ALLO, QUOI ?

Ce n’est pas pour me vanter mais j’ai toujours détesté le téléphone. Aujourd’hui, je sais pourquoi. Je suis abonné chez Base. Encore raté ! Jamais, une créature blonde, l’air glacial à la Kim Novak, le casque sur les oreilles, n’a écouté une seule de mes conversations, n’a enregistré le moindre de mes murmures, n’a rapporté à ses chefs la plus infime syllabe susurrée à mon comptable, à ma maman ou à la STIB. Appuyer sur 1. Appuyer sur 2. Taper étoile.

Même les femmes ont des grandes oreilles, contrairement à ce qu’écrit Haruki Murakami qui, de roman en roman, les décrit avec de délicieuses et minuscules coquillettes de chat. Mais les chats surveillent-ils les conversations transatlantiques ? Pas sur Base, en tout cas. Hélas !

Je découvre, mais un peu tard, que j’aurais dû choisir Belgacom, faire confiance à M. Didier Bellens. Un patron de service public dont le salaire est resté inconnu même des plus fins limiers de la CIA ne peut être tout à fait mauvais.

Si j’étais entré dans le club Belgacom, j’aurais moi aussi été un VIP. J’aurais passé un coup de fil à l’ambassadeur de Syrie en Iran, au frère de Ben Laden aux Etats-Unis ou même au patron de Tecteo juste pour ressentir ce doux frisson à l’idée que toutes les grandes oreilles du monde sont brusquement tournées vers moi et suspendues à mes lèvres. Waw ! La minute de gloire dont nous rêvons tous à croire Andy Warhol.

J’aurais pu être en direct avec la blonde glaciale et lui raconter des choses plaisantes qu’elle aurait notées religieusement en pinçant ses lèvres peintes avant d’aller fièrement porter son petit carnet dans le bureau ovale.

Cette histoire d’écoutes mystérieuses des lignes de Belgacom m’a aussi permis de trouver la réponse à une question que je me posais depuis longtemps. Qui sont ces types que l’on croise dans la rue des types, l’air hyper-sérieux, l’oreille collée à leur GSM, un pli profond creusant leur front, parler en regardant autour d’eux d’un air hostile tandis que leur interlocuteur leur livre manifestement une info top secret ? Des petits hommes verts déguisés en Terriens venus régler le sort de la planète ? Avec mon bête GSM qui ne sert qu’à téléphoner, impossible de vérifier sur-le-champ si la planète bleue tourne toujours autour du Soleil. Je dois attendre de lire Le Soir du lendemain. Mais je comprends mieux le comportement de ces bizarres correspondants. La prochaine fois, j’observerai la forme de leurs oreilles. C’est à leur taille, d’après ce que j’ai compris, qu’on reconnaît un abonné belge de souche de Belgacom. Brusquement, le doute me saisit. Et, si moi aussi ? Non, ne m’obligez pas à allez vérifier devant mon miroir. Je vous jure que je suis abonné à Base.

