Auteur/autrice : Alain_Berenboom
NOUS NOUS SOMMES TANT AIMES
La comédie italienne a disparu dans l’incendie du Cinema Paradiso, le beau film de G. Tornatore. Mais le cinéma italien était déjà moribond depuis plusieurs années.
Depuis que Silvio Berlusconi était devenu le plus important producteur privé de cinéma, les principaux auteurs, Fellini, Visconti, étaient partis sur la pointe des pieds en même temps que les maîtres de la comédie italienne, entraînant avec eux leurs merveilleux comédiens, Gassman, Sordi, Mastroianni, Manfredi.
Seul ou presque, Nanni Moretti a encore réussi à lancer quelques dernières fusées de détresse. L’une des plus éblouissantes, « Le Caïman » étant justement un portrait sarcastique et désespéré du bonhomme Berlusconi.
L’Italie qui se présente aux élections ce dimanche est à l’image de la décadence de son septième art qui avait été si fécond et merveilleux depuis la fin de la guerre.
Ce sont quelques-unes des plus belles images du cinéma transalpin qui nous reviennent en contemplant l’état de l’Italie et la binette de ses politiciens comme si le mal dont souffre le pays était déjà en germe depuis le début de la république.
L’électeur qui ne sait plus à quel saint se vouer, ressemble aux personnages de « la Dolce Vita » de Fellini, errant sans but, avec la gueule de bois, prêts à se jeter dans la première Fontaine de Trevi pour y retrouver Anita Ekberg et ses paillettes mais irréelle et illusoire.
« Affreux, sales et méchants », la comédie grinçante d’Ettore Scola, semble parfaitement définir la politique italienne en 2018, un bidonville habité par des hâbleurs, type Vittorio Gassman et des vendeurs de vent et d’illusions à la Alberto Sordi. Tandis que dans l’ombre de Berlusconi et de ses inquiétants alliés de la Liga, se glissent les post-fascistes des Fratelli d’Italia.
Privés de leur meilleur cinéma, les Italiens ont oublié à quoi ressemblaient les grotesques mais sinistres marionnettes qui ont conduit Mussolini au pouvoir et maintenu le régime fasciste pendant plus de vingt ans. Que la Rai reprogramme vite « La Marche sur Rome » de Dino Risi, les fascistes version grotesque et « Le Conformiste » de B. Bertolucci version dramatique et glaçante.
Il est vrai que les Italiens ont l’idéologie à géométrie variable. Ils circulent de l’une à l’autre avec la même facilité que le personnage incarné par Sordi dans « L’art de se débrouiller » de L. Zampa, tour à tour socialiste, fasciste, communiste puis démo-chrétien et parfois le tout en même temps.
Mais la plupart d’entre eux ne sont pas cyniques et ils gardent au fond d’eux le rêve d’une société meilleure et le goût de la civilisation comme le racontait avec tant de nostalgie « Nous nous sommes tant aimés », le chef d’œuvre d’E. Scola. A revoir toutes affaires cessantes avant de regarder les résultats sortis de l’urne.
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PARUTION LE 9 MARS 2018
EXPO58, L’ESPION PERD LA BOULE
Avril 1958. L’exposition universelle de Bruxelles est sur le point d’ouvrir ses portes. L’événement va bousculer une Belgique assoupie. En pleine Guerre froide, il doit aussi contribuer à atténuer le conflit entre Occident et Russie soviétique.
Pendant d’interminables mois, le gigantesque chantier du Heysel a aiguisé tous les appétits. L’assassinat d’un chef de chantier puis l’explosion d’une bombe devant le pavillon américain mettent police et services secrets sur les dents. Michel Van Loo est appelé à jouer le sous-marin pour compte du ministère belge de l’Intérieur. Pendant que sa fiancée prépare Annie Cordy pour son nouveau film, le détective privé se fait aider par ses comparses de toujours : le coiffeur Federico, les frères Motta et le pharmacien Hubert.
Après Périls en ce royaume, Le roi du Congo, La recette du pigeon à l’italienne et La Fortune Gutmeyer, Alain Berenboom dresse ici avec l’humour dévastateur qui lui est coutumier un nouveau portrait de la Belgique de l’époque.
CACHEZ CE SEIN
Un sein. Et la glace est en feu. Le sein de la patineuse française Gabriella Papadakis qui a jailli de sa petite robe mal fermée un instant au cours de l’épreuve de patinage artistique des JO d’hiver.
