RYANISATION

Les accros à l’actualité ont été servis ces derniers jours. Ils ont eu droit au show brutal du grand sultan d’Istanbul, aux nouvelles barbaries aveugles de l’ophtalmo sanguinaire de Damas et à la découverte du rôle des grandes oreilles d’Obama, le côté sombre de l’administration fédérale américaine. Tout cela aurait suffi à secouer les plus cyniques d’entre nous. Mais le plus terrible est venu de chez nous, du Brabant wallon. Où Walibi a instauré le ticket bling-bling. Payez plus pour entrez plus vite.

C’est ça, l’info dramatique de la semaine. Car, on le devine, Walibi n’en restera pas là. Inspiré par l’exemple de son voisin carolo, Ryan Air, le parc concocte déjà d’autres « nouveaux services », pour utiliser son vocabulaire délicat. Les enfants obèses ? Ticket à prix gonflé. Les handicapés ? Double tarif. Supplément si la maman ne porte pas un sac de dimension standard, s’il est trop lourd ou s’il contient de la bouffe et des boissons pour les petits. Tarif spécial pour l’utilisation des toilettes luxe, nettoyées après chaque passage. Photo de papa et des lardons devant le Tuf Tuf Club ou le Palais du Génie ? On passe à la caisse pour les droits d’auteur de Walibi. Sans compter des pénalités pour celles qui arpentent le beau macadam du parc en talon aiguille, pour les enfants qui jettent distraitement leur trognon de pomme dans l’herbe. Amendes encore pour les fumeurs, les enrhumés, les cracheurs et les blagueurs – car on ne rit pas à Walibi.

Coïncidence, on a appris cette semaine la privatisation des nouvelles prisons du royaume. On a oublié de le préciser mais les prisons de demain, ce n’est pas seulement un concept architectural inédit. C’est aussi un régime carcéral nouveau, sauce Ryan Air-Walibi.

La prison à plusieurs vitesses, c’est la meilleure façon de préparer les détenus à ce qui les attend une fois leur peine purgée. Avec l’idée très éducative qu’un prisonnier VIP sortant d’une prison quatre étoiles reviendra dans la société avec l’idée qu’une vie quatre étoiles nécessite des tickets « priorité ». Comme il l’aura appris sur le tas en prison.

Dans les nouvelles prisons, on pourra tout acheter. Double tarif pour éviter de faire la file à la douche ou au réfectoire. Tarif spécial pour dormir seul dans la cellule. Ticket super spécial pour dormir avec le gardien ou sa fille – pas de discrimination dans les prisons belges.

Et, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ceux qui emmèneront leurs enfants serrer la pince de Saint Nicolas auront intérêt à être cousus d’or. Comme ceux qui attendent le bus ou le métro pour monter les premiers ou avoir droit à un siège réservé. Et, l’an prochain, on proposera des tickets pour voter N-VA avant les autres.

Voilà ce qu’on a trouvé de mieux-jusqu’ici- pour sortir de la crise.

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JOINDRE JUIN A L’AGREABLE

Ca aurait dû être le plus beau mois de l’année, celui des nuits chaudes et longues où l’on goûte à la vie, en se laissant enfin aller à la paresse et au farniente. Celui où l’on renvoie à plus tard, à l’hiver, les emmerdes et les emmerdeurs. Le mois du joint et des délices interdits. Le mois des femmes et de la célébration de la féminité, hommage à la déesse Junon, mère du mois de juin et de ses plaisirs.

Mais, chez nous, on ne sait pas profiter de la vie, on n’aime pas, on n’ose pas. N’est-ce pas de la provocation ? C’est dans le seul bon mois de l’année qu’on a choisi de nous fourrer à la fois la déclaration d’impôts et les examens des petits (c’est-à-dire du stress de leurs parents).

La déclaration d’impôt, c’est l’examen obligatoire annuel pendant toute notre vie d’une matière qu’on n’a jamais apprise. Sous peine d’amendes, vous voilà tenu de décoder des mentions plus hermétiques qu’un poème de Mallarmé, plus amphigourique qu’une directive européenne rédigée à la suite d’un compromis entre les experts des vingt-sept états de l’Union, travaillant en traduction simultanée sur base d’un texte de base finno-maltais.

