ZERO EST ARRIVE

  « Le Soir » du 2 octobre 1998 annonçait en bandeau « Deux Belges sur trois veulent régulariser les sans-papiers ». Que sont devenus tous ces Belges qui voulaient que la Belgique revoie complètement sa politique d’asile ? 

  Désormais, les politiques se battent partout en Europe comme aux Etats-Unis pour diaboliser les étrangers, les expulser, fermer les yeux sur les camps atroces où nous chargeons Libyens, Tunisiens, Turcs de nous en débarrasser. 

  Il y a quelques jours, le président Macron faisait entrer au Panthéon les époux Manouchian, héros étrangers qui se sont battus jusqu’à la mort avec la résistance française et contre ces « bons Français » qui pactisaient avec les nazis. 

  Salutaire mise en garde alors que tous ceux qui bavent pour monter au pouvoir ont fait de l’immigration l’explication de tous nos maux. 

Avec pour image choc, le fantasme du grand remplacement. Le Vlaams Belang en a fait son cheval de bataille lors de ses congrès où la haine de l’étranger sert à galvaniser les militants (« une vermine importée qui verse dans la délinquance » évolue dans « des ghettos où règne la charia » pour citer quelques propos qui ont servi de zakouskis aux débats). 

Peu à peu, les partis démocratiques se laissent gangrener par ce type de discours. On l’a vu lors du vote de la loi immigration en France il y a quelques semaines. Ou en entendant les déclarations de la N-VA qui s’essouffle à courir derrière l’extrême droite flamande en refusant désormais d’accepter tout nouveau demandeur d‘asile. « Notre objectif, c’est zéro » a clamé Théo Francken. Zéro est arrivé ? C’est ainsi que le parti conservateur veut rattraper ses électeurs tentés vers encore plus à droite que lui. Pauvre Bart De Wever obligé de faire le grand écart, en tentant de tenir un discours de chef d’état pour ne pas se couper de ses futurs partenaires d’un gouvernement qu’il veut diriger tout en laissant les grandes gueules de son parti plagier les slogans de son redoutable concurrent. 

Béni soient les immigrés, se disent en secret tous ces grands tacticiens. C’est grâce à eux qu’ils espèrent décrocher la timbale. Pourvu qu’ils continuent d’affluer d’ici le dimanche des élections !

Il faudrait parfois rappeler à Théo Francken, Tom Van Grieken ou Filip Dewinter que leurs ancêtres sont venus eux aussi d’Afrique chasser les populations locales qui vivaient à l’époque en Flandre. Et à Trump que, sans les dizaines de millions d’immigrés qui ont envahi l’Amérique et massacré ceux qui y habitaient, il ne serait pas aujourd’hui à vitupérer contre ses voisins pour revenir hanter la Maison Blanche. 

On est toujours l’immigré de quelqu’un. Mais les homo sapiens plus que les autres animaux de la planète…

www.berenboom.com

LA FOLIE DES GRANDEURS

Selon les experts, le nombre de fous qui se prennent pour Napoléon a beaucoup chuté ces dernières années. Deux raisons expliquent ce phénomène : soit, les experts ne lisent pas les journaux, particulièrement ceux de juin 2015, soit les statistiques ne traitent plus de fous ceux qui se prennent pour Napoléon. La recherche forcenée d’économies peut aussi expliquer cette évolution : si l’on devait enfermer tous ceux qui se prennent pour Napoléon, dix hôpitaux, cent, mille n’y suffiraient pas. Et la Sécurité sociale pourrait définitivement mettre la clé sous le paillasson.

En Belgique, on a pris l’habitude depuis des siècles de vivre au milieu des fous. Il suffit de regarder autour de vous. Vous croyez que c’est un hasard si nous comptons près de septante ministres dont aucun ne se prend que pour lui-même, des centaines de députés fédéraux, régionaux, membres des assemblées provinciales, communales, intercommunales, que des chefs, des éminences plus hautes que la Butte du Lion ?

Cette épidémie d’empereurs dans un seul royaume a des raisons historiques. A une époque où, dans la plupart des pays voisins, on enfermait les malades mentaux (sauf quand ils étaient au pouvoir), à Geel, depuis le moyen âge, la population accueille les fous de toute l’Europe – même sans papiers. Dans des centres fermés ? Pas du tout. Ils vivent au milieu des familles de la ville, en parfaite liberté, traités comme des citoyens ordinaires. Le Ministre Napoléon Francken ne s’en est heureusement pas encore rendu compte.

Fasciné par la vie à Geel, Maeterlinck y a consacré une de ses plus intéressantes pièces de théâtre, « La Princesse Isabelle », dont le personnage masculin, un journaliste du « Soir », est envoyé en reportage dans la petite ville campinoise. Il écrit à ce propos : «Tandis que je m’occupais de « La Princesse Isabelle », j’eus la chance d’y rencontrer un certain nombre de déséquilibrés qui ne purent trouver place dans la pièce que leurs frères et leurs sœurs qui « travaillaient » du chapeau, du béret, de la casquette, de la toque ou de la capeline, encombraient déjà. Je leur donne asile dans ces quelques pages, d’où ils s’évaderont quand ils seront guéris. »

Le système de Geel a fait l’admiration de beaucoup de spécialistes modernes des traitements psychiatriques. Il a aussi habitué les Belges à ne plus distinguer chez leurs voisins, leurs amis, dans leurs familles, qui est Napoléon de qui ne l’est pas. On sait aussi chez nous que porter le chapeau n’a qu’un temps et qu’il finit toujours couvert de poussières ou, plus souvent, dans la boue ou la poubelle.

Waterloo n’est pas très loin de Geel, ce n’est pas un hasard de la géographie ni de l’histoire.

www.berenboom.com