NOUS, ON A REMCO…

L’Italie a la Meloni, mélange de populisme mêlé de gouaille des faubourgs romains, de promesses intenables et d’exaltation d’une Italie où il faisait bon vivre quand elle n’était soi-disant peuplée que d’Italiens et dirigée par un chef, un homme, un vrai. 

D’accord et bonne chance aux Italiens ! Mais nous, on a Remco…

La Russie a une armée trouée de toute part, comme ses pipe-lines, des citoyens qui s’enfuient comme des lapins, des armes atomiques en guise de dernier repoussoir et surtout elle a Poutine, un chef, un homme, un vrai.

D’accord ! Bonne chance aux Russes ! Mais nous, on a Remco…

En Iran, en Afghanistan, les femmes sont reléguées au rang de citoyennes de dernière zone, obligées de se cacher sous des voiles pour ne pas ternir l’image des mâles qui ont seuls le droit de vivre normalement et d’arpenter les rues, la tête haute et la barbe au vent. Quand les femmes se révoltent, on les arrête et même on leur tire dessus. Pendant ce temps, chez nous, certains brandissent le voile comme symbole de la liberté des femmes. Allez comprendre. Car, comment le cacher, là-bas, le pouvoir n’appartient qu’aux hommes, des chefs, des vrais. 

Dommage pour les Iraniennes et les Afghanes. Mais nous, on a Remco…

Une guerre souterraine se poursuit au Yemen depuis plus de huit ans qui a fait des centaines de milliers de morts dont beaucoup de la famine. Sans intéresser les médias. Mais les images changeraient-elles quelque chose à leur sort alors que cette guerre est devenue le champ de bataille entre dictateurs islamiques iraniens et bouchers d’Arabie saoudite. Qui se disputent pour prouver au monde qui d’entre eux sont les chefs, les hommes, les vrais.

D’accord. Mais nous, on a Remco…

L’extrême droite souffle un vent glacé sur l’Europe. De la Pologne à la Hongrie, de Flandre en Espagne, de Suède en Autriche. En France, en Italie, pour accéder au pouvoir, des femmes se sont emballées dans le drapeau néo-facho. Elles feraient bien de se rappeler que ces aventures politiques ne profitent jamais aux femmes. A la fin, apparaît toujours le chef, un homme, un vrai.

Tant pis pour elles. Nous, on a Remco… 

On ne va pas chipoter, on a aussi Wout Van Aert, les Belgian Cats, les Diables rouges, le plus grand nombre de ministres et de gouvernements au km 2 de toute la planète, les meilleures gaufres de Liège du monde qui se mangent chez Siska en Flandre, Manneken Pis, Angèle et Stromae. Tous des chefs, d’accord. Mais, avouez-le, cette année, on a surtout Remco…

Ce qui magnifie Remco c’est d’avoir arrêté le temps. A suivre ses exploits, on sort de cette succession de malheurs et de drames qui rythment l’actualité quotidienne. Il nous réconcilie avec le temps long, en se défonçant pendant des semaines à pousser sur ses pédales dans des décors éternels. On respire, enfin… 

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LAISSE-LE, C’EST UN FLAMAND !

  Dimanche au marché de Boitsfort. Le poissonnier a la tête d’un vieux marin ostendais, rouflaquettes, casquette et regard bleu froid perçant. Pendant qu’il découpe en filets deux magnifiques soles, il raconte : en sortant de mon camion garé dans la rue qui conduit à la place communale, je perds l’équilibre, je tombe et je m’étale sur la chaussée, incapable de me relever (il sort d’une opération à la jambe). Une dame s’avance pour lui porter assistance. Mais son mari la retient par le bras : « Laisse-le ! C’est un Flamand ! » 

Et le couple lui tournant le dos s’éloigne vers le marché, pour aller acheter du poisson, si ça se trouve ! Ma voisine s’écrie : « je parie que ces malotrus ne sont pas de Boitsfort ! »

L’histoire se termine grâce à deux policiers venus à son secours. (Et qu’il a fait remercier par l’administration communale). 

