UN PEU PEUR

   De quoi a peur Sergueï Lavrov, l’indéboulonnable ministre des Affaires étrangères de Poutine ? Pour que ce vieux diplomate, habitué à pratiquer une langue de bois châtié, se sente acculé à débiter des discours délirants sur la présence de nazis au sommet de l’état ukrainien. Puis obligé de justifier l’absurdité de ses accusations quand on lui fait remarquer que le président Zelensky est juif en balbutiant que les pires antisémites sont précisément juifs. Cela indique que le trouillomètre de ce pauvre Lavrov est sur le point d’exploser. 

 A-t-il à ce point peur de Poutine ? D’une piqure par un parapluie bulgare dans un couloir du Kremlin ? D’une pincée de poison dans le samovar du thé que lui sert sa maman tous les dimanches après le poulet-compote ? 

  Et Poutine ? La frousse doit lui avoir brûlé une partie du cerveau pour déployer une telle sauvagerie auto-destructrice – que restera-t-il de son armée après la guerre d’Ukraine ? 

Etrangement, lui aussi se réfère aux juifs. En dénonçant les sanctions infligées à son pays comme un véritable pogrom. On sait que les juifs ont souffert des Russes (et des Ukrainiens) pendant des siècles. Mais que Vladimir Vladimirovitch présente aujourd’hui son peuple comme des victimes juives, on se frotte les yeux.

   Tout le monde a peur en Russie, sauf un homme, Vladimir Ovtchinnikov, ce vieux peintre qui dessine des colombes sur tous les murs de sa ville, Borovsk. (Rassurez-vous, il a été condamné).   

  Mais il n’y a pas qu’en Russie et en Ukraine que règne la peur. Cet horrible sentiment se généralise sur toute la planète. En Chine, avec ce confinement brutal et inhumain face au covid. Chez nous où l’apocalypse climatique ne terrifie plus seulement les petites filles suédoises. Les deux années d’épidémie et ses mesures exceptionnelles, l’incompréhension devant ce mystérieux virus, sont-elles en partie la cause de cette angoisse ? 

   Regardez aussi la France. Les uns craignent Macron, les autres Le Pen ou Mélenchon. C’est la peur de disparaître qui pousse les uns à s’unir aux Marcheurs, les autres aux Insoumis, pas l’enthousiasme ni les convictions. 

En Flandre, les écolos cherchent un président désespérément. Peur encore d’assumer des responsabilités politiques.      

Une peur au moins est justifiée, la décision probable de la Cour suprême des Etats-Unis de revenir sur la légalisation de l’avortement. Qui ouvre la boîte de Pandore à l’effacement de tous les droits démocratiques si difficilement acquis. 

Si l’on doit craindre non seulement le futur mais aussi le retour vers le passé, où va-t-on ? 

Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi…

Le titre de cette chronique est de Félix F. (5 ans), excellent observateur de l’air du temps. 

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CUSTINE ET DEPENDANCES

   Pour le président russe, le Donbass fait partie de la Russie. Donc, on l’annexe. L’Ukraine aussi. Donc, on l’annexe. Du moins, on essaye – mais la bête entière est drôlement plus difficile à digérer qu’on ne l’avait cru. 

Pourquoi utiliser des canons plutôt que de demander simplement l’avis des habitants ? Pour le président russe, il n’y a pas d’habitants en Ukraine, sinon quelques fascistes égarés qui errent là-bas depuis la fin de la grande guerre patriotique. Dites donc, s’ils vivent toujours comme le prétend Vladimir Vladimirovitch, z’ont l’air drôlement en forme, tous ces centenaires. J’aimerais connaître leur secret. Yaourt bulgare ? Radiations de Tchernobyl ? Régime crétois ? Thalassothérapie dans la mer Noire ? 

S’emparer d’un territoire sans l’avis de ses habitants au nom de quelque vague lien pêché dans l’Histoire, est une vieille histoire qui n’arrête donc pas de se répéter. Le prétexte invoqué par Hitler pour bouffer Dantzig, les Sudètes, l’Autriche, puis le reste. Mais aussi le truc de Poutine pour annexer la Crimée. Et pour lorgner sur les états baltes. Et plus si affinités. Et nous, n’avons-nous pas aussi eu droit à notre Donbasstje avec les Fourons ? Toujours ce délire de la terre sacrée…

A croire que les dirigeants politiques manquent singulièrement d’imagination. Ils pourraient épargner le sang, les larmes et les armes en attirant les citoyens dont ils convoitent les terres par d’autres carottes autrement plus appétissantes. Les acheter, les séduire par de belles promesses, des lendemains qui enchantent. 