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VINTAGE

Où est le temps béni des bons et des méchants ? Celui où l’on pouvait désigner du doigt le salaud et célébrer le héros ?
Depuis la disparition de l’empire soviétique, c’est le chaos. Tout le monde joue à contre emploi. Le bon se révèle une crapule. Le mauvais, encore plus épouvantable que dans le scénario. Bush a bien tenté, mais trop tard, de revenir au confortable schéma classique, si rassurant pour tous les spectateurs, avec sa superproduction « l’Axe du Mâle ». Moi, le bon. Saddam Hussein, Ben Laden, Khamenei, les affreux, sales et méchants. Les attaques du 11 septembre semblaient lui avoir été servies comme sur un plateau (de cinéma) par ses ennemis. Malgré cet épouvantable épisode, son blockbuster s’est révélé un flop. Il a fallu s’y résoudre. Le temps du western est définitivement révolu. John Wayne est mort et il n’y a plus de duel à OK Corral.
Sur les écrans d’aujourd’hui, la star, c’est Poutine. Un personnage que jamais les scénaristes de l’âge d’or d’Hollywood n’auraient mis en vedette. Grâce à lui, la Russie est à l’URSS ce que Sergio Leone était à John Ford. Un film où il n’y a plus que des brutes et des truands. Ce n’est plus le bon qui triomphe à présent. Il a été tué dès la première bobine. C’est le plus tordu, le plus machiavélique, celui qui, dans l’ombre tire les ficelles. Après le western, la mode est revenue aux montreurs de marionnettes. Au docteur Frankenstein, dont la créature ravage tout sur son passage. Et depuis l’apparition du 3-D, hélas, la créature (Kadyrov ou Assad) est vraiment devenue un monstre. On verra ce qu’en fera Depardieu quand il reprendra le rôle.
Dans le temps, le héros sentait bon le sable chaud. Maintenant, il dégage une odeur de laboratoire. Comme tous les protagonistes sont obligés de se battre, un masque à gaz sur la figure, il est difficile de les distinguer. Pas étonnant dans ces conditions qu’ils nous donnent tous l’envie de quitter la salle en hurlant.
Heureusement, l’histoire du cinéma l’a prouvé, tous les films de genre finissent par lasser. Lorsque Poutine-Frankenstein ne fera plus recette, peut-être retrouvera-t-on le temps de la comédie musicale ? Et puisque l’automne commence, chantons sous la pluie…
PS : à vous recommander, cette magnifique photographie de notre époque, signée Marina Lewycka, « Traders, hippies et hamsters » (éditions des Deux Terres). Un portrait corrosif et tendre à la fois de l’Angleterre d’aujourd’hui qui entremêle vieux idéalistes, traders paumés, flambeurs obsédés par l’argent et la réussite et un pays (qui pourrait être le nôtre) en train de sombrer dans le vide. Un rappel salutaire que la seule façon pour qu’une société continue de vivre, c’est tout bêtement qu’elle retrouve ses convictions, qu’elle combatte pour ses valeurs.
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UNE HISTOIRE A DORMIR DEBOUT

C’est évidemment un président français, V. Giscard d’Estaing, qui a imaginé le G 6. Au pays du discours-roi, les causeurs raflent toujours la mise. C’était donc une idée de génie de transformer les principaux chefs d’état en maîtres du monde par la seule vertu du verbe.

Ces grandes messes annuelles n’ont pas pour fonction d’améliorer l’économie, la finance, le commerce mondial, la fiscalité, le chômage, sujets habituels à l’ordre du jour, mais comme dans les comices agricoles célébrés jadis par Alphonse Daudet et le maire de Champignac, c’est de parler haut.

Les chefs d’état se réunissent rituellement pour que toutes les caméras soient braquées sur eux, que leurs paroles soient recueillies comme vérités, guides, baumes, permettant et promettant de panser les plaies universelles. Panser c’est penser. Tout est mis en scène pour qu’ils apparaissent comme les guérisseurs du monde puisqu’ils détiennent la puissance du mot.

Le premier sommet du G6 s’était réuni peu après la crise pétrolière de 1973, le séisme qui a fissuré l’optimisme tranquille des Trente Glorieuses. Pendant trente ans, les hommes politiques avaient pu se reposer sur une croissance sans hoquets. Mais, dès la fin de la guerre du Kippour, ils ont dû changer de stratégie. Devenir les parleurs universels, faute d’un autre outil pour redresser, colmater ce qui commençait à faire eau de toute part.

Le « truc » a connu un immense succès. Tous les dirigeants de la planète ont joué des coudes pour faire partie du club. Aujourd’hui, ils sont 20 à Saint Pétersbourg à brandir leur carte de membre pour avoir droit aux micros. Je suis le maître du monde, dit Poutine, puisque G 20 invités les plus prestigieux de la terre à mes pieds. G 20 promesses non tenues, songent Obama, Mitchell ou Hollande mais peu importe puisque, devant les caméras, je donne toujours l’impression d’être le boss.

Qui se rappelle encore des grands serments des années passées sur la coordination des politiques économiques, la surveillance de la finance, et blabla et blabla ?

Qui se souviendra, lorsque la Syrie ne sera plus qu’une tache blême, des grands discours rooseveltiens sur « attention à ne pas dépasser la ligne rouge », « nous ne laisserons pas assassiner impunément » et autres « ne défiez pas le monde » ?

Sans remonter aux calendes nazies, on a pu massacrer tranquille au Cambodge ou au Rwanda et combien d’années a-t-il fallu avant que l’on vienne ramasser les morceaux en Bosnie ?

Assad peut gazer sa population puis ses voisins, s’ils ne restent pas dans les clous. L’Iran construire pépère sa bombe atomique. Tout le monde peut faire ce qu’il veut pourvu que les dirigeants du monde sourient sur la photo pour illustrer les futurs livres d’histoire (à dormir debout).