Si vous avez un appartement, on vous demande de préciser dans la rubrique 1106-58 s’il est donné en location à des personnes morales autres que des sociétés en vue de les mettre à la disposition de personnes physiques qui ne les affectent pas à l’exercice de leur profession.

La description de votre situation personnelle n’est pas plus facile. « Connais-toi toi-même » (Gnôthi seauton), la plus célèbre référence des pages roses du petit Larousse, prend tout son sens. Je n’avais jamais saisi la pertinence de la devise de Socrate et la difficulté de s’y conformer jusqu’au jour où j’ai découvert le cadre II de la déclaration, celui où l’on est prié de donner au fisc les « renseignements d’ordre personnel ».

Êtes-vous marié, veuf, cohabitant légal, séparé de corps, etc ? Bon, ça ne regarde pas ma contrôleuse avec laquelle je n’ai jamais vécu même une nuit d’amour mais je ne vais pas discuter. En revanche, comment répondre à : « êtes-vous le cohabitant légal d’un fonctionnaire etc. (oui il est mis « etc ») d’une organisation internationale visé sous a, qui a recueilli en 2012 des revenus professionnels supérieurs à 9.810 € qui sont exonérés par convention et ne sont pas pris en considération pour le calcul de l’impôt afférent à ses autres revenus ? » (cadre 1062-05)

On comprend mieux qu’au moment où le gouvernement oblige le roi à remplir désormais une déclaration d’impôt comme tous ses sujets, certains considèrent qu’il faut absolument alléger sa charge et notamment le dispenser de ce travail de titan, désigner le premier ministre.

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INCIVILITES

Les opposants à la loi sur les sanctions administratives communales pour « incivilités » ont fait le forcing ces derniers jours afin d’empêcher que la loi soit étendue aux mineurs de quatorze ans. Ceux-ci pourront désormais être condamnés pour injure, destruction ou tapage.

Imaginez que la loi eût été d’application au moment où Bachar El Assad fêtait son quatorzième anniversaire. On n’en serait pas là en Syrie. D’abord les Russes n’auraient jamais mis entre les mains d’un petit garçon même ado les trésors les plus abominables de leurs réserves. Un revolver à plomb, une panoplie de cow-boy et basta ! A l’époque, ces jouets auraient suffi à lui faire plaisir. Devenu grand, triste et moustachu, Bachar a pris des goûts de luxe. Il exige maintenant de tonton Poutine des fusées sol-sol, des bombes chimiques et d’autres bazars abominables qu’il croit plus de son âge. Sinon, il casse tout !

Et ses opposants ? A quatorze ans, s’ils se comportaient déjà en gosses turbulents, ils auraient dit merci aux Européens de recevoir un petit colis cadeau contenant des catapultes et des fléchettes. A présent, il leur faut les mêmes joujoux qu’Assad et la présence à leur fiesta de leurs parrains turcs, wahhabites ou qataris pour leur tenir la main et la barbe. Et leur lire le mode d’emploi, chacun dans sa langue.

Dans une tribune parue dans « Libération », Walid Joumblatt, l’éternel chef de la communauté druze au Liban (et qui n’a pas toujours, lui non plus, fait dans la dentelle de Bruges avec ses opposants) dresse un portrait sombre de l’avenir du Moyen Orient : « les beaux jours de l’Andalousie sont révolus, écrit-il joliment, ces jours où juifs et musulmans partageaient une histoire de coexistence, offrant au monde un héritage incomparable ». Et d’avertir que l’on va vers une dislocation de la région où est née notre civilisation tandis qu’un « nouveau type d’inquisition se fait jour dans les pays arabes : celle de l’intolérance, de l’analphabétisme, du confessionnalisme et du tribalisme ».

Le Moyen Orient, principal terrain d’expérience des maîtres-du-monde-aux-petits-cerveaux, est devenu incompréhensible. Comment distinguer les « bons » des « méchants » ? Où trouver les magiciens capables de sauver ces millions de civils, otages dans toute la région, de régimes eux-mêmes manipulés ?

