LE MANITOBA NE REPOND PLUS

  C’était il y a un peu plus de soixante ans. Parti de New York en direction de Liverpool, le SS Manitoba traversait paisiblement l’Atlantique quand soudain, tout signal est rompu avec le bateau. Radio, radar, le navire reste muet, introuvable. Le monde entier apprend avec stupeur que « Le Manitoba ne répond plus ».

C’est Jo, Zette et leur singe Jocko qui vont réussir à démasquer la bande de pirates qui a paralysé le navire. Leur chef est un savant fou, une espèce de docteur Frankenstein, qui a construit un robot auquel il espère donner la vie en lui transmutant le cerveau de Jo.

Qui a dit que les aventures imaginées par Hergé sont démodées dans notre monde contemporain ? Que l’aventure, le rêve et le mystère ont été remplacés par les mille yeux de Google, d’Internet et de Facebook ?

Depuis des mois, on dénonce la pieuvre NSA qui écoute toutes les conversations téléphoniques (« Allo ? La boucherie Sanzot ? Allo ? »), y compris celle de la chancelière allemande (« Nous afons les moyens de fous vaire parler ! ») Les redoutables espions US lisent nos mails, même en flamand de Termonde, observe ce que chacun fait à chaque instant. Il paraît –ou plutôt il semblait- que des satellites en orbite pouvaient observer sur la terre des pièces de la dimension d’un moteur d’avion.

La disparition du Boeing de la Malaysia Airlines MH 370, suivi en permanence par les contrôleurs aériens (et les services des puissances militaires du coin) et l’évaporation de ses 239 passagers indiqueraient-elles que nous ne sommes pas encore entrés dans l’ère de « 1984 », tel que le pressentait avec effroi George Orwell ?

Ainsi, tout ce qu’on nous racontait était du vent ? On ne serait pas pisté en permanence, écouté, observé, analysé par les milliers de machines qui ronronnent au fond des caves de la CIA et autres KGB et fils? Ne me dites pas qu’on serait… libre ? Pas libre, tout de même ?

Libres de disparaître aussi facilement que les passagers du vol MH 370 ou du « SS Manitoba » ? Aussi mystérieusement que Saint Exupéry et Amelia Earhart ? On aurait le droit de s’éloigner avec autant de grâce que les personnages à la fin d’un roman ? Que Charlot à la dernière image des « Temps modernes » ? De plonger dans l’oubli, morts ou vivants, à l’insu de tous, tel Arthur Gordon Pym dans le malstrom où l’entraîne Edgar Allan Poe ? Libre comme Tintin depuis la mort d’Hergé ?

A moins que tout ça ne soit une invention du savant fou, Vladimir Poutine ? Lui, qui aurait fait disparaître le vol MH 370 comme il a fait disparaître en quelques jours la Crimée – demain l’Ukraine, puis les pays baltes ? Vite ! Qu’on lui offre un cerveau humain pour remplacer les circuits électroniques qui le font avancer droit dans le mur…

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MOUVEMENT PERPETUEL

  Après madame Laurette O., voilà que monsieur Benoît Lutgen descend à son tour dans la rue aux côtés des chômeurs et du syndicat socialiste pour protester contre la loi inique qui va envoyer à la misère plusieurs dizaines de milliers de travailleurs en fin de droits. Laurette ! Benoit ! Avec nous ! Contre le traître Di Rupo !

Inutile de préciser que les deux personnalités en question ne sont que les malheureux homonymes l’une de la vice-premier ministre du gouvernement dirigé par le président du parti socialiste (en congé) et l’autre du président du parti des humanistes. C’est vraiment pas de chance de porter le même nom que ceux que l’on conspue…

L’usage convenu des campagnes électorales est d’annoncer des tas de réformes, de faire de jolies promesses pour que demain, la vie soit plus belle. Cette année, les trois partis francophones de la majorité ont tous dérogé à la règle. C’est toujours rafraichissant de faire du neuf. Sauf que cette fois, ils le font avec du vieux.