Saluons l’incroyable force de caractère et les nerfs d’acier de Gabriella et de son partenaire qui ont continué leur numéro sans broncher (et décroché la médaille d’argent) alors que l’émotion des spectateurs devant l’image de ce sein à peine entrevu a suscité autant de bruit que l’apparition de la Vierge.
Tous ceux qui n’ont rien à faire ni des JO ni du patinage artistique, ceux qui ne connaissaient même pas l’existence de cette épreuve, se sont subitement emballés devant ce déballage. Comme si ce sein changeait tout. Bousculait l’ordre établi. Comme s’il était symbole, symptôme, syndrome. Mais de quoi ?
Ce n’est pas le premier sein qui a bousculé l’histoire. Sans remonter jusqu’à ce magnifique tableau où Gabrielle d’Estrées, la presque reine de Henri IV, se fait pincer le sein par sa sœur, aussi nue qu’elle, la chronique mondaine récente s’est déchaînée devant le sein de Sophie Marceau, entr’aperçu lors d’un Festival de Cannes, et celui de Janet Jackson, surgi lors de son show pendant le Super-Bowl de 2004 (et sanctionné d’une lourde amende !) Demandez-vous pourquoi tout le monde se souvient de ces brèves histoires de seins, comme si elles étaient des marqueurs de notre culture, au même titre que la promulgation de l’édit de Nantes (soufflé par Gabrielle d’Estrées) 1598, la bataille de Marignan 1515, Stalingrad 1942-43, New York 2001, et l’effondrement des tunnels de Bruxelles 2016.
Des broutilles ? Mais alors pourquoi ce sont ces détails que l’on retient de l’info et de l’Histoire ? Si, dans une époque où la sexualité s’expose partout et de façon aussi banale, la vue brève d’un sein nu suscite autant de commentaires, c’est que cette image a une signification qui nous touche au plus secret de nous-mêmes. Comme si la découverte du sein était pareille à celle de l’Amérique : l’intuition d’un monde nouveau, inconnu, la promesse de plaisirs inouïs, de pièges atroces, d’espoirs insensés, l’espoir fou d’or et d’argent.
PS : En Turquie, ce sont de vrais saints dont il faut parler. Asli Erdogan (homonyme sarcastique du pacha d’Ankara), qui préside la Foire du Livre de Bruxelles cette année, après avoir miraculeusement échappé à la prison. Ou Ahmed Altan, grand écrivain lui aussi et redoutable journaliste qui vient d’être condamné à la perpétuité. Et tous ces autres intellectuels, ouvriers, professeurs, fonctionnaires, éliminés, effacés de leur vie par la folie d’un chef d’état sur lequel nous fermons les yeux car il a accepté de jouer pour nous au concierge et à qui nous avons remis la clé de l’Europe avec un salaire de quelques milliards.
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FOIRE DU LIVRE DE BRUXELLES 2018
Alain Berenboom signe à la Foire du Livre ses livres
Dont « Hong Kong Blues »
Le samedi 24 février de 16 à 18h00 au stand Interforum
FINI DE RÊVER !
Un musicien est en train de jouer devant le public pendant qu’un autre artiste montre ses œuvres lorsqu’une horde de policiers débarque dans la salle, interrompt la séance, fait sortir les spectateurs, les mains sur la tête, et embarque quelques participants.
La scène se passe à Bruxelles. Pas à Téhéran. Ni à Kinshasa. Même pas à Damas.
Ce sont de vrais policiers, pas des provocateurs déguisés. Des « Feds » avec les braves pandores du bourgmestre de Bruxelles.
On nous a dit qu’il y avait des étrangers dans la salle, explique notre populaire ministre de l’intérieur. Certains d’entre eux pire que des étrangers : des réfugiés. Un statut intermédiaire entre l’homme de Neandertal et l’animal de (mauvaise) compagnie.
Mr Jambon qui connaît le pouvoir des mots a compris que sa fonction est de garder l’Intérieur à l’abri de toute influence extérieure. Oubliant que si l’on ferme les portes et les fenêtres, on meurt étouffé.
Les artistes ne sont pas au-dessus des lois. Mais quand ils sont en représentation, ils ne sont plus de simples individus, des quidams anonymes, ils nous apportent aux spectateurs qui se sont rassemblés une part d’âme. Ils ne sont ni Belges ni étrangers. Mais des passeurs de rêve, ce qui, autant que le pain, est indispensable à la survie de notre société.
