ZERO EST ARRIVE

  « Le Soir » du 2 octobre 1998 annonçait en bandeau « Deux Belges sur trois veulent régulariser les sans-papiers ». Que sont devenus tous ces Belges qui voulaient que la Belgique revoie complètement sa politique d’asile ? 

  Désormais, les politiques se battent partout en Europe comme aux Etats-Unis pour diaboliser les étrangers, les expulser, fermer les yeux sur les camps atroces où nous chargeons Libyens, Tunisiens, Turcs de nous en débarrasser. 

  Il y a quelques jours, le président Macron faisait entrer au Panthéon les époux Manouchian, héros étrangers qui se sont battus jusqu’à la mort avec la résistance française et contre ces « bons Français » qui pactisaient avec les nazis. 

  Salutaire mise en garde alors que tous ceux qui bavent pour monter au pouvoir ont fait de l’immigration l’explication de tous nos maux. 

Avec pour image choc, le fantasme du grand remplacement. Le Vlaams Belang en a fait son cheval de bataille lors de ses congrès où la haine de l’étranger sert à galvaniser les militants (« une vermine importée qui verse dans la délinquance » évolue dans « des ghettos où règne la charia » pour citer quelques propos qui ont servi de zakouskis aux débats). 

Peu à peu, les partis démocratiques se laissent gangrener par ce type de discours. On l’a vu lors du vote de la loi immigration en France il y a quelques semaines. Ou en entendant les déclarations de la N-VA qui s’essouffle à courir derrière l’extrême droite flamande en refusant désormais d’accepter tout nouveau demandeur d‘asile. « Notre objectif, c’est zéro » a clamé Théo Francken. Zéro est arrivé ? C’est ainsi que le parti conservateur veut rattraper ses électeurs tentés vers encore plus à droite que lui. Pauvre Bart De Wever obligé de faire le grand écart, en tentant de tenir un discours de chef d’état pour ne pas se couper de ses futurs partenaires d’un gouvernement qu’il veut diriger tout en laissant les grandes gueules de son parti plagier les slogans de son redoutable concurrent. 

Béni soient les immigrés, se disent en secret tous ces grands tacticiens. C’est grâce à eux qu’ils espèrent décrocher la timbale. Pourvu qu’ils continuent d’affluer d’ici le dimanche des élections !

Il faudrait parfois rappeler à Théo Francken, Tom Van Grieken ou Filip Dewinter que leurs ancêtres sont venus eux aussi d’Afrique chasser les populations locales qui vivaient à l’époque en Flandre. Et à Trump que, sans les dizaines de millions d’immigrés qui ont envahi l’Amérique et massacré ceux qui y habitaient, il ne serait pas aujourd’hui à vitupérer contre ses voisins pour revenir hanter la Maison Blanche. 

On est toujours l’immigré de quelqu’un. Mais les homo sapiens plus que les autres animaux de la planète…

www.berenboom.com

DRÔLES DE DRAMES

    La France est suspendue depuis des semaines au vote de la réforme des retraites. La question mobilise toutes les énergies, la une de tous les medias, les discours de tous les politiques. Les trains ne roulent plus, les poubelles inondent les rues tandis que les gilets jaunes se préparent à revenir joyeusement par la cheminée. Tout ce charivari, bruits et fureur pour empêcher le report de l’âge de la retraite à 64 ans. Que se passera-t-il dans quelques années quand la Belgique aura annexé la France, importé ses lois et que, devenus belges, les Français découvriront que l’âge de la retraite est de 67 ans ? Ils se jetteront à nouveau dans les rues mais en criant cette fois : « Macron, reviens ! Les Belges sont devenus fous ! » 

   On s’étonne un peu de la violence de la réaction de la rue en France sans que personne ne semble se demander si dans 64 ans, il y aura encore quelqu’un sur terre pour demander de bénéficier d’une pension et à qui ? 

   Oui, que restera-t-il de la planète bleue noyée sous la mitraille, l’acier et le feu ? Ce qui frappe ces dernières semaines, c’est l’explosion de la fabrication des armes. Des armes, jusque là bien emballées, qui servaient à dissuader mais qu’on sort des cartons pour le feu d’artifices. 