Imaginez que le Liechtenstein propose d’annexer la Belgique (se sentant un peu à l’étroit chez eux) en promettant de nous faire bénéficier de leur régime fiscal ? Il y en aurait que ça ferait réfléchir. 

Au nom de l’Histoire, pourquoi la Russie aurait-elle le privilège d’absorber l’Ukraine ? Avant elle, c’était une province romaine. Demandez aux Ukrainiens s’ils préfèrent être rattachés à Moscou ou à Rome…

  L’Autriche pourrait aussi prétendre à « récupérer » l’ouest de l’Ukraine. La Galicie était une des provinces de l’empire. Comme la Pologne qui l’occupait auparavant. Ces batailles successorales autour du patrimoine familial sont désespérantes, sans fin, sans issue. A ce petit jeu, la carte de l’Europe serait totalement chamboulée (nos cantons germanophones retourneront à l’Allemagne, le Luxembourg et Maastricht à nous), chacun ayant une carte qui prouve que c’est lui qui peut se proclamer l’héritier. 

Puisque Poutine aime tant l’histoire, glissons-lui à l’oreille cette observation du marquis de Custine, rapportée de son voyage en Russie (1839) : « le gouvernement russe est une monarchie absolue tempérée par l’assassinat. Or, quand le prince tremble, il ne s’ennuie plus ; il vit donc entre la terreur et le dégoût ».  

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LE COUP DE LA BAFFE

    Quel est le coût de la baffe ? Will Smith risque de payer assez cher celle qu’il a donnée en direct lors de la dernière Cérémonie des Oscars au comique régional, Chris Rock. Sa plaisanterie était d’un tel mauvais goût que, dans une société médiatique idéale, Chris Rock aurait quitté la salle pour reprendre à zéro ses cours d’Humour pour les Nuls. De là à lui flanquer une baffe ? C’est sympa quoiqu’un peu old fashion que le mâle saute de son cheval alors que c’est sa femme qui a été insultée. Adèle Haenel aurait été dans la salle, elle serait partie bruyamment. 

Reste cette histoire de gifle. Le Man in Black n’est pas le seul à qui les doigts démangent de temps en temps. Il n’y a pas qu’à Poutine qu’on aurait envie de flanquer une torgniole (mais il faut avoir le bras long vu la longueur de la table). 

Mais user de la violence pour défendre son honneur ou châtier l’imbécile est aujourd’hui inadmissible. Cela n’a pas toujours été le cas. Pour provoquer un homme en duel, on lui flanquait son gant sur la joue. A l’époque où la fessée et la gifle étaient recommandés pour l’éducation des enfants, Jules Renard prétendait qu’un « homme civilisé aime mieux recevoir un coup de poing qu’une gifle ». Et Courteline : « Il ne faut jamais gifler un sourd. Il perd la moitié du plaisir. Il la sent mais ne l’entend pas » …

Quand la gifle est-elle passée de mode ? Peut-être après cette déclaration d’Elizabeth Taylor : « Si vous m’entendez un jour parler projets de mariage, giflez-moi ! » 

Comme elle s’est mariée huit fois, on peut sans crainte de se tromper dater l’abandon officiel du système de la gifle du 6 mai 1950 lorsqu’elle a épousé l’héritier Hilton. 

Reste que l’histoire du cinéma adore les gifles et autres tartes à la crème envoyés à la figure. De Laurel et Hardy, champions merveilleux et indépassables de la tarte à la crème à la solide gifle de Jean Gabin à Pierre Brasseur dans « Quai des Brumes », on ne compte pas le nombre de gifles administrés même après le mariage de Liz Taylor. James Bond en est un grand amateur y compris à des dames (des méchantes évidement). Il y a aussi Lino Ventura, Richard Widmark à plusieurs reprises, notamment sur la pauvre Donna Reed dans « Coup de fouet en retour » (ah ! on savait gifler en ce temps-là ! Et sans état d’âme.) Il y a aussi Al Pacino dans Le Parrain, à Marlon Brando (qui ne l’avait pas volée) et à Diane Keaton. On entrait dans l’époque de l’égalité hommes-femmes. Ou encore la cascade de baffes la plus célèbre du cinéma, celle de Terence Hill dans « Mon nom est personne ».

