RUMEURS

Quelle est la différence entre info et rumeur ? Depuis que l’instantané est devenu la règle dans toutes les rédactions, communiquer une nouvelle complète, décortiquée et vérifiée ne peut résulter que d’un heureux hasard. L’œil rivé à Twitter et la souris à l’assaut des pages Facebook, le journaliste doit saisir à la seconde où un petit plaisantin l’aura posté le scoop qui lui permettra de boucler sa journée. Peu importe que le lendemain, le tuyau s’avère crevé. Tout le monde l’aura oublié. Mais lui, il aura connu son bref moment de gloire.

« Cécilia, si tu reviens, j’annule tout ! » Qu’est devenu le folliculaire qui a balancé ce faux SMS ? Rédacteur en chef ? Directeur de comm’ ? Porte-parole d’un ministre ?

La confidence de la semaine en France, c’est que Jacques Chirac (comme Brigitte Bardot, il paraît qu’il bouge encore, mais ce n’est peut-être qu’une rumeur) aurait glissé à l’oreille d’un de ses derniers intimes, qui s’est empressé de le répéter à un de ses amis du « Figaro », qu’il soutenait Alain Juppé dans son combat pour recoller la droite. Quand on se souvient, que Chirac avait soutenu François Hollande lors de la dernière présidentielle, à la place de Juppé, je renoncerais immédiatement à la vie politique.

Faute de détails sur les projets que nous prépare notre futur gouvernement, la rumeur est devenue chez nous une véritable épidémie. Syndicats, policiers, chercheurs manifestent déjà contre des mesures que personne ne connaît. Prêts à descendre dans la rue pour s’opposer à des lois qui n’ont pas été votées et dont le texte n’existe même pas au brouillon. A des décisions qui n’ont pas été prises mais dont quelqu’un a murmuré que, selon un bruit de couloir, le conseiller d’un éventuel futur ministre y songerait.

Dire que le nouveau gouvernement n’est pas encore formé, et qu’il ne le sera peut-être jamais. Le voilà déjà paralysé par la levée de boucliers de tous ceux qui savent mieux que lui ce qu’il va décider.

Et si c’était les négociateurs eux-mêmes qui lâchaient ces faux scoops ? Façon de faire descendre les opposants dans la rue tant que Di Rupo est toujours aux affaires. Ainsi, ils auront brûlé toutes leurs cartouches lorsque ces mesures entreront vraiment en application.

La rumeur court aussi sur le casting de nos nouveaux chefs. Privé de sa garde prétorienne, partie combattre Satan, Pieter De Crem aura du mal à forcer les portes du gouvernement. Certains parient que le CD&V pourrait ressortir Dehaene & Martens mais une autre rumeur prétend qu’ils sont morts. Allez savoir !

Le plus étonnant bobard qui circule ces jours-ci est le nom du futur premier ministre. Imaginez-vous que des blagueurs prétendent que Charles Michel serait en tête de liste. Ce qu’on essaye de nous faire avaler, tout de même !

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FIGARO SI, FIGARO LA

Plutôt que vous faire décerveler par Nikos Aliagas ou Papy Sebastien, lisez ou relisez « Le Mariage de Figaro ». Ecrite quinze ans avant la décapitation de Louis XVI, la pièce de Beaumarchais reste incroyablement drôle et enlevée. Certaines de ses répliques trouvent un étrange écho ces jours-ci.