La terrifiante et interminable guerre en Ukraine n’explique pas tout. Il y a aussi l’achat de sous-marins nucléaires par l’Australie, qui se méfie de la Chine, la hausse spectaculaire des budgets militaires des Chinois qui se méfient des Américains et des dépenses militaires des Etats-Unis qui se méfient de tout le monde. Sans compter les dictatures africaines qui en ont besoin pour mater leur population, affronter des rebelles de tous poils ou créer des troubles chez leurs voisins. Rayon développement massif des armements, on imagine que les Russes ne sont pas en reste. Sur tous les continents, les usines d’armement tournent à plein régime. 

Dire qu’on s’était étonné du « pognon de fou » distribué, « quoi qu’il en coûte » par les gouvernements un peu partout pendant la pandémie pour que personne ne sombre. Mais ce n’était que roupie de sansonnet face à la flambée des dépenses militaires. Avec cette interrogation au passage : d’où vient tout ce pognon ? Et où se cachait-il ? Alors que chez nous, par exemple, on ne trouve pas une petite enveloppe pour ouvrir immédiatement des centres de refuge décents pour demandeurs d’asile. On pourrait peut-être suggérer à la FN de les financer sur les bénéfices qu’elle doit être en train d’engranger ? 

    « A force d’écrire des choses horribles, s’écrie Michel Simon dans « Drôle de Drame » (où il joue le rôle d’un écrivain), les choses horribles finissent par arriver ». Un sérieux avertissement qui avait été lancé deux ans avant le début de la deuxième guerre mondiale. Vous trouvez la coïncidence bizarre ? Bizarre ? Vous avez dit bizarre ? 

www.berenboom.com

EMBRASSSONS NOUS FOLLEVILLE !

   Enfin, la Saint Valentin ! Avec ce qui nous est tombé sur le coin de la notche depuis le début de l’année, alors qu’on croyait avoir déjà fait le plein de calamités en 2022, on tente de se convaincre que, dès la semaine prochaine, on va enfin recommencer à respirer. Le temps d’une journée en tout cas. 

    La fête des amoureux… Rêvons un peu et embrassons-nous, Folleville ! comme le proposait le génial Labiche. Qui, il est vrai, a aussi écrit La poudre aux yeux… 

    Mais où fêtera-t-on ce mystérieux saint qu’on ne saurait voir puisque le pape Paul VI l’a rayé du calendrier liturgique romain ? Sans doute pas en Turquie et en Syrie, accablées par les convulsions de la croûte terrestre. Saint Valentin n’est pas une fête musulmane. En Russie non plus, hélas. La Saint Valentin n’est pas une fête orthodoxe.  

  Côté belge alors ? Avec les élections qui s’approchent (un an en politique c’est à la fois un siècle et une seconde), on ne peut pas s’attendre à ce que couple flamand-wallon oublie tout et s’enlace. Hélas, l’amer est au programme des prochains mois. Et on ne va pas se marrer. D’autant que les revendications des uns et des autres sont vagues. Suffisamment pour susciter la tempête. Les partis extrémistes flamands se déchaînent, promettant l’apocalypse si on n’obéit pas à leurs diktats flottants. Mais, même si nos tanks n’ont pas été envoyés en Ukraine, rassurons-nous, ils ne sont pas en état d’envahir les plaines wallonnes. Même pas d’avancer jusqu’au prochain garage. 

  Méfions-nous aussi des signaux incompréhensibles. Ainsi de ces ballons d’apparence si sympathique envoyés par la Chine. Que signifiait ce délicat lâcher ? Une façon de clôturer les fêtes du nouvel an chinois ou le signe qu’ils participaient eux aussi à la joie des amoureux ? Comme ils n’y ont pas accroché de petit mot ni de bonbons, les Américains n’ont pas attendu le 14 février pour les couler au fond de l’Atlantique. L’amour vache… 

   Une preuve de plus qu’on ne se comprend plus quand on parle d’amour ?  Pour Poutine, ses armées ne font pas la guerre. Ils ramènent à la maison les cousins du sud tant aimés. 

  Le mot amour il est vrai a de multiples acceptions plutôt contradictoires. L’Amour est un fleuve qui sépare la Chine et la Russie et dont le tracé a servi de prétexte à une guerre entre les deux pays en 1969. 

  L’amour est aussi un poisson blanc nuisible, une bête moche, qui détruit la flore des lacs et des rivières et qu’il faut éliminer. 