Américains, Européens, tout le monde laisse tomber les bras. Heureusement, de jeunes Belges « éclairés » viennent de trouver la clé. En exigeant le boycott des universités israéliennes, la Fédération des Etudiants francophones (la FEF) a identifié les vrais coupables de ce chaos: les professeurs et les étudiants israéliens. Ouf, on respire ! Grâce à eux, le Moyen Orient est sauvé !

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PARADIS POETIQUES

Ils ont tant fait rêver les poètes du début du siècle dernier lorsqu’ils chantaient les terres lointaines. Cendrars : « J’étais à Moscou, dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares », Marcel Thiry : « Toi qui pâlis au nom de Vancouver ».

Pourquoi ne s’est-il pas trouvé dans le train des épargnants Bruxelles-Luxembourg un seul génie pour vanter la sombre et mystérieuse beauté des paradis fiscaux ? Trois heures aller, trois heures retour, cela suffit pour trousser quelques vers, non ?

Hé bien, non ! Personne n’a jamais célébré ces destinations pourtant secrètes, donc poétiques.

« Toi qui pâlis au nom de Luxembourg » n’a fait frissonner que quelques dentistes belges, serrant leurs petites serviettes pleines de coupons, au passage des gabelous quelque part du côté d’Arlon, priant pour qu’ils contrôlent un autre compartiment.

Pas plus de succès avec : « J’étais à Luxembourg, dans la ville des mille et trois banques belges, françaises, allemandes et de sa gare toujours plus grande. »

Les paradis fiscaux n’ont plus la cote ? C’est qu’ils ont eu tort de ne pas investir à temps dans le financement des artistes, dans le sponsoring. Qui aurait osé s’attaquer à Vaduz, Nicosie, Andorre ou Diekirch si des plumes les avaient rendues immortelles, mythiques ? Monaco a voulu tenter le coup en invitant quelques sportifs, Justine Henin, Philippe Gilbert, Tom Boonen ou Axel Merckx, oubliant que la gloire des champions est éphémère. Depuis qu’ils sont rentrés au pays et beaucoup déjà oubliés, Monaco n’est plus qu’un bête rocher auquel les eurocrates peuvent s’attaquer sans que personne ne le défende.

Ils auraient dû se rappeler que Panama est pour toujours dans nos rêves grâce à Blaise Cendrars : « C’est le krach de Panama qui fit de moi un poète ! » (« Le Panama ou les Aventures de mes sept oncles »).

Ils auraient pu aussi se servir de Baudelaire (dont les droits sont dans le domaine public, excellent investissement !) pour transformer un banal aller-retour vers la banque en une aventure inouïe: « Qu’éprouve-t-on ? que voit-on ? des choses merveilleuses, n’est-ce pas ? des spectacles extraordinaires ? Est-ce bien beau ? et bien terrible ? et bien dangereux ? – Telles sont les questions ordinaires qu’adressent, avec une curiosité mêlée de crainte, les ignorants aux adeptes. On dirait une enfantine impatience de savoir, comme celles des gens qui n’ont jamais quitté le coin de leur feu, quand ils se trouvent en face d’un homme qui revient de pays lointains et inconnus » (« Les Paradis Artificiels »).

Ces gens d’argent n’ont rien compris. Personne ne défendra Luxembourg, La Valette ou Jersey mais que l’on ose s’attaquer à Hollywood, et la terre entière s’enflammera.

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CANNES-VAMPIRE

 Au Festival de Cannes, les paillettes étincellent comme si le temps s’était arrêté en 1963. Bardot-Di Caprio sur la même affiche ? Depuis que la sex-idole est devenue la madone des toutous et des fachos, l’industrie du cinéma a été drôlement chamboulée. Qui verra les films célébrés à Cannes ? Sur quel écran ? Et qui les conservera pour les proposer aux amateurs dans cinquante ans ?

Depuis son origine, le cinéma n’a cessé de tuer ses serviteurs. Comme un vampire ne peut s’empêcher de plonger ses canines dans le cou de celles qu’il aime.

Après avoir balayé les forains, le cinéma s’est enfermé dans de grands palais où il s’est transformé en art. Mais ces temples, que l’on avait crus aussi immortels que les musées, ont été découpés en petits appartements, qu’on appelle des complexes – un mot involontairement révélateur. Qui, à leur tour, sont menacés de disparition par l’internet.