Pourquoi un tel succès ? Tout simplement parce que ça fait tellement de bien au spectateur. Autant que lorsque Tom reçoit une enclume sur la tête, balancée par Jerry.      

Si tout est bon dans le cochon, tout n’est pas nécessairement mauvais dans la gifle. 

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COMMENT J’AI APPRIS A NE PAS M’EN FAIRE…

    Le meilleur film de Stanley Kubrick, Dr Folamour était sous-titré « Comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe atomique ». Dans la dernière scène du film, l’un des pilotes d’un B-52 lancé vers la Russie chevauche, tel un cavalier de rodéo, la bombe atomique qu’il vient de lâcher sur l’URSS. Et tout s’achève dans une lueur aveuglante.  

   Comme quoi, on peut rire de tout (et jusqu’à la dernière minute).

  J’espère que le président Poutine en est conscient lui qui, d’après ses photos, semble incapable de desserrer les dents. Allez, Vlad, une petite risette… Mais il ne comprend peut-être pas les sketches de Volodymyr Zelensky, époque stand-up, qui sont diffusés en ukrainien non sous-titrés sur des réseaux sociaux désormais inaccessibles aux citoyens russes depuis que le pays s’est enfermé dans une bulle médiatique étanche. Question que les téléspectateurs et les internautes n’aillent pas rigoler avec d’autres comiques que ceux désignés par décret du Kremlin. Le « retour » de l’Ukraine dans le giron russe ne présente pas que des désavantages : le public de Zelensky (revenu à son premier métier) devrait beaucoup s’élargir. 

  Entre Russes et Américains, on n’en est pas (encore) à se balancer des bombes atomiques sur la figure mais, comme le montre le film de Kubrick, un incident en entraînant un autre, le mécanisme de déclenchement d’une guerre nucléaire peut se dérouler bêtement et de façon irréversible (ce que raconte aussi le tout dernier roman de Ken Follett « Pour rien au monde », récit d’une guerre nucléaire contre la Chine survenant à la suite d’un enchaînement involontaire). 

  On veut croire qu’un seul homme ne détient pas le pouvoir d’appuyer sur Le bouton qui déclenche l’apocalypse, ni à l’est ni à l’ouest. Sinon, une simple erreur (Vlad qui souffre cette nuit-là d’insomnie croit allumer sa lampe de chevet mais il se trompe de bouton) et la lumière s’éteint définitivement. On imagine qu’il faut le passage par une procédure gérée par trois ou quatre généraux pour actionner le mécanisme fatal. On se dit que l’un d’eux, voyant la redoutable lampe rouge s’allumer, aura la présence d’esprit d’appeler un médecin psychiatre. On veut l’espérer en tout cas. En priant pour qu’il en soit de même aussi à Washington. Car ce n’est pas seulement au Kremlin que les nerfs peuvent lâcher. 

   En cas de véritable alerte nucléaire, comment réagira l’Europe ? Charles Michel devra en délibérer avec Ursula von der Leyen s’il trouve la clé du placard où l’on range les chaises des visiteurs. Quant aux ministres du gouvernement belge, après s’être concertés avec leurs vingt-sept homologues puis les gouvernements des régions et des communautés, ils devront attendre la réunion des congrès des sept partis de la coalition pour accorder leurs violons… 

Faites la bombe, pas la guerre.

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T’AS PAS VU SUPERMAN ?

  Dans son seul roman, étrange et passionnant, « Un Héros de notre temps » (publié en 1840), le romancier russe Lermontov fait dire par son personnage : « J’ai la passion innée de contredire les gens, toute mon existence ne fut en somme qu’une suite de contradictions malheureuses entre mon cœur et mon cerveau. La présence d’un homme enthousiaste me glace… »

  Ne dirait-on pas les premières lignes des futures mémoires de Poutine ? L’aveu de son étrange personnalité, héritée peut-être de son enfance très bousculée ou de sa double identité quand il vivait comment agent du KGB sous un nom d’emprunt à Dresde ? 

