VANDALES

Nouvelles tuiles pour le patrimoine de l’humanité. La destruction de la mémoire de nos civilisations est redevenue le dernier sport à la mode. Après l’anéantissement des Bouddhas géants de Bamiyan par les talibans et celui des ruines assyriennes de Nimroud par les déments islamistes de l’EI, ce sont les restes magnifiques de la cité romaine de Palmyre que ceux-ci veulent faire disparaître, et particulièrement le splendide temple dédié au dieu suprême de la cité, le dieu Bôl (et non Brol).

La tradition de cette fureur est ancienne et les agités du bonnet qui se réclament de ce pauvre Mahomet n’en ont pas le monopole. Les fous de dizaines d’autres dieux ont avant eux manié l’explosif, le burin ou le marteau, en tout cas ce qu’ils avaient sous la main pour faire disparaître les merveilles, temples, images, totems ou sculptures dont la contemplation empêcherait les braves citoyens de sauver leurs âmes. Bel hommage soi-dit en passant à la beauté puisque c’est elle qui a toujours fait peur aux vandales de tous poils, surtout les plus longs. Ce qui signifie qu’admirer la beauté ferait oublier Dieu, ce qui en dit long sur le physique qu’ils prêtent à leur Dieu. Plus proche de celui de Jaco Van Dormael que de Michel-Ange.

Sans remonter aux innombrables destructions ordonnées au nom du Christ pendant des siècles (et déjà à l’époque romaine), bibliothèques et bûchers, puis celles des abbayes et églises chrétiennes par les révolutionnaires français (injuste retour des choses), n’oublions pas que nous avons, nous aussi, une belle place dans le panthéon des merveilles disparues. Particulièrement à Bruxelles.

La destruction sans pitié d’une grande partie du centre de la ville pendant des dizaines d’années au nom du progrès et de l’hygiène pour construire la Jonction, les folies du schieven architek Poelaert, l’anéantissement du cœur populaire du quartier nord pour y construire un clone raté de Manhattan, la démolition de quelques joyaux de l’art nouveau, dont la Maison du Peuple, le palmarès de nos plus brillants hommes politiques est remarquable en la matière.

Et voilà que notre premier ministre s’y met à son tour (un barbu, il est vrai). En poussant même le vandalisme à son point culminant. Jusqu’ici, les destructeurs s’en prenaient aux chefs d’œuvre de leurs prédécesseurs. Charles Michel fait plus fort : c’est son propre patrimoine qu’il a décidé de ravager. Son programme électoral, sa Bible, jetés aux orties devant les caméras de télévision. La protection des salaires, des pensions, détruite comme une vulgaire statue romaine. Et ses anathèmes contre ceux qu’il considérait comme les pires iconoclastes, les affreux de la N-VA, effacés des tablettes. Que fait l’UNESCO ?

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DES PETITS TROUS, TOUJOURS DES PETITS TROUS…

Paraît qu’ils veulent faire un grand trou aux Marolles pour y mettre les bagnoles qui passent par là. Désolé, on vend de tout au Vieux Marché, de faux Magritte, des vrais trombones à coulisses, de fausses Licorne à moins qu’elles ne soient vraies. Mais, des bagnoles, non. Et on a besoin de paix pour boire sa pintje tranquillement sur la place du Jeu de Balles avant de repartir à la chasse aux trésors. Sans engins de destruction massive. Alors, smeirlap, pas touche au Vieux Marché, asteblieve ! Puute van de koech ! Et tes mains chez toi !

Non mais… Qu’est-ce qui leur prend aux édiles de ravager Bruxelles toutes les quelques années ? Et cela dure depuis cent ans. Cent ans de destructions, toujours pour un mieux, hein ? Sauf que, quand les travaux pharaoniques sont finis, ceux qui les ont subis ne sont plus là pour en profiter. Faillis, déplacés, morts. Et la génération suivante des habitants non plus. Parce que la génération suivante des politiques s’est mise à son tour en tête de nettoyer ce que ses prédécesseurs avaient bêtement laissé debout…

De la démolition du centre populaire entre l’actuelle gare Centrale et la gare du Midi par la construction de la Jonction à l’éradication du merveilleux Mont des Arts. Et à la re-destruction du centre populaire des environs de la gare du Nord pour le remplacer par un quartier qui sera comme New York, si, si, on vous le garantit, le Manhattantje. Ah ! Les beaux discours sur l’urbanisme de demain agitant l’image lyrico-pompeuse d’un Brussels on Hudson de ces politiciens faussement modernes, Van den Boeynants, Cudell et de leurs amis entrepreneurs-spéculateurs ! Résultat, trente ans de friches entre le canal et la place Rogier (à nouveau en plein travaux), l’allure de Dresde après le bombardement et, finalement, une série de tours immondes, énergivores, inhumaines et déjà obsolètes.

Pendant ce temps, la construction d’un viaduc ravageait tout sur son passage entre Rogier et la Basilique, puis rebelote quelques années plus tard avec la destruction de cette passerelle rouillée et rebelote encore avec un nouveau trou pour y glisser ce qu’on appelait fièrement le plus long tunnel de ville. Avec toutes ces « installations », pas besoin de chercher un musée d’art contemporain à Bruxelles, il est dans la rue…

Passons sur la destruction de toutes ces vieilles choses, telle la Maison du Peuple de Horta, magnifique cathédrale laïque, que le parti socialiste a fait raser pour laisser bâtir à la place une tour trapue qui abritait le ministre de la culture ! C’était évidemment l’époque où la mode était à la culture Ceausescu…

Si vous percevez dans ce billet de la rage pour ne pas dire de la bave aux lèvres, vous ne vous trompez pas ! Le ketje de Bruxelles aime sa ville comme la fritte aime la mayonnaise.

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