TOUS ADOS

    Léopold II n’avait jamais rêvé de devenir une idole des jeunes plus d’un siècle après avoir passé l’arme à gauche (son seul passage par la gauche). Car, aimé ou haï, être au centre des polémiques, c’est le véritable signe des icônes. C’est aussi ce que doit se dire Colbert, redevenu lui aussi une star inattendue alors qu’on l’avait un peu perdu de vue depuis son passage dans les aventures du « Vicomte de Bragelonne » (Alexandre Dumas nous avait pourtant prévenus que le type était nettement moins sympa que d’Artagnan). 

   La lutte contre l’esclavage, le colonialisme, la violence sur les populations dites indigènes ? On a cru d’abord que les grands mouvements de colère de ces derniers jours contre un certain nombre de momies en bronze en Belgique, en France, la dénonciation d’honorables figures du passé données jusque là en exemple à nos chères têtes blondes (évidemment), marquaient le réveil d’un grand mouvement antiraciste en écho aux manifestations aux Etats-Unis après le meurtre horrible de George Floyd. Le retour inespéré et inattendu de ces bons vieux combats idéologiques, qu’on avait cru anachroniques depuis la fin du siècle dernier.

   Après les folles soirées de déconfinement dans les nuits chaudes de Bruxelles, de Paris et les longues étreintes des vedettes du tennis mondial sur les terres de Novak Djokovic, exhibant leur mépris des mesures sanitaires, comme un joyeux hommage à Trump et à Bolsonaro, on peut s’interroger sur les vraies causes du déboulonnage des statues, des tags vengeurs et des grandes manifs contre les vieux Blancs. 

  Aurait-on vu dix mille manifestants défiler à Bruxelles contre les violences policières américaines et le racisme sans l’intervention providentielle du Corona-virus ? Autrement dit, n’est-ce pas le déconfinement qui a créé un providentiel appel d’air où tout est prétexte à crier sa soif d’oxygène, de contacts sociaux, d’émotions en groupe, enfin !, après avoir si longtemps rongé son frein dans la solitude en regardant ses voisins comme de dangereux zombies? 

   Tel un ado, qui se lâche après la fin d’une longue session d’examens, on a eu besoin de se retrouver ensemble, de se toucher, de crier d’une seule voix, et surtout de défier l’autorité.  

   Cette autorité qui a coincé notre vie, imposé des réglementations inimaginables en démocratie, mais à laquelle on a obéi car on avait peur. Mais, dès que l’on annonce que le virus se promène ailleurs, à l’étranger, c’est la libération. Et l’on crie contre tous ceux qui nous ont enfermés ce bon vieux slogan : il est interdit d’interdire ! 

   Mais, quand la fiesta finie, viendra la gueule de bois, que restera-t-il de nos élans et des luttes politiques renaissantes ? Peut-être le dernier album de Bob Dylan, qui saute les générations avec espièglerie…  

www.berenboom.com

LE SURVIVANT

Dans les années 50, en débarquant sur une île perdue du Pacifique, des Américains ont eu la surprise de tomber nez-à-nez avec un soldat japonais, fusil à la main, qui ignorait que la guerre était finie – et perdue. Il vivait là depuis plusieurs années, tel Robinson, attendant des ordres qui ne sont jamais venus. 

Avec la prolongation de la pandémie, l’angoisse constante de croiser les autres dans la rue, dans les magasins, certains ont décidé de se confiner définitivement. Loin des autres, loin du danger. En se planquant au fond d’une cave, d’un abri anti-atomique sous leur jardin, dans leur baraque perdue à la lisière d’une forêt, derrière un mur de paquets de pâtes, de boîtes de conserves, de sacs de biscuits secs et de rouleaux de papier-toilette. En attendant la fin inéluctable du monde. 

Un jour, en 2025 ou 2030, quelqu’un tombera sur l’un d’entre eux et le ramènera à la lumière. Mais croira-t-il son sauveur lorsqu’il affirmera que le virus a disparu, croix de bois, croix de fer, si je meurs, je vais en enfer ? Parce que l’enfer, inutile de lui faire un dessin, il sait où c’est et à quoi ça ressemble. C’est là qu’il a vécu depuis que le Covid a pointé le bout de son affreux petit nez. 

