait plus qu’à filer dare-dare dans la fusée Rosetta pour finir des jours ensoleillés sur la comète 67P.

Autre solution, pour ceux qui ont le mal de l’air, lire toutes affaires cessantes, « Americanah », portrait d’une jeune femme qui explore ses deux nationalités avec gourmandise et dérision, malgré les énormes difficultés de naître noire et africaine sur une planète dominée par les Blancs. Son appétit de vivre, malgré sa situation précaire, sa personnalité de vraie combattante, quel remède de choc aux gémissements ambiants ! Passant du Nigeria à l’Amérique d’Obama avant de revenir dans sa terre natale, plus forte, plus drôle et plus incisive que jamais. Ce roman est signé Chimamanda Ngozi Adichie, un nom plus difficile à prononcer que celui de Rudi Vervoort mais que vous n’oublierez jamais.

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