Le téléchargement pirate, soi-disant gratuit, a déjà emporté nombre de salles. Beaucoup de nouveaux cinéphiles, indifférents à la piètre qualité de l’image et du son, illustrent la seule règle que j’ai retenue de mon cours d’économie : « le mauvais argent chasse le bon ».

Certes, on n’a jamais eu un tel choix de films. Mais lesquels ? Jusqu’ici, dans chaque pays, des distributeurs locaux achetaient les films en fonction de l’appétit et des particularités culturelles de leurs cinéphiles. Depuis la disparition de la pellicule, les écrans s’illuminent sur un signal envoyé par satellite de Los Angeles.

Fascinante technologie mais redoutable pour la liberté de sélection et la diversité culturelle. Sans parler de la liberté de la concurrence. C’est dans un bureau de Los Angeles qu’un programmateur, qui ignore l’existence de la Belgique, décide des images que l’on va projeter à Arlon ou à Termonde. « Tuesday ? It must be Belgium ! »

Cette nouvelle technologie contient une autre et redoutable bombe à retardement : la disparition de la mémoire du cinéma. Un livre, une peinture, une musique existeront toujours. Mais les films, comment les conserver s’ils n’existent plus que sous forme d’un signal virtuel, dont l’accès est codé par un producteur de l’autre côté de la planète ?

La majorité des films muets ont disparu. Grâce à la création des cinémathèques peu avant la guerre, le cinéma a acquis une mémoire. Les distributeurs, parfois les producteurs, remettaient aux cinémathèques les copies des films, désormais conservés et restaurés aussi pieusement que les livres dans les bibliothèques. Mais, depuis que le cinéma n’est plus qu’un signal codé, cet archivage va s’arrêter. Un outil d’éducation, une façon de regarder le monde, par l’histoire du cinéma, ne risque-t-elle pas de disparaître ? S’il reste un fan de ciné en 2063, comment pourra-t-il survivre s’il ne peut vibrer devant le sourire ravageur de Scarlett Johansson ?

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LES ROIS FAINEANTS

   L’annonce du déménagement (forcé) du F.N.R.S. à Charleroi est une preuve que l’imagination est toujours au pouvoir en Belgique.

Avec la crise interminable et la croissance qui hoquète, les politiciens donnaient l’impression d’avoir brûlé toutes leurs cartouches. Plus la moindre fusée pour nous éblouir. Comment lancer un projet un peu ambitieux, promettre des lendemains qui chantent si les caisses restant désespérément vides, plus personne ne croit plus aux promesses ?

Avec la redoutable campagne électorale qui se profile, ils cherchaient désespérément un nouveau truc pour nous jeter la poudre aux yeux, en tout cas le temps d’être réélus. Et ils l’ont trouvé !

Une fois de plus, le gouvernement wallon confirme sa réputation de meilleur magicien d’Europe. Réputation acquise grâce à quelques excellentes attractions. Transformer la disparition des usines en un progrès puisqu’elle améliore la qualité de l’air, c’était très fort ! De même, célébrer l’augmentation du chômage comme une grande victoire sociale permettant à nos travailleurs de profiter enfin des loisirs et de la vie de famille, chapeau !

Mais il était devenu difficile de prolonger ce spectacle une année encore car les spectateurs commençaient à deviner l’envers du décor. Et ça, c’est mortel pour un prestidigitateur.

Or, voilà que l’école du cirque de Charleroi vient de mettre au point un numéro inédit et original : la tournée permanente. Pas celle des bistrots, ça c’est une affaire bien connue dans la région. Mais celle des administrations.

S’inspirant de l’histoire des rois fainéants, qui faisaient le tour perpétuel de leur royaume, paisiblement couchés sur leurs litières, entraînant derrière eux leur cour telle la caravane du tour de France, les lumineux édiles carolos ont imaginé de faire circuler les services fédéraux, bêtement immobilisés à Bruxelles. Le F.N.R.S. à Charleroi n’est que le début du spectacle. Il y aura ensuite les Archives du Royaume à Anvers (passionnante source d’études pour les futurs chercheurs de la république indépendante de Flandre), le Ministère des Finances à Arlon, à une encablure de Luxembourg, permettant aux contrôleurs d’aller à pied (encore une économie !) pour débusquer les fraudeurs fiscaux.