Mais peut-on dire que cette histoire se termine ainsi ? Ne faut-il pas se demander au contraire si cette réplique n’est que le début de l’histoire ? Où on va là ? Et si le poissonnier n’était pas seulement flamand mais aussi noir ou arabe ? Le « brave homme » lui aurait-il en plus roulé dessus ? Au fond, peut-être qu’il a eu de la chance de n’être que Flamand. 

Fut un temps où un chanteur fameux s’enorgueillissait d’être « noir, juif et borgne ». Il est vrai que Sammy Davis junior était membre du Rat Pack de Frank Sinatra. Il ne devait pas se sentir tout seul en cas d’agression… 

La prochaine fois, notre poissonnier a intérêt à venir à Bruxelles accompagné de son requin !  

On peut se réjouir dans certains cas de « la libération de la parole » si à la mode depuis quelques années. Mais elle n’est manifestement pas un remède universel contre le racisme, la haine et la connerie.

D’où vient que cet homme se soit écrié spontanément, sans réfléchir : « c’est un Flamand » ? Pourquoi n’a-t-il pas dit plutôt à sa femme : « Arrête ! C’est un poissonnier ! » (pas terrible le jeu de mots, excusez-moi). 

Ou : « N’avait qu’à pas participer au réchauffement climatique avec son diesel en pleine COP. » (Un peu sophistiqué peut-être pour ce bonhomme sans doute venu en SUV). 

Et son épouse ? Il n’est plus de bon ton de s’acharner sur une femme mais je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi elle a obtempéré. Comment se fait-il qu’elle ne se soit pas retournée, ébahie, vers son mari : « C’est un Flamand ? Bon. Mais alors ? »

D’ailleurs comment avoir deviné que le poissonnier n’est pas né à Ecaussinnes, Oslo ou Jehay-Bodegnée ? S’est-il écrié « Podferdeke ! » en s’affalant sur le sol ? 

Si ça se trouve, le bonhomme s’est même vanté sur sa page Facebook de son exploit. Encore un bel endroit où la parole se libère, tiens. « J’ai même réussi à mettre un Flamand genou à terre. » Je ne vous dis pas le nombre de « like » qu’il va récolter…

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LA PLUIE FAIT DES CLAQUETTES

  Jadis, les vieux grognons disaient des jeunes troublions « il leur faudrait une bonne guerre ! » 

  Maintenant, alors que le feu brûle un peu partout sur la planète, on a envie de crier aux excités de tous poils et de toutes religions : « Il leur faudrait une bonne drache ! »

   Au lieu de gémir d’un mois de mai pourri, de terrasses ouvertes aux quatre vents, où il est interdit de se protéger même derrière du plexi, consolez-vous en regardant ce qui se passe dans les régions où le soleil tape dur sur le crâne et où la météo est uniformément bleue, Palestine et Israël, Arabie saoudite et Yémen, Birmanie, Afghanistan, j’en passe et des meilleures destinations exotiques… 

   Et saluez la drache et le vent en songeant qu’il est difficile d’envoyer des missiles sur son voisin quand on est obligé de s’accrocher des deux mains à son parapluie ou courir pour se mettre à l’abri…

   De là à conclure que le réchauffement climatique a aussi un effet néfaste sur les relations entre des états jusqu’ici en paix, il n’y a qu’un pas. Songez aux conséquences politique périlleuses qu’il y aurait pour des nations froides et pluvieuses, donc paisibles, de se transformer en fournaises. Vive la drache ! Voilà un argument supplémentaire qui justifie que l’on se batte pour le climat. Certains écologistes devraient y songer, revenir à leurs fondamentaux et lutter pour la préservation de la planète plutôt que se lancer dans des surenchères électorales et se battre pour que les femmes restent voilées dans les administrations publiques (racontez ça aux femmes iraniennes ou arabes, vous verrez comme ça leur fera plaisir) ou pour faire l’apologie d’organisations terroristes au Proche Orient.

   A ce propos, revenons au ciel… On a l’impression quand il est couvert que les dieux se préoccupent moins de ce qui se passe chez nous quand des voiles épais de nuages leur obscurcissent la vue. Et on s’en réjouit ! 

