FINI DE RIRE !  

  Voyez la tronche que tire Donald Trump en apprenant sa victoire dans l’Iowa ! Aurait-il été battu par un des autres candidats républicains qui a eu l’audace de se mesurer à lui ? Pire, par une femme, la sémillante Nikki Haley, honte suprême pour Super Mec ? Mais non, Make America etc a fait carton plein. Alors, pourquoi cette tête des mauvais jours ? Les caucus l’ont plébiscité et il se comporte comme s’ils l’avaient trompé…

A sept mille kilomètres de là, à Bruxelles, la secrétaire d’état Nicole de Moor fait aussi la gueule, mais, elle, on la comprend. Les huissiers viennent de saisir ses principaux instruments de travail, la machine à café et le frigo de son ministère vu qu’elle s’est abstenue de verser plus de cent mille euros d’astreintes auxquelles elle a été condamnée. Des jugements qu’elle a aussi superbement ignorés qu’un flambeur de Las Vegas. 

Comment ses fonctionnaires pourront-ils encore imaginer de nouvelles mesures pour empêcher l’asile et la migration et concurrencer la politique prônée par le Vlaams Belang s’ils ne peuvent plus se réunir autour de la machine à café ? Au secours, la Belgique est menacée d’invasion étrangère à cause de la légèreté et de l’inconscience de ces huissiers !

 On peut se demander l’utilité de cette saisie. Que va rapporter la vente publique de ces précieux outils du ministère ? Sauf si la secrétaire d’état a oublié son or au fond du congélateur, les huissiers vont continuer à défiler rue Lambermont pour purger son impressionnante dette. Que leur restera-t-il à emporter ? Quelques exemplaires reliés pleine peau de la Convention des Droits de l’Homme ? Pourquoi pas ? La ministre n’en a manifestement pas d’utilité. 

Pendant ce temps, les êtres humains à qui elle refuse tout asile campent dans la rue. Ombres errantes guettées par le froid, que la neige risque de transformer en fantômes. Lorsqu’ils étaient encore plus ou moins vivants, Madame de Moor leur a refusé un toit. S’ils meurent, va-t-elle leur fournir l’abri d’une tombe ? 

Quelle influence aura sur leur sort la disparition de la machine à café et du frigo de Madame de Moor ? On peine à l’imaginer. Peut-être les huissiers auraient-ils mieux fait de couper le chauffage pour que les petites mains glacées qui aident Madame de Moor commencent à comprendre à quel sort elles ont voué ces hommes perdus, chassés par la guerre ou la dictature, qui espéraient juste un peu de solidarité humaine.  

  Il y a plus d’un point commun entre Trump et de Moor. Notamment le même mépris des décisions de justice. A-t-on jamais vu l’état belge condamné aussi souvent et aussi vainement ? Comment exiger des citoyens qu’ils respectent la loi si leurs dirigeants balaient les jugements comme de la poussière ?  

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UNE PUISSANCE MAGIQUE ET MALFAISANTE…

      Le meurtre de George Floyd a réveillé une Amérique qui, pendant près de quatre ans, a paru anesthésiée par son excentrique président. Jusqu’à ce que le covid 19 ravage New-York et quelques autres grandes villes du pays. On savait Donald Trump incontrôlable. Là, il s’est révélé aussi incapable de contrôle. L’épidémie a flambé malgré ses discours et ses tweets désordonnés. L’économie s’est effondrée et le chômage a flambé en quelques semaines. Fin de ce qu’il considérait comme les trophées pour sa réélection.

  Le racisme non plus ne se contrôle pas. Toute l’histoire des Etats-Unis est bâtie sur ce virus originel qui n’a jamais été éradiqué et contre lequel personne n’a pas trouvé de vaccin. A l’occasion de cette nouvelle bavure policière, on a rappelé la litanie de celles qui ont émaillé ces dernières années, y compris sous la présidence Obama. Ainsi que l’assassinat symbolique de Martin Luther King (quelques semaines avant celle de Robert Kennedy). Pour retrouver l’atmosphère délétère qui ravageait les Etats-Unis à la fin des années soixante, plongez-vous dans la remarquable série policière signée Kris Nelscott (aux éditions de l’Aube) dont le héros malgré lui est un Noir obligé de fuir Memphis après la mort du pasteur et de traverser un pays malade. 

  Mais nous, sommes-nous blancs comme neige ? Qui se rappelle que chez nous aussi… ? Ce sont des gendarmes belges qui ont étouffé une réfugiée venue du Nigéria. Semira Adamu a été tuée par notre maréchaussée le 22 septembre 1998. Elle avait vingt ans et s’était réfugiée en Belgique pour échapper à un mariage forcé dans son pays. Les trois pandores qui l’ont maîtrisée avec un coussin ont été condamnés à un an de prison avec sursis. L’un des officiers qui dirigeait l’opération à quatorze mois avec suris, son collègue, acquitté. 

Avons-nous vraiment des leçons à donner aux autorités américaines ? A leurs cops et à leurs magistrats ? 

  Autre perle locale, l’Union belge de football dont la commission des litiges a purement et simplement acquitté le Club de Bruges poursuivi il y a quelques mois pour les chants délicieusement racistes de ses supporters. On suppose que le confinement a permis à tous ces braves gens de regarder les images de Minneapolis, pour alimenter leur répertoire dès que la Grande Sophie les aura autorisés à revenir pousser des cris de singe. Un divertissement qui n’épargne pas les plus grands clubs européens. On dit que c’est l’enseignement qui va vaincre ce virus. Mais, plus la loi renforce l’instruction obligatoire, plus le racisme progresse dans la société ! Comme si se développait une espèce de fascination devant les actes et les  expressions racistes. Jonathan Coe le disait : « Il y a dans le discours du racisme une sorte de puissance magique et malfaisante ».