Quant au premier ministre, après avoir revendu le 16 rue de la Loi à un groupe immobilier qatari (toujours ce souci d’épargner les contribuables), il installera ses bureaux et présidera les réunions du gouvernement selon l’humeur du moment et l’état de la météo, tantôt dans un château de sable sur la plage de Coxyde, tantôt sur les terrils verdoyants de La Louvière ou encore dans les locaux pas chers de Mittal. Nul doute que ces bouffées d’oxygène profiteront à tous nos concitoyens.

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L’ATTAQUE DU TRAM 90

 Lorsque j’étais petit, pour me rendre à l’athénée, je prenais le tram 90 chaque matin, sous les marronniers du boulevard Louis Schmidt.

J’avais beaucoup de mal à descendre place Meiser, d’abandonner les autres passagers, qui avaient la chance, eux, de poursuivre leur route vers l’inconnu. Dans quelles contrées mystérieuses s’enfonçait le tram 90 ? J’étais un lecteur fervent de romans et de B.D. d’aventure, de très mauvaises lectures pour les ados, soit dit en passant. J’imaginais en effet que, débarrassé de moi, le tram traversait une espèce de jungle peuplée d’animaux bizarres et inquiétants avant d’aborder de hauts plateaux battus par les vents, fonçant à toute vitesse pour échapper aux sauvages qui guettaient son passage, avant de regagner les zones civilisées près de son terminus, gare du Nord puis place Rogier. Je voyais les affreux se jeter sur la voiture de tête, tirer la flèche qui assurait l’alimentation électrique du convoi avant de s’abattre sur les voyageurs terrorisés. Et moi qui ratais ça ! Moi, qui aurais pu devenir un héros en sauvant le tram 90 des mains des indigènes avant de le conduire jusqu’à son terminus tandis que le wattman se remettait de ses émotions avec une bonne pils. Certes, une plaque métallique indiquait « Ne crachez pas, S.V.P.-Niet spuwen, A.U.B » mais elle ne concernait pas le personnel roulant qui avait le droit de ne pas cracher sur une petite bière. Pour célébrer mes exploits, j’aurais reçu une médaille de la S.T.I.B., remise par le bourgmestre de Bruxelles en grand uniforme : « A Alain, la S.T.I.B. reconnaissante ». Après, il m’aurait laissé jouer avec son épée.

Macache ! Tandis que le tram quittait les zones habitées, moi, je m’épuisais sur une version latine ou d’incompréhensibles formules algébriques, moi dont le talent aurait été si utile ailleurs. La vie est mal faite. Mais, la ville si pleine de surprises, de mystères envoûtants.

Bruxelles n’a pas tellement changé depuis cette époque. Les sauvages, hélas, ne peuvent plus tirer la flèche par la fenêtre arrière du tram pour entendre le receveur hurler au wattman: « Jef ! De flêch’ is af ! » Et à nous : « Smeirlap ! A pûte van de couch ! Sortez une fois de ma plateforme ! »

Mais la jungle est encore plus épaisse que jadis avec une régiontje à géométrie variable selon l’interlocuteur, découpée en dix-neuf morceaux de tartes qui se marchent sur les pieds, trois organes rien que pour faire entrer la culture dans la tête des Bruxellois, la COCON, la COCOM et le clou, la COCOF, dont les finances sont aussi à sec qu’un rio du Nouveau Mexique mais qui dispose d’un parlement de septante-deux membres. Des ministres en veux-tu en-voilà et près de 90 parlementaires régionaux relevant de douze étiquettes politiques différentes !

Le pillage des voyageurs pour Bruxelles n’est donc pas terminé !

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PREMIERS SIGNES DU PRINTEMPS

Vous n’êtes pas content ? La crise ne finit pas. Le chômage ne finit pas. L’hiver ne finit pas. Bart De Wever non plus. Et l’augmentation des impôts, du prix des patates. Et les discours musclés de gauche du président du parti socialiste. Et les décisions musclées de droite du premier ministre socialiste. Et l’Europe qui … Stop !