 

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A RECULONS

Chaque année, on se disait : chouette, la fin des vacances ! On était heureux de se retrouver enfin dans une ville embouteillée pleine de gens énervés et ronchons au lieu d’errer dans une capitale morte. De revoir la pluie en attendant la neige, loin de ce soleil brûlant qui, telle une piqure de rappel, nous murmurait désagréablement que le climat allait changer si l’on négligeait de remplacer les ampoules de l’appartement pour sauver la planète. De faire la queue à la banque derrière dix autres clients venus eux aussi vider leurs comptes d’épargne pour rembourser à Mr Neckerman tout ce qui n’était pas prévu dans son all inclusive, de payer les innombrables frais scolaires réclamés par le lycée en échange d’un enseignement soi-disant gratuit, de financer les achats compulsifs de toute la famille sur internet, de se demander si le flic n’a pas, par erreur, ajouté deux zéros au montant de l’amende qu’on avait omis d’acquitter juste avant de partir en vacances en espérant que la machine l’ait effacée à notre retour comme elle le fait régulièrement avec nos travaux quand on veut les enregistrer à la fin de la journée avant de quitter le bureau.

Cette année, c’est différent. Au lieu de fêter le retour au boulot, à l’école, aux emmerdes, tout le monde semble vouloir pousser sur la pédale du frein, revenir en arrière, éviter à tout prix cette bonne rentrée jadis si pleine de promesses.

Où est ce bon temps d’avant les révolutions arabes ? gémissent Obama et les autres dirigeants occidentaux, où un dictateur faisait bon ordre dans son royaume à coup de matraques et de prison. On pouvait détourner les yeux sans ce bête sentiment de gêne que provoquent maintenant ces maladroits de dirigeants syriens et égyptiens.

Où est ce bon temps où les partis au pouvoir n’hésitaient pas à se taper dessus quand se profilaient les prochaines élections, assurés qu’une fois les urnes vidées, les mêmes se retrouveraient paisiblement au gouvernement ? Les voilà à présent obligés de partir en vacances ensemble et de danser la bamba en se tenant par les épaules, de peur de se retrouver au chômage comme tant de leurs électeurs dès l’été prochain.

Où est ce bon temps où les services publics étaient dirigés par des fonctionnaires compétents, payés selon le barème, qui ne considéraient pas leurs produits comme des têtes de gondole chez Lidl à liquider au plus vite ?

Seule constante, rassurante pour le consommateur, les instituteurs sont toujours aussi mal payés. C’est pourtant eux, les seuls héros de la rentrée.

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MR OPTIMISTE

OCTOBRE 2013: PARUTION DU NOUVEAU LIVRE d’Alain BERENBOOM

optimiste

À la mort de ses parents, le narrateur décide de ranger, non sans réticence, les archives familiales empilées depuis des lustres dans une armoire. Vieilles lettres de famille en plonais et en yiddish, formulaires divers, reçus d’administrations disparues. Il redoute ce travail fastidieux, persuadé que son père, un petit pharmacien de quartier, a eu une vie « sans histoires ». Or, au fil des découvertes, se dessine le portrait d’un Don Quichotte original et aventureux.

Parti de son shtetl de Pologne, il arrive à Liège, à la fin des années vingt, pour étudier la pharmacie. Comme il ne parle pas français, il trouve le job idéal auprès d’un prestidigitateur à la recherche d’un « étranger » prêt à monter sur scène à chaque représentation pour confirmer au public que la femme à couper en deux est bien dans son écrin. C’est ainsi que commence la vie en Belgique de Monsieur Optimiste.

Pendant ce temps, Rebecca, sa future femme arrive de Vilnius à la fin des années trente. Lorsqu’elle rencontre Mr Optimiste dans une pharmacie de Bruxelles, c’est le coup de foudre. Ils se marient et aussitôt, la guerre éclate…

Sous couvert de divers patronymes, Mr Optimiste va surmonter bien des épreuves, de son voyage de noces sous les bombardements à Boulogne-sur-Mer, à une amitié imprudente avec un Allemand qui se révèle espion du iiie Reich. De la perte de sa soeur cadette dans le ghetto de Varsovie à la clandestinité. Il lui faudra aussi déployer beaucoup d’imagination pour échapper aux nazis ou, ensuite, à la Sûreté de l’État, à l’affût de ses amitiés communistes.