Au lieu de proposer des idées originales, de meilleures législations, l’amélioration des institutions, les candidats socialistes, libéraux et humanistes nous annoncent qu’une fois élus, ils vont supprimer les réformes qu’ils viennent de voter alors qu’ils étaient au gouvernement. A une élection, ils promettent une nouvelle loi ; l’élection suivante, ils s’engagent à l’effacer et ainsi de suite. On voit que c’est un scientifique qui est aux commandes du pays : il vient d’inventer le mouvement perpétuel.

Certes, faire et défaire, c’est toujours travailler, selon une vieille rengaine. Vu le nombre de chômeurs, l’idée ne manquera pas de séduire. Et tant qu’à défaire, pourquoi se contenter des erreurs et horreurs commises par la majorité sortante en matière sociale ? Il faut aller plus loin. Si l’on se met à supprimer les lois votées les yeux fermés, pourquoi ne pas se lancer dans un grand nettoyage de printemps ?

Tenez, à propos des réformes de l’état par exemple. Chaque fois qu’une majorité a eu la mauvaise idée d’en voter une, aux élections suivantes, celle qui lui succède (souvent la même) s’empresse d’en concocter une nouvelle. La sixième n’est pas encore déballée que certains de ceux qui l’ont adoptée songent déjà à une septième. En prétextant que cela fera tellement plaisir au nouveau partenaire qu’il faudra coltiner dans quelques semaines. En appliquant la règle du mouvement perpétuel, plutôt que de réformer la nouvelle réforme de l’état, on supprimera les six précédentes qui n’ont créé que le désordre.

Tant qu’à faire, on effacera aussi les autres législations qu’on a été si bête de voter au cours des années, le code des impôts, la TVA, le code de la route. Et on finira enfin par supprimer la plus bizarre de toutes, les élections.

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NOM DE NOM !

 Sur le point d’achever leur mandat, nos parlementaires ont choisi comme pétard ultime de nous laisser une loi qui chamboule les noms de famille. Est-ce une coïncidence que ce soit la même assemblée qui ait voté la réforme de l’état et celle des noms ? On a beau être parano, difficile de ne pas lier les deux, de ne pas soupçonner une arrière-pensée politique derrière tout ça.

Un exemple au hasard. Imaginons la naissance demain de l’enfant d’un monsieur Di Rupo et d’une mère Michel. N’est-il pas étrange que bébé, qui n’a pas droit à la parole, soit obligé de porter le nom de la prochaine coalition, en tout cas celle que ses deux parents appellent en secret de leurs vœux ?

Et, que se passera-t-il pour notre pauvre lardon si les électeurs n’en veulent pas ? Et qu’ils envoient au gouvernement disons un monsieur De Wever avec une dame Milquet ? Ont-ils songé aux conséquences psychologiques futures pour le gamin ? Au traumatisme causé à cet enfant bien né d’un couple avorté ? Méfions-nous des effets d’un tel choc. Une fois majeur, il risque de commettre des actes irresponsables : au choix et en vrac, devenir président de la république d’Anvers, bourgmestre de Bastogne, épouser Didier Bellens, gérer les services payants à bords des vols Ryan Air, se prendre pour Napoléon avant Waterloo. J’en passe et des plus terribles.

Certes, la nouvelle loi a aussi des avantages. Si le nom du père est difficile à porter, il peut s’effacer devant celui de maman. Encore faut-il que papa soit conscient de l’intérêt de son enfant. Prenons à nouveau un nom au hasard, Louis. Pour que le petit ne soit pas dans l’avenir confondu avec le pathétique illuminé qui a déshonoré l’assemblée sortante, son père devrait laisser sa progéniture porter le nom de son épouse. Mais, si elle s’appelle Modrikamen (si fière à l’époque que son Louistje soit député et si dépitée aujourd’hui), que doit-on conseiller?