Au lieu de gémir, ouvrez les yeux. Les choses sont peut-être sur le point de changer. Comme les perce-neige dressent la tête en février en avant-garde du printemps (même si chez nous, ils attendent cette année le mois de mai, mais ne chipotons pas), le changement est dans l’air. Juste quelques signes timides, c’est vrai. Mais, mis bout à bout…

En Italie, après une crise à la belge, on a fini par trouver un homme providentiel prêt à diriger le pays. D’accord, il a deux cents ans. Mais, songez que tout le temps qu’il occupera le Quirinal, il ne recevra pas sa pension de retraite. Même les Italiens ont appris à faire des économies.

De plus, un vieux président a cet avantage sur un jeune qu’il ne se croit pas obligé de se lancer dans des chantiers sans fin juste pour prouver qu’il est capable de faire bouger le monde. Regardez l’ex-président Sarkozy. Les Français, si séduits d’abord par sa fébrilité, ont vite compris qu’à force de remuer la poussière, elle finit par boucher les orifices avant de paralyser les muscles. Mieux vaut ne pas la secouer. Comme l’a bien compris son successeur, François Hollande, qui attend patiemment qu’Allemands et Américains remettent en route la machine économique pour proclamer qu’il a vaincu la crise. Pour être Superman, il ne faut pas toujours sauter d’un building à l’autre. Mieux vaut parfois laisser aux autres super-héros le super-travail avant de faire le paon en costume fluo.

Chez nous aussi, on repère ces derniers jours quelques symptômes de changement. Elio Di Rupo vient toujours au congrès du parti socialiste mais il serre aussi obstinément les lèvres quand ses camarades entonnent l’Internationale que certains footballeurs français quand retentit la Marseillaise. Dans un pays aussi byzantin que le nôtre, s’il avait poussé la chansonnette en français, il aurait dû aussitôt enchaîner avec la version flamande puis avec la Brabançonne dans les deux langues avant de terminer par le Vlaams Leeuw. Un numéro qui aurait fait rater aux militants de province leur dernier train.

Autre signe. Jadis, les femmes venaient prier dans les églises pendant que le curé tenait le haut de la scène. Depuis peu, c’est le contraire. Ce sont les femmes, seins nus, qui occupent l’estrade et monseigneur Léonard qui ferme les yeux et qui prie.

Je ne sais pas si tout ça est rassurant mais au moins, en voyant ces belles dames, riant à gorge déployée, on a le sentiment que le printemps n’est pas loin…

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GLASNOST

    Allez ! Les Français déballent tout ! Les bagues et les bijoux en or qui sont dans la famille depuis deux siècles et les collections d’estampes japonaises venues d’un oncle érotomane, l’intégrale des albums Tintin dans l’édition d’origine et la 2 CV qu’on a gardée par nostalgie pour l’époque où on allait coller des affiches appelant à soutenir le « programme commun de la gauche » non par amour de Marchais-Mitterrand mais pour avoir un prétexte d’emmener sur les routes la séduisante petite brunette, si excitée par l’atmosphère des meetings, mais qu’on avait du mal à séduire.

François Hollande a donc choisi la transparence. A quoi ça sert ? A montrer qu’on crache sur les opinions politiques de ses parents mais pas sur leur héritage ? A prouver que la famille savait faire des économies quand elle votait à droite mais que, depuis que les enfants sont devenus militants de gauche, ils ne sont plus capables de gagner un euro ?

Et l’étape suivante, c’est quoi ? Hollande va-t-il obliger ses ministres les mieux nantis à partager leurs biens avec les pauvres secrétaires d’état ou les camarades sans le sou ?

Qu’est-ce que la publication de ces listes de mariage va apporter aux Français ? Savoir que tel ou tel ministre a un compte en banque bien garni et une somptueuse maison de campagne sur la Loire ne fera progresser ni la situation ni le moral des Français. Sauf à investir la fortune de ses ministres dans la reprise des hauts fourneaux de Mittal, de la raffinerie Petroplus et des usines de pneus Goodyear, on ne voit pas très bien à quoi sert la déclaration de patrimoine imposée par M. Hollande aux siens.