  Face à lui, se découvrent les vrais héros de notre temps. Rien à voir avec les super-héros qu’on applaudit quand ils sautent de façade en façade ou qu’ils emballent la ville dans une toile d’araignée, mettant les méchants hors d’état de nuire. Leur secret ? Ils ont des super-pouvoirs, tous les enfants d’Ukraine le savent. Mais ils ne sont qu’en deux dimensions, hélas. 

 Les vrais héros de notre temps, ce sont d’abord ces Russes, jeunes et vieux, qui défient Poutine, qui osent descendre dans la rue, défiler pacifiquement, criant leur opposition à la guerre menée en leur nom contre leurs cousins ukrainiens. Et qui se retrouvent en prison, emmenés par les Robocop du pouvoir, visages aussi masqués que Batman. 

Et ces écrivains, journalistes, artistes, profs, simples quidams qui osent signer des pétitions, s’exprimer sur ce qui reste des réseaux sociaux. Des graffitis sur la porte même de la Douma, cette assemblée ce couards. Ils savent pourtant qu’ils risquent de connaître le sort du plus célèbre opposant politique, Alexeï Navalny, empoissonné puis embastillé. Que Poutine se rappelle la phrase lancée par Unanumo, en 1936 à un parterre de franquistes : « Vous vaincrez, mais vous ne convaincrez pas ! » A quoi la salle répondit en lançant « Mort à l’intelligence ! » « Vive la mort ! »

   Autres super-héros de notre temps, tous ces résistants ukrainiens du président au simple plouc qui savent eux aussi ce qui les attend et s’en vont défier la mort. Qui sont écrasés par le feu aveugle qui rase leurs villes, détruit leurs pays, ravage le grenier à blé de l’Europe (et de la Russie), dévaste les ports, puis se relèvent et font face malgré leur impuissance, leurs moyens dérisoires.

   On cherche vainement un héros dans le paquet de dirigeants occidentaux. Ils diront qu’ils font ce qu’ils peuvent, qu’ils doivent nous protéger de la furie, ne pas provoquer l’ours russe pour éviter la tentation de l’anéantissement. Mais ils ne se dépassent pas. Ils n’affrontent pas. Ils laissent l’ouragan ravager l’Ukraine. Ils gèrent autant qu’ils peuvent. Merci, les gars. Mais on n’appelle pas ça du courage… 

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LA DIALECTIQUE NE CASSE PLUS DES BRIQUES

    La guerre d’Ukraine est aussi un miroir tourné vers nous-mêmes. 

  Ainsi de l’aide militaire de la Belgique : d’abord mise à l’étude par la ministre de la défense et le gouvernement quand l’Ukraine réclamait désespérément du matériel pressentant un assaut imminent de la Russie. Une fois, les tanks fonçant sur Kiev, on songe enfin à envoyer à nos « amis ukrainiens » des casques et surtout des jumelles. Des jumelles ? Pour observer quoi ? A Kiev, il suffit d’ouvrir la fenêtre pour voir les chars défiler sur les boulevards. Peut-être pour dialoguer avec Poutine. Il s’est placé au bout d’une si longue table, que la seule façon de le regarder les yeux dans les yeux, c’est avec des jumelles belges…

    Tout aussi pathétiques, les contorsions du PTB et d’un certain nombre d’ « intellectuels de gauche » nostalgiques qui, dans un vieux réflexe pavlovien, s’empressent de souligner qu’il ne faut pas se montrer « simplistes » à propos de la Russie. Echo de ce qu’eux ou leurs parents avaient déjà dit lors de l’invasion armée soviétique de la Hongrie en 1956 et de Prague en 1968. Ils ont oublié que le communisme est enterré en Russie, camarades ! Poutine fait ami-ami avec l’extrême droite de chez nous, Assad, les mollahs de Téhéran. Vous êtes libres de critiquer la Russie désormais ! Vous ne devez plus craindre de procès populaire. Ni d’être traités de fascistes par vos amis parce que vous critiquez la ligne du parti. Hélas, il n’y a de pire sourd que le vieux militant qui ne veut pas entendre. Son cerveau est habitué il est vrai à se mettre à genoux dès qu’apparaît l’ombre de Staline ou de ses émules. 

