LES MEILLEURS MANQUENT DE TOUTE CONVICTION

  Dans la série de crises barbares que nous traversons, Ukraine-Russie, Israël-Palestine, on constate une inadéquation consternante du discours politique avec la réalité tragique des événements.

  Que Poutine raconte des craques, que les Iraniens mentent comme des arracheurs de dents (pardon à ma délicieuse dentiste !), le monde entier le sait. Mais que les représentants de nos démocraties racontent d’importe quoi face aux ténèbres, voilà qui est affligeant. 

  Yeats écrivait déjà au début du vingtième siècle : « Les meilleurs manquent de toute conviction. Les pires, eux, sont animés d’une intense passion ». (Le grand poète était aussi nationaliste irlandais.)

   Façon aimable de regretter la passivité de nos politiques qui ont fermé les yeux quand Poutine a tranquillement annexé la Crimée, découpé la Géorgie, fait occuper le Donbass, et même laissé abattre un avion de ligne avec 298 personnes à bord. Tout au long de ces années, les Européens faisaient semblant de croire qu’il suffisait d’acheter pétrole et gaz russes et faire des risettes pour que l’ours se tienne coi.  

   Chez nous aussi, on s’est beaucoup tortillé avant de soutenir l’Ukraine autrement qu’avec de bonnes paroles. Au début de la guerre, aux Ukrainiens qui demandaient des armes, notre charmante ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, promettait l’envoi de casques… Quand ils réclamaient des avions, la même refusait de se séparer de nos précieux F16 sous prétexte qu’ils étaient trop vieux. Un an plus tard, elle consent à en envoyer deux, peut-être quatre, dans deux ans. Le temps d’une cure de jouvence ? 

   La crise israélo-palestinienne a aussi entraîné un florilège de bonnes paroles sans aucune initiative concrète, notamment pour dénoncer la montée de la violence du Hamas et sa soif insatiable d’armes. Sans comprendre que cette culture de la haine engendrerait un déchaînement de sauvagerie. 

   Plus consternant encore d’entendre certaines de nos éminences fermer les yeux même après le déroulement des terrifiants actes terroristes commis par ce mouvement. Le PTB trouve la source de cette violence il y a 75 ans autrement dit, il approuve la revendication du Hamas de supprimer purement et simplement l’Etat d’Israël. Tout aussi consternant, les messages de la gauche socialiste, d’abord silencieuse devant les massacres. Puis, s’exprimant à travers une déclaration de la présidente de la Chambre, Eliane Tillieux, qui a tenté un choquant « équilibre » de condamnations, un coup contre le Hamas, un coup contre Israël. Comme l’a fait la présidente d’Ecolo. Cherche la gauche belge désespérement…

Pendant ce temps, le Comité Nobel, sauvant l’honneur des Européens, a attribué le prix Nobel de la Paix à Narges Mohammadi, qui s’est dressée contre les ayatollahs rassis d’Iran, les commanditaires des abominations du Hamas. 

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J’IRAI CRACHER SUR VOS HECATOMBES

« Papa, je suis condamné à mort. Mais ne le dis pas à maman ». 

Ce sont les derniers mots écrits par un jeune Iranien, Mehdi Karami, avant d’être pendu le 7 janvier 2023. Karami fait partie de cette charrette de manifestants qui, ayant survécu aux tirs de la police après la mort de Mahsa Amini dans les geôles de la police des mœurs, ont été exécutés. Quelques autres attendent encore dans le couloir de la mort. On ne sait s’il faut d’abord saluer le courage de ces hommes et femmes qui remettent en cause l’étranglement de la liberté au risque de leur vie ou constater que les autorités iraniennes sont en train de perdre la tête. En décimant leur propre jeunesse. Mais la république islamique a le triste privilège depuis qu’elle a mis le voile sur le pays d’être devenue championne de la peine de mort dans le monde après la Chine.  