Le président français ferait mieux de réviser son cours d’histoire.

Lorsqu’il est arrivé à la tête de l’U.R.S.S., M. Gorbatchev, a lancé un programme de réforme de l’état soviétique, résumé en deux slogans, glasnost (transparence) et perestroïka (restructuration). Résultat : la deuxième puissance mondiale s’effondrait ou plutôt s’évaporait sans laisser de traces. Et s’en allait en morceaux.

Hollande devrait se souvenir des effets redoutables de la transparence avant que l’histoire ne mette une tache blanche dans le petit Larousse à la rubrique présidents de la V ème république entre son successeur et son prédécesseur. Son successeur ? Ils risquent d’être nombreux si la France se retrouve dépecée comme l’Union soviétique d’après la glasnost, avec une république de Flandre au Nord, une Vendée rattachée au Saint-Siège, un Pays basque au sud et une Corse libre au large de la ville-état de Marseille, où le maire, Gérard Depardieu, précurseur de cette France multiple et à géométrie variable, accueillera à bras ouverts ses amis russes, orphelins depuis la chute de Chypre.

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TUE, TUE, TUE !

    La photo aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Pour l’une de ses premières sorties, le nouveau petit tyran coréen a tenu à s’afficher avec une jolie jeune dame (son épouse, d’après les gossips) en train de faire les fous dans un parc d’attraction. Particulièrement excités par des montagnes russes vertigineuses.

Le Leader Bien-aimé-respecté, version baby, est aussi un fan des jeux vidéo et des créatures virtuelles. Faut-il s’étonner alors de sa capacité à se faire peur ?

Les drogués du monde virtuel sont fascinés par ce qu’il offre de violence, de créatures terrifiantes et d’armes absurdes faites pour riposter de façon disproportionnée à l’adversaire. Dans le monde virtuel, on ne fait pas de prisonniers, on ne connaît pas les conventions de Genève et de La Haye. La seule règle, c’est : Tue, tue, tue !

Qu’y a-t-il de réel dans les rodomontades de Kim Baby ? A-t-il vraiment une bombe atomique ? Est-il capable de l’expédier sur la tête de ses voisins ? Et, si Baby se comportait en émule du docteur Folamour, serait-il suivi par ses militaires ?

Sur ce dernier point, on est un peu inquiet : aucun d’entre eux n’a jusqu’ici refusé de porter la casquette ridicule qui coiffe les haut-gradés coréens, une espèce de super-crêpe Suzette, qui constitue pour eux une mise à l’épreuve : celui qui accepte de se promener avec ce couvre-chef en public est prêt à accepter en toutes circonstances d’obéir aux ordres de son chef, même les plus délirants. L’histoire nous a enseignés que, placés sous les ordres d’un dément, les hommes les plus intelligents exécutent ses caprices, le doigt sur la couture du pantalon. Sans exception. Hitler, Staline, Hiro-Hito. A son propos, on a dit qu’après la destruction d’Hiroshima, l’empereur nippon, incapable de concevoir les effets de la bombe atomique, a dit, c’est triste mais c’est la guerre ; on continue. Banzaï !

Kim baby, lui, connaît la terreur nucléaire mais il a l’air de croire qu’elle n’est qu’un épisode d’un jeu video. Ne vit-il pas dans un monde inexistant, fictif ? Personne de sensé ne peut croire qu’un pays comme la Corée du Nord existe vraiment. Et que des vrais gens y survivent. C’est ce qui explique sans doute que personne non plus ne fait vraiment d’efforts pour faire revenir ce pays et ses habitants dans le monde réel. Les Japonais n’ont pas envie, en cas de réunification, d’une puissance industrielle concurrente dans les parages, la Chine de bases américaines à leurs frontières, les Russes de la fin d’un abcès de fixation et de tension pour les Occidentaux.

Alors, on laisse Kim baby dans sa salle de jeux avec ses bombinettes comme certains parents abandonnent leurs enfants devant la télé ou l’ordinateur sans souci et sans crainte de leurs effets…

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