« Un petit coin de parapluie contre un coin de paradis » chantait jadis Georges Brassens. Aïe ! Cette proposition indécente, me souffle-t-on, n’est plus politiquement correcte… 

Vaux mieux ne pas parler du Proche Orient, ni des relations hommes-femmes. La vie devient difficile pour les chroniqueurs même s’ils ont cru choisir un sujet neutre et de saison, la pluie !  

PS : la pluie est le moment idéal pour plonger dans les livres oubliés de votre bibliothèque rêvée. Question pluie, Graham Greene en connaissait un rayon, lui qui nous entraînait dans des pays tropicaux où la drache est chaude et moite (lire notamment « La Saison des Pluies »). Ajoutez-y « L’inondation » de Zamiatine. Et pour vous sécher, rien ne vaut « L’amour en saison sèche » de Shelby Foote, récemment réédité. 

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NAPOLEON TÊTE A CLAQUES

  Selon un sondage récent dans les asiles psychiatriques de France et de Belgique, un fou sur quatre se prend pour Napoléon. En revanche, pas un seul ne prétend être Jean-Luc Dehaene, Angela Merkel ou Charles Michel – même pas le général de Gaulle. Quelles conclusions en tirer ? 

Que les chefs d’état arrivés au pouvoir par la force et qui ont régné par le sang sont plus aimés que ceux qui doivent leur position à une élection démocratique ? 

Les chefs de guerre qui ont ravagé l’Europe, conduit des campagnes cruelles et sauvages, semé la mort et la désolation, balayé soldats et civils comme les pions d’un échiquier, ont laissé plus de traces dans l’histoire, tels Hitler ou Staline (qui sont aussi les chouchous des malades mentaux), que les gouvernants sages qui ont assuré à leurs citoyens pendant leur règne calme et prospérité. Joe Biden, si tu continues comme ça, tu risques une page blanche dans les livres d’histoire !  

Autre explication au succès de Napoléon auprès des fous : peut-être sont-ils fascinés par son Code civil, le principal tribut de l’empereur au droit (un succès dans toute l’Europe), aujourd’hui encore la pierre angulaire de notre droit privé. 

On admire l’empereur pour son Code. On s’extasie sur sa pérennité, la pertinence de ses règles en oubliant que le texte d’origine, tel que l’a promulgué Napoléon en 1804, est aujourd’hui illisible, inacceptable. Car un grand nombre de ses dispositions sont politiquement incorrectes et même hautement inflammables. Notamment toutes celles relatives à la femme. 

Soumission au mari, statut comparable à celui des enfants mineurs, etc. Un texte plus touchy que « Dix petits nègres », « Tintin au Congo », « Le Fanatisme de Mahomet » de Voltaire ou « La divine Comédie » réunis. Mais, s’agissant de fous, n’est-ce pas justement le côté politiquement incorrect de l’empereur qui les impressionne ? On peut comprendre qu’en découvrant que les textes de leur empereur chéri aient été tellement transformés, modifiés, retournés, ils se mettent dans un état qui les conduise tout droit à la camisole de force. 

Ils ont beau crier aux infirmiers : « Libérez-moi ! Je suis Napoléon, votre empereur ! », rien à faire. De toute façon, qu’avez-vous encore à dire après Waterloo ?  

Et la défaite de Bonaparte se poursuit. Voilà que son Code, morne code, va à présent interdire la fessée et les claques. Bonaparte et Sade, son contemporain, doivent se retourner dans leur tombe. Tout fout le camp !      

PS : Est-ce une coïncidence si le meilleur accusateur (et le premier) de Mao et de sa révolution culturelle, notre compatriote Simon Leys, se soit intéressé à Napoléon ? A qui il consacre son seul roman « La Mort de Napoléon » (Espace Nord). 

FEMMES PERDUES DANS UN TUNNEL

  Les femmes ont été à l’honneur cette semaine, a-t-on proclamé ici et là la bouche en cul-de-poule. Est-ce si sûr ? 

Faut-il célébrer comme une grande victoire féministe, le changement de nom du tunnel Léopold II  bombardé Annie Cordy ? 

Tandis que le boulevard en surface, éclairé par le soleil et peuplé de milliers d’habitants, reste dénommé Léopold II, son sous-sol effrayant, pollué, fermé chaque fois qu’on a envie de s’y aventurer, se voit collé le nom d’une femme. Dr Freud, sors de ce tunnel ! 