Mauvais juif [mais lecteur assidu de la Bible], sollicité par sa mère de revenir en Pologne mais tenté de vivre  en Israël tout en se montrant défenseur inconditionnel de son pays d’accueil, concocteur de remèdes magiques pour  hommes, femmes et pigeons. Voilà quelques-unes des facettes contradictoires de cet indéfectible optimiste.

À travers ce récit, tantôt burlesque, tantôt poignant et nostalgique, inspiré de la vie du père de l’auteur, c’est bien sûr l’Histoire du xxe siècle qui se dessine en filigranes mais c’est surtout pour l’auteur, une façon de tendre la main à ses origines et de cerner sa propre identité.

 

SUJET D’ACTUALITE

   Ce jour-là, le roi redeviendra sujet. Sujet, enfin ! Après tant d’années où il a été objet. Objet de culte ou de médisances, de critiques ou d’admiration, de harcèlement ou de rassemblement. Objet entre les mains des politiques et des medias. Chez nous, le roi ne règne pas. On règne sur lui.

Certains s’étonneront pourtant : pourquoi se prive-t-il des « privilèges » de sa fonction ? Vous appelez ça un privilège d’être le seul citoyen condamné au silence dans un pays où le sport national, avant le vélo et le ballon, est de se plaindre, de critiquer ou de se moquer, en tout cas de parler, de jacasser, de jacter, de discutailler, de jargonner, bref de l’ouvrir tout simplement ? Se taire, un privilège ? Dans un peuple de bavards, c’est plus lourd qu’un discours d’inauguration, plus lourd même qu’une couronne !

Au point qu’une fois, tout de même, le roi a fini par donner de la voix quand les politiques avaient perdu la leur. Heureusement que, dans le silence assourdissant, il a alors osé sortir de son mutisme ! Mais, la crise réglée, il est rentré dans le rang avant qu’on lui dise : « On la ferme, sire ! »

Transformé en sujet, le roi sera enfin souverain. Car, beaucoup l’oublient, ce n’est pas le chef de l’état mais le peuple qui est souverain, pour reprendre la jolie formule de la constitution de 1793, comme l’a souligné le roi lui-même dans son allocution.

Objet, il était muet. Sujet, il a droit au verbe. Et aux adjectifs, en veux-tu en voilà ! Ainsi qu’aux compléments, des compliments qu’il mérite assurément pour la superbe mission qu’il a accomplie depuis vingt ans.

Désormais, ce n’est plus seulement sur son yacht qu’il sera seul maître à bord après Dieu: c’est le sujet qui commande la phrase, mille sabords ! Lui qui décide du singulier comme du pluriel, du masculin et du féminin, qui accepte ou non de s’adjoindre une ou plusieurs subordonnées. Il peut ouvrir des parenthèses (il est sain de faire entrer l’R quand les D risquent d’être pipés), glisser des sous-entendus, ajouter des tas de mots, même gros, et les faire suivre de points d’exclamation en forme de coups de poing s’il en a envie (Attention ! Sujet méchant ! Le verbe meurt mais ne se rend pas !)

Le sujet est libre de sa langue, avec ou sans sous-titres. Et, sans sa majesté, il peut se montrer, comme n’importe quel citoyen, bon ou mauvais sujet.

Il pourra défiler librement, s’il en a envie. Faire un petit voyage à Liège, pour crier avec les supporters, sous les fenêtres du Standard : « Président ! Casse-toi ! » Ou à Anvers, pour chanter devant l’hôtel de ville « Vive la Belgique ! L’union fait la force ! » Ou, à la hollandaise : « Je maintiendrai ! »

Qu’il doit être agréable, après avoir été roi des Belges, de reprendre enfin de l’empire sur sa vie…

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VACANCE(S)

Alors que les estivants se lancent sur les routes, beaucoup de citoyens ont du mal à partir en vacances. Il y a ceux qui n’en ont pas les moyens, ceux qui n’en ont pas envie et ceux qui en ont assez. Et qui préfèrent le crier chez eux que sur les plages dorées. Cette année, la mode n’est plus de construire des châteaux de sable mais de les abattre. D’Istanbul à Rio, les bords de mer sentent le gaz lacrymogène plutôt que la barbe à papa.