Le projet de modification des noms date de 2005. Dans une chronique à l’époque, je pariais que cette magnifique idée ne résisterait pas à l’air du temps. Peu à peu, les jeunes, affublés de noms à rallonge de plus en plus inextricables demanderont à en changer. Ce qui poussera un politicien audacieux à sortir un nouveau gadget en suggérant le remplacement des noms par de simples numéros. Chaque citoyen belge s’appellera selon son numéro d’inscription au registre national. A l’ONEM s’il est chômeur. S’il est en prison, il portera son numéro de détenu qui figure sur sa photo anthropométrique. Ce sera tellement plus facile pour les fonctionnaires et les flics.

Alors, des chiffres ou des lettres ? Faites vos jeux !

 

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UKRAINE DE VIOLENCE

 On voit vaguement où se situe l’Ukraine, quelque part entre Russie et mer Noire mais que sait-on de plus ? J’ai longtemps cru que l’Ukraine était une province russe comme le Hainaut un morceau de la Wallonie. La scène la plus célèbre du cinéma n’est-elle pas celle où l’on suit avec horreur une voiture d’enfant dévaler les immenses escaliers qui surplombent le port d’Odessa ? C’était dans le très russe Cuirassé Potemkine d’Eisenstein. A l’éclatement de l’URSS, j’ai donc été un peu surpris que naisse une république indépendante dont je croyais qu’une fois la fête finie, elle finirait par rejoindre son ancienne mère-patrie.

Est-ce rassurant ? Vladimir Poutine n’a pas l’air mieux informé que moi. Lui aussi est persuadé que l’Ukraine est un membre un peu turbulent de sa famille et qu’un peu d’argent fera revenir l’adolescent turbulent à la datcha. Sans doute n’a-t-il pas l’occasion de lire les rapports de ses services, scotché à son écran plat. Il faudrait lui conseiller de décoller quelques heures de Sotchi, le temps de faire un tour à la Foire du Livre de Bruxelles, histoire de se réhabituer à lire, cette excellente drogue, recommandée à tous.

Justement, c’est un écrivain qui m’a ouvert les yeux sur l’Ukraine. Invité il y a quelque temps dans la jolie librairie Tropismes, Andréï Kourkov expliqua avec la même simplicité et la même ironie décapante que dans ses romans le sentiment de profonde amertume des Ukrainiens à l’égard des Russes qui n’ont cessé de les envahir depuis des siècles et de les punir à chacune de leurs velléités d’indépendance. Après l’interminable décompte des morts dans les affrontements avec les Russes (mais aussi avec les Polonais et les Lituaniens qui ne se sont pas privés non plus d’arracher des morceaux de l’Ukraine), on ne lit plus avec la même innocence « Le Pingouin », le meilleur livre de Kourkov, qui raconte sur un ton faussement candide l’histoire d’un homme chargé d’écrire des nécrologies…

Vous commencez à mordre aux histoires très tordues de l’Ukraine ? Alors, enchaînez avec « Compagnons de route » de Friedrich Gorenstein (qui fut aussi scénariste de Tarkovski avant d’être obligé de s’exiler en Allemagne à la fin des années septante). Dans ce récit tragico-comique, il raconte la rencontre une nuit dans le compartiment du train Kiev-Moscou entre un écrivain soviétique bien installé (et pas seulement dans le wagon-couchette) et d’un Ukrainien (« Moi, je suis Ukrainien, dit un de ses voisins, mais mon nez, lui est juif ») qui raconte aussi l’autre versant sombre de l’Ukraine, l’antisémitisme virulent d’une partie de sa population, dont on saisit qu’il est pour l’auteur le seul point commun avec les voisins russes, polonais et lituaniens. « Nous y laissons le meilleur de nous-mêmes » dit un des personnages.

Amis ukrainiens, bienvenue en Europe !