Pourquoi ne pas avoir donné le nom d’Annie à un music-hall (dépoussiérant par exemple l’Ancienne Belgique), à un parc, une fontaine ? A l’heure du politiquement correct tous azimut, l’interprète de « Cigarettes, whisky et petites pépés » méritait d’être mieux à l’honneur pour tous les dérapages qu’elle a glorifiés ! 

Bon, j’avale une petite gorgée et je reviens à vous. Où en étais-je ? Ah oui, les femmes ! Une autre lady à l’honneur cette semaine, Meghan Markle. Qui dénonce l’étouffoir corseté des palais et entourages royaux britanniques. Elle n’avait pas lu la moindre bio de sa pauvre belle-mère, Lady Diana, avant de signer ? Elle a découvert le mode d’emploi une fois plongée dans le smog londonien ? Son mari, le prince Harry, se tient drôlement mieux avec son épouse que son beau-père mais cela n’a pas empêché, dit-elle, des propos racistes lorsqu’elle attendait son bébé. Dans un pays où la majorité des électeurs ont voté pour le Brexit en imaginant que l’empire allait surgir comme par magie du néant, on imagine que dans les couloirs de Buckingham, certains croient que la reine Victoria règne encore sur le monde. 

Autre femme belge en vedette, notre ambassadrice en Arabie saoudite. On se disait que c’était une sacrée provocation de notre ministre des affaires étrangères (une dame) d’avoir envoyé Dominique Mineur dans les sables du Moyen Orient. Pas du tout. Notre diplomate a célébré la journée des droits des femmes en vantant les « changements fantastiques » en la matière. Quelle mouche l’a piquée ? A Ryad, l’alcool est interdit, non ? La famille de Loujaine Al Hazlthoul (condamnée et torturée pour avoir prôné la liberté pour les femmes dans son pays) est installée chez nous. Loujaine est docteur honoris causa de l’UCL. Elle a dû apprécier les bonnes paroles de la Belgique officielle, la révérence à la politique du prince BMS. Dieu sait quels discours tiendra Madame Mineur quand elle sera nommée en Chine, à Hong Kong, en Iran ou au Yemen. 

Faudrait plutôt faire représenter la Belgique dans le monde par nos merveilleuses athlètes Nafi Thiam et Elise Vanderelst, auréolées de leurs médailles, championnes souriantes, assurées, et tellement craquantes en noir-jaune-rouge. Allez, les filles !

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DANS LES BAGAGES DE KAMALA

     Elles sont enfin là, les femmes noires américaines, sous les spots et au premier rang. L’arrivée de Kamala Harris à la Maison Blanche met en lumière toutes ces femmes qui ont, parfois de façon souterraine, façonné la culture des Etats-Unis. Fabriqué l’âme de ce pays énervant et fascinant, excitant et décourageant, parfois raciste et toujours cosmopolite. Une culture qui a imprégné le reste de la planète. Nous d’abord. Car notre imaginaire serait complètement différent sans la littérature, le cinéma, la musique américaines. 

   La musique, c’est-à-dire le jazz, évidemment. Une musique créée et développée par les minorités, pas seulement les Noirs. Mais ce sont eux qui ont régné, développé, magnifié le genre. Eux ? Et elles ! C’est la musique qui a fait sortir de l’ombre les femmes noires. Car femme et noire, c’était (cela reste) la double peine –aux Etats-Unis autant que chez nous.

Le jazz a permis à quelques étoiles brillantes de sortir de leurs quartiers, d’arpenter les plus grandes scènes, même si en coulisses, elles ont dû batailler toute leur vie, alors qu’elles étaient au sommet de la gloire, avec les discriminations, hôtels, restaus, quartier, bus, interdits d’entrée aux Noirs (si bien racontées dans le film Green Book de Peter Farrely).

Pianistes de génie (Marie Lou Williams), trompettistes à vous secouer l’âme (Valaida Snow), elles sont aussi les plus grandes chanteuses du vingtième siècle (Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billie Holiday, Nina Simone, Aretha Franklin et celles qui ont suivi, stars de la soul, de la pop).