On a l’impression un peu partout que c’est le pouvoir qui est en vacance…

Les vrais héros s’en vont, laissant derrière eux le même vide mélancolique qu’une villégiature à la fin de l’été. Après Mandela, qui va nous remuer les méninges, bousculer les règles et nous faire rêver de changer la vie ? Barroso, Hollande, Cameron ? Merci ! Dans le rôle de G.O., même le club Med’ a une meilleure politique de recrutement.

Au lieu de boucler un budget de plus en plus désespéré, nos ministres ne profiteraient-ils pas de la trêve estivale pour tenter de retrouver des couleurs ?

Après avoir échoué à réglementer le commerce des armes et le n’importe quoi en matière climatique, Obama est parti se ressourcer en Afrique.

Où envoyer nos excellences ? Les détours de Didier Reynders par le Congo n’ayant pas laissé beaucoup de traces, mieux vaut pour lui (et les Congolais) qu’il change de destination. Un petit saut en Russie ? Il pourra demander à Poutine, qui a l’expérience de vider ses successeurs, le mode d’emploi pour se débarrasser gentiment du p’tit Michel pendant que celui-ci bronze ailleurs et reprendre la tête de son business sans faire de vagues.

Kris Peeters, qui a tout l’avenir de la Flandre et peut-être de la Belgique sur les épaules, aurait jadis eu intérêt à suivre le tour de France. Pour apprendre comment lancer une échappée, à quel moment lâcher ses poursuivants et écraser son plus féroce adversaire dans la dernière ligne droite. Hélas, depuis les progrès des contrôles anti-dopage, quel gâchis ! Il n’y a plus moyen de s’inspirer des rois de la petite reine sur la meilleure façon de l’emporter.

A Bart De Wever, on conseillera de faire pour une fois une infidélité aux Autrichiens et de se promener au Soudan. L’exemple le plus récent de séparation d’une nation en deux états. On ne doute pas qu’au retour de son voyage, il militera activement contre toute tentative de scission du royaume…

A Elio Di Rupo, enfin, on suggérera un détour par l’île de Pâques. Ce qui rend le site si fascinant, c’est moins le regard sombre des gigantesques statues (contemplaient-elles leur feuille d’impôt ?) que leur aspect inachevé. Transformer en attraction touristique merveilleuse un chantier perpétuel, ça c’est un beau projet d’avenir pour le pays…

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MARATHON DES MOTS DE TOULOUSE

Alain Berenboom au Marathon des Mots de Toulouse

Si vous êtes dans la région, retrouvez Alain Berenboom, invité les 29 et 30 juin prochain.

_ Samedi 29 juin à 14h30 – au Centre Culturel Bellegarde:
“Bruxelles, le roman d’une ville” / Rencontre avec  Alain  Berenboom, David Van Reybrouck et Jean-Luc Outers

_ Samedi 29 juin à 17h00 – La Cave Poésie
Alain  Berenboom lit « Le Messie malgré tout »

TILT !

   On n’est jamais déçu par la publication de notre feuilleton mensuel favori, le sondage des intentions de vote. Dans la nouvelle saison, on découvre que ceux dont le score avait grimpé lors de l’épisode précédent ont mystérieusement descendu ce mois-ci. Alors que ceux qui avaient perdu des plumes au début du printemps remontent à l’approche de l’été. Surprise ? Non, ce genre de passe-passe est le truc habituel des scénaristes en panne d’imagination.

En attendant la grrrrande finale, l’an prochain, où il faudra trouver un dénouement explosif pour ne pas décevoir les spectateurs.

Le succès de la série « Sondages » s’explique facilement. Pour le journal, c’est l’assurance de remplir trois pages de camemberts et de tableaux colorés. Et pour les journalistes de décortiquer la voix du peuple sans crainte de se tromper. Au fil des épisodes, les media peuvent s’amuser à défaire et refaire sans cesse l’intrigue en reconstituant la Chambre selon les majorités sans cesse changeantes, à fabriquer tous les mois un nouveau gouvernement et à orienter son programme et ses décisions comme dans un jeu video.

En Italie, Beppe Grillo et son mouvement des 5 Stelle ont poussé cette idée encore plus loin en faisant semblant de transformer la communication interactive sur Internet en un contrôle permanent du travail législatif avec la promesse que les citoyens décideront un jour heure par heure du sort du pays. Bientôt, on installera un écran géant dans les assemblées parlementaires sur lesquelles les internautes interviendront en direct avant de voter à la place des élus. Les bannières publicitaires assureront le financement de l’opération et peut-être le payement des députés.