 

 

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CHERE ZAHRA RAHNAVARD

   En France, un certain nombre de fous furieux, heureusement minoritaires mais un peu bruyants, prétendent que la santé de leurs chères petites têtes bouclées serait en danger si leurs profs leur racontaient qu’hommes et femmes, c’est pareil. Et le zizi, alors ?

Faudrait peut-être envoyer ces gaillards, qui se vantent de vivre dans la patrie des droits de l’homme, en voyage en Iran. Ces jours-ci, à l’occasion de l’anniversaire des trente-cinq ans de la révolution islamique, il doit y avoir des prix promotion. Mais, si elles les accompagnent, qu’ils n’oublient pas de couvrir leurs épouses de la tête aux pieds et de leur recommander de la fermer.

Chère Zahra, vous qui avez osé vous exprimer haut et fort à Téhéran, vous voilà enfermée et interdite de parole. Alors que vous aviez lutté contre la tyrannie du shah. Et accueilli avec soulagement un régime nouveau qui prétendait apporter enfin liberté et valeurs à un peuple opprimé pendant des dizaines d’années, sinon de siècles. Or, depuis trois ans, après avoir perdu une à une toutes vos fonctions, le droit d’exposer vos peintures, de publier vos livres, vous voilà confinée chez vous, avec interdiction de sortir, aussi muette et cloîtrée que jadis les femmes dans le harem.

Pourtant, chère Zahra, vous avez cru, et vous croyez toujours que le destin des femmes n’est pas inexorable même dans une république où la religion est au centre de l’espace public. Vous avez raison. Les artistes qui ont léché les bottes des tyrans sont tombés en poussières et leurs œuvres dispersées dans l’oubli. Le combat des vrais artistes qui ont défié les interdits stupides a sauvé l’âme de leurs peuples.

Il est tellement plus facile de crier que d’agir. Vous, chère Zahra, vous n’avez pas seulement écrit, sculpté, peint. Vous avez osé mettre la main à la pâte, à la direction de l’université Alzahra – première femme à accéder à pareille fonction-, travailler avec le président Khatami. Pire, vous avez aussi activement participé que Michèle Obama à la campagne de votre mari, M. Moussavi, pour la présidence de la république. Vous avez publiquement critiqué le système. Exigé devant la foule le droit des femmes. Mais les dés étaient pipés. Et vous voilà coincée là où les dirigeants actuels de l’Iran rêvent d’enfermer toutes les femmes.

Chère Zahra, vous est seule chez vous mais vous n’êtes pas seule. Au-delà des murs de votre maison, les femmes iraniennes portent vos espoirs, votre combat. Au-delà des murs de votre pays, les femmes du monde entier partagent votre vision.

Vous qui avez écrit un livre intitulé « La beauté de la dissimulation et la dissimulation de la beauté », vous ne pouvez que triompher…

Zahra Rahnavard est soutenue par Amnesty qui en a fait son invitée (absente et pour cause) à la Foire du Livre de Bruxelles.

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FEVRIER OPTIMISTE

Rencontres avec Alain BERENBOOM autour de Monsieur Optimiste
en FEVRIER

mardi 18 février à 12h30 au Musée Juif de Bruxelles, rue des Minimes

à la Foire du Livre

dédicaces au stand Filigranes le vendredi 21 février à 17h.

suivie d’une interview au stand de la Communauté française à 18h.

et d’une séance de dédicace au stand Interforum de 19h à 20h.

le samedi de 15 à 17h. dédicaces au stand Interforum
puis de 17 à 18h. au stand FNAC.

TOUT JEU, TOUT FLAMME

  Si on me demande de but en blanc de quelles olympiades je me souviens, je me trouve un peu désemparé. Spontanément, je citerais Munich (et l’assassinat d’athlètes israéliens par des terroristes palestiniens), Atlanta (et l’attentat à la bombe commis par un religieux extrémiste pendant que défilait en boucle l’air officiel des jeux, Imagine de John Lennon) ou Mexico (marqué par la répression sanglante des manifestations estudiantines puis par le poing levé contre la ségrégation raciale, le geste spectaculaire et courageux de Tommie Smith et de John Carlos pendant que retentissait l’hymne américain). Et, oublions Nuremberg.