   Être femme noire et s’imposer aussi en littérature, il fallait être une solide battante, une vraie championne de catch. Toni Morrison, prix Pulitzer puis Nobel de Littérature au nez et à la barbe de quelques vieux Blancs. Fille d’une femme de ménage et d’un soudeur, petite-fille de métayers, qui avaient fui l’Alabama (un état qui a voté Trump à 62 %) pour se réfugier en Ohio (qui a voté Trump à 53 %). 

Symbole de la mondialisation, Chimamanda Ngozi Adichie partage sa vie et sa carrière entre Lagos et Washington. Son roman « Americanah » est un portrait ravageur, caustique et enlevé, de la condition noire actuelle aux Etats-Unis. « En débarquant de l’avion à Lagos », écrit son héroïne de retour d’Amérique, « j’avais l’impression d’avoir cessé d’être noire ». 

   Vous voulez encore des citations ? De Toni Morrison : « C’est ça, l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je te parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde. »

Et de Kamala Harris : «  Je pense juste qu’il est important de ne pas se prendre trop au sérieux. »

   Une vraie profession de foi pour une femme de couleur qui accède au sommet de la première puissance du monde. Quelques mecs devraient en prendre de la graine…

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UNE DECOUVERTE MAJEURE

    Sans viser le Prix Nobel de physique ou de médecine, la découverte que j’ai faite pendant l’épidémie de Corona-virus mérite plus d’attention et de curiosité que celles qu’ont montrées les chefs de la police et le ministre de l’Intérieur après la mort de Jozef Chovanec dans les locaux de la police aéroportuaire de Charleroi. 

  Je me plaignais depuis des années du comportement erratique de ma montre bracelet favorite. Malgré mes exhortations, elle s’arrêtait systématiquement deux fois par jour. Aucun horloger n’a jamais réussi à expliquer le phénomène. Jusqu’au premier jour du confinement, où cette montre a soudain renoncé à ses caprices. Depuis, elle me donne fidèlement l’heure exacte jour et nuit sans plus reprendre son souffle dans la montée ni m’abandonner en rase campagne.  

  Une seule explication à cette réparation miraculeuse : la Covid 19. En voyez-vous une autre ? Je suis tout prêt à croire à une intervention divine ou à celle de Saint Eloi (le saint patron des horlogers) mais pourquoi ces braves gens auraient-il attendu le débarquement du virus chinois pour prendre ma montre en mains ? Ecartons aussi le hasard. « Plus on prête attention aux coïncidences, plus elles se produisent » a écrit Nabokov.  

  Cet événement scientifique me conduit à penser que ce fameux virus tant décrié a peut-être d’autres effets bénéfiques. Et qu’il faut bien réfléchir avant de tenter à tout prix de l’éliminer.

  Tenez, les interventions policières. Obligé de respecter les distances barrières, quel policier, même violent (il y en a dans notre royaume idyllique me dit-on), oserait encore mettre sa santé en danger en caressant de trop près la bouche ou le cou d’un suspect, au risque d’être infecté par les postillons d’un client dont il tente de couper le quiqui ? 

Et le Mouvement Me Too ? Terminé ! Vous êtes tranquilles, les filles ! Aussi longtemps que se propage le Corona, les femmes seront à l’abri des mâles assoiffés de câlins abusifs. Le masque rend le baiser aussi appétissant que l’ingestion d’un vieux morceau de carton mouillé et l’effleurement de la peau féminine ressemble désormais à une tentative de suicide ou de meurtre.  

  A l’école, on se plaignait depuis des lustres des classes trop peuplées et des locaux trop exigus. Il a suffi de l’arrivée de la petite bêbête chinoise pour que tout se décoince. En une seule rentrée scolaire, les enfants bénéficient chacun d’une bulle qui leur permet de respirer à une distance respectable de leurs petits camarades et on a trouvé soudain des locaux pour multiplier les classes.  

  Seule ombre au tableau, comme l’écrivait Albert Camus, « l’honnête homme, celui qui n’infecte presque personne, c’est celui qui a le moins de distraction possible »…

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EN MÊME TEMPS

Pendant la campagne présidentielle, on s’est beaucoup moqué du tic d’Emmanuel Macron, truffant ses discours de « en même temps ». Qui trop embrasse mal étreint, prédisait-on. Il dit tout et son contraire ! Or, l’expression de Macron était peut-être tout simplement la traduction française de la formule qu’on enseigne dans les écoles de commerce et de gestion : privilégiez le « win-win ».