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2121. ITINERANCE MEMORIELLE BIS.

Nous sommes en 2121. A peine élu, le soixantième président des Etats-Unis doit faire face à une vague de polémiques, de manifestations et de controverses qui minent sa popularité. Ses amours adultères récemment rendus publics avec une femme-robot mariée à une machine russe pourraient même conduire à sa destitution.

Pour y faire face, le nouveau président a trouvé la parade : sortez les mouchoirs ! Il a convoqué les journalistes, en tout cas les plus complaisants, pour l’accompagner dans une Itinérance mémorielle. Des milliers de kilomètres de route. On mangera autour d’un feu  de camp comme les cow-boys de jadis et on dormira sous la tente, après des danses rituelles exécutées chaque soir à la nuit tombée par des Amérindiens. Une espèce de tournée de cirque à travers ce qui reste du pays pour célébrer une tragédie nationale qui permettra de resserrer les rangs, les boulons et les fesses derrière le chef.

Reste à choisir la commémoration qui puisse plonger le pays dans une bonne affliction générale. Et faire oublier ces bêtes histoires d’alcôves pour midinettes que de mauvais esprits tentent de transformer en affaire politique.

En 2120, la guerre civile de 1860 sera trop lointaine pour mobiliser les citoyens. Autant en emporte le vent ! Les multiples guerres auxquelles les Etats-Unis ont été mêlées depuis deux siècles se déroulaient sur d’autres continents.

Quel drame typiquement américain visiter alors pour galvaniser les troupes ? Pardi, les terribles ruines laissées par le quarantième-cinquième président, Donald Trump !

Le soixantième président ira déposer une gerbe de fleurs sur les quelques pans restants du mur érigé par son lointain prédécesseur à la frontière avec le Mexique.

Il emmènera ensuite les journalistes sur les quais de Chicago, désormais le principal port américain depuis que tous les états riverains de l’Atlantique ont été noyés par la montée des eaux. Petit discours au pied de la Statue de la Liberté, sauvée in extremis juste avant d’être engloutie par les flots et remontée sur la Jetée Navy. Avant un survol du Texas, devenu un désert, dans lequel quelques vieux derricks abandonnés, entre les cactus, rappellent de façon exotique le passé pétrolier.

Pour ne pas terminer le tour sur une note trop lugubre, on se retrouvera à Disneyland, précieuse relique de l’Amérique de jadis, celle de toujours. De quoi se sentir regonflé d’espoir sous la bannière étoilée entre Mickey et Cendrillon.

Et l’on chantera God bless America ! resté l’air national. Une composition, soi-dit en passant, signée Irving Berlin, venu de sa Russie natale avant de devenir l’un des modèles du génie américain. Un de ces immigrés qui ont sauvé les Etats-Unis et assuré sa grandeur…

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HOU !

Si vous aimez la musique de l’Amérique triomphante des années cinquante, ne manquez pas la réédition en un coffret de plusieurs albums de Rosemarie Clooney – oui, la tante de George-who else ? Elle fut une grande star à l’époque, qui enregistra du jazz (un magnifique album avec Duke Ellington) mais surtout de la variété avec grand orchestre et plein de cuivres. La voix grave et fraîche, entraînante et pétillante, elle se mit aussi aux rythmes à la mode, mambo et cha-cha-cha, qui la firent grimper en tête des hit-parades.

Avec les années soixante, les musiciens ont dû abandonner la musique sud-américaine. La « nouvelle vague » ne jurait plus que par le twist, le jerk et autres rythmes yéyé. Les goûts changent. Hier, dans le vent et si vite ringard. Bon gré, mal gré, tous les musiciens de l’époque ont changé de partitions sauf un, celui qui était chargé dans les orchestres de crier « hou ! » entre deux mesures pour relancer le rythme du mambo ou du cha-cha-cha. Un homme impossible à recaser. En réécoutant ce coffret, je songe avec nostalgie à ce musicien oublié, ce figurant essentiel laissé sur le carreau, sa seule spécialité ayant été balayée par la loi cruelle de la mode.

A-t-il trouvé un autre job ou a-t-il connu le destin de Johnny Weissmuller, abandonné par ses producteurs comme un jouet cassé lorsqu’il était devenu trop vieux pour jouer Tarzan et qui passait ses nuits à lancer son fameux cri dans les clubs de L.A. puis dans l’asile de fous où il avait été enfermé ?

A chaque génération, dans chaque métier, il y a un type qui fait « hou ! », un homme ou une femme qui connaît un bref moment de gloire avant de sombrer dans l’oubli, inutile et obsolète.

En politique, ce destin guette tous ceux qui ont semblé un moment porté par le courant vers les étoiles et qui sont retombés tout aussi sec dans la poussière. Leur discours enflamme les foules et, soudain, on ne sait trop pourquoi, il sonne creux. Jean-Marie Dedecker, par exemple, ceinture noire du populisme en Flandre, a fait « hou » (et même « hou ! hou ! fais-moi peur ! ») deux ou trois saisons avant de quitter le tatami, remplacé dans le rôle par Bart De Wever, qui chante la même chanson mais qui a délaissé le « hou ! » d’un autre temps pour un branding up to date. Ou Steve Stevaert, papillon éphémère et tragique du néo-socialisme flamand, qui s’est étalé quand il a tenté le grand écart entre la gauche de jadis et une espèce de libéral-modernisme aux contours flous.

On croise les doigts pour qu’Hillary Clinton ne connaisse pas un tel destin. Elle qui clame haut et fort : Allez, les filles ! On arrive, on se retrousse les manches et on dit aux mecs, bougez-vous de là ! Vous avez crié Hou ! trop longtemps !

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