Je me rappellerais aussi d’Athènes dont l’organisation des jeux a définitivement plombé ce qui restait de pièces d’or dans le coffre au trésor grec, passées on n’a jamais su dans quels poches. On le voit, rien dans l’histoire des Jeux n’est comparable avec ceux de Sotchi.

Car les Jeux à Poutine sont des jeux d’hiver. Pas de ces jeux d’été qui brûlent le cerveau des égarés. Les jeux d’hiver n’ont jamais fait de mal à une mouche (et pour cause, vu le froid).

Après quelques essais en Suède et à Londres, le comité olympique a décidé d’organiser officiellement les compétitions d’hiver à Berlin… en 1916. Vu les problèmes de transport (les taxis refusaient de rouler au-delà de la Marne), ils ont été déplacés à Verdun mais, devant le nombre de spectateurs décédés, on ne sait plus très bien s’il faut parler de vainqueurs, mis à part le soldat inconnu.

Vingt ans plus tard, rebelote cette fois à Garmisch-Partenkirchen en Bavière en présence du chancelier Hitler. Le président du CIO (un Belge, le comte de Baillet-Latour) prit alors une décision courageuse : il demanda de voiler tous les panneaux qui indiquaient « Chiens et Juifs non autorisés », sauvant ainsi les épreuves de luges tirées et permettant la présence des magnifiques chiens eskimos. Avec un flair remarquable, le CIO (toujours brillamment présidé par notre compatriote) avait ensuite décidé d’attribuer les Jeux d’hiver au Japon en 1940 et les suivants à l’Italie fasciste !

En 1984, c’est – à la surprise générale- Sarajevo qui est choisie. Résultat. Les magnifiques et surtout très solides installations construites pour l’occasion sur les hauteurs de la ville ont permis aux snippers serbes de terroriser la ville pendant tout le conflit de Bosnie-Herzégovine.

Vous avez raison. Décidément, rien de tous cela n’a à voir avec Sotchi.

PS : l’Italie vient de décider que chaque contribuable peut déduire de ses revenus 19 % de ses achats de livres alors que, dans d’autre pays, on rogne les budgets culturels et où on prétend ne pas avoir les moyens d’une politique du livre pendant qu’éditeurs et libraires disparaissent. Allez, madame Laanan ! A vous aussi, la mode italienne irait très bien !

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LE CASSE DU SIECLE

  J’ai trop souvent accueilli par un haussement d’épaule les grognons chroniques qui dénoncent l’augmentation de l’insécurité et la multiplication des bandes d’ados qui sèmeraient la terreur au cœur de nos villes. En relisant les écrivains et feuilletonistes français du dix-neuvième siècle ou du début du vingtième, on s’aperçoit que la vie à Paris était alors autrement plus dangereuse qu’à Bruxelles ou à Charleroi aujourd’hui.

Or, voilà qu’un grave fait de cet hiver ébranle mes condescendantes certitudes.

Bravant les systèmes de sécurité sophistiqués, le code pénal, les règles de morale et les principes élémentaires de notre civilisation, de redoutables monte-en-l’air se sont subrepticement introduits il y a quelques jours dans le très respecté Jardin Botanique de Londres, se sont dirigés d’un pas sûr vers la serre Prince de Galles (inviolée depuis le départ de la regrettée Lady Diana) avant de se précipiter sur l’objet de l’effraction : un mini-nénuphar dont la mignonne et innocente petite fleur jaune, toute menue, se mit à sourire, en les voyant approcher, tel un nouveau-né qui vient de téter sa mère.