La violence provoquée par le vice-premier ministre rappelle cette phrase redoutable lancée par le tsar aux Polonais après l’annexion du royaume par la Russie : « Fini de rêver ! »
Dans son superbe roman « Station Eleven » (édit. Rivages), Emily St John Mandel raconte l’histoire d’une troupe de théâtre ambulant circulant sur les routes américaines après une apocalypse et qui joue Shakespeare devant les survivants. « Survivre ne suffit pas », telle est leur devise.
On ne comprend pas pourquoi Jan Jambon s’en prend soudain aux immigrés, lui qui avait, dès sa prise de fonction, déclaré que « Les gens qui ont collaboré avec les Allemands avaient leurs raisons. » Une telle compréhension pour ceux qui avaient flirté avec les envahisseurs aurait dû rassurer tous ceux qui aujourd’hui accueillent des étrangers.
Mais, faisant preuve d’une irrationalité dont on accuse généralement les artistes, lui qui se montrait si humain avec les Allemands perd toute bienveillance lorsque nos visiteurs débarquent d’un autre coin de la planète.
Quelle mouche l’a piqué ? A-t-il agi sur conseil de son collègue Francken, qui a toujours raison depuis qu’il caracole dans les sondages ? Qu’il se rappelle de cette réplique de Molière : « Hélas, qu’avec facilité, on se laisse persuader par les personnes que l’on aime ! »
Charles Michel devrait en prendre de la graine la prochaine fois qu’il sortira de son silence embarrassé pour venir au secours des deux poids lourds de son gouvernement.
FAKE NEWS FROM BRUSSELS
Dernier Tweet du président Trump cette nuit: « Si Theo Francken me rejoint à Washington, il trouvera à sa descente d’avion tapis rouge et carte verte. »
Bart De Wever se frotte les yeux. Charles Michel se frotte les mains. Quelle mouche a piqué la Maison Blanche ?
La vérité est que le président américain, qui commence à comprendre qu’il n’est plus en campagne et qu’il a bel et bien été élu, ne sait plus où donner de la tête. Wall Street est en chute libre, l’inflation reprend du poil de la bête, le mur de séparation avec le Mexique est impossible à financer, les administrations fédérales à l’arrêt faute de budget, et personne ne l’aime – c’est le plus dur pour ce grand sentimental. Même ses plus ridicules ennemis le narguent sans qu’il puisse réagir, comme le président coréen qu’il doit se contenter de traiter de « petit gros » au lieu de lui envoyer une bonne bombe sur la tronche. Mais pas moyen de rire un peu avec les généraux américains. Plus ils ont des médailles, plus ils sont pleutres.
De plus, Trump n’a plus aucune confiance dans ses conseillers qui tombent comme des mouches quand ils ne sont pas inculpés par le procureur fédéral. Où va-t-on ?
Ailleurs. En Belgique. D’où il veut exfiltrer l’homme providentiel, le seul qui peut encore lui sauver la mise. Théo F., le politicien qui n’hésite pas à dire ce qu’il pense des immigrés et à faire tout ce qu’il dit ou plutôt qu’il grogne entre ses dents pour s’en débarrasser.
« Viens, mon Théo. Tu verras, à nous deux, ce sera la guerre des étoiles ! (Les étoiles, c’est toi et moi). » Ce dernier Tweet semble avoir été envoyé à une heure tardive après une soirée bien arrosée. « Lâche-moi la main, Melania, il me faut tapoter un petit dernier avant les plumes. »
Pour Théo, la tentation est grande. Mettre en œuvre la politique qu’il rêve de mener en Belgique mais puissance mille. Et sans toute cette bande de chipoteurs qui de Liège à Courtrai l’empêche de déployer les grands moyens. Et on ne touche pas aux enfants, et on n’enferme pas les familles, et on faire des mamours aux Soudanais et on trouve des juges pour lui chercher des poux et avec les collègues, c’est la galère, les libéraux qui peut-être bien que oui, peut-être bien que non et les chrétiens démocrates qui temporisent.
Avec Trump, fini tout ça ! Les mains libres, les manches retroussées et au travail, la bave aux lèvres ! Et des milliers d’Américains, une bière à la main, qui vont l’applaudir au passage quand il reconduira les Chicanos dans leurs déserts. On appellera ça Le Convoi Francken ; ça fait très Hollywood ! Des dizaines de milliers de Latinos avec leurs chicos et adios ! Et, au bout de quelques mois, on se retrouvera entre gringos !
Après ça, les Belges vont enfin l’admirer, le Théo. On n’est jamais prophète en son pays.