   L’erreur est peut-être de limiter l’amour à un seul jour de l’année. Comme il y a une journée mondiale des câlins, des droits des femmes, du yoga, des lépreux, de l’épilepsie, du thon et même du rouge à lèvres. Décidons que désormais, l’amour c’est tous les jours. A bas la Saint Valentin ! 

www.berenboom.com

DANS LA PEAU D’UN NOIR

  Comment se glisser dans la peau d’un Noir américain ? Deux romans parus récemment permettent ce tour de passe-passe même à un Belge blanc. Car la littérature explique plus que jamais, plus qu’à d’autres périodes, le monde étrange, nerveux, violent de ce siècle. 

Les multiples tragédies qui ont ensanglanté ces dernières années la communauté noire montrent que, malgré les grandes avancées de l’intégration dans les années soixante, et même depuis le passage d’un président noir dans le bureau ovale, le fossé entre Noirs et Blancs reste profond aux Etats-Unis. C’est un des grands défis qui attend le duo Biden-Harris. 

   Dans « Jazz à l’âme » (éditions Delcourt), William M. Kelley nous entraîne sur les pas d’un petit aveugle devenu musicien de jazz dans l’après-guerre. Un peu avant le début des sixties, où se situait le superbe film de Peter Farrelly il y a deux ans. « Green Book » suivait la tournée d’un pianiste noir réputé et respecté à New York dans le Sud profond où il se heurtait au racisme brut, hôtels et restaus séparés, mépris, violence policière. 

Ludlow, le héros malheureux de Kelley n’a même pas ce vernis. Il est né pauvre, dans le Sud. Il connait ce statut de citoyen de troisième zone. Mais, devenu jazzman reconnu, il découvre que dans le Nord, le racisme est sans doute beaucoup plus hypocrite, plus gris, mais tout aussi profondément enfoui dans la vie quotidienne, la culture américaine. 

L’intrigue du nouveau roman d’Attica Locke « bluebird, bluebird » (éditions Liana Levi) est contemporaine. A l’occasion d’un double meurtre dans une petite ville du Texas d’une femme blanche et d’un homme noir venu du Nord, Attica Locke plonge le lecteur parmi les péquenauds de toutes les couleurs de ce coin de l’est du Texas (voisin de la Louisiane).

 La ligne Mason-Dixon tracée il y a deux cents ans entre les états esclavagistes et ceux du Nord existe toujours, en tout cas dans la tête d’un certain nombre d’habitants du Sud. Ecoutez le Redneck, suspecté par le Ranger (noir) venu enquêter : « Il pensait qu’en dehors du Texas le monde était un cloaque où régnaient la mixité sociale et la confusion sur l’identité des bâtisseurs de ce pays, les négros et les latinos tendant les mains pour mendier, sans fournir une seule journée de travail correct. »

Le portrait du rapport Noir-Blanc dans cette cambrousse du Texas vient compléter celui qu’Attica Locke avait déjà dressé dans ses trois précédents romans, tous admirables (parus chez Gallimard, dont « Marée noire »). Qui ont aussi pour décor, sinon pour personnages, le Texas (Houston dans deux d’entre eux) et la Louisiane (pour le troisième). 

Quand certains affirment de façon péremptoire et agaçante qu’il faut être Noir pour parler de la condition des Noirs, ils n’ont pas toujours tort. La preuve par ces deux romans superbes ! 

www.berenboom.com

DANS LES BAGAGES DE KAMALA

     Elles sont enfin là, les femmes noires américaines, sous les spots et au premier rang. L’arrivée de Kamala Harris à la Maison Blanche met en lumière toutes ces femmes qui ont, parfois de façon souterraine, façonné la culture des Etats-Unis. Fabriqué l’âme de ce pays énervant et fascinant, excitant et décourageant, parfois raciste et toujours cosmopolite. Une culture qui a imprégné le reste de la planète. Nous d’abord. Car notre imaginaire serait complètement différent sans la littérature, le cinéma, la musique américaines. 

   La musique, c’est-à-dire le jazz, évidemment. Une musique créée et développée par les minorités, pas seulement les Noirs. Mais ce sont eux qui ont régné, développé, magnifié le genre. Eux ? Et elles ! C’est la musique qui a fait sortir de l’ombre les femmes noires. Car femme et noire, c’était (cela reste) la double peine –aux Etats-Unis autant que chez nous.