D’un mouvement adroit, l’un des malandrins s’empara de la plante et de ses racines (un jardinier professionnel, c’est évident) tandis que l’autre ouvrait la boîte métallique spécialement équipée (chauffage et aération) pour l’opération pendant que leur complice, posté à la porte de la serre, juste sous un buste du prince Charles, l’air boudeur, grognait entre ses dents « Hurry up, guys ! Hurry up! » (il parlait anglais pour passer inaperçu).

Au moment où le petit nénuphar comprit ce qui était en train de se passer, il voulut pousser un cri mais, trop tard, déjà le couvercle se refermait sur sa mignonne petite frimousse.
D’ailleurs, en quelle langue aurait-il protesté ? Et qui l’aurait compris alors qu’il ne s’exprimait qu’en kinyarwanda ?

Car, ce que les cambrioleurs venaient de dérober, c’était la plante la plus précieuse, la plus extraordinaire du Jardin Botanique de Londres (et même du monde), le seul des deux exemplaires connus du nénuphar nain du Rwanda.

L’attaque du train postal Glasgow-Londres, le cambriolage de la Générale à Nice, du pipeau ! Beaucoup de fric mais rien d’autre. Tandis que le vol du nénuphar nain, c’est autre chose. Un des derniers morceaux de notre civilisation en train de disparaître. Le kidnappeur à la main verte est devenu l’un des plus audacieux aigrefin de l’histoire bien lourde du crime contre l’humanité.

Alors, pardonnez-moi, à celui qui maudira devant moi le car jacking de sa Porsche Cayenne ou le remplissage des urnes lors de l’élection primaire pour la désignation du président de son parti, je répondrai : Taisez-vous en songeant au sort du nénuphar-nain du Rwanda !

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EMBRASSONS-NOUS, FOLLEVILLE !

La galette des rois à peine avalée, voilà déjà la Saint Valentin. La crise est finie, les amis ! Wouter et Charles se sont embrassés sur la bouche et en public. Charles et Wouter, mon Dieu, qu’ils sont mignons ! A croquer, comme murmure mon pâtissier qui se frotte les mains, en glissant dans son four une série de gâteaux en forme de cœur, les yeux tournés vers les tourtereaux-modèles. A la Saint Valentin, jadis, on s’offrait un dessin de Peynet. Cette année, on s’arrachera la photo de Charles et Wouter.

A-t-on assez parlé du divorce belge, usé jusqu’à la corde l’image des vieux époux qui se séparent et laissé Bart dépecer notre pauvre pays ? Retournement complet ! Se présentant sous le signe de la jeunesse, Wouter et Charles nous font le coup des fiançailles surprise. En chantant (refrain 🙂 Je viens du Nord et toi du Sud mais on s’aime ! On sème surtout de belles promesses en espérant récolter en mai prochain.

A Hollywood, ce genre de merveilleux rebondissement donne lieu à des scènes sentimentales où coulent abondamment les larmes de bonheur de toute la famille. Il y a même le frère maudit qui revient pour l’occasion et retombe, en pleurant, dans les bras de ceux qu’il a quittés.

Mais la vraie vie ne ressemble pas à celle des films américains. Avec le couple Wouter-Charles, on est plutôt dans le cinéma des frères Dardenne que dans une comédie familiale.

A voir la tête que tire oncle Elio, on sent déjà que si les jeunes gens comptaient sur son héritage, c’est tintin ! Tonton Elio préférerait brûler ses billets dans la cheminée du cousin ostendais Johan que d’en laisser un seul au jeune duo.

En apprenant la nouvelle, beau-frère Didier a lui aussi eu l’air d’avoir mordu dans une pomme plus pourrie que d’habitude. Lui qui rêvait en secret d’être le premier à annoncer qu’il filait le parfait amour avec un gars du nord (il avait même posté son profil sur un réseau social d’Anvers), voilà que ce jeune blanc-bec lui a brûlé la politesse.

