BXL DESTROY

Quand un ministre se plante, ce n’est jamais parce qu’il a fait une erreur –jamais. C’est à cause d’un défaut de communication. Ses collaborateurs ont mal expliqué son action, déformé ses propos. Dans son for intérieur, il pense surtout que les citoyens n’ont rien compris. Sont pas toujours malins, malins, les citoyens.

L’effondrement de l’économie dans le centre de Bruxelles, son image dégradée ? La capitale aussi est victime d’une mauvaise communication. La réalité est beaucoup moins noire que ne le racontent ces sacrés journalistes. Et les gens adorent gémir. De quoi se plaint-on ? Le métro ne roule plus depuis un mois en soirée alors qu’à Paris, il fonctionnait dès le lendemain des attentats ? Et alors ? Pas de métro est bon pour l’économie : cela oblige les gens à faire appel aux taxis qui justement se plaignaient de la concurrence d’Uber. Voilà la preuve qu’un secteur peut être sauvé par la crise sécuritaire. D’un mal, on fait un bien.

L’effondrement des tunnels, du viaduc ? Un autre exemple de mauvaise communication. Quel buzz aurait pu faire la région en transformant toutes ces catastrophes en opportunités, mieux en spectacles. Au lieu de décourager les automobilistes de traverser la ville et d’effrayer les touristes en jumelant Bruxelles avec Alep, un office de tourisme audacieux aurait dû fabriquer un événement : Bruxelles vous offre en direct la destruction de ses ouvrages d’art. On aurait installé des chaises devant le tunnel Stéphanie, devant Montgomery ! On attend la nuit, l’éclairage public éteint, pendant que retentit Wagner, crac, tout s’effondre ! Un show catastrophe magnifique avec son et lumières – et un peu de poussières d’amiante, sans doute mais on ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.

Les séances de la Chambre aussi auraient pu être métamorphosées en attractions, avec vente de tickets, boissons et photos dédicacés. Au lieu de cacher honteusement M. Jambon dans une petite salle de commission, il fallait l’exhiber à Forest national, organiser un face à face avec l’opposition en s’inspirant de « Règlement de comptes à OK Corral ». Avec de la poudre, de l’adrénaline, le bon, la brute et le truand.

Et Jacqueline Galant ? On avait sous la main Cat Ballou, Ma Dalton et Calamity Jane réunies et on l’a laissée partir sur la pointe de ses petits pieds ? Alors que, sur la scène, faisant face à une bande de cow-boys bien décidés à l’abattre, on aurait joué à bureaux fermés. Personne n’a pensé à ça ? C’est à s’arracher les cheveux !

La preuve une fois de plus de la place insignifiante de la culture en Belgique et du mépris dans lequel la tiennent les politiques. Alda Greoli a du pain sur la planche mais est-elle prête à mettre l’imagination au pouvoir ?

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TUNNELS MAL EMBOUCHES

A la sortie d’un tunnel, la circulation est totalement à l’arrêt, paralysée par un gigantesque embouteillage. À l’intérieur d’une des voitures immobilisées, un homme suffoque. Son habitacle est envahi de fumée. Malgré ses efforts, il ne parvient pas à ouvrir sa porte ni ses fenêtres. Les passagers des autres véhicules l’observent, indifférents. Enfin, l’homme parvient à grimper sur le toit et, miracle, il s’élève dans les airs.

Cette scène vous rappelle quelque chose ? Vous avez gagné ! C’est Rome en 1962. La première séquence de « Huit et demi » de Fellini. Et non pas Bruxelles 2016. Dans la capitale belge, la scène est impossible : il n’y a plus de tunnels. Ni de viaduc, ni de rues qui ne soient  envahies de chantiers qui ne se terminent jamais.

Au début des sixties, Rome étouffait sous les embouteillages alors que Bruxelles affichait fièrement les beaux tunnels qu’elle venait de bâtir pour l’expo 58 et qui assurait à la circulation automobile une fluidité que les autres capitales nous enviaient. Promenez-vous aujourd’hui à Rome. Le centre ville est un magnifique piétonnier où l’on déambule avec le sourire. Tandis que nos somptueux ouvrages d’art commencent à ressembler aux ruines du forum romain.

Nos ministres n’ont rien vu venir. Charles Picqué, qui a dirigé Bruxelles de 1989 à 2011 (avec quelques interruptions) souffre depuis l’enfance de myopie. Or, les fissures dans le béton des plafonds ne se remarquent pas d’en bas surtout quand on roule vite pour éviter la chute des pierres. La myopie, un mal répandu parmi les hommes politiques belges.