« Ce n’est rien d’entreprendre une chose dangereuse, mais d’échapper au péril en la menant à bien. »

J’espère que Pieter De Crem s’en est souvenu avant de faire décoller nos F 16. Et surtout Barack Obama en lançant ses boys à l’assaut du califat auto-proclamé du Levant. Si le papa de son prédécesseur, G.W. Bush, avait pris la peine de lire à son cher petit George W. la pièce de Beaumarchais avant de s’endormir, on n’en serait sans doute pas là. Hélas, ledit papa s’occupait déjà de l’Iraq plutôt que de livres…

Une autre réplique célèbre de Figaro résonne d’une inquiétante actualité :

« Pourvu que je ne parle ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. »

La situation de la planète oblige tout le monde, nous dit-on, à serrer les rangs et les dents – et pas seulement les fesses. Face aux redoutables ennemis qui nous guettent, barbus enragés, financiers sans scrupules, guerres, crise économique et sociale, finances publiques en débâcle, toute critique, toute opposition, toute réserve est qualifiée de trahison, coup de poignard dans le dos. Il faut cependant rappeler que c’est aussi « la pensée unique », il y a quelques années, qui nous a conduits au bord du gouffre. Il est facile d’affirmer aujourd’hui que ce sont ceux d’hier qui ont eu tort mais que répondaient-ils, eux, quand on osait les critiquer ? Taisez-vous, serrez les rangs et laissez faire les militaires.

Difficile ces jours-ci d’avoir un point de vue critique, simplement nuancé. Et pourtant, le doute, l’esprit critique, n’est-ce pas justement ce qui nous distingue de tous ceux ces mecs pétris de certitudes qui nous entraînent on ne sait où mais certainement pas ni vers la Riviera.

Il nous reste les bons livres pour nous rappeler les mille couleurs de la vie – les mauvais se contentent des nuances du gris. C’est justement le propos de « A la proue » (CFC éditions) qui dit avec passion, émotion et humour l’importance du livre, sa place dans l’Histoire et dans notre histoire. Le livre dérange (même celui qui ne lit pas), griffe et séduit. Le livre, amant et ennemi. Le texte est de Pierre Mertens et les photos de Muriel Claude. Pieter De Crem ferait bien de le lire, toutes affaires cessantes. Il en sortirait différent…

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LE BON, LA BRUTE, ET LE TRUAND

 

Vous vous souvenez d’Eli Wallach ? C’était lui le Truand dans le célèbre film de Sergio Leone. A 98 ans, il vient de quitter Hollywood pour Dieu sait où, nous laissant seuls avec le Bon, Clint Eastwood, lonesome cowboy, toujours vaillant. La Brute (Lee Van Cleef) avait déjà disparu.

Des trois, c’était évidemment le Truand le plus intéressant. Le bon et la brute, faits d’une pièce, étaient plutôt ennuyeux. Faux derche, pervers malsain, burlesque, attachant et effrayant à la fois, Eli Wallach avait composé un de ces personnages hénaurme, à la Falstaff, qui illuminent l’imaginaire.

Juste le genre de type que le shérif Philippe devrait sortir de son chapeau. Le démineur idéal dans le paysage ravagé de la politique belge, ce village western où des deux côtés de la rue, chacun tire plus vite que son ombre. Mais trouver un acteur de cette trempe, un tel tempérament, c’est rare, très rare.

Dans le rôle du bon et de la brute, le choix est facile. Bart De Wever et Benoît Lutgen sont tout désignés. D’autant qu’ils peuvent jouer indifféremment l’un ou l’autre rôle, et même les deux à la fois. En Bébé Cadum ou en Joë Dalton, Bart et Benoît n’ont guère de rivaux. Mais pour tenir le premier rôle, les prétendants ne se bousculent pas. Il faut bien plus de caractère, de folie, de sournoiserie graveleuse. Être capable de jouer le roi et son fou en même temps. Seul le Truand est fait pour l’emploi de Premier, personne d’autre. Il n’y a que lui pour tenir la baraque ensemble alors que la tempête arrache toit et châssis, pour empêcher la diligence de verser pendant l’attaque des Indiens tandis que les chevaux foncent, le mors aux dents. Pour présider tranquillement le saloon au milieu des bagarres, faire le coup de feu final et enlever la belle serveuse. Qui d’autre peut promettre aux uns et aux autres la même chose et son contraire ? S’enivrer à mort tout en jurant sur les cendres de sa mère qu’il n’a jamais touché une goutte d’alcool ? Le tout sous les applaudissements du public.