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EN VISITE
Mieux vaut mettre désormais votre réveil tous les jours à cinq heures du matin car cela peut vous arriver comme à n’importe quel citoyen belge. On sonne alors que le roi soleil n’est pas encore levé. Si vous ne répondez pas, Boum ! Boum ! Des coups ébranlent la porte. Les enfants se mettent à pleurer. Les voisins sortent la tête. Vous n’osez pas ouvrir. Qui peut se pendre à la sonnette en pleine nuit ? Des malandrins ? Des ivrognes ? Vous appelez la police.
« Vous demandez la police ? dit une voix fatiguée au bout du fil. Ca tombe bien, il y a cinq hommes devant chez vous.
Devant… ? » Non, déjà dans le salon, avec gilet pare-balles, kalachnikov et tout le saint frusquin. Où est le bon temps des Dupondt avec leurs chapeaux boule, des souliers cloutés et une canne ? Les enfants hurlent de plus belle.
Dommage qu’on ait supprimé la gendarmerie. Vous les auriez appelés. Ils auraient tôt fait de mettre les flics dehors.
« Paraît qu’il y a des étrangers ici ?
Oui, nous sommes fonctionnaires catalans.
Catalans ? C’est quoi ça, chef ? On peut toucher ou pas ?
Je ne sais pas. Avec tous ces pays qui changent tout le temps. Kazakhs, Catalans, calamités, on ne s’y retrouve plus. Allo, Mr Francken ? Excusez-moi de vous réveiller, monsieur le Ministre. Ce bruit ? C’est rien. Rien que des enfants étrangers qui pleurent dans leur langue. Non, ce n’est pas du néerlandais. Justement. C’est à ce sujet que j’appelle. Des Catalans. On embarque ou quoi ? (Un long silence avant que le chef ne raccroche).
Paraît qu’on a fait une boulette, les gars. Bon. Puisqu’on est là, on va quand même jeter un coup d’œil dans votre baraque.
Vous avez un mandat de perquisition ?
Pas besoin. Ce n’est pas une perquisition. C’est une visite. Vous voyez, on a apporté les pistolets ! La différence ? Dites, c’est vrai ce qu’il dit M. Rajoy, vous êtes vraiment Byzantins, vous autres Catalans.
Comment ça, une réflexion raciste ? J’ai dit Byzantins, pas Têtes de Turcs.
Chef ! A l’étage, je suis tombé sur un couple d’étrangers chez ces étrangers !
Comment tu sais qu’ils sont étrangers ?
Ben ils sont noirs.
Ouf ! Inutile de déranger Mr Francken.
J’attire votre attention sur le fait que ce sont…
Oh ! Taisez-vous les Catalans ! A votre prochaine invitation, j’apporte les matraques en plus des pistolets.
… Ce sont les propriétaires. Ils sont belges. Nous, on est en visite chez eux. Comme vous…
Qu’est-ce qu’on fait, chef ?
Si les Belges se mettent à ressembler à des étrangers, où on va ?
Vous avez raison, chef. D’ailleurs ce Francken, il aurait pas l’air étranger si on y regarde de près, non ?
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Ps : Superbe portrait d’immigré sans papiers jouant la débrouillardise dans New York, le magnifique premier roman de la Camerounaise-Américaine Imbolo Mbué « Voici venir les rêveurs » (Pocket).
LA TAUPE
A peine décidée par Jan Jambon et son équipe de fins limiers, le secret de l’opération « Parc Maximilien » était éventé, diffusé sur les réseaux sociaux, raconté par le menu à la radio et à la télé. Patatras ! Avant même l’arrivée surprise des pandores, les redoutables immigrés s’étaient envolés vers le parc Josaphat. Tout était à refaire.
Lancer une opération Josaphat ? C’est compliqué. Faut l’accord de la commune de Schaerbeek, où la N-VA n’a pas encore la majorité, celle de la zone de police 5344 dont l’adresse mail et le téléphone sont introuvables. En plus, il y a plein d’étrangers chez eux. Risquent de tout faire foirer une fois de plus.
Jambon ne décolère pas. Il a trouvé le responsable de ce fiasco : un espion infiltré au sein de ses propres services. Un homme ou une femme a ouvert la nuit le coffre où il cachait le plan d’assaut du parc Maximilien, l’a photographié puis l’a transmis au camp d’en face, tous ces communistes de la Croix-rouge (rouge évidemment), de la Ligue des Droits de l’Homme et autres ennemis de notre civilisation.
Notre Jambon n’a pas laissé tomber les bras. Il a immédiatement demandé à son collègue de la Justice de convoquer Jaak Raes, le patron de la Sûreté de l’Etat. Trouvez-moi cette taupe, Jaak ! Illico !