Le jazz a permis à quelques étoiles brillantes de sortir de leurs quartiers, d’arpenter les plus grandes scènes, même si en coulisses, elles ont dû batailler toute leur vie, alors qu’elles étaient au sommet de la gloire, avec les discriminations, hôtels, restaus, quartier, bus, interdits d’entrée aux Noirs (si bien racontées dans le film Green Book de Peter Farrely).

Pianistes de génie (Marie Lou Williams), trompettistes à vous secouer l’âme (Valaida Snow), elles sont aussi les plus grandes chanteuses du vingtième siècle (Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billie Holiday, Nina Simone, Aretha Franklin et celles qui ont suivi, stars de la soul, de la pop).

   Être femme noire et s’imposer aussi en littérature, il fallait être une solide battante, une vraie championne de catch. Toni Morrison, prix Pulitzer puis Nobel de Littérature au nez et à la barbe de quelques vieux Blancs. Fille d’une femme de ménage et d’un soudeur, petite-fille de métayers, qui avaient fui l’Alabama (un état qui a voté Trump à 62 %) pour se réfugier en Ohio (qui a voté Trump à 53 %). 

Symbole de la mondialisation, Chimamanda Ngozi Adichie partage sa vie et sa carrière entre Lagos et Washington. Son roman « Americanah » est un portrait ravageur, caustique et enlevé, de la condition noire actuelle aux Etats-Unis. « En débarquant de l’avion à Lagos », écrit son héroïne de retour d’Amérique, « j’avais l’impression d’avoir cessé d’être noire ». 

   Vous voulez encore des citations ? De Toni Morrison : « C’est ça, l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette personne libre dont je te parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien dans le monde. »

Et de Kamala Harris : «  Je pense juste qu’il est important de ne pas se prendre trop au sérieux. »

   Une vraie profession de foi pour une femme de couleur qui accède au sommet de la première puissance du monde. Quelques mecs devraient en prendre de la graine…

www.berenboom.com

SUPERMAN 19

  Au milieu du tohu-bohu dans lequel nous entraîne à nouveau la vilaine bêbête 19, une lueur d’espoir permet de ne pas verser dans le stress et la désespérance comme tant de gens autour de nous. Ce halo d’optimisme s’appelle Donald Trump. 

  Les détestables experts qui gèrent nos vies depuis quelques mois ne parlent que des effets négatifs de la Covid, de la mort. Jamais de ses effets positifs. Or, le passage de la bêbête sur Trump montre que ces experts nous cachent le meilleur. 

  Madame Covid, dix-neuvième du nom, est capable de transformer un vieillard épuisé, qui a des difficultés respiratoires – et plus toute sa tête- en Superman. 

  Depuis son passage par l’hôpital, on ne reconnaît plus le candidat républicain à l’élection présidentielle. Mister America pète les flammes, vole au-dessus de la foule dans sa grande cape bleue, fait plus de cabrioles verbales que jamais et promet d’embrasser tous les « guys and beautiful women ». Il a rajeuni de vingt ans. 

Dommage que Trump n’a pas couru le Tour de France. Lui n’aurait pas laissé d’improbables Syldaves prendre la Grande Boucle en otage au nez et à la barbe de nos vaillants p’tits gars. 

  Ce qui fait dire à quelques mauvaises langues que si le peloton des favoris s’est montré si amorphe, c’est que Trump avait fait dérober par ses services secrets toutes les réserves de pot belge, comme il promet de le faire des vaccins contre le coronavirus. 

  La seule différence entre Trump et les autres super-héros, c’est qu’il est le seul à laisser tomber le masque. C’est même ainsi qu’on le reconnaît. Car pour le reste, il affiche les mêmes super-pouvoirs que Batman et les autres et il compte bien donner à Joe Biden le baiser mortel de la Femme-Araignée. 