Pour incarner un tel personnage, Benoît n’a pas le coffre et Bart pas assez de folie.

Elio alors ou Charles Michel ? Le problème de ce casting c’est qu’on ne voit Elio que dans le rôle du roi et Charles dans celui du fou. Ni l’un ni l’autre ne sont capables d’interpréter les deux rôles en même temps, condition essentielle pour incarner un parfait Truand. Wouter Beke est assez lisse pour se glisser dans la peau du bon, Kriss Peeters assez faux derche pour être une brute tout à fait crédible. Peter De Crem parfait dans le rôle du cadavre, tombé par hasard sous le tir croisé des deux autres. Mais un truand, non. Aucun d’eux n’a le coffre.

Une femme alors dans le rôle de Calamity Jane ? Pourquoi pas ? Saloon Belgium recherche femme désespérément.

 

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TENDANCE GROUCHO

Lorsque Didier Reynders affirme que le gouvernement auquel son parti participe est truffé de marxistes, il sait de quoi il parle. N’est-il pas l’enfant chouchou de Jean Gol, le fondateur du parti wallon des travailleurs, dépendant de la IVème internationale trotskiste ?

Félicitons donc le camarade Didjé de reconnaître enfin ses orientations marxistes, rendant hommage au passage au leader bien aimé respecté qui l’a formé. On ne voit pas pourquoi l’aveu fait tant de vagues. Si M. Reynders a décidé de lutter contre le capitalisme comme Bart De Wever contre la mauvaise graisse, c’est la preuve que nos hommes politiques ont des convictions chevillées au ventre.

Ce qui est moins sympathique, en revanche, c’est sa dénonciation de ses petits camarades. Qu’il lève le drapeau rouge, d’accord, mais pourquoi désigner dans la foulée les autres militants de sa cellule ?

Cela rappelle le funeste souvenir de la guerre froide lorsque, au début des années cinquante, quelques cinéastes autrefois communistes, comme Elia Kazan, étaient venus livrer le nom de leurs anciens amis à la commission du Sénat américain, présidée par Joseph Mc Carthy.

Une autre question encore se pose, à propos des membres marxistes du gouvernement belge.  A quelle chapelle appartiennent-ils ? Il y a en effet à peu près autant de marxisme que de make-up sur la table de maquillage de la camarade Joëlle Milquet. Quoi de commun entre le marxisme anti-syndical tendance barbe de trois jours de Paul Magnette et le marxisme maatjes-crevettes fraîches de Johan Van De Lanotte ? Et comment qualifier celui de Vincent Van Quickenborne ? Marxisme tendance libérale-fêlée toujours à côté de la plaque ? Et celui du chrétien Pieter De Crem ? Marxisme façon sabre et goupillon ?

Reste le plus difficile : identifier à quelle chapelle appartient Elio Di Rupo. Bonne chance ! Il change de marxisme plus souvent que de nœuds pap’. Un jour gauche caviar, l’autre tiers mondiste à Porto Alegre, après avoir participé comme ministre à la privatisation de la  CGER, confiée à la Générale de Banque puis à Fortis avec, au bout de l’aventure, une vraie explosion de la finance, balayée par l’effondrement du système bancaire comme en rêvaient les marxistes de jadis. Ce n’est plus du marxisme, c’est du terrorisme bolchévique !

Tous les marxismes représentés au gouvernement ? Non. Manque de pot, je n’en vois pas un qui se revendique du marxisme tendance Groucho. Ne dirait-on pas pourtant que Groucho Marx décrivait le gouvernement Di Rupo lorsqu’il disait : « Ne vous vous fiez pas aux couples qui se tiennent par la main. S’ils ne se lâchent pas, c’est parce qu’ils ont peut de s’entretuer. »

 

 

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