FIGARO SI, FIGARO LA

Plutôt que vous faire décerveler par Nikos Aliagas ou Papy Sebastien, lisez ou relisez « Le Mariage de Figaro ». Ecrite quinze ans avant la décapitation de Louis XVI, la pièce de Beaumarchais reste incroyablement drôle et enlevée. Certaines de ses répliques trouvent un étrange écho ces jours-ci.

« Ce n’est rien d’entreprendre une chose dangereuse, mais d’échapper au péril en la menant à bien. »

J’espère que Pieter De Crem s’en est souvenu avant de faire décoller nos F 16. Et surtout Barack Obama en lançant ses boys à l’assaut du califat auto-proclamé du Levant. Si le papa de son prédécesseur, G.W. Bush, avait pris la peine de lire à son cher petit George W. la pièce de Beaumarchais avant de s’endormir, on n’en serait sans doute pas là. Hélas, ledit papa s’occupait déjà de l’Iraq plutôt que de livres…

Une autre réplique célèbre de Figaro résonne d’une inquiétante actualité :

« Pourvu que je ne parle ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. »

La situation de la planète oblige tout le monde, nous dit-on, à serrer les rangs et les dents – et pas seulement les fesses. Face aux redoutables ennemis qui nous guettent, barbus enragés, financiers sans scrupules, guerres, crise économique et sociale, finances publiques en débâcle, toute critique, toute opposition, toute réserve est qualifiée de trahison, coup de poignard dans le dos. Il faut cependant rappeler que c’est aussi « la pensée unique », il y a quelques années, qui nous a conduits au bord du gouffre. Il est facile d’affirmer aujourd’hui que ce sont ceux d’hier qui ont eu tort mais que répondaient-ils, eux, quand on osait les critiquer ? Taisez-vous, serrez les rangs et laissez faire les militaires.

Difficile ces jours-ci d’avoir un point de vue critique, simplement nuancé. Et pourtant, le doute, l’esprit critique, n’est-ce pas justement ce qui nous distingue de tous ceux ces mecs pétris de certitudes qui nous entraînent on ne sait où mais certainement pas ni vers la Riviera.

Il nous reste les bons livres pour nous rappeler les mille couleurs de la vie – les mauvais se contentent des nuances du gris. C’est justement le propos de « A la proue » (CFC éditions) qui dit avec passion, émotion et humour l’importance du livre, sa place dans l’Histoire et dans notre histoire. Le livre dérange (même celui qui ne lit pas), griffe et séduit. Le livre, amant et ennemi. Le texte est de Pierre Mertens et les photos de Muriel Claude. Pieter De Crem ferait bien de le lire, toutes affaires cessantes. Il en sortirait différent…

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