Ce n’est pas chez sa sœur Joëlle que Wouter peut espérer faire la fête. Ohlala ! Qu’est-ce qu’il a pris comme rammeling quand elle a découvert le cliché dans Le Soir samedi passé! Il en a encore les joues couleur prune ! C’est qu’elle est possessive, sœur Joëlle ! Pas question qu’il regarde un autre qu’elle sans son autorisation expresse, formelle et écrite. Une vraie mama sicilienne.

Si Charles de son côté pensait trouver un réconfort du côté de la branche flamande de la famille, c’est rapé ! Tata Maggie n’est pas aussi pétroleuse que Joëlle mais, avec elle, la vengeance est un plat qui se mange froid, ce qui n’est pas terrible pour un repas de fiançailles.

Bref, contrairement à ce qu’on prétend à nos amis français, le mariage pour tous n’est pas encore tout à fait entré dans les mœurs chez nous…

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LA POSITION DU PRESIDENT MOU

Mou, lui ?

Qui n’hésite pas à parcourir les rues de Paris en Vespa tel Gregory Peck dévalait jadis les escaliers de la place d’Espagne, Audrey Hepburn en croupe, dans « Vacances romaines ».

Mou, lui ?

Qui se promène la nuit avec un casque emprunté sans doute à l’un de ces CRS qui matraquait naguère ses camarades pendant les manifs.

Mou, lui ?

Qui promet de rendre aux riches d’une main 100 % des 75% qu’il leur a pris dans la poche de l’autre.

Mou, lui ?

Qui annonçait quinze jours auparavant comme cadeau de nouvel an la diminution des impôts et qui s’offusque maintenant qu’on ait pu le prendre au mot. Faut-il que la connaissance de la langue française se soit vraiment dégradée pour que les journalistes en soient à confondre vœu et promesse ?

Mou, lui ?

Qui exige des entreprises qu’elles embauchent en masse les seniors, débarrassant ainsi les hôpitaux de tous ces patients coûteux pour faire place aux fiancées délaissées.

Mou, lui ?

Qui pique en quelques heures l’essentiel du programme de la droite et s’engage solennellement à réaliser d’ici les prochaines élections présidentielles tout ce pourquoi Sarkozy a été battu aux précédentes.

Mou, lui ?

Qui n’hésite pas à donner à la chancelière allemande une belle leçon de politique: pour pratiquer une politique de droite, pas besoin de s’encombrer d’un gouvernement de droite. Pourquoi madame Merkel tient-elle à s’entourer inutilement de ministres chrétiens-démocrates alors que, pour appliquer son programme, une équipe socialiste homogène fait parfaitement l’affaire ? Avec l’avantage qu’un socialiste a beaucoup plus de respect de l’autorité et du chef qu’un type de droite et, surtout, qu’il ne risque pas de lui piquer sa place à la tête de son parti (quoique..).

Mou, lui ?

Qui s’inspire d’un autre modèle allemand qui a fait ses preuves, celui de Gerhard Schröder, devenu, après avoir été battu aux élections, l’un des principaux collaborateurs et laudateurs de Vladimir Poutine, moyennant une dotation garantie par deux de ses groupes énergétiques les plus cossus.

Mou, lui ?

Qui croyait fréquenter sans danger l’interprète d’un film intitulé « Sans laisser de traces » mais qui découvre ensuite que le titre l’a bêtement abusé. Au lieu de se laisser abattre, il a montré un vrai talent de chef en faisant face à la tempête. Poussant son amie à jouer dans « Quai d’Orsay », message subliminal qui lui indique son intention de l’envoyer le plus loin possible sur la planète le jour où Valérie reviendra à la maison.

Mou, moi ?

Qu’on accuse d’être raide dans mes fonctions publiques et dont on s’étonne que je le sois aussi dans ma vie personnelle ?

Non, attendez ! Ca, c’est ma vie privée, effacez, svp !

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