Tout occupés à négocier un nouvel accord sur le nucléaire, les Occidentaux assistent gênés et sans grande réaction à cette barbarie. J’irai cracher sur vos hécatombes ! Les Iraniens sont-ils d’ailleurs encore demandeurs de pareil traité alors qu’ils se sont empressés de mettre au point l’arme atomique à marches forcées depuis que le président Trump a déchiré le précédent traité, à la grande satisfaction d’une partie des dirigeants iraniens ? Pourquoi les Occidentaux sont-ils si mous ? Il faut reconnaître qu’il y a beaucoup d’intérêts économiques pour nos entreprises côté mollahs ce qui nous fait un peu baisser le ton. D’autant que nous avons déjà fort à faire avec tous les autres états qui violent allégrement les règles les plus élémentaires de la civilisation, y compris sur notre propre continent. S’il fallait remonter les bretelles de tous les régimes scandaleux, on n’aurait plus ni pétrole, ni gaz, ni métaux précieux et rares ! Rien que des mines de charbon abandonnées…

Pendant ce temps, un de nos compatriotes, travailleur humanitaire, Olivier Vandecasteele, a été condamné à 28 ans de prison et à 74 coups de fouet. 

Une fois de plus, on doit saluer le travail unanime des juges iraniens tous aux ordres du pouvoir qui font semblant d’avoir étudié le droit alors qu’ils n’ont suivi que des cours de boucherie.

La condamnation d’Olivier Vandecasteele est purement cynique puisqu’elle a pour objet de récupérer Assadollah Assadi, un agent soi-disant diplomatique iranien, condamné pour terrorisme (un projet d’attentat contre des opposants iraniens à Paris). Cet échange, qui sauvera une vie mais donnera raison aux preneurs d’otages, est pour l’instant bloqué par un recours contre le traité de transfèrement devant la cour constitutionnelle.     

Omar Khayyan a écrit : « Avant notre venue, rien ne manquait au monde. Après notre départ, rien ne lui manquera ». Le grand écrivain perse du 11ème siècle avait-il eu la prémonition de l’arrivée (et du départ) de la dictature des mollahs ? 

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ET C’EST AINSI QUE RUSHDIE EST GRAND

Ne cherchez pas dans les centaines de romans qui paraissent ces jours-ci. Cette année, la rentrée littéraire ne se fait pas à Paris ou à Bruxelles. Elle a eu lieu en plein mois d’août, à Chautauqua (Etat de New York). Et a failli coûter la vie à l’un de nos plus grands écrivains vivants, Salman Rushdie, conteur profond, exubérant, tolérant et plein de fantaisie. 

Dénonçant son œuvre impie, le « patron » de l’Iran islamiste avait décidé il y a trente ans de mettre à prix la tête de l’écrivain britannique d’origine indienne. Tout n’est pas absurde dans la décision du « guide suprême ». On y verra une reconnaissance inattendue mais méritée du pouvoir du livre et de la force du verbe. Après tout, l’apport historique des religions monothéistes est d’avoir proclamé chacune leur adoration du livre – en tout cas d’un livre. 

Tout au long de l’Histoire, on a beaucoup brûlé, maudit, condamné des écrits. L’inquisition, toutes les révolutions et religions, nazis comme communistes, chacun y a été de son autodafé. Mais, depuis le milieu du siècle dernier, on a eu le sentiment que, peu à peu, le livre cessait d’être l’enjeu de la haine des autorités (à l’exception évidemment des dictatures, notamment en Chine). 

Certains ont pu croire que l’audiovisuel puis l’informatique ont peu à peu éclipsé la puissance de la littérature et sa capacité de « polluer » les esprits libres.   

L’attaque contre Rushdie a montré qu’il n’en était rien. Et que l’écrivain reste un danger public. Mais il n’est pas le seul. Parfois, sous couvert de « liberté » ou d’ « égalité », de nouveaux auteurs sont à leur tour vilipendés ou censurés. Ainsi dans un district du Texas, une quarantaine d’ouvrages ont été bannis des bibliothèques scolaires à cause de leurs « contenu sexuellement explicite » dont « Le Journal d’Anne Frank » et la Bible. D’accord, c’était bien vu. 