Le win-win est devenu le remède à tous nos maux, plus seulement dans la vente d’aspirateurs. En politique, Churchill avait galvanisé la population britannique face aux nazis en promettant « du sang et des larmes ». Depuis, cette méthode est passée de mode et détruit qui ose l’employer. On a vu le sort des politiciens grecs quand ils ont tenté de convaincre leurs citoyens de se serrer la ceinture et le reste avec un revolver (euro-allemand) sur la tempe. Balayés. Comme Gorbatchev avec sa « glasnost » lorsqu’il a voulu rendre le régime communiste transparent. En voyant à quoi ressemblait vraiment leur société et leur économie, les Russes l’ont immédiatement éliminé, lui et son parti.

De nos jours, il faut que l’électeur se sente gagnant pour que l’homme ou la femme politique le soit aussi. C’est ça le truc magique de Macron. Les riches vont être plus riches et vous, les pauvres, vous le deviendrez aussi grâce au ruissellement d’or d’en haut vers en bas.

Cette même théorie qu’il tente de fourguer maintenant aux Allemands. Plus de pouvoir aux autorités européennes, c’est « en même temps » plus de prospérité pour tous les pays de l’Union. Ce qu’on traduit à Berlin par : plus de taxes en Allemagne, plus d’argent allemand se perd dans les poches trouées des états du sud et de l’est de l’Union.

La formule du « en même temps » gagnant s’est mondialisée. En Birmanie, les dictateurs militaires ont réussi « en même temps » à glisser Aung San Suu Kyi au gouvernement et à poursuivre la répression cruelle des Rohyngias.

En Arabie saoudite, les femmes ont désormais le droit de conduire leur bagnole mais, en même temps, l’obligation de porter le niqab – la preuve va être assez vite apportée que les femmes tuent plus que les hommes au volant.

Chez nous, aussi le « en même temps » a été adopté par le gouvernement Michel. « Nous menons une politique migratoire ferme mais humaine » a déclaré le premier ministre devant un portrait de Théo Francken, entouré de bougies. « Humaine » parce que nous ouvrons nos parcs aux réfugiés. Et ferme puisque, avec l’arrivée de l’automne, nous les renvoyons dans les prisons du Soudan chauffées aux fers rouges.

Pourquoi Charles Michel n’appliquerait pas aussi cette règle à son secrétaire d’état ? Humain : il ne renvoie pas Théo en Flandre. Ferme : il intervertit ses fonctions avec celles de Pieter De Crem. Pieter qui ?

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TOUTES VOILES DEHORS

L’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme sur le port d’un signe religieux laisse une impression de flou. Les juges européens ont prudemment botté en touche tout en admettant qu’un règlement d’entreprise peut interdire qu’une employée affiche ses convictions.

Lorsqu’une femme décide ou accepte de se voiler les cheveux, on pourrait dire : c’est son affaire après tout ; de quoi je me mêle ? Cette femme sait qu’elle vit en Europe occidentale, qu’elle peut laisser ses beaux cheveux au vent et regarder les hommes dans les yeux. Dans une société qui essaye de combattre les discriminations, qui proclame, sanctions à l’appui, l’égalité entre hommes et femmes, où une dame peut marcher devant ou à côté de son homme et pas derrière lui, où elle peut porter le short comme son mari, jouer au foot, afficher ses tatouages comme lui et comme lui porter la barbe – ah non ! ça elle ne peut pas ! Si elle préfère jouer les soumises, c’est sa liberté. Chacun ses préférences sexuelles.

Je me rappelle de ma surprise quand j’ai découvert jadis à Anvers certains de mes coreligionnaires déambuler, vêtus comme des paysans polonais endimanchés du dix-huitième siècle. Pourquoi ces naïfs imaginent-ils que Dieu les écoute avec plus d’attention qu’un type en jeans ou en bermuda ? Pourquoi s’exclure de la société dans laquelle ils vivent et s’enfermer volontairement entre les murs d’un ghetto alors que les cosaques chevauchent à des milliers de kilomètres du Meir et de l’Escaut ?