  Pendant ce temps, les cimetières américains ont accueilli plus de deux cent mille morts du coronavirus. So what ? La guerre de Sécession en a laissé plus de sept cent cinquante mille sur le carreau. Elle n’a pas empêché l’économie américaine de repartir aussitôt et de plus belle. On n’est donc pas étonné d’avoir entenduTrump, dès le mois d’avril, promettre à Wall Street le retour du business as usual. A Pâques. Puis pour l’Independance Day, puis pour le Labor Day. Maintenant, ce sera pour Noël. Mais, à condition, qu’il soit élu. Car avec le président Biden, c’est sûr, ce sera moins drôle. Fini les promesses, les projets délirants, la lune et les étoiles.  

  Certes. Mais une fois la page Trump tournée, on dira, comme Louise Glück (la nouvelle prix Nobel de Littérature) dans un de ses poèmes : « Rien n’a été perdu : tout a été détruit. »

  Et on enfoncera le clou avec Emily Dickinson : « Nulle trace – nulle fiction- de ce qui hier éblouissait » (dans « Car l’adieu c’est la nuit »).

www.berenboom.com

TOUS ADOS

    Léopold II n’avait jamais rêvé de devenir une idole des jeunes plus d’un siècle après avoir passé l’arme à gauche (son seul passage par la gauche). Car, aimé ou haï, être au centre des polémiques, c’est le véritable signe des icônes. C’est aussi ce que doit se dire Colbert, redevenu lui aussi une star inattendue alors qu’on l’avait un peu perdu de vue depuis son passage dans les aventures du « Vicomte de Bragelonne » (Alexandre Dumas nous avait pourtant prévenus que le type était nettement moins sympa que d’Artagnan). 

   La lutte contre l’esclavage, le colonialisme, la violence sur les populations dites indigènes ? On a cru d’abord que les grands mouvements de colère de ces derniers jours contre un certain nombre de momies en bronze en Belgique, en France, la dénonciation d’honorables figures du passé données jusque là en exemple à nos chères têtes blondes (évidemment), marquaient le réveil d’un grand mouvement antiraciste en écho aux manifestations aux Etats-Unis après le meurtre horrible de George Floyd. Le retour inespéré et inattendu de ces bons vieux combats idéologiques, qu’on avait cru anachroniques depuis la fin du siècle dernier.

   Après les folles soirées de déconfinement dans les nuits chaudes de Bruxelles, de Paris et les longues étreintes des vedettes du tennis mondial sur les terres de Novak Djokovic, exhibant leur mépris des mesures sanitaires, comme un joyeux hommage à Trump et à Bolsonaro, on peut s’interroger sur les vraies causes du déboulonnage des statues, des tags vengeurs et des grandes manifs contre les vieux Blancs. 

  Aurait-on vu dix mille manifestants défiler à Bruxelles contre les violences policières américaines et le racisme sans l’intervention providentielle du Corona-virus ? Autrement dit, n’est-ce pas le déconfinement qui a créé un providentiel appel d’air où tout est prétexte à crier sa soif d’oxygène, de contacts sociaux, d’émotions en groupe, enfin !, après avoir si longtemps rongé son frein dans la solitude en regardant ses voisins comme de dangereux zombies? 

   Tel un ado, qui se lâche après la fin d’une longue session d’examens, on a eu besoin de se retrouver ensemble, de se toucher, de crier d’une seule voix, et surtout de défier l’autorité.  

   Cette autorité qui a coincé notre vie, imposé des réglementations inimaginables en démocratie, mais à laquelle on a obéi car on avait peur. Mais, dès que l’on annonce que le virus se promène ailleurs, à l’étranger, c’est la libération. Et l’on crie contre tous ceux qui nous ont enfermés ce bon vieux slogan : il est interdit d’interdire ! 

   Mais, quand la fiesta finie, viendra la gueule de bois, que restera-t-il de nos élans et des luttes politiques renaissantes ? Peut-être le dernier album de Bob Dylan, qui saute les générations avec espièglerie…  

www.berenboom.com

UNE PUISSANCE MAGIQUE ET MALFAISANTE…

      Le meurtre de George Floyd a réveillé une Amérique qui, pendant près de quatre ans, a paru anesthésiée par son excentrique président. Jusqu’à ce que le covid 19 ravage New-York et quelques autres grandes villes du pays. On savait Donald Trump incontrôlable. Là, il s’est révélé aussi incapable de contrôle. L’épidémie a flambé malgré ses discours et ses tweets désordonnés. L’économie s’est effondrée et le chômage a flambé en quelques semaines. Fin de ce qu’il considérait comme les trophées pour sa réélection.