   La culture de Poutine, ce n’est pas la littérature bolchévique. Ce sont les westerns. Hollywood ! Nul n’est plus proche des Américains que lui. Il a été fasciné par cette réplique culte de John Wayne à un jeune gradé : « Si tu sors ton revolver, tu dois être décidé à tirer. » 

  Le président Zelensky, devenu héros malgré lui, avec une dignité que doivent lui envier la plupart des dirigeants du monde, a réhabilité un genre longtemps oublié, celui du comique troupier. Rendez-vous compte que son arrivée au pouvoir à Kiev, c’est comme si Fernandel était devenu président en battant de Gaulle (ou Coluche à la place de Mitterrand). 

Jadis, Guy Debord et ses amis soutenaient que la dialectique peut casser des briques. On sait maintenant que c’est l’humour qui peut démolir les dictateurs. 

PS : Dans « Retour à Lemberg », Philippe Sands retrace avec brio le passé chaotique de cette ville, aujourd’hui Lviv, tout près de la frontière polonaise. En retraçant le destin de quatre personnes qui y ont vécu avant et pendant la seconde guerre. Deux d’entre elles y ont inventé le concept de génocide. Coïncidence ?     

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SPAZIBO, VLADIMIR !

  Avis de tempête sur la campagne de Marine Le Pen. Elle rame pour engranger les parrainages nécessaires à la présentation de sa candidature, des proches la quittent pour se coller avec Eric Zemmour, qui la dépasse dans certains sondages et la disqualifie pour le second tour de la présidentielle. Même sa nièce prend ses distances avec elle après avoir abandonné son lien avec papy pour porter fièrement le seul nom de Maréchal. De là à rejoindre elle aussi Zemmour, il n’y a qu’un pas. Ne lui restera plus qu’à se laisser pousser la moustache et à sauver les Juifs français. 

   Tourne dans la tête de Marine la formule célèbre de Jacques Chirac, « Les merdes, ça vole toujours en escadrille ». Vers où se tourner à présent ? se demandait Marine Le Pen quand elle se souvint de son ami Vladimir Poutine. Le président russe l’a reçue spectaculairement en pleine campagne présidentielle de 2017 et plusieurs banques russes avaient octroyé des prêts à son parti alors que les banques françaises rechignaient à le financer. Poutine ne vient-il pas une fois de plus de montrer qu’il ne recule devant rien pour soutenir ses amis en reconnaissant d’absurdes mini-républiques de péquenots juste pour faire la nique aux autorités élues d’Ukraine ? Et d’envoyer des troupes russes pour assurer leur indépendance et accessoirement mitrailler les voisins de l’autre côté de la frontière dont le tracé n’est peut-être que provisoire.   

   Comment le camarade Vladimir peut-il aider son amie Marine ? 

   Il lui a proposé de combiner deux réussites historiques, la France libre du maréchal Pétain et les deux républiques populaires du Donbass. En cas d’échec à la présidentielle, Marine va déclarer l’indépendance de la Côte d’Azur – où son parti recueille quelques-uns de ses meilleurs scores. La suite du scénario est simple : dans un grand discours, Poutine qualifie le nouveau président français de fasciste, reconnaît la république du PACA (mieux vaut ne pas la qualifier de populaire », c’est mal vu dans le coin) et soutient sa demande d’adhésion à l’ONU, au Comité Olympique international et à la Fédération internationale de Pétanque. 

   Quelques troupes envoyées de Crimée par la mer Noire viendront renforcer le dispositif, officiellement pour protéger les nombreux oligarques qui vivent dans le coin. Et assurer la paix en France. Quelques milliers d’autres soldats viendront déguisés en membres des chœurs de l’armée rouge. Quand ils sortiront leurs kalachnikovs de leur costume de scène, il sera trop tard.  

PS : en attendant, c’est un vrai hommage en filigranes à la Belgique unie que rend Jan Bucquoy dans son nouveau film, « La Dernière Tentation des Belges » mêlant Wallonie et Flamands (avec un éblouissant Wim Willaert), où sa fantaisie iconoclaste se mêle de tragique, émotion et humour.       

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LA SEMAINE DES QUATRE JEUDIS

   Pendant que la Vivaldi nous joue la semaine des quatre jours, Poutine, beaucoup plus ambitieux, offre à ses soldats la semaine des quatre jeudis. 

   Allez, les gars ! On rentre à la caserne ! C’est la quille ! On s’est assez amusé à emmerder le reste de la planète ! 