Pascal Smet (déjà ministre de la mobilité en 2003) ne circule qu’à vélo et donc jamais, il ne traverse un tunnel. Un ministre, ça respecte le code. Le dérapage est mal vu chez les hommes politiques belges.

Que faire maintenant ? Il n’y a plus de sous pour la mobilité. On a vidé la caisse pour dessiner des petits vélos sur les chaussées de la capitale, façon de donner l’illusion aux cyclistes qu’ils sont protégés, faute d’avoir l’audace de construire des sites propres. L’audace est mal vue chez les hommes politiques belges.

Il paraît qu’avec Rudi Vervoort, ça va changer. Les grands travaux, il connaît. N’a-t-il pas lancé le chantier d’un gigantesque nouveau stade de football dès son intronisation ?

Mais, question argent, foot ou tunnels, il faut choisir.

Le gouvernement régional pourrait s’inspirer d’Yvan Mayeur. En supprimant les voitures dans le centre ville, il a réglé le problème : plus de voitures, donc plus besoin d’entretenir la voirie.

Faire de la petite ceinture un piétonnier, doublé d’une piste cyclable ? C’est une option. Il y en a une autre : transférer le nouveau stade du Heysel à Louise. D’une pierre, deux coups, et qui ne tomberont pas sur le capot…

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DES PETITS TROUS, TOUJOURS DES PETITS TROUS…

Paraît qu’ils veulent faire un grand trou aux Marolles pour y mettre les bagnoles qui passent par là. Désolé, on vend de tout au Vieux Marché, de faux Magritte, des vrais trombones à coulisses, de fausses Licorne à moins qu’elles ne soient vraies. Mais, des bagnoles, non. Et on a besoin de paix pour boire sa pintje tranquillement sur la place du Jeu de Balles avant de repartir à la chasse aux trésors. Sans engins de destruction massive. Alors, smeirlap, pas touche au Vieux Marché, asteblieve ! Puute van de koech ! Et tes mains chez toi !

Non mais… Qu’est-ce qui leur prend aux édiles de ravager Bruxelles toutes les quelques années ? Et cela dure depuis cent ans. Cent ans de destructions, toujours pour un mieux, hein ? Sauf que, quand les travaux pharaoniques sont finis, ceux qui les ont subis ne sont plus là pour en profiter. Faillis, déplacés, morts. Et la génération suivante des habitants non plus. Parce que la génération suivante des politiques s’est mise à son tour en tête de nettoyer ce que ses prédécesseurs avaient bêtement laissé debout…

De la démolition du centre populaire entre l’actuelle gare Centrale et la gare du Midi par la construction de la Jonction à l’éradication du merveilleux Mont des Arts. Et à la re-destruction du centre populaire des environs de la gare du Nord pour le remplacer par un quartier qui sera comme New York, si, si, on vous le garantit, le Manhattantje. Ah ! Les beaux discours sur l’urbanisme de demain agitant l’image lyrico-pompeuse d’un Brussels on Hudson de ces politiciens faussement modernes, Van den Boeynants, Cudell et de leurs amis entrepreneurs-spéculateurs ! Résultat, trente ans de friches entre le canal et la place Rogier (à nouveau en plein travaux), l’allure de Dresde après le bombardement et, finalement, une série de tours immondes, énergivores, inhumaines et déjà obsolètes.

Pendant ce temps, la construction d’un viaduc ravageait tout sur son passage entre Rogier et la Basilique, puis rebelote quelques années plus tard avec la destruction de cette passerelle rouillée et rebelote encore avec un nouveau trou pour y glisser ce qu’on appelait fièrement le plus long tunnel de ville. Avec toutes ces « installations », pas besoin de chercher un musée d’art contemporain à Bruxelles, il est dans la rue…

Passons sur la destruction de toutes ces vieilles choses, telle la Maison du Peuple de Horta, magnifique cathédrale laïque, que le parti socialiste a fait raser pour laisser bâtir à la place une tour trapue qui abritait le ministre de la culture ! C’était évidemment l’époque où la mode était à la culture Ceausescu…

Si vous percevez dans ce billet de la rage pour ne pas dire de la bave aux lèvres, vous ne vous trompez pas ! Le ketje de Bruxelles aime sa ville comme la fritte aime la mayonnaise.

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