  Le racisme non plus ne se contrôle pas. Toute l’histoire des Etats-Unis est bâtie sur ce virus originel qui n’a jamais été éradiqué et contre lequel personne n’a pas trouvé de vaccin. A l’occasion de cette nouvelle bavure policière, on a rappelé la litanie de celles qui ont émaillé ces dernières années, y compris sous la présidence Obama. Ainsi que l’assassinat symbolique de Martin Luther King (quelques semaines avant celle de Robert Kennedy). Pour retrouver l’atmosphère délétère qui ravageait les Etats-Unis à la fin des années soixante, plongez-vous dans la remarquable série policière signée Kris Nelscott (aux éditions de l’Aube) dont le héros malgré lui est un Noir obligé de fuir Memphis après la mort du pasteur et de traverser un pays malade. 

  Mais nous, sommes-nous blancs comme neige ? Qui se rappelle que chez nous aussi… ? Ce sont des gendarmes belges qui ont étouffé une réfugiée venue du Nigéria. Semira Adamu a été tuée par notre maréchaussée le 22 septembre 1998. Elle avait vingt ans et s’était réfugiée en Belgique pour échapper à un mariage forcé dans son pays. Les trois pandores qui l’ont maîtrisée avec un coussin ont été condamnés à un an de prison avec sursis. L’un des officiers qui dirigeait l’opération à quatorze mois avec suris, son collègue, acquitté. 

Avons-nous vraiment des leçons à donner aux autorités américaines ? A leurs cops et à leurs magistrats ? 

  Autre perle locale, l’Union belge de football dont la commission des litiges a purement et simplement acquitté le Club de Bruges poursuivi il y a quelques mois pour les chants délicieusement racistes de ses supporters. On suppose que le confinement a permis à tous ces braves gens de regarder les images de Minneapolis, pour alimenter leur répertoire dès que la Grande Sophie les aura autorisés à revenir pousser des cris de singe. Un divertissement qui n’épargne pas les plus grands clubs européens. On dit que c’est l’enseignement qui va vaincre ce virus. Mais, plus la loi renforce l’instruction obligatoire, plus le racisme progresse dans la société ! Comme si se développait une espèce de fascination devant les actes et les  expressions racistes. Jonathan Coe le disait : « Il y a dans le discours du racisme une sorte de puissance magique et malfaisante ».

www.berenboom.com

SCOOP

Un vent favorable a fait parvenir à notre rédaction quelques extraits des authentiques minutes de l’entretien entre le président Trump et le dictateur nord-coréen Kim Jong-un. Une fois de plus, il faut déplorer un certain écart entre la réalité médiatique et la réalité tout court.

Donald Trump : C’est vous la traductrice ? Bon. Dites à ce gros patapouf qu’il a intérêt à signer ce papelard sans morfler sinon je le rase aussi sec, et pas seulement ses cheveux.

Traductrice à Kim : Le président des Etats-Unis tient à exprimer au grand leader bien aimé  respecté le plaisir qu’il ressent à lui serrer ses petites pinces. D’ores et déjà, il l’invite à visiter Disneyland avec consommation gratuite de Coca-Cola et de Mc Do pour tous les membres de sa famille, en tout cas tous ceux qu’il n’a pas encore massacrés.

Kim : Avant d’aller plus loin, j’exige que ce grossier merle retire d’abord ses insultes. Il m’a traité de « petit Rocketman » et surtout de « petit gros ».

Traducteur à Trump: Le Président Kim est honoré de vos si aimables mots d’accueil, monsieur le maître du monde. Bien qu’il ait dit que vous étiez un « gâteux mentalement dérangé », il reconnaît que vous êtes drôlement en forme pour un homme de votre âge. Et il est heureux de constater que votre Alzheimer contribue à la paix en effaçant de votre cerveau tous les autres qualificatifs qu’il a honteusement déversés ces derniers mois sur votre si gentille personne.

Trump : C’est pas tout ça. Je suis ici pour récupérer ta petite caisse de joujoux, missiles, bombes atomiques et autres gadgets que tu t’es offert en pillant ton pauvre peuple jusqu’à l’os. Allez, et plus vite que ça !