   Seules les troupes venues d’autres régions de l’empire et emmenées en Crimée rechignent depuis qu’elles ont découvert les bords enchantés de la mer Noire. La Riviera rien que pour elles à perte de vue sans oligarques russes bling-bling sur la plage, qui se sont bêtement réfugiés sur la Côte d’Azur. Bien sûr, la météo à Yalta est à peu près la même qu’à Knokke, 8° et averses intermittentes. Mais c’est tout de même préférable que de passer la nuit sous la tente en face de Donetsk, dans le Donbass, à quelques mètres de la frontière de l’Ukraine. Ou sur cette humide et peu hospitalière île de Touzla dans la mer d’Azov, disputée par les deux pays. 

   Quel objectif poursuit le président Poutine ? Montrer que s’il fronce les sourcils, le président Biden restera les bras ballants ? On a compris que Poor Joe ne peut que faire la grosse voix, pas le coup de force. 

   A-t-il aussi voulu souligner que le président Macron et dans la foulée l’Union européenne n’ont guère de poids pour peser dans le cours des événements qui se déroulent sur notre continent ? On s’en était déjà rendu compte lors de la sanglante, affreuse guerre de Bosnie. 

   Que l’OTAN est un pachyderme asthmatique et fatigué ? Emmanuel Macron l’a déjà diagnostiquée en « état de mort cérébrale » il y a un an. 

   A-t-il lancé un avertissement aux ex-colonies soviétiques, états baltes, Pologne, Roumanie, et consorts que leur arrimage à l’Europe occidentale ne tenait qu’à un fil de fer ? Et que leur Histoire les a longuement et durablement associés (souvent pour le pire) à la Russie. Il en est de même pour l’Ukraine, une région aux frontières éternellement mouvantes, ballotée entre ses voisins depuis toujours et que la Russie regarde de haut. Selon un proverbe ukrainien : « Qui est assis au-dessus peut facilement cracher sur qui est assis en-dessous ». 

Toute cette agitation guerrière ressemble singulièrement à une plongée dans le passé séculaire de la Russie et de ses voisins. Comme le rappelle un autre proverbe ukrainien « qui remue le passé perd un œil, qui l’oublie perd les deux ». 

   Pourquoi le président russe, qui a beaucoup aboyé et agité les crocs, semble retourner vers la niche ? Et si c’était à cause d’une considération très terre-à-terre, la covid ? Les stratèges russes avaient tout prévu dans leur expédition sauf une chose, mettre une centaine de milliers d’hommes (et de femmes) ensemble sans les obliger à garder entre eux une distance sociale de 1,5 m. est un mauvais pari. Vaut mieux ne pas se battre à la fois contre le virus et l’Ukraine…

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SOUPE AU CANARD A LA RUSSE

    Dans le face-à-face entre les 100.000 soldats russes (certains parlent de 175 000) qui jouent à envahir l’Ukraine et les troupes de Kiev, il y a un étrange air de « déjà vu » qui évoque « la drôle de guerre », une image qu’on croyait désuète mais terriblement inquiétante.

    En septembre 1939, quand les Allemands envahissent la Pologne, avec la complicité de la Russie, la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne mais elles ne volent pas au secours de la Pologne (malgré un traité d’assistance mutuelle) qui les supplie en vain. A part une escarmouche en Sarre, les troupes françaises se terrent, comme au bon temps des tranchées, derrière la Ligne Maginot en attendant l’ennemi. Pendant des mois, les soldats, au fond de leurs abris, s’alcoolisent joyeusement en écoutant la radio, Maurice Chevalier et Charles Trenet. 

   Huit mois plus tard, l’armée d’Hitler lance son offensive et balaye les pauvres troufions français et britanniques, après avoir contourné cette bête Ligne Maginot en passant par la Belgique, ébahie et neutre. 

   L’Histoire se répète souvent deux fois, disait Karl Marx, « la première fois comme une tragédie, la seconde comme une farce ». 

   Ce qui rappelle qu’à la même époque, sortait sur les écrans « Soupe aux Canards », le film des autres Marx, les frères. Un puissant état, la Sylvanie, tente d’envahir son voisin, la petite Freedonia, dirigée par Groucho Marx. « Vous réalisez que cela veut dire la guerre ! » répète-t-il tout au long du film, pendant que ministres et ambassadeurs font semblant de négocier.  