Et que dire de la volonté de notre ministre de la Culture de conditionner les subventions notamment au respect des genres ? Et de supprimer aussitôt celles des spectacles de l’abbaye de Villers-la-Ville car elles n’ont présenté au fil des ans que des œuvres de très vieux mâles (Shakespeare, Michel de Ghelderode, Rostand, Hugo, beurk !) mis en scène par des mecs. Dans certains pays, les femmes sont interdites. Chez nous les hommes ? Comme l’écrit Nadia Geerts (dans l’hebdo « Marianne ») : « il est heureux qu’il y ait encore des gens qui se fichent éperdument du sexe, de l’origine, de l’âge, de la couleur. Tout simplement parce que la culture n’a ni sexe, ni origine, ni âge, ni couleur. Ça s’appelle l’universalisme, tout simplement. »

Les éditeurs et libraires belges feraient bien de trouver un équivalent féminin au mot « livre » sinon la ministre risque d’en interdire la vente…

Le titre de cette chronique reprend le mantra qui terminait chacun des éditoriaux de Pierre Assouline dans le magazine Lire.

LA PLUIE FAIT DES CLAQUETTES

  Jadis, les vieux grognons disaient des jeunes troublions « il leur faudrait une bonne guerre ! » 

  Maintenant, alors que le feu brûle un peu partout sur la planète, on a envie de crier aux excités de tous poils et de toutes religions : « Il leur faudrait une bonne drache ! »

   Au lieu de gémir d’un mois de mai pourri, de terrasses ouvertes aux quatre vents, où il est interdit de se protéger même derrière du plexi, consolez-vous en regardant ce qui se passe dans les régions où le soleil tape dur sur le crâne et où la météo est uniformément bleue, Palestine et Israël, Arabie saoudite et Yémen, Birmanie, Afghanistan, j’en passe et des meilleures destinations exotiques… 

   Et saluez la drache et le vent en songeant qu’il est difficile d’envoyer des missiles sur son voisin quand on est obligé de s’accrocher des deux mains à son parapluie ou courir pour se mettre à l’abri…

   De là à conclure que le réchauffement climatique a aussi un effet néfaste sur les relations entre des états jusqu’ici en paix, il n’y a qu’un pas. Songez aux conséquences politique périlleuses qu’il y aurait pour des nations froides et pluvieuses, donc paisibles, de se transformer en fournaises. Vive la drache ! Voilà un argument supplémentaire qui justifie que l’on se batte pour le climat. Certains écologistes devraient y songer, revenir à leurs fondamentaux et lutter pour la préservation de la planète plutôt que se lancer dans des surenchères électorales et se battre pour que les femmes restent voilées dans les administrations publiques (racontez ça aux femmes iraniennes ou arabes, vous verrez comme ça leur fera plaisir) ou pour faire l’apologie d’organisations terroristes au Proche Orient.

   A ce propos, revenons au ciel… On a l’impression quand il est couvert que les dieux se préoccupent moins de ce qui se passe chez nous quand des voiles épais de nuages leur obscurcissent la vue. Et on s’en réjouit ! 

« Un petit coin de parapluie contre un coin de paradis » chantait jadis Georges Brassens. Aïe ! Cette proposition indécente, me souffle-t-on, n’est plus politiquement correcte… 

Vaux mieux ne pas parler du Proche Orient, ni des relations hommes-femmes. La vie devient difficile pour les chroniqueurs même s’ils ont cru choisir un sujet neutre et de saison, la pluie !  

PS : la pluie est le moment idéal pour plonger dans les livres oubliés de votre bibliothèque rêvée. Question pluie, Graham Greene en connaissait un rayon, lui qui nous entraînait dans des pays tropicaux où la drache est chaude et moite (lire notamment « La Saison des Pluies »). Ajoutez-y « L’inondation » de Zamiatine. Et pour vous sécher, rien ne vaut « L’amour en saison sèche » de Shelby Foote, récemment réédité. 

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CE N’EST PAS EN 20 QU’ON CRIE DANS LES RUES !

  Que sait-on déjà de 2020, sinon que l’année a commencé dans le brouillard ?

   Seule certitude à l’agenda, le cocktail organisé à Washington au soir du 3 novembre pour fêter le nouveau président des Etats-Unis. Mais bien malin qui pourra deviner le nom de l’heureux invitant et des invités. Sauf un, Kim Jong-un. Il a déjà promis d’être présent auprès de son ami Donald dont il est certain de la victoire (car il n’a jamais entendu parler d’une élection dont on ne connait pas le résultat à l’avance). Il viendra avec un cadeau explosif et une nouvelle coupe de cheveux. Comme Kim a peur de l’avion et qu’il ne se déplace qu’en train blindé, il compte se mettre en route dans les prochains jours. Rien d’imprévu à attendre donc de sa part. Surtout rien d’imprévu.  