D’un autre côté, on voit des hommes sérieux les autres jours de l’année se déguiser en Gilles de Binche et lancer des oranges ou des bourgeois bruxellois se maquiller en Noirauds et quêter dans les restaurants huppés de la capitale sans appeler la juridiction européenne au secours.

Reste qu’on ne peut se retenir parfois d’un sentiment de malaise devant ces femmes qui refusent les droits acquis après de longs combats et qui préfèrent subir les servitudes d’un autre âge. Exactement comme mes copains d’Anvers.

Or, ce malaise devient une arme contre ces hommes et ces femmes mais aussi contre nous tous quand elle tombe entre les mains de ces politicards qui ont fait de l’interdiction de la différence leur principal argument électoral. Leur promesse de nous rendre tous pareils une fois arrivés au pouvoir fait froid dans le dos. Surtout quand on réfléchit à cette question : à qui vont-ils nous faire ressembler ? Chez les islamistes, tous les hommes doivent porter une barbe hirsute et les femmes se momifier sous des linceuls noirs. Et chez Geerts Wilders (et ceux qui ont piqué ses idées) ou Marine Le Pen ? Les hommes devront-ils avoir la tête d’André Gilles ou de Frederic Daerden ? Et les femmes, celle de Marine Le Pen ou de Madame Chapeau ?

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LES FEMMES SAVENT POURQUOI

Il y a un peu plus de trente ans, Françoise Giroud disait : La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente.» Dommage que cette magnifique chroniqueuse, à la plume aiguë et piquante, ne soit plus là pour célébrer les exploits de Jacqueline Galant. Avec son talent, elle en aurait fait une véritable héroïne, la meilleure femme politique d’Europe puisque la plus maladroite.

Marguerite Duras aussi nous manque. « Coupable, forcément coupable » aurait-elle écrit pour célébrer la patronne de Jurbise et la transformer en icône. Avec elle, la mobilité n’a certes pas progressé d’un pouce mais la cause féminine, si. Faut choisir.

Le rapport parlementaire sur l’état des tunnels bruxellois conclut à la responsabilité de tous les ministres régionaux successifs, ainsi que de l’administration. Lorsque tout le monde est responsable, personne ne l’est. C’est un des trucs habituels qu’utilisent les hommes pour se tirer des flûtes. Heureusement, il y a au moins une femme dans le tas qui en profite, Brigitte Grouwels qui, question compétence, n’a rien à envier à notre spectaculaire mais ex-ministre fédérale de la mobilité. En voilà encore une qui fait sortir la cause des femmes du tunnel.

L’égalité annoncée par Françoise Giroud montre cependant ses limites avec Joëlle Milquet. Une femme dont les capacités et les compétences sont reconnues même par ses pires ennemis (et question ennemis, personne n’est plus compétente qu’elle !)

A sa place, un homme aurait-il été traité de la même façon ? Aurait-il été inculpé aussi sec pour ce genre de (mé)faits comme si aucun membre de cabinet n’a jamais participé à la campagne de son boss ? Et aurait-il été dans la foulée débarqué avec le même entrain (comme dit madame Galant) ? Il est vrai qu’en Belgique, on aime brûler ceux dont la tête dépasse. Tant pis pour les écoles et l’éducation, sans doute le secteur le plus essentiel pour changer notre société et sauver la prochaine génération. Les cahiers au feu et Joëlle au milieu !

La Belgique n’a pas la médaille en matière de féminisme politique. Demandez aux parlementaires brésiliens ce qu’ils pensent de leur présidente et si, au lieu de Dilma Rousseff, c’eût été Lula au pouvoir. Se seraient-ils dressés contre lui de la même manière, avec la même hargne et aussi rapidement ? L’élimination de Dilma se court comme le cent mètres, celle de Lula aurait au moins pris l’allure d’un marathon doublé d’une course d’obstacles et complété par une finale de triathlon.

Une fois de plus, une seule femme tire son épingle du jeu, Angela Merkel ! Elle surmonte les épreuves les plus improbables avec la grâce d’une antilope et l’intelligence d’un dauphin. Au-dessus du lot, des hommes – et des incompétentes ! Allez, Angela !

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