Comment reprendre pied dans la vie d’après ? Dans cinq ou dix ans, il aura l’air d’un fou furieux quand il descendra du trottoir chaque fois qu’il apercevra un passant se diriger vers lui. Il poussera un hurlement d’horreur en voyant un couple ou des amis s’embrasser sur une terrasse. Il contemplera effaré des milliers de supporters s’enfermer dans un stade de football, une salle de concert. Se passer un sachet de frites, lécher le même chocolat glacé. 

A ses yeux, tous ces insouciants seront des monstres. A force de découvrir autour de lui tant de  gens oublier les précautions obligatoires le jour où il s’est enfermé, il aura l’impression d’être le dernier être humain sur terre. 

Comment survivre dans une société sans virus, sans distanciation sociale, sans confinement ? Où l’on peut embrasser une femme sur les lèvres, se tenir par la main dans une manifestation, s’entasser dans des bistrots. Lui, il aura tellement assimilé les nouvelles lois provoquées par le virus que ne pas les respecter lui apparaîtra comme le signe d’une dangereuse monstruosité. 

Peu à peu, il se demandera si tous ces gens qui ont envoyé aux orties les règles de prudence, qui se touchent, qui s’entassent, ne sont pas en réalité des morts-vivants, des zombies ramenés à la vie, des victimes de l’épidémie ressortis de leurs tombes. Et notre confiné risque d’entreprendre alors une croisade meurtrière pour les ramener en enfer. 

Il y a peut-être des gens qu’il vaudrait mieux laisser dans l’ignorance que le confinement a pris fin… 

www.berenboom.com

ZOMBIES. LE RETOUR

Ce sont les esclaves qui ont apporté jadis dans les Caraïbes le culte des morts vivants, ces êtres maléfiques et terrifiants qui s’en prennent avec violence aux humains. Mais il ne faut pas croire que les zombies ne hantent que l’île d’Haïti. Une partie d’entre eux sont restés dans la brousse où ils continuent d’errer, de faire peur et de persécuter les êtres vivants qui ont le malheur de tomber sous leur coupe. Dans l’ouest du Congo, on les appelle les  Mvumbi et les Nsumbi. Dans la province du Bandundu, le peuple Kongo les désigne en tremblant sous le nom de Nzambi ou de Nzumbi.

Jusqu’ici, on ne les apercevait que dans les campagnes, la nuit, où ils s’en prenaient aux audacieux qui osaient défier la lune et le sommeil. Voilà qu’ils gagnent les villes. Leur équipée spectaculaire et sanglante sur Kinshasa a provoqué d’épouvantables massacres. Se faisant passer pour des membres des troupes présidentielles ou se déguisant en militaires, ils se sont jetés sauvagement sur les manifestants, des civils, des citoyens, qui défilaient sans armes pour faire respecter la loi et la constitution congolaise.

Personne ne peut penser que les troupes régulières d’un président qui se prétend démocratiquement élu se soient comportés avec une telle barbarie. Seuls des Mvumbi et des Nzumbi sont capables de telles atrocités. Ou alors, il faut croire que le président Kabila, victime d’un terrible sorcier, s’est transformé lui-même en zombie, ce que son comportement suggère de plus en plus régulièrement.

De qui alors Kabila jr est-il la réincarnation ? On n’a que l’embarras du choix. L’histoire congolaise n’est faite que de violences. Celle d’une partie des colonisateurs belges dès qu’ils se sont emparés de cette terre merveilleuse. Mais, dès l’indépendance et depuis, un certain nombre de personnages se sont empressé de jouer eux aussi aux monstres, de tuer sans états d’âme pour le profit, le pouvoir ou même pour le plaisir. Allez comprendre la psychologie d’un mort-vivant….

Mobutu a été gagné par la fièvre zombie dès qu’il est monté sur le trône. Le pouvoir est une maladie mortelle et contagieuse. Ses successeurs l’ont prouvé. Ainsi que les barbares qui ravagent l’est du Congo ou les génocidaires hutus installés au Congo.

Ne nous voilons pas la face, à l’heure de la mondialisation, les morts-vivants traversent les continents aussi facilement que les fonds de pension, les multinationales et l’ex-commissaire européenne Neelie Kroes. Ils sont partout, au Moyen Orient, derrière les attentats terroristes chez nous,  excitant les fous de la gâchette aux USA.

Méfions-nous de Trump et de Sarkozy. Avant de leur donner le code de l’arme atomique, exigeons qu’une commission médicale les examine pour vérifier s’ils ne sont pas déjà des morts-vivants comme le murmurent certains initiés.

www.berenboom.com