Cette parodie de démocratie directe ressemble de plus en plus aux jeux du cirque qu’aimaient tant les ancêtres romains de Grillo, lorsque le sort des esclaves dans l’arène dépendait des spectateurs, selon qu’ils levaient ou abaissaient le pouce à l’issue de la bagarre contre les lions.

Aujourd’hui, à qui donne-t-on le droit de vie et de mort pour faire tourner les jeux de la démocratie ?

Moi, je n’ai jamais été sondé, ni mes voisins, ni mes amis. S’il faut un téléphone fixe, cela réduit singulièrement l’échantillon et l’âge des participants. Si l’on n’appelle que les mobiles, où trouver les numéros ? Mais peut-être n’appelle-t-on plus personne ? Et laisse-t-on les joueurs annoncer eux-mêmes leur participation ? En envoyant un SMS, au tarif surtaxé ?

Pourquoi ne pas en revenir alors au vote censitaire ? Quinze SMS facturés valent quinze voix pour votre parti ou votre politicien favori.

D’ailleurs, à quoi bon demander encore l’avis des citoyens ? L’opinion qu’ils expriment le matin change dès que tombe la nuit. Autant laisser les ordinateurs décider tout seuls du choix des élus. Tilt !

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RYANISATION

Les accros à l’actualité ont été servis ces derniers jours. Ils ont eu droit au show brutal du grand sultan d’Istanbul, aux nouvelles barbaries aveugles de l’ophtalmo sanguinaire de Damas et à la découverte du rôle des grandes oreilles d’Obama, le côté sombre de l’administration fédérale américaine. Tout cela aurait suffi à secouer les plus cyniques d’entre nous. Mais le plus terrible est venu de chez nous, du Brabant wallon. Où Walibi a instauré le ticket bling-bling. Payez plus pour entrez plus vite.

C’est ça, l’info dramatique de la semaine. Car, on le devine, Walibi n’en restera pas là. Inspiré par l’exemple de son voisin carolo, Ryan Air, le parc concocte déjà d’autres « nouveaux services », pour utiliser son vocabulaire délicat. Les enfants obèses ? Ticket à prix gonflé. Les handicapés ? Double tarif. Supplément si la maman ne porte pas un sac de dimension standard, s’il est trop lourd ou s’il contient de la bouffe et des boissons pour les petits. Tarif spécial pour l’utilisation des toilettes luxe, nettoyées après chaque passage. Photo de papa et des lardons devant le Tuf Tuf Club ou le Palais du Génie ? On passe à la caisse pour les droits d’auteur de Walibi. Sans compter des pénalités pour celles qui arpentent le beau macadam du parc en talon aiguille, pour les enfants qui jettent distraitement leur trognon de pomme dans l’herbe. Amendes encore pour les fumeurs, les enrhumés, les cracheurs et les blagueurs – car on ne rit pas à Walibi.

Coïncidence, on a appris cette semaine la privatisation des nouvelles prisons du royaume. On a oublié de le préciser mais les prisons de demain, ce n’est pas seulement un concept architectural inédit. C’est aussi un régime carcéral nouveau, sauce Ryan Air-Walibi.

La prison à plusieurs vitesses, c’est la meilleure façon de préparer les détenus à ce qui les attend une fois leur peine purgée. Avec l’idée très éducative qu’un prisonnier VIP sortant d’une prison quatre étoiles reviendra dans la société avec l’idée qu’une vie quatre étoiles nécessite des tickets « priorité ». Comme il l’aura appris sur le tas en prison.

Dans les nouvelles prisons, on pourra tout acheter. Double tarif pour éviter de faire la file à la douche ou au réfectoire. Tarif spécial pour dormir seul dans la cellule. Ticket super spécial pour dormir avec le gardien ou sa fille – pas de discrimination dans les prisons belges.

Et, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ceux qui emmèneront leurs enfants serrer la pince de Saint Nicolas auront intérêt à être cousus d’or. Comme ceux qui attendent le bus ou le métro pour monter les premiers ou avoir droit à un siège réservé. Et, l’an prochain, on proposera des tickets pour voter N-VA avant les autres.

Voilà ce qu’on a trouvé de mieux-jusqu’ici- pour sortir de la crise.

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