    On ne sait pas encore quel rôle veut interpréter Poutine. On le sait idéal comme méchant de service. On ignore aussi que font depuis des semaines les dizaines de milliers de pauvres troufions dans l’hiver russo-ukrainien à trembler de froid sous la tente. A part boire de la vodka. Jeux vidéo ? Netflix ? Coupe d’Afrique de football ? Projection du « Cuirassé Potemkine » pour blinder leur moral ? Peut-être de « Soupe au canard » ? 

   On n’ose imaginer la soldatesque déferler sur l’Ukraine, comme elle l’a fait sur la Tchétchénie (où règne depuis un régime affreux), les victimes innombrables, les réfugiés (on s’y prépare en Belgique ?) 

   Poutine peut-il espérer sortir indemne de ce Kriegsspiel si le matériel militaire envoyé en hâte par les Occidentaux en Ukraine commence à faire des morts russes ? Cela finira-t-il comme la débâcle d’Afghanistan ? Ou comme le découpage de la Géorgie, où deux régions se sont détachées pour déclarer leur indépendance, poussées en sous-main par les Russes ? 

   Après une pandémie qui ressemble étrangement à celle qui a suivi la première guerre mondiale, va-t-on assister à une guerre qui singulièrement aux débuts de la seconde ? 

   Au secours, Marx, reviens, ils sont devenus fous… 

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BULLETIN DE SANTE

Pourquoi cette foule de jeunes Algériens proteste-t-elle avec tant de colère contre le renouvellement du mandat du président Bouteflika ? Si le seul choix qui est laissé aux citoyens est soit un militaire pétant de santé, de testostérone et d’agressivité, soit une momie en état de mort clinique, moi, je n’hésiterais pas. Et je crois ne pas être le seul.
Imaginez qu’à la prochaine élection russe, quelqu’un ait la bonne idée de présenter face à Poutine la candidature de la momie de Lénine, qui parierait à coup sûr sur la victoire de l’actuel président ? Avec la momie de Lénine président, pas de risque que l’os de son index n’appuie par mégarde sur le bouton atomique. Les décisions désagréables seront enterrées, les fossoyeurs jouant au ministre resteront muets comme une tombe. Sans instruction du sommet, tout sera figé, répression policière, armée, soutien au régime syrien. Ne pensez-vous pas vous aussi que Lénine est la meilleure solution d’avenir pour la Russie ?
Et en France ? Face à un Macron en berne, l’opposition toute entière ressemble à un vrai plat de nouilles. Un encéphalogramme plat. Il n’y a qu’un homme qui puisse réconcilier les Français et la politique ! Un seul. Jacques Chirac. Ils seraient nombreux à voter des deux mains pour son retour, à condition qu’il reste dans l’état dans lequel il est aujourd’hui.
Je conviens que mon projet a un défaut. Si les cadavres de Reagan, de Mao et de Franco reprennent également le pouvoir, aux côtés de Lénine et de Chirac, les sommets entre chefs d’état ressembleront à une visite du Musée Grévin. Mais n’est-ce pas déjà le cas ?
Et Trump. Vous ne lui trouvez pas mauvaise mine ? Son teint couperosé, sa choucroute maladive sur le crâne, ses annonces sans cesse contradictoires, son affection inquiétante pour le dictateur nord-coréen, tout ça sent le début de la fin. A moins que ce ne soit une habile stratégie, un truc, pour préparer sa réélection. En se présentant aux suffrages avec l’allure de Bouteflika, il a l’assurance d’être réélu les doigts dans le nez (ou ce qu’il en restera) ?
Ajoutons que l’âge ne fait rien à l’affaire. On peut être un jeune politicien et déjà en état virtuel de momie. Voyez du côté de l’Autriche. Sebastien Kurz, qui n’a même pas l’âge du Christ, et qui est déjà descendu au tombeau en se liant à des nostalgiques du pire de l’histoire de son pays. Tout comme son voisin Salvini, qui parviendra un de ces jours à faire regretter aux Italiens l’ectoplasme Silvio Berlusconi.
Tout ça pour dire, chers amis algériens, que vous regrettez peut-être de ne pas avoir à votre tête un Charles Michel (un chef sans gouvernement), un Netanyahu (un gouvernement dont le chef est menacé de prison) ou un Pedro Sànchez (ni chef, ni gouvernement). Mais vous faites peut-être fausse route. Réfléchissez-y.

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