Une taupe au parc Maximilien ? s’est écrié Mr Raes, ahuri. Pas possible. Les réfugiés n’ont rien d’autre à bouffer. Doit plus en rester une.
Jack est un peu lent mais il a finalement compris que Jambon voulait que ses gars descendent dans les services de l’intérieur faire du contre-espionnage.
Le problème, c’est que si le budget de l’intérieur déborde de tous les côtés, à la justice, c’est ceinture. Ni magistrats, ni espions, désolé. Il nous reste quelques femmes de ménage mais elles ne parlent que polonais. Si Théo Francken devient garde des sceaux, ce sera sans doute plus simple.
Il a alors eu une idée de génie. Si Macron a obtenu de Madame May une rallonge de cinquante millions pour retaper les jardins de Calais, que ne ferait-elle pas pour le parc Maximilien ?
Theresa May n’a pas réfléchi longtemps. J’ai fait beaucoup de mal à Bruxelles et je vous dois une fleur. Mais je n’ai plus d’argent, a-t-elle dit à Jambon. J’ai mieux. Puisque vos espions sont à la diète, je vous prête les miens.
Et voilà comment a débarqué ce matin à Zaventem un vieil homme élégant qui s’est aussitôt fait arrêter par les flics.
C’est quoi ce passeport bidon ? Quel est votre vrai nom ?
My name is Bond. James Bond. Lisez, c’est…
Avant même de tirer son Walther PPK, Bond était désarmé, ficelé et envoyé à Saint-Gilles.
Tolérance zéro avec les étrangers, a conclu le chef de service de la police aéronautique de Bruxelles-national. Jambon va être content !
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BETWEEN YESTERDAY AND TOMORROW
Les entreprises wallonnes et leur ministre-président sont très fâchés sur la ministre de l’éducation : si tous les élèves du lycée et du collège dévorent désormais les mêmes matières pendant leurs trois premières années, on va retarder leur entrée dans la vie professionnelle. S’ils n’en sont pas encore à regretter l’interdiction du travail des enfants, ils estiment que les gosses, pourquoi pas les bébés, devraient se préparer le plus vite possible au métier de leur rêve, ouvrier agricole ou patron de PME wallonne, garçon de café, fonctionnaire de l’Office des étrangers ou ingénieur atomique.
A dix-huit ans, moi j’ignorais ce que j’allais faire de ma vie – je ne suis pas certain de le savoir aujourd’hui. Mais, à douze ans, c’est vrai, j’avais moins de doutes. Je voulais être receveur de tram parce qu’il travaillait assis (sauf quand des petits crapuleux décrochaient la flèche) ou aiguiseur de couteaux qui parcourait les rues en poussant sa petite carriole et faisait tous les jours la connaissance d’autres dames (à l’époque, seules les femmes jouaient du couteau dans la cuisine).
Moi, j’applaudis au projet d’une culture générale commune. C’est à ça que sert l’enseignement secondaire. En primaire, on apprend à lire. Au collège et au lycée, à aimer les livres.
Mais alors pourquoi cette idée folle de mélanger en un seul cours histoire, géo et économie ?
Faudra-t-il enseigner l’histoire et la géo en fonction des futurs jobs des étudiants ? On apprendrait l’histoire et la géographie des pays de la route de la soie parce qu’il y a des places à prendre dans le grand projet du président chinois Xi Jinping ?
En revanche, on effacerait des cours d’histoire tout ce qui ne sert plus à rien ? L’homme de Neandertal, la bataille des éperons d’or, le massacre de Nankin, les camps de concentration, Hitler, le fascisme, l’histoire industrielle wallonne, la Muette de Portici, la destruction des Indiens d’Amérique. Ceux des Arméniens, des Cambodgiens, et tous les autres génocides puisqu’il n’en reste que des cicatrices. Remarquez, cela aurait un avantage : l’Histoire sans histoires serait tellement plus politiquement correcte. Inutile d’encombrer les cerveaux fragiles de nos bambins des traces sanglantes laissées par l’homme civilisé depuis qu’il est entré dans l’Histoire.
Mieux vaut aussi éliminer tout ce qui dérange dans la géographie, les frontières floues ou à géométrie variable et le décodage des changements climatiques.
Si l’on comprend bien, la ministre préfère effacer les cours qui forment les citoyens à la démocratie mais nécessitent l’appel à une cellule d’aide psychologique.
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PS : le titre de cette chronique est emprunté au CD de Natalie Dessay, qui vient de rhabiller de neuf quelques-unes des plus belles musiques de Michel Legrand (Chez Sony).