 C’est ça le problème des tyrans, ils sont incapables d’offrir de temps en temps une surprise à leurs peuples. On sait déjà qu’il n’y aura pas de chinoiseries électorales en Chine, que les lendemains seront byzantins en Turquie et les résultats électoraux déjà imprimés en Russie comme en Iran. Mauvais calcul, messieurs. Les gens ont besoin d’air frais depuis qu’ils ont pris conscience que la planète a commencé dangereusement à se réchauffer.

   Vous ne vous êtes pas aperçus que ça bouge drôlement depuis quelque temps ?  Pas vu tous ces hommes, ces femmes, ces enfants qui se sont mis à descendre dans les rues ? Du Chili au Soudan, de Hong Kong à Bruxelles, d’Alger à Paris, les causes semblent différentes, climat, misère, liberté et démocratie ou bêtement prix du diesel. Mais elles ont confusément le même point commun : une méfiance grandissante dans le fonctionnement des institutions de leur pays, dans leurs dirigeants, et leur capacité à désembourber la société. 

   Lorsque Carlos Ghosn s’enfuit de Tokyo parce qu’il se méfie – non sans raison- de l’indépendance de la justice japonaise, il est dans l’air du temps. Mais il a peut-être choisi une dangereuse destination parce qu’à Beyrouth aussi, ça tangue, ça tangue, ça tangue énormément ! 

   A sa place, j’embarquerais au plus vite, toutes voiles dehors, avec Greta Thunberg. Pour sillonner les océans avant que leurs flots ne recouvrent à nouveau les continents. Vous imaginez cette belle image, l’ancien patron tout puissant de Renault-Nissan-Mitsubishi errant sur l’Atlantique sans une goutte de pétrole – sauf une petite bouteille nécessaire pour se lisser les cheveux- en compagnie de la petite sirène de Stockholm! 

   Pendant la longue traversée, Greta aura le temps de rattraper son année sabbatique. Carlos  lui refilera ses cours de l’Ecole Polytechnique. En échange, elle lui apprendra le ba-ba des règles de protection de la planète. Ainsi que l’art de maîtriser les medias. 

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LA TERRE EST PLATE

   Un groupe d’internautes a lancé il y a quelque temps sur les réseaux sociaux une plateforme pour soutenir le projet d’un scientifique qui prétend prouver que la terre est plate. 

  Avant de lui jeter la pierre, rappelons-nous que c’est la grandeur de la science de remettre sans cesse en question les soi-disant vérités établies.  

  Que ce « scientifique » soit peut-être gentiment fêlé suffit-il pour qu’il ait tort ? Je note qu’il est déjà suivi par des milliers d’internautes. Or, les citoyens ont de nos jours toujours raison.  

D’ailleurs, ce savant est déjà l’auteur d’autres découvertes révolutionnaires. Ainsi, c’est lui qui a établi que la Lune n’existe pas. Qu’elle n’est qu’un phénomène d’hypnotisme collectif de nature sexuelle, qui s’apparente à l’hystérie. La preuve est que seuls les amoureux sont persuadés de la présence de notre satellite dans le ciel. Alors qu’en science, il faut toujours privilégier la raison sur l’émotion. 

  Le retour à une conception plane de notre planète peut avoir des conséquences importantes sur l’avenir géopolitique. Imaginez la terre comme une table. Sur le dessus du plateau, l’Occident. Sur le dessous, la Chine et l’Iran. Il sera beaucoup plus facile d’éliminer toute source de conflit entre Occident et Orient si le recto et le verso se tournent le dos. 

Même considération à propos de l’environnement. 

Si l’un des côtés de la Terre est prêt à faire d’importants efforts pour préserver le climat et les espèces, et l’autre pas, tant pis pour ce qui se passe du côté obscur. On peut parfaitement envisager que le recto de la planète soit sauvegardé et son verso envahi par les mers et brûlé par le soleil. Sur une terre ronde, tout se tient. Les saletés des uns polluent les fleuves, les mers et le ciel des autres. Alors que sur une terre plate, c’est chacun chez soi.  