Traductrice à Kim: A propos du désarmement, le président des Etats-Unis vous fait remarquer qu’un petit mot à ce sujet serait apprécié de ses électeurs. Rien de précis, pas de stress, juste une phrase pour montrer qu’il n’a pas oublié d’en parler entre la poire et le fromage.

Kim est pris de fou-rire.

Trump à son conseiller : Enfin, quelqu’un qui comprend mon légendaire sens de l’humour. Depuis que j’ai quitté la télé, j’avais l’impression de ne plus faire rire personne. Brave type, ce Kim.

Kim (en anglais) : Et si on faisait l’inverse, Donald ? Si c’était toi qui me donnais ta caisse de bazars nucléaires ?

Donald éclate de rire.

Nom de Dieu ! Tu parles anglais, mon p’tit gars ? Quel duo ! Enfoncés, le Saturday Night Live et la Famille Simpson ! Donald & Kim, on va se faire un fric, tu n’imagines même pas !

Kim : Pourquoi pas ? Déjà qu’on a souri aux caméras, qu’on n’a pas arrêté de se serrer les mains d’un air grotesque et de se taper dans le dos. A propos, faudrait signer ton fameux papelard pour avoir l’air sérieux, non ? Qu’est-ce que tu proposes ?

Trump : From Singapore with love. D’accord sur le texte ?

Kim: J’adore. On dirait un James Bond!

www.berenboom.com

UBU BOIRA…

Le constat fait froid dans le dos : ni l’ONU ni les Etats-Unis n’ont trouvé le moyen d’empêcher le leader bien aimé respecté Kim Jong-un de lancer ses jouets à la tête de tous ceux qui passent à sa portée après l’heure où les enfants normaux font dodo.

Quant aux Russes et aux Chinois, ils se font tout petits, un exercice difficile mais les spécialistes de la contorsion ne manquent pas aux cirques de Moscou comme de Pékin.

C’est donc aux Européens une fois encore de trouver la parade. En puisant dans leur intarissable sac à malices. Comment amadouer le Grand Successeur (le titre qui avait été donné au p’tit Kim 3 à la mort de son père) ?

Le mieux serait de jouer sur ses passions. Jusqu’ici, on lui en connaît deux. Les parcs d’attraction et les meurtres en famille. Deux loisirs qui peuvent très bien se combiner.

Ainsi, on pourrait proposer à notre Ubu décoré un week-end gratuit à Walibi rien que pour lui et les trois vieux clowns qui l’entourent sur les photos. Accès à toutes les attractions : pour la partie internationale, montagnes russes et Challenge of Tutankhamon. On lui offrira aussi Palais du Génie (repeint à son effigie) et Tapis volant. S’il sort vivant de toutes ces  horreurs, reste le grand final : un lâcher dans la jungle de ses frères, cousins et oncles, où Kim 3 junior pourra déployer ses talents de tireur. Une belle chasse à l’homme pendant laquelle notre Grand Nemrod pourra abattre avec son superbe fusil belge tous les Jong qui passeront à sa portée.

Après cette hécatombe, on voit déjà l’immense sourire, petites dents au vent, qui se peindra sur sa bonne grosse bouille d’enfant gâté, le pied sur les cadavres, l’arme encore fumante, tel le président Théodore Roosevelt à l’issue d’un safari fameux en Afrique de l’est où il avait abattu plus de cinq cents bêtes. Ce qui reste de la famille du leader bien aimé respecté n’est malheureusement plus aussi nombreuse pour qu’il égale un tel score. Mais l’apaisement qui suivra nous donnera du répit pendant un moment. Comme on l’a vu lorsqu’il a eu la peau de son oncle puis de son frère.

Cette contribution de la Wallonie à l’apaisement des tensions dans le sud est asiatique pourrait  aussi permettre à la nouvelle équipe qui a pris le pouvoir à la région de prétendre au  Prix Nobel de la Paix. On dit merci, qui ? Merci, M. Lutgen !

www.berenboom.com

Ps : Lisez « Dissidences »  de Hannah Michell (éditions les Escales). Sous couvert d’espionnage, ce beau roman donne une image surprenante des rapports entre les habitants des deux Corée. De la méfiance des sudistes à l’égard des dissidents du Nord qui au péril de leur vie ont réussi à passer la frontière. Une tension cruelle et autrement plus aigüe qu’entre Belges du nord et du sud…