   Une terre plate présente aussi de grands avantages dans la lutte contre l’immigration. Ce qui explique le Tweet récent de Théo Francken qui soutient la théorie de la terre plate en rappelant qu’elle était la règle au Moyen âge, à l’époque bénie des cathédrales, comme il l’appelle. 

En effet, les candidats à l’exil qui vivent en dessous de la plaque planétaire ne pourront plus arriver chez nous par mer. Ils devront creuser des tunnels pour essayer de débouler de ce côté du monde. Outre la difficulté technique pour eux, il sera évidemment beaucoup plus facile pour nous de guetter leur arrivée et de les repousser.

On a tort de ricaner devant les théories nouvelles qu’on croit d’abord utopiques. Personne n’avait imaginé qu’un gouvernement présidé par un socialiste allait chambouler le régime du chômage. Ou qu’un premier ministre libéral allait fermer les yeux sur le renvoi de réfugiés soudanais avec l’aide des services secrets de cet odieux pays. Alors, pourquoi la terre serait-elle toujours ronde ? 

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CITES SANS VOILES

En France, ce sont les gilets jaunes qui se pavanent sur les ronds-points. Avant de passer le week-end dans la grande ville voisine ou dans la capitale pour casser quelques vitrines, histoire de se faire entendre des téléspectateurs distraits qui ont raté le récit de leurs passionnantes prestations sur une voirie provinciale.
En Iran, ce sont des femmes cheveux au vent qui osent s’afficher sur des ronds-points de Téhéran pour dénoncer l’obligation de porter le voile. Là, aucune télévision ne relaye leurs revendications. Et ces femmes ne mettent rien en danger ni personne, sinon leur propre vie. Pour sauver celles des autres. Et la civilisation iranienne.
Chez nous, certains luttent pour la « liberté » des femmes (jamais des hommes) de porter le voile. On aimerait les entendre de temps en temps dénoncer la situation faite aux femmes en Iran et soutenir leur droit de dire non. Tiens, pourquoi pas une grande protestation internationale pour saluer Me Nasrine Sotoudeh, l’avocate emblématique de plusieurs de ces femmes, qui vient d’être condamnée en audience secrète, où elle n’était pas présente et à une date inconnue à près de quarante ans de prison ainsi qu’à 148 coups de fouet ?
Rêvons un peu. Et si les femmes décidaient de se dévoiler pendant un mois et de défiler en agitant leur voile ôtée en solidarité avec N. Sotoudeh ?
Ca aurait une autre gueule que de voir les troupeaux de gilets jaune moutonner dans les rues le samedi. Et autrement plus de signification.
En Iran, avoir défendu ces femmes qui ont osé montrer leur chevelure a été considéré comme une « incitation à la débauche ». Protester comme elle l’a fait pour l’abolition de la peine de mort comme une « atteinte à l’ordre public ».
Le métier d’avocat y est drôlement plus périlleux qu’en Belgique où un avocat peut impunément menacer le jury d’assises chargé de juger un terroriste avant de passer tranquillement et impunément à l’affaire suivante. Il paraît qu’on appelle ça la liberté d’expression de l’avocat. Décidément, on ne peut s’empêcher de trouver cette notion parfois fourre-tout…
« Il y a en Iran des forces ouvertes vers le progrès et nous en tenons compte » disait sans rire notre premier ministre Charles Michel après un entretien avec le président iranien Rohani il y a quelques mois. On se frotte les yeux après avoir cherché où et qui sont ces mystérieuses « forces ouvertes vers le progrès » qui se promèneraient encore en liberté dans les rues de Téhéran. Peut-être notre premier ministre pourrait-il se rendre à la prison d’Evin pour recueillir le témoignage de Madame Sotoudeh ? Ce serait assurément un excellent prétexte pour un voyage à Téhéran.

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HOMMAGE BÊTE ET MECHANT

On dirait qu’ils s’y sont tous mis en ce début d’année pour rendre hommage aux dessinateurs assassinés de « Charlie-Hebdo ». La fiesta est universelle. Jugez plutôt. La Corée du Nord donne des leçons à Bruxelles en organisant un super feu d’artifices à faire pâlir d’envie Chinois et Japonais. En Arabie saoudite, la fête des rois se célèbre en vidant les prisons devant des pelotons d’exécution. Cherchez la fève ! En Iran, en jetant dans le feu tout ce qui ressemble de près ou de loin à un Wahabite. Chef d’états occidentaux cherchent dans la région islamistes modérés. Prière de s’adresser à la rédaction de « Charlie-Hebdo »…

Un peu plus loin, les Syriens s’enfuient de leur terre ravagée par leur président dément et ses fous furieux d’adversaires pour se réfugier à Molenbeek en bateau pendant que les Molenbeekois s’enfuient de Belgique, fuyant les menaces d’explosion du pays annoncées par une ministre flamande délirante, pour se réfugier en Syrie et en armoire. De l’autre côté de l’Atlantique, des fous de la gâchette terrorisent les Etats-Unis alors que les représentants des survivants au Congrès proclament qu’il faut protéger le sacré port d’armes. Président cherche sénateurs sains d’esprit. S’adresser à…

Vous imaginez comme Cabu, Charb ou Honorez auraient mouillé leurs feutres pour croquer pareils sujets ! Ils ne sauraient pas où donner du crayon…

Ajoutez-y le procès intenté par le grand mamamouchi turc, Recep Erdogan, le plus modéré  des Islamistes, à l’imam, tout aussi moderato cantabile, Fethullah Gülen. Population locale cherche Kemal Atatürk désespérément…

Comme toujours, il ne faut pas aller très loin pour alimenter les humoristes. Un petit pays d’Europe suffit à lui tout seul à remplir le quota quand le reste du monde s’assoupit. En Belgique, on n’a que l’embarras du choix. Au hasard, pour se mettre en train, il suffit d’essayer d’expliquer comment se déroule chez nous une grève du rail. De suivre sur une carte le parcours d’un train en grève autour de Bruxelles alors que les voies passent tous les quelques kilomètres la frontière linguistique, d’une région à l’autre. On tentera de raconter dans la foulée comment les syndicats qui sont face au gouvernement le plus à droite depuis cinquante ans réussissent à se faire eux-mêmes imploser. La maladie du kamikaze, décidément, est gravement contagieuse même loin des mosquées. On épinglera aussi cette « bonne idée » d’un ministre N-VA qui veut donner des cours aux réfugiés pour leur apprendre à respecter les femmes de chez nous. Et quid des Belges pur-jus-pur-souche ? Sont-ils donc tous féministes, galants et délicats ? Pour avoir une réponse objective et illustrée consultez votre collection de journaux bêtes et méchants…

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CHERE ZAHRA RAHNAVARD

   En France, un certain nombre de fous furieux, heureusement minoritaires mais un peu bruyants, prétendent que la santé de leurs chères petites têtes bouclées serait en danger si leurs profs leur racontaient qu’hommes et femmes, c’est pareil. Et le zizi, alors ?

Faudrait peut-être envoyer ces gaillards, qui se vantent de vivre dans la patrie des droits de l’homme, en voyage en Iran. Ces jours-ci, à l’occasion de l’anniversaire des trente-cinq ans de la révolution islamique, il doit y avoir des prix promotion. Mais, si elles les accompagnent, qu’ils n’oublient pas de couvrir leurs épouses de la tête aux pieds et de leur recommander de la fermer.

Chère Zahra, vous qui avez osé vous exprimer haut et fort à Téhéran, vous voilà enfermée et interdite de parole. Alors que vous aviez lutté contre la tyrannie du shah. Et accueilli avec soulagement un régime nouveau qui prétendait apporter enfin liberté et valeurs à un peuple opprimé pendant des dizaines d’années, sinon de siècles. Or, depuis trois ans, après avoir perdu une à une toutes vos fonctions, le droit d’exposer vos peintures, de publier vos livres, vous voilà confinée chez vous, avec interdiction de sortir, aussi muette et cloîtrée que jadis les femmes dans le harem.

Pourtant, chère Zahra, vous avez cru, et vous croyez toujours que le destin des femmes n’est pas inexorable même dans une république où la religion est au centre de l’espace public. Vous avez raison. Les artistes qui ont léché les bottes des tyrans sont tombés en poussières et leurs œuvres dispersées dans l’oubli. Le combat des vrais artistes qui ont défié les interdits stupides a sauvé l’âme de leurs peuples.

Il est tellement plus facile de crier que d’agir. Vous, chère Zahra, vous n’avez pas seulement écrit, sculpté, peint. Vous avez osé mettre la main à la pâte, à la direction de l’université Alzahra – première femme à accéder à pareille fonction-, travailler avec le président Khatami. Pire, vous avez aussi activement participé que Michèle Obama à la campagne de votre mari, M. Moussavi, pour la présidence de la république. Vous avez publiquement critiqué le système. Exigé devant la foule le droit des femmes. Mais les dés étaient pipés. Et vous voilà coincée là où les dirigeants actuels de l’Iran rêvent d’enfermer toutes les femmes.

Chère Zahra, vous est seule chez vous mais vous n’êtes pas seule. Au-delà des murs de votre maison, les femmes iraniennes portent vos espoirs, votre combat. Au-delà des murs de votre pays, les femmes du monde entier partagent votre vision.

Vous qui avez écrit un livre intitulé « La beauté de la dissimulation et la dissimulation de la beauté », vous ne pouvez que triompher…

Zahra Rahnavard est soutenue par Amnesty qui en a fait son invitée (absente et pour cause) à la Foire du Livre de Bruxelles.

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LE PRESIDENT PERSE

… Et personne pour plaindre le président Mahmoud Ahmadinejad ?
Adversaires politiques, étudiants, femmes, tous, se prétendant victimes de son élection, crient et défilent. Et lui, alors ? N’est-il pas la première, la seule victime de ce tsunami qui balaye Téhéran, ébranle son pouvoir, son autorité, sa réputation ? Faut reconnaître qu’il était un peu naïf ce pauvre Mahmoud. Pourquoi organiser des élections ? Son principal concurrent, Hussein Mussavi aurait pu lui souffler que ça n’apporte que des ennuis. Premier ministre pendant près de neuf ans sous la présidence du boss, Ali Khamenei (devenu depuis guide suprême), il sait mieux que tout le monde que la démocratie iranienne ne fonctionne que quand on ne s’en sert pas. C’est sans doute ce qui surprend le plus Ahmadinejad : dans le scénario, il était écrit : Mussavi se couche dès la première reprise. Une fois les urnes dépouillées (on veut dire : dépouillées des bulletins qui portent son nom), il reconnaît la victoire du président en place et crie : vive Mahmoud ! Au lieu de quoi, le traître proteste !
Décidément, tout part en eau de boudin. D’abord cette mauvaise querelle qu’on lui fait sur l’holocauste. Sur son ignorance des détails de la seconde guerre mondiale. Avec son diplôme en ingenerie des transports publics, il sait tout ou presque sur les trams. Qu’on l’interroge sur la STIB, soit. Mais comment pourrait-il savoir ce que les Allemands ont fait aux Juifs le siècle passé ?
Son autre dada, ce sont les femmes. Toutes des perverses, des impudentes qu’il faut mettre au pas car, comme le dit le prophète, quand le tchador, les souris dansent. Dans sa grande générosité, il leur a pourtant laissé le droit de vote (auquel s’était opposé sagement son héros, l’imam Khomeyni). Résultat, elles le narguent et réclament sa tête.
Et la bombe atomique ? Encore un reproche incompréhensible. Combien de fois doit-il jurer sur le Coran et tous les prophètes que l’énergie nucléaire iranienne ne servira qu’à faire tourner les carrousels et les machines à fabriquer la barbe à papa ? Rien d’autre. Mahmoud est le protecteur de la jeunesse. Mais personne ne le croit. On lui cherche des poux. On lui promet l’apocalypse. Pendant ce temps, Coréens, Israéliens, Indiens, Pakistanais peuvent jouer tranquilles avec leurs bombes. Même les Américains ne protestent que mollement. Preuve que tout est seulement prétexte pour le discréditer.
Seule solution, élargir sa majorité. Mais, avec les Ecolos, sa bombinette est à l’eau. Les socialistes alors ? Il a assez de problèmes comme ça sans José Happart, les amis de l’aéroport de Charleroi et les autres. Reste le MR. Mais mouvement réformateur, ça ne fait pas seulement peur en Wallonie. A Téhéran aussi